vendredi 29 avril 2011

Tomboy*

Les larmes ont coulé, vous disais-je, réduisant à néant mon apparent stoïcisme. A force d'encaisser des micro-événements en me répétant que je suis forte, je suis forte, je suis forte (les mantras, rien de tel. Et j'expérimente ainsi ma reconversion en gourou), j'ai fini par flancher. Logique, personne n'est infaillible, surtout pas moi, et mon coeur, qui n'a jamais été de pierre, a subi quelques remous ces derniers temps.

Ce qu'il en ressort ne fait hélas que confirmer certains aspects de ma personnalité. Je suis une midinette, cachée dans un corps de garçon manqué (quoique, mon corps n'a rien d'androgyne). Une nana qui sait aussi bien manier la séduction qu'une perceuse, en gros, et quand on sait à quel point je suis une quiche en bricolage, ça vous situe le niveau.

Nul.

Je n'ai jamais cherché ce rapport de séduction, je crois. Les jeux de garçon me plaisaient plus, enfant (d'ailleurs, je vous en avais déjà parlé ici) et je ne faisais aucune distinction entre filles et garçons, dans la cour d'école. Même si, quand même, j'avais un amoureux. Marcel, qu'il s'appelait. Je voulais vous scanner la photo car, grosse classe, le cliché avait été publié dans le journal municipal de Tremblay-les Gonesse - oui, j'étais déjà une star, ah ah - mais le rendu est ridicule. Imaginez juste un blondinet à capuche et, à côté, une petite fille, aux grosses joues, mains sur les hanches, air résolu et visiblement pas commode... Ahem.

Je devais avoir 4 ou 5 ans lorsque j'ai supplié mon père de m'acheter deux camions, quand toutes les filles de mon âge ne juraient que par les poupées. Mon pauvre padre s'en souvient encore, lui qui, tellement énervé par ma comédie, avait plié sa voiture contre un arbre, sur le parking du supermarché, pendant que j'avais triomphalement à la main mes camions (j'étais une peste, je crois bien). Je passais mes week-end au basket, entourée de mes copains et copines du club, et le shopping consistait souvent pour moi à fureter dans les rayons de magasins de sport.

Avec le temps, quelques apprentissages douloureux et d'autres rencontres plus exaltantes, j'ai découvert que j'étais une fille. Mais à vrai dire, c'était comme approcher un monde parallèle, sans vraiment pouvoir y appartenir. Les histoires d'A. toutes plus ubuesques les unes que les autres qui ont suivi m'ont conforté dans l'idée que je ne me sentais pas vraiment femme avec un grand F, seulement une fille en transit dans un monde parfois romantique, souvent catastrophique.

Après mon coup de foudre new-yorkais et la période de désenchantement qui a suivi, j'ai ressenti plus fort que jamais ce sentiment d'être asexuée. D'ailleurs, le sort s'en est mêlé. Je me suis fracturé le poignet, l'été qui a suivi, restant deux mois avec un énorme plâtre du bout des doigts à l'épaule. Outre une autonomie limitée me contraignant à retourner vivre provisoirement chez mes parents (hum, à 25 ans, oui), j'ai vécu ce sentiment d'être juste la fille de pôpa-môman, une personne dont le monde sentimental ressemblerait un peu au désert de Gobi (en moins beau, sans doute).

Oh, pourtant, des hommes, il y en a eu, des gentils, des pervers, des intelligents, des tordus, des physiquement intelligents, des lourdingues, des mystères, des regrets... Mais au final, j'avais toujours l'impression que ce pouvoir de séduction qu'ils étaient capables de produire sur moi, j'étais moi-même incapable de le reproduire ensuite. J'étais du genre à regarder derrière moi lorsqu'un garçon me fixait, vous voyez le genre. Toujours cette impression d'imposture.

Je m'en suis accommodée, je crois. Les garçons, finalement, ça peut être utile, sympa et divertissant. Moins pleureuses et chieuses que les filles, moins prise de tête, plus cash ; oui, je suis devenue la copine des garçons. Dans mon entourage, j'en ai pas mal, avec qui je ne nourris aucune ambiguïté et je crois sincèrement à l'amitié hommes-femmes (même si je conviens aisément que le syndrome "Harry & Sally" peut parfois s'installer), parce que les rapports sont finalement simples, du moment qu'on y mette son authenticité et sa spontanéité.

Bon, je ne me gratte pas les parties ni ne bois de bière, mais enfin, on n'est pas non plus obligé de prôner la caricature, hein.

Revers de la médaille, les garçons me considèrent aussi comme un pote. Et, bien que j'adore ces amitiés masculines, je vous avoue que je trouve la chose un rien vexante, parfois. Comme si, une nouvelle fois, j'étais asexuée. Je l'ai vécu à mes dépens, encore une fois, tout récemment, et je m'interroge: dois-je utiliser des artifices pour rappeler à la gente masculine que je suis bel et bien une fille? Ah, on me signale qu'il s'agit là de la méthode utilisée depuis des siècles par les représentantes du sexe faible. Mais c'est fatigant, non? Je veux dire, on ne peut pas juste être soi et séduire ainsi?

Ah, si, ça existe. Ça s'appelle l'amour. L'amour de soi, d'abord, ça peut aider. Je vais prendre un trangsène et je reviens.

* A moins de vivre dans une caverne ou de vous être transformé en stalagmite en tentant la baignade dans l'Atlantique (en avril, ne te découvre pas... même pas peur, j'ai osé. L'Océan à 15° - je suis généreuse, je crois - rien de tel pour raffermir les tissus) (fin de la parenthèse, savoir synthétiser, exprimer des propos clairs... ) Bref, disais-je, à moins de vivre calfeutré en attendant que Fukushima nous achève, vous avez forcément entendu parler de Tomboy, ce joli film de Céline Sciamma et dont je suis ressortie assez enthousiaste de la salle. Avant que la vie, cette saleté qui s'amuse à nous faire tourner en bourrique avec son ironie à trois balles, se charge de me rappeler quelques heures plus tard à quel point je suis imprégnée de ce syndrome Garçon manqué.

jeudi 28 avril 2011

Quand les verrous sautent

Hasard de l'horaire, j'ai croisé en tout début d'après-midi un cortège de personnes, jeunes pour la plupart, tout de noir vêtues, marchant d'un pas régulier jusqu'à une église. L'Église de Saint-Félix, où les Nantais allaient se recueillir sur les tombes de la famille Dupont de Ligonnès. Il n'était évidemment pas question que je m'y joigne, mais j'ai senti comme une chape de plomb, soudainement, comme si la réalité dépassait les pires cauchemars. De mon côté, j'avais de bien plus légères intentions, faire un truc que je n'osais plus trop faire depuis un moment: un p'tit ciné en plein après-midi, à l'heure où les gens, ces bienheureux, bossent.

A ma décharge, j'avais écumé toutes mes tâches jusque tard la veille au soir et je tenais vraiment à voir ce film, "Tous les soleils", avec Stefano Accorsi, toujours charmant. J'y allais sans a priori et j'ignorais en voyant ces visages marqués sur le trottoir, près de Saint-Félix, que les larmes couleraient aussi sur mes joues quelques heures plus tard.

Évidemment, on est d'accord, la terrible détresse et le chagrin mêlé d'horreur et d'incompréhension de cette famille, de ces amis, de ces connaissances, de ces curieux, aussi, peut-être, n'a absolument rien à voir avec la tristesse que j'ai ressentie, de mon côté, au simple visionnage d'un film. Mais pourquoi devrais-je taire cette émotion qui a surgi, brusquement? Par dignité, par décence? Le fait est que ce film a résonné en moi, très fort, qu'il a bousculé deux trois verrous que j'avais pris la peine de bien poser, pour faire comme si. Comme si je ne me souciais de rien, comme si je me laissais vivre, comme si je cédais à l'attrait de mes rêves en oubliant la dure réalité. Il a bouleversé ces remparts, cette carapace et laissé apparaître cette mélancolie qui jamais, je crois, ne me quitte vraiment.

Le film traite de la solitude d'un homme, veuf depuis quinze ans, qui n'a jamais cherché à "refaire sa vie" (quelle expression horrible). Un homme qui s'est accommodé de cette drôle de compagne, qui n'est, au fond, sans doute ni heureux, ni malheureux, comme anesthésié. Vivre pour lui, il a un peu oublié, il y a sa fille, son frère anarchiste, ses cours à la fac et au chant... Sa vie est remplie, finalement, et il s'en contente aisément.

La solitude est une fidèle compagne, qui ne vous trahit que lorsque vous la mettez un peu de côté, le temps d'une furtive rencontre, d'un moment un peu hors du temps, d'un événement impromptu, toutes ces choses qui rendent la solitude, cette vie à tracer seul, soudain intolérable. Comme après un très long sommeil, on se réveille la bouche un peu pâteuse, l'esprit un peu engourdi avec l'envie de croquer dans la pomme, alors que la vie indépendante et plus ou moins organisée que nous menions nous convenait encore la veille. Comme une prise de conscience, un électrochoc. Laisser les morts et les résidus de souvenirs derrière nous... Construire, ériger de nouvelles voies.

Avancer.

J'aurais dû sortir le coeur léger de la séance. Après tout, le portrait du frère rital, auto-déclaré apatride depuis que Berlusconi a pris le pouvoir en Italie, l'attentat d'une postière sous influence, la flamme d'une chef d'établissement et surtout la lumière qui se dégage du film et de l'ultime scène prêtent au sourire. C'est pourtant là que j'ai fondu en larmes. Parce que j'ai compris qu'à mon échelle, j'avais trop rêvé ma vie ces derniers temps, envisagé trop de scénarios souriants avec l'idée que ma bonne volonté suffirait à soulever des montagnes. Des petits bouts de coeur qui s'émiettent un peu partout, un travail trop réduit et voilà que remontent en force ces foutues angoisses, cette peur du lendemain et l'idée, insupportable, que je n'ai pas toutes les cartes en main pour décider de mon destin. Perte de contrôle, oui, illustrée par cette salve de larmes inattendue.

Il fallait que ça sorte, j'imagine. D'ailleurs, une fois les larmes séchées, mes émotions étaient bien rangées dans leurs tiroirs, ce soir. Elles avaient juste besoin de prendre l'air, un peu, histoire de montrer qu'on ne peut pas les anesthésier de façon permanente à coup de méthode Coué. Ni imaginer qu'à la seule grâce de la volonté, la magie va repeindre le quotidien du sol au plafond, d''un seul coup de baguette.

L'huile de coude et l'envie d'en découdre me semblent plus adaptées, à bien y réfléchir.

jeudi 21 avril 2011

Tourner dans un carré

J'ai horreur de l'indécision. Oh, ça va, vous savez comme je peux me montrer indécise, mais c'est rapport au fait que je déteste les principes et donc, je ne peux par principe refuser d'être indécise (quoi, c'est pas clair?). Pour autant, disais-je, je déteste être indécise.

Le premier qui dit que je me déteste, je le défenestre.

Même si, globalement, il a un peu raison, à bien y réfléchir.

Si je saute du deuxième je me fais mal?

Ouais, mais si je meurs, je vais louper plein d'épisodes (et pas que de Dexter), et pis je suis chargée de famille, je peux pas tout laisser en vrac, comme ça.

D'façon, je déteste le suicide, ça pue, et même par principe, je n'irai pas contre mes principes, ça, non, aucune chance.

A ce stade du post, il me semble relativement primordial de préciser que je n'ai rien bu, ni gobé, d'illicite, il est 9h25, quand même, faudrait voir à rester réaliste. No drug, no alcohol. Aucune excuse, donc.

Le truc, c'est que ça tourne pas rond.

Ça tourne pas rond car je tourne en rond. Comme un hamster dans sa cage, je suis dans ma roue, là, je me débats mais toute cette énergie, pff, elle est même pas bonne à recycler. Je réalise que j'aime ma vie quand elle part en live, justement, dans une sorte d'anarchie que je prends soin, ensuite, de contrôler. J'ai besoin, vraiment, de me coucher quand je suis HS, comme une zombie. Alors, le coup d'aller se coucher le soir juste parce qu'il est l'heure de dormir, ou de regarder un film juste pour occuper ma soirée, bien peinard dans mon canapé, tous ces trucs si classiques dont j'ai pourtant rêvé il y a encore peu... Ben, j'ai du mal.

Je suis (de plus en plus) pathétique. C'est à cause de l'inactivité. Je me préfère en Wonder woman, finalement, à courir partout, à jongler entre les mots et les moules. A me chercher, à creuser le sens de tout ça, entre deux, consciente d'être sur un fil. Alors que, actuellement, tout est bouclé. Je peux prendre mon temps, écouter les oiseaux depuis mon balcon, aller courir quand bon me semble, limite me faire un ciné (enfin, je suis chargée de famille, je vous rappelle, donc j'oublie cette idée et je la sors derechef de ma tête, je vais me faire mal sinon).

Oui, de quoi je me plains, tout le monde rêve d'une pause.

C'est un concept intéressant, aussi appelé "vacances".

Mais quand on ne les choisit pas, ces temps de vacances, ben, bof. Je subis, j'ai horreur de ça. Et là, je n'ai rien choisi, plus de missions, Poney qui reporte un rendez-vous, je me sens toute vide, je prends conscience que je ne sers pas à grand-chose (et accessoirement que les sous ne vont pas tomber par magie, léger détail purement matériel).

Alors quoi? Ah oui, se bouger la nouille. Oui, oui. Allez, on ressort les belles lettres, remplies de jolies intentions, on se réinsère dans la "vraie" vie active et on arrose le tout à quelques boîtes sympas, sur un malentendu, ça peut marcher... Sauf que j'aime mon indépendance, que voulez-vous, j'y ai pris goût.

Se bouger la nouille, donc, autrement. Retourner farfouiller une piste un peu négligée. Je ne vous en avais pas parlé, je crois, mais j'ai rejoint une association d'écrivains publics, voilà quelques mois. J'ai pas dû tout comprendre, j'ai payé, mais mon nom n'apparaît nulle part sur le site. Pas pratique, vous en conviendrez. Et là, plutôt que de me jeter sur le téléphone en cherchant une réponse et une solution, je fais quoi? Je reste dans le prospectif, le "tiens, faut que je le fasse", cette mollesse insupportable qui me caractérise depuis... deux ou trois jours, en fait.

Je sais, il faut savoir souffler, respirer, tout ça. Mais je me sens un peu en sursis. Il y a cette culpabilisation, aussi, de se dire qu'on flâne sans but précis et que de toute façon, pourquoi on profiterait pas des rayons du soleil pendant que les autres bossent, hein? Ben, parce qu'on n'en profite pas vraiment, je vous assure, quand on réalise qu'après cette "pause", rien ne nous attend vraiment. Que, par ailleurs, ça ne sert à rien d'aller relancer l'économie du textile en France et le chiffre d'affaires des boutiques qu'on a délaissées parce que, de toute façon, il manque un truc. Je comprends pas, ils acceptent pas le troc dans les magasins, ils tiennent absolument à ce métal, même dématérialisé.

C'est la dèche, oui, mais ce n'est pas ça qui me gêne le plus, finalement. C'est cette vacuité. Cette sensation d'être sortie de tout système. Et paradoxalement de s'être enfermé dans un univers inconnu, angoissant dont, pourtant, on a les clés.

Les clés? Le mental, les enfants, le mental. Dès que je remets la main sur le trousseau de mon mental, je reviens.

...

Remarque, je pourrais faire gourou, sinon, tiens;)

samedi 16 avril 2011

Le tourment d'une vie intérieure

Certes, à voir sur cette page s'afficher sans discontinuer cette histoire de titine, vous pourriez penser que je patine là-dessus ou que, finalement, ma vie se résume à ces petits tracas de la vie ordinaire. Ou alors que je suis un peu fainéante, que je n'actualise plus cet espace, que, que...

J'en ai même oublié de célébrer les deux ans de ce blog, rendez-vous compte! Mais où avais-je la tête?;)

Ailleurs, forcément. C'est là tout le dilemme d'un espace personnel, qu'on publie sur la toile dans un élan de narcissisme poussé, au regard de tous, en réalisant ensuite (trop tard?), parce que le temps passe, parce que les objectifs changent, parce qu'on évolue, qu'on ne peut plus tout raconter, que mes envies d'entreprendre, que mon parcours d'apprentie cuistot se conjuguent au passé et que pour remplacer ces velléités excitantes, il y a...

La vie.

La vie d'une fille normale (enfin, à peu près...), qui se dépatouille dans la jungle, tiraillée entre mille envies, deux trois rôles essentiels et le désir d'avancer en gardant toujours les yeux grand ouverts. Le carnet de bord d'une chômeuse est devenu une sorte de journal intime d'une trentenaire, un "divan" comme me l'a fait remarquer un ami dernièrement. Et si je me souviens bien, un journal intime, on le cadenasse. Sinon, ce n'est plus de l'intimité.

Je suis passée d'une forme de témoignage, finalement, celui d'une candide qui découvre la dureté de ce monde - après des années passées dans une bulle - au récit d'un quotidien, parfois drôle, parfois triste, souvent inattendu (je parle du quotidien, ne vous méprenez pas) ; d'un parcours que n'importe qui aurait pu vivre, au chemin beaucoup plus personnel que je trace aujourd'hui.

Alors forcément, j'oublie des épisodes au passage, ici. Omission volontaire, très souvent. Je voulais vous raconter mon cours de cuisine, récemment, très pimenté. Le lancer de larve à l'école. Et puis j'ai zappé.

Je pourrais vous narrer ce drôle de sentiment que je ressens, parfois, lorsque j'accompagne loulou à l'école, avec la dame qui fait traverser la route aux enfants en parlant immuablement de la météo, à ces pelouses bien tondues et ces espaces verts nickel où rien ne dépasse, tous ces petits chemins qui sécurisent la traversée jusqu'à la cour de récré. Cette sécurité me surprend, oui, c'est comme si tout était bordé et parfois, je songe que j'ai trouvé cet apaisement quotidien depuis que je suis arrivée dans cette nouvelle vie. Même si je regarde ce paysage aseptisé d'un oeil amusé, presque perplexe aussi.

Dois-je alors vous parler des oiseaux qui chantent et de mon bien-être lorsque je me colle sur la terrasse, cinq minutes, avant de retourner à mon job d'audiotypiste (oui, j'ai vu ce titre sur une pochette qui m'était destinée, à un conseil municipal, lundi dernier, je sais maintenant ce que je suis!;)) ?

Eh bien, peut-être finalement. Car si ce blog est clairement le reflet de mes émotions, une sorte de trame de tous les bouleversements heureux ou pas que j'ai traversés, il ne peut complètement tout dire. Je ne peux décemment raconter certaines choses beaucoup plus profondes qui me taraudent, ces pensées qui perturbent mon sommeil. Je peux seulement vous dire que, la nuit, je me sens tiraillée entre des choix impossibles, qui ne sont pas professionnels, sans pouvoir en expliquer le pourquoi. Parce que c'est juste trop personnel. Et pourtant, ce serait sans doute plus passionnant, qui sait...

On peut aussi accepter qu'un blog ne soit finalement que le reflet partiel d'une vie qui part parfois dans tous les sens ; que l'on peut s'amuser de tout, sans chercher à refaire le monde et à partir dans les tours. On peut être vrai en racontant des choses qui, finalement, ne pèsent pas vraiment. Alors, je vais continuer de me servir de ce blog comme d'un simple exutoire et à y narrer des choses banales et idiotes qui surviennent.

Parce que, finalement, je suis comme tout le monde, je cloisonne, je mets chaque chose dans différents tiroirs et je ne suis pas obligée de tous les ouvrir, en même temps et en public. Même si la tentation est grande.

mardi 12 avril 2011

Titine mourue, la mouette foutue

Finalement, je ne sais pas ce qui est le pire:


- Se faire asperger d'un liquide tiédasse et huileux;
- S'intoxiquer à la fumée d'une voiture capricieuse;
- Rigoler (jaune) avec le clone de Laurent Gamelon dans un camion de dépannage un dimanche après-midi;
- Apprendre que Titine est toute mourue;
- Réaliser qu'avec notre statut d'indépendante, on use surtout d'un doux euphémisme, n'étant finalement qu'une pauvre âme précaire dans ce monde capitaliste;
- En déduire qu'on ne pourra JAMAIS obtenir un prêt voiture de sa banque;
- Se réjouir, dans un regain d'optimisme, d'utiliser désormais quotidiennement son vélo, puis visualiser les cuisses de Félicia Ballanger et entrevoir sa silhouette d'ici quelques mois;
- Admettre qu'au delà de 50 km, ça devient de toute façon un peu compliqué de prendre son vélo;
- Se faire conduire à son travail par son pôpa, quand on a 36 ans...

On ne mesure pas toujours l'impact de la perte d'une voiture;)

dimanche 10 avril 2011

Laurent Gamelon, Titine et le zen

Le zen a envahi ma maison. Un truc de ouf. Un peu contagieux, même. Allez, je vous explique.

Il y a peu, l'histoire m'aurait sans doute fortement agacée. J'aurais fait mon caliméro de base et serais allée me réfugier sous mon plaid à défaut de manger du chocolat (pas le droit). Un truc du genre, j'imagine.

Mais là, je sais pas, le pique-nique avait été sympa, il faisait beau, j'avais passé un moment sympa avec des copines... Alors quand ma voiture a commencé à avoir quelques ratés, j'ai juste soupiré, je crois, me suis garée comme je pouvais (mal, donc) et j'ai éteint le moteur. Titine nous fait un petit caprice? Titine nous fait un petit caprice. J'ai essayé de la redémarrer. Plus rien dans le bide. Encore. Ah si, elle crachait de la fumée blanche. Oups.

Le dépanneur est arrivé, il ressemblait à Laurent Gamelon. Même gabarit, même air bourru, il me regarde, il regarde titine, doit se dire que d'un côté comme de l'autre, y'a quelques heures de vol et du travail de retape à opérer, nous asperge de liquide de refroidissement en dévissant le bouchon, se réjouit de ne pas avoir changé son bleu désormais tout cracra et hop, commence à charger la voiture sur la dépanneuse.

Je monte dans le camion, il me regarde de nouveau (non, je n'entame pas de réparations pour moi-même, pas la peine d'insister, monsieur), réfléchit et réalise que ma titine, c'est celle qu'il a déjà dépannée deux mois plus tôt. D'où son air compatissant... A vrai dire, son empathie n'est visiblement pas due à l'état de délabrement avancé de titine, comme je le croyais. "Ah, je me souviens, c'est votre père que j'ai vu la dernière fois, la voiture était garée devant chez eux!" (exact) "Et vous avez déjà cassé une autre voiture, une SEAT!" (exact).

"Roooh la la, je sais tout de votre vie, je peux vous dire, hein!"

...

Ou comment vivre un petit moment de solitude avec le clone de Laurent Gamelon sur une banquette de camion, un dimanche après-midi.

Après de telles confidences, nous étions comme qui dirait presque intimes, enfin surtout Laurent G. avec mon épave, lui confiant que la prochaine fois, il la monterait sur une autre dépanneuse encore, que ce serait sa troisième, quand même. Ensuite, une fois au garage, il m'a raconté qu'il avait eu le temps de finir son café avant de venir et que, de toute façon, je ne lui gâchais pas sa journée, sa femme était partie avec la petite à un vide-grenier, histoire de rajouter un peu de foutoir à leur bordel; un truc du genre. En gros, titine et moi, on était un peu comme sa bouffée d'air frais, là et d'ailleurs, en partant, il m'a dit: "Bon, à bientôt, hein!"

Surréaliste? A peine. En tout cas, j'ai laissé Titine à son destin, en me demandant comment je pourrais être, le lendemain soir, à 150 km à suivre des débats municipaux. Bah... Pas la peine de s'énerver pour si peu, y'a pas mort d'homme.

Et voilà pourquoi je vous parlais de contagion zen. Ce soir, je lisais une "question qui questionne" (vraiment formidable, ce bouquin, décidément) à Loulou, dont le thème était la jalousie. A la fin de l'histoire, je lui demande s'il lui arrive de se sentir jaloux.

Il me regarde, un peu rigolard et me sort:

"Moi, je suis toujours d'un calme olympien."

J'aurais eu du gloubiboulga dans la bouche, j'aurais tout craché, je crois. Mais comme j'avais fini de manger (on était quand même au lit), j'ai juste éclaté de rire. Avant de réaliser, pas peu fière, que mon fils était aussi zen que moi.

Comment ça, c'est pas crédible?;)

samedi 9 avril 2011

La transparence aiguë d'une existence

Je n'en menais pas large, hier après-midi, de la voir essoufflée, angoissée, voire terrorisée. Ses yeux bleus scrutaient tous les pans de mur, l'air affolé, revenaient deux secondes puis repartaient vers le bas du bureau, un tiroir encore ignoré, le dessous de la table... J'ai fini par intervenir lorsqu'elle a voulu se baisser pour remettre un album-photo, vide, à son grand regret, sur le sol, ce qui ressemblait fort à une torture physique pour son pauvre dos tout courbé.

Elle a fini par se relever. Je lui ai dit que, peut-être, que dis-je, sans doute, l'objet de sa recherche était dans son cabanon. Que nous l'avions regardé ensemble, cet hiver, et qu'il avait forcément dû rester sur une étagère.

Pauvre Poney.

Je lui avais demandé de faire un tri dans ses photos, dans le cadre d'un projet un peu plus abouti que prévu, dont j'espère vous reparler très vite. Elle s'est empressée de sortir les clichés noircis et de toute taille, se replongeant immédiatement dans ce passé si fou qui est le sien, d'emblée perdue dans ses relents d'existence. Elle a commencé à chercher l'un des documents-clé, son book, qui restait introuvable. Je l'ai vue passer par toutes les couleurs. Elle était complètement désarçonnée.

Hier après-midi, nous nous sommes donc retrouvées pour les dernières corrections du manuscrit. Sorte de point final avant le verdict d'une éventuelle édition, qui sait. Il manquait un détail, et elle tenait à le rajouter, une sorte de bref prologue explicatif, mais qui ne prendrait plus que quelques lignes, parce que le reste était parti s'immiscer dans le texte.

Elle m'explique, je lis son premier jet, je la regarde, je regarde mon écran, j'exécute, finalement, son désir. Et là, je lui lis ce que je viens d'écrire.

Et là, je sens un drôle de truc qui se passe.

Je suis en train de lire ces mots comme s'ils venaient de moi, je les lui raconte alors qu'elle en est l'auteur.

Et là, elle m'écoute, comme une simple témoin.

Et là, elle se rapproprie les lignes.

Elle ferme les yeux une seconde, comme un signe d'approbation. Elle est contente. Ça lui plaît, comme le manuscrit semble lui plaire, surtout la fin, "parce que c'est joli", dit-elle (en même temps, c'eût été plus judicieux de ma part d'attaquer plein pot dès le début, avant qu'un éventuel éditeur décroche après trois pages et ne sache jamais que, "c'était joli, la fin").

Et là, je me dis que c'est étrange, finalement, tout ça. Elle a lu comme un récit sa propre vie et ça lui plaît. Qu'est-ce qui lui plaît? La simple retranscription ou la richesse de sa vie, finalement? J'avoue, je n'en sais rien et après tout, peu importe, l'essentiel est qu'elle soit contente du résultat, que cela reflète son désir.

Mais tout de même, quel drôle d'exercice, pour elle surtout! Contempler sa propre vie, avant de la livrer aux autres. Accepter de se donner corps et âme, finalement, lâcher les secrets, lâcher les apparences. Aimer ses propres souvenirs ou les détester, mais les accepter. Jouer la transparence aiguë d'une existence.

Et pourtant, dans cet exercice sans fards, Poney reste coquette. Décide de supprimer deux ou trois petites précisions, qui ternissent un peu son image, qu'elle avait accepté de me confier, avant de se raviser. Je crois que ça la rendait plus humaine, mais elle a besoin de contrôler jusqu'au bout ces on-dit qui lui ont fait tant de mal dans sa jeunesse, parce qu'elle n'était pas tout à fait une enfant comme les autres, parce qu'elle n'était pas une adulte comme les autres et parce qu'elle n'est pas, aujourd'hui, une vieille dame comme les autres.

Chercher à se singulariser pour tenter ensuite de se fondre dans le moule? Je pense qu'on aspire tous plus ou moins à ça, finalement, mais de façon très furtive pour certains. Poney est un personnage hors-normes, je le maintiens, mais son ego la retient de lâcher ces confidences en plus qui pourraient faire quelques petites bosses dans le personnage. En oubliant, sans doute, que l'idéalisation n'est pas forcément la meilleure conseillère, que nul n'est parfait et qu'on peut rester un être d'exception avec ses failles.

Et je crois même qu'on peut justement devenir un être d'exception par ces failles.

vendredi 8 avril 2011

Wonder reverse

Pour la première fois, je pense, depuis longtemps, je vais au Mans sans dire "je retourne au Mans". Rien à voir avec la sage prévention d'un mouvement auto-reverse propice au lumbago, j'ai fait wonder woman dans une autre vie (mais sans la culotte moulante, j'ai de la décence -et du réalisme plein mes neurones- moi, les gens).

Je file voir Poney pour un aller-retour express avant un week-end nantais qui s'annonce studieux, mais pas que (enfin, wait & see, avec ma veine, mille choses peuvent survenir) et je vais au Mans comme j'irais dans n'importe quelle ville. OK, je triche un peu, j'en profite pour voir des amis, vite fait, en coup de vent, alors c'est pas du jeu, mais enfin, ce que j'essaie de dire, mal, certes (la retranscription sur l'intérêt du nucléaire m'a tuer, hier soir, comme dirait la dame d'Omar), c'est que j'ai l'impression d'être à mille lieux de cette vie-là aujourd'hui.

Je crois qu'on peut parler d'une page tournée. Et la bonne nouvelle, c'est qu'aucune douleur ne l'a accompagnée.

Allez, un petit auto-reverse pour fêter ça... Enfin, doucement, quand même, s'agirait pas de casser la machine.

jeudi 7 avril 2011

Jasminade et autres rébellions

OK, OK, je n'assure pas un cachou, je vous parle d'un truc*, genre, viendez, viendez, les gens, sur mon blog, je vais vous raconter des choses et pfffffiou... Silence radio.

...

Vous ne me voyez pas? C'est normal, je suis partie me cacher dans une grotte. Quasi décédée de honte.

Ce n'est pas faute d'y mettre du mien, pourtant, mais voilà, entre les avalanches de mauvaise foi qui s'abattent sur la carte-son de mon ordi, les plantades absolument horripilantes de ce même ordi que je soupçonne de rébellion (une jasminade, peut-être?), tout ça à cause de politicards qui font rien qu'à embêter la Présidente de Région qui se trouve être une sommité de notre monde, mes envies de décéder de chaleur (décidément, je deviendrais pas moitié suicidaire, moi?) en allant courir, envers et contre tout - le soleil, donc, le taf à rendre pour hier - les soirées crêpes parce que fêter la chandeleur en avril, c'est quand même vachement plus drôle et les multiples surprises du quotidien, je vous dis pas, je rêve de voler une heure ou deux supplémentaire à cette journée tellement traditionnelle (non mais quoi, 24 heures, c'est pas une arnaque, ce truc?) que l'on nous impose.

Mais tout se fait, bien sûr, et j'aime cette énergie, ce sentiment d'avoir dix mille trucs en tête, de devoir compartimenter chaque tâche, chaque domaine, pour mieux s'organiser... Le seul truc sur lequel je bute, finalement, ce sont les questions désarmantes de Loulou. En ce moment, il n'arrête pas. Et pourquoi doit-on croire en Dieu (les méfaits de l'UMP et de son ignoble débat sur la laïcité, je ne vois que ça), et en quoi on se réincarne quand on est mort (en montre. Je crois que je ferai tic-tac, tic-tac, aux oreilles d'un, ou d'une, stressé(e) de la vie quand je serai morte. Vengeance. D'façon, vu mon karma, je peux me transformer qu'en animal ou en objet alors, hop, je choisis) et pourquoi il faut toujours se laver, c'est nul, les douches (Loulou serait un gros crado si je ne le contraignais pas à ce rituel hélas, pour lui, quotidien).

Du coup, il me mitraille tellement de questionnements plus ou moins existentiels que j'en perds toute répartie. Et que je songe, deux heures plus tard, à la réponse judicieuse que j'aurais dû lui apporter, au lieu de feinter (allez, finis ton assiette... Allez, va te laver les dents... vous voyez bien). Par exemple, ce soir, il m'a demandé : "c'est quoi, un esprit rebelle?"

"Quelqu'un qui se révolte contre l'ordre établi", ai-je commencé par lui répondre. En sachant pertinemment que j'avais ouvert la boîte de Pandore.

"C'est quoi, l'ordre établi?"

Ah ah.

Là, j'ai sorti les rames et bon, un moment donné, j'ai indiqué la voie la plus raisonnable, celle de son lit. Alors qu'en fait, j'avais juste à lui dire qu'un esprit rebelle, par exemple, c'était faire des crêpes en avril au lieu de les faire là, pile poil à la Chandeleur. C'était choisir de se mettre tout seul dans la mouise juste par connerie, euh, pardon, par esprit de contradiction. C'était courir la semaine pendant que les gens bossent et s'enfermer à taffer le week-end. Parce qu'on a la rebelle attitude ou on ne l'a pas.

En même temps, je ne sais pas s'il aurait bien compris. Cette attitude un peu décalée n'a rien de rebelle pour lui. Sa mère, ça fait bien longtemps qu'il sait qu'elle est un peu zarbi.

* Je n'ai pas renoncé à vous raconter ce truc, mais dans un élan de rébellion, je vais le garder au chaud pour plus tard, tiens. Pff, n'importe quoi.

lundi 4 avril 2011

No stress

Non, non, je ne suis pas mourue. Juste un peu submergée par le flot de surprises / rencontres/retrouvailles / joyeusetés quotidiennes / velléités sportives / envie de retourner aux fourneaux. Au point de ne pas trouver une minute pour conclure ce post que j'avais entamé... vendredi.

Ah ouais, quand même.

Qu'est-ce qu'il racontait? Oh, à peu près la même chose que ce que je viens de citer. Qu'une personne très chère m'avait dit que, quand même, j'avais beaucoup de stress à gérer.

Pas compris de quoi elle parlait, sur le coup.

Avant de réaliser que, oui, je me faisais des équations à mille inconnues et que, certes, ce n'est pas toujours facile, facile, de s'y retrouver mais que, en gros, je tiens la barre et que je sais le prix de la liberté. Telle une mendiante, j'ai tendu la main pour récupérer deux, trois missions. Histoire d'avoir un truc à grailler, par exemple. Résultat, je jongle entre deux compte-rendus à rendre pour hier, je refais les calculs, alors, cinq heures de retranscription multipliées par le nombre de jours de semaine, moins une journée pour Poney, deux heures pour ci, trois heures pour ça, que je divise par le nombre d'impondérables et j'obtiens, j'obtiens...

Que je suis dans la mouise.

Que pour respecter les deadlines, il faudrait que j'arrête de me faire du mal en pétrissant, malaxant, mitonnant comme j'ai repris goût à le faire depuis peu (du temps qui s'envole, de vieux rêves qui rejaillissent).

Que je renonce à manger (trop de temps perdu).

Que j'échange mon Loulou encore très dans les jupes de sa môman contre un modèle autonome (du genre qui n'a pas besoin de quinze mille rappels pour mettre ces foutues pompes qui traînent dans l'entrée, qui se fasse son petit déj tout seul - et puis son dîner aussi, tiens - qui aille à l'école tout seul, qui se fasse une auto-lecture de la sacro-sainte histoire du soir, etc. etc.).

Que je réduise mon temps de sommeil d'un tiers...

Que dis-je, il faut, pas il faudrait, j'ai pas le choix, les enfants! Sachant que deux, trois trucs dans la liste ne collent absolument pas à la réalité (et puis j'aime bien, moi, que Loulou soit encore mon Loulou, eh ouais), je ne sais pas ce qui est le plus difficile, renoncer à mes courses effrénées le long de la Loire, au chlore de la piscine et ses habitués du midi, mes envies d'enfourcher mon vélo, de boire un verre avec un ami, ou... mes cauchemars nocturnes. Que voulez-vous, j'y suis attachée, moi...

Pour l'instant, j'ai surtout sacrifié cet espace et après un week-end d'inconscience totale (pas touché à l'ordi, ou si peu, je réciterai deux avé et trois pater ce soir), je suis replongée dedans en tentant de repousser ce stress qui commence à m'envahir. En m'octroyant, quand même, deux ou trois pauses salvatrices... ou que je n'ai pu annuler, soyons honnête. Cet après-midi, par exemple, au lieu d'avancer dans cette course contre la montre, je vais faire un truc dont je vous reparlerai sans doute demain, selon l'intérêt de la chose.

J'entends le tic-tac. Tic tac. Tic tac.

Du stress à gérer?
Non, vraiment, je vois pas.