jeudi 31 mars 2011

Les dents qui saignent

Cette nuit, j'ai perdu ma dent de devant et j'avais tout plein de sang dans les mâchoires, sous l'oeil ébahi de mon amant du soir (qui n'était pas un inconnu, je vous rassure) qui, du coup, arrêtait de me rouler des pelles pour aller voir ailleurs les sensations. J'avais le sourire d'une gamine de 6 ans, mais version Carrie, gore, quoi. Et à oilpé. La classe.

C'était un rêve.

Cette nuit, j'ai perdu une amie. Cancer foudroyant. Horrible. Je pensais à son mari, à ses enfants, et je regrettais de ne pas l'avoir appelée plus tôt, chienne de vie.

C'était un cauchemar.

Cette nuit, je finissais une course dans une sorte de terrain tout cracra et j'arrivais première, alors même que je m'étais arrêtée pour reprendre mon souffle (pour me faire un petit thé et aller chercher du boulot sur poleemploi.fr- une envie soudaine de rire, je crois). Du coup, je gagnais une jolie coupe et je devais faire un speech, sous le regard amusé de Loulou qui se payait clairement ma tête. L'horreur.

C'était, je ne sais pas, une sorte de rêve.

Je me suis réveillée ce matin, un peu dans le brouillard, épuisée d'avoir autant faire tourner les machines là-haut (pas l'habitude, normal), le teint blafard, le cheveu gras (tu parles, je voulais aller à la piscine hier pour me laver les cheveux, bassin fermé pour compet! Je soupçonne un complot, d'autant que la pluie était de la partie, la garce, m'empêchant de me faire un petit yogging). Une vraie star, en gros. Je me suis demandé comment interpréter mes rêves, cinq secondes, avant de me souvenir que de toute façon, c'est un peu normal de rêver des trucs pareils quand on a l'esprit un peu tordu comme le mien.

J'ai regardé le ciel, tout gris. J'ai laissé infuser mon thé un peu trop longtemps, il pleuviotait dehors... Alors, j'ai mis un grand coup de pied (virtuel, le coup de pied, pas envie de me faire suturer la tête) dans cet esprit morose et j'ai de nouveau réfléchi (waouh, c'est l'ébullition ce matin) au pourquoi du comment.

En fait, depuis le début de semaine, nos soirées, avec Loulou, se terminent systématiquement par une bonne grosse engueulade, parce qu'il dépasse les bornes et que le coup de Maurice, ça va bien, mais y'a pas écrit coconne sur mon front. Ensuite, je l'entends marmonner sous sa couette, le sommeil finit par vaincre ses derniers élans et le lendemain matin, frais comme un magasin Picard (en fait, je pêche rarement du gardon, c'est pas un poisson un peu suranné, ça, le gardon? Alors que Picard, ça a son petit côté moderne qui parle à tous les urbains que nous sommes, non? Laissez, je me suis cogné une retranscription d'un anthropologue, comprenez que ça laisse des traces), mon loulou donc, se lève, récite ce qu'il veut ("ce que j'aimerais, mon chéri, on dit ce que j'aimerais". Oui, je tente) au petit déj', tout sourire avec un petit bisou tout mimi.

Alors que moi, depuis le soir, je fulmine contre lui, je serre les dents et puis, je finis par réfléchir (décidément, tu m'étonnes que ça cause, là-haut, la nuit venue) à l'intérêt de se pourrir les soirées pour une sombre histoire de saumon pas fini ou de résistance à la douche. Et le matin, donc, j'ai la tête en vrac. Alors que, en fait, je sais pertinemment que j'ai raison de ne pas céder, de ne pas lui laisser ce siège de roi qu'il aimerait tellement occuper. L'éducation, c'est répéter constamment les mêmes choses, respecter une ligne directrice, montrer la voie. C'est fatigant, je le reconnais, et après, ça vous fait rêver à des courses dans des chemins boueux, des amies cancéreuses parties trop vite (alors qu'aux dernières nouvelles, elle galopait, la copine en question, IRL) et perdre vos dents pendant des ébats qui auraient pu être intéressants (quoique virtuels).

Mais c'est pour la bonne cause. Je n'ose penser à l'adolescence, tiens. Enfin, maintenant que j'ai retrouvé le sommeil, je préfère saigner des dents que de revivre des insomnies.

lundi 28 mars 2011

La page blanche (ou le paradoxe du pilou)

J'en suis convaincue maintenant : une vie normale, c'est reposant mais alors, niveau inspiration, c'est zéro. Je vous raconte quoi, maintenant, si je ne galère plus, si je ne navigue plus dans un monde kafkaien, si je vis un quotidien lambda? Ah, on me dit (Jeanne d'Arc, sors de ce corps) que j'étais déjà ordinaire, me manquait plus que la vie qui allait avec... Bah, voilà, c'est fait.

Je travaille la semaine, je finis un manuscrit*, je l'envoie, je sors le week-end, je me craque un peu en allant faire les boutiques, j'arpente tous les rayons d'ikea, je m'énerve sur des suspensions que je n'arrive pas à poser en réalisant que je suis vraiment quiche avec mes mains, je me fais des terrasses et des restaus avec des copines (et même des sushis visiblement irradiés, si j'en crois l'état de mon tube digestif le lendemain), je parle politique avec un coiffeur azimuté (je souffrais déjà en silence d'avoir fait une infidélité à MA coiffeuse préférée, que j'embrasse au passage, tiens) (c'était juste plus possible cette frange, je commençais à me cogner partout, heureusement que j'étais pas au ski, je me ferais pris un pylône. Mais tu restes la meilleure).(enfin, ma cops, elle reste la meilleure) (parce que vous, les autres, vous n'êtes pas coiffeurs, pas vrai?) (je n'ai pas dit que vous étiez aussi quiches que moi des paluches, c'est pas possible, je crois) (bref, vous avez bien compris, je me sers de cet espace pour dire coucou à mes cops au lieu de les appeler, c'est nul, je sais) (mais c'est la faute de ma vie normale, j'ai plus le temps de rien) (la pauvre excuse)...

...

La vie normale, quoi. Enfin, presque. Parce que, lorsque je rentre de ces virées improvisées, je trouve des petites missions dans ma boîte mail, à rendre pour hier, et me voilà de retour dans mon monde pilou, j'ai plus qu'à enfiler mes grosses chaussettes et mon plaid et hop, l'ermite is back! Tant pis pour le dimanche plein de promesses, de sport et de plein air, j'ai repris ma première position, en me réjouissant, néanmoins, d'avoir fait raccourcir ma frange : au moins, je vois de nouveau l'écran.

Ça aide.

Oh, derrière ce léger dépit se cache néanmoins un réel soulagement de travailler un minimum, et pas seulement pour payer le loyer. Les jours passent et je m'interroge sur cette possibilité de recoller au monde réel. Cela est-il possible, je n'en sais rien, vu la faiblesse de l'offre. Toujours partagée entre l'envie de retrouver des collègues et celle de garder cette indépendance à laquelle je goûte actuellement, j'avance et je recule, dans un mouvement de balance certes fatigant mais plein d'enseignements. Après tout, il existe des alternatives à la vie routinière, et j'en explore les différentes voies. Mais je m'égare, moi qui parlais de page blanche, je ne suis pas censée partir dans les tours et vous saouler de questionnements stériles.

En plus, j'suis même pas en pyjama.

* Le manuscrit de Poney, ça y est, il est fini! A voir, maintenant, où cela va nous mener...

dimanche 27 mars 2011

50% girly, 50% Robocop

Vous pourriez la croiser dans le métro et la trouver jolie. Longs cheveux blonds et visage de poupée, la demoiselle dispose de quelques sérieux atouts.

Ensuite, vous l'entendriez parler. Et là, vous pourriez imaginer qu'elle est votre copine, plutôt du style déluré, celle qui fait rire la galerie et qui est limite à réclamer les bières en se collant dans le canapé parce que c'est l'heure du foot. Un peu garçon manqué, finalement, derrière le lissage et la robe cupcakes. Elle fait de grands gestes et bouge dans tous les sens, dans une sorte de tourbillon où les personnages vont et viennent, justes et crédibles. Grosse boule d'énergie dénuée de tout complexe, qui se prend pour le sosie de Natacha Kampusch et qui lâche deux, trois bombes, comme ça, l'air de rien, sur la société.

Elle jongle avec les clichés et pourtant, la magie opère. Bérengère Krief est une jeune comédienne qui, avec son one woman show, "Ma mère, mon chat et Docteur House", balance des pavés dans la mare et revisite les relations homme/femme dans ce mélange mi-girly/mi-robocop qu'elle semble avoir inventé. Une sorte de Florence Foresti (Lyonnaise comme elle, elle en a les intonations) encore teenager, qui parle de "demi-molle" lorsque la salle n'applaudit qu'à moitié, qui fait se confronter le surmoi masculin (personnalisé par Jean d'Ormesson, qu'elle imite très bien) au ça, sous la forme d'un Joey Starr très classieux... Elle prouve surtout qu'on peut renouveler un genre pourtant très prisé et y apporter une saveur particulière. Elle joue très bien avec tous les codes de la communication, aussi, prenant son public en photo, instaurant une interactivité futée et relayant le tout avec candeur sur facebook. Oui, elle a tout compris.

J'ai eu le bonheur de la voir, lors de la dernière soirée de sa tournée nantaise et je vous encourage vivement à aller l'applaudir si par chance, elle vient près de chez vous. Au delà de ses textes désormais bien rodés, elle m'a bluffée par son aisance sur scène, parce que, dans ce genre si particulier du one man show, la moindre errance se cristallise, le moindre flottement est cher payé et sans une sérieuse dose d'inconscience, il est certainement très compliqué d'oser afficher ainsi ses velléités artistiques.

C'est une bonne leçon: Bérengère Krief, qui n'hésite pas à démarrer son pestacle en sous-vêtements (!) ne semble pas craindre le ridicule. Et cette audace est payante. Non seulement elle n'est pas grotesque, mais elle donne envie de foncer, d'aller au bout de ses convictions. Et sous ses airs de petite nana presque futile, elle donne même à réfléchir sur ses fameuses relations entre les deux sexes.

Attablés autour d'un verre de vin, on a refait le monde, ensuite, revisitant les poncifs avec un étonnement nouveau, d'autres questionnements, comme si, finalement, elle avait levé le voile sur quelques interdits qui nous titillaient.

Elle parle de la société, tout simplement, et ce regard-là, drôle et rafraîchissant, est précieux. Comme quoi, oui, on peut encore rire, et en ces temps incertains, c'est bon de s'en souvenir.


jeudi 24 mars 2011

Ecole buissonnière

Stupeur ce matin devant l'école : je croise plein de parents.

Oui, et alors? École = parents devant le portail, rien d'extraordinaire, je vous l'accorde. Sauf que d'habitude, on est tous les matins en retard avec Loulou et on ne croise pas grand-monde, hormis la dame qui se colle au péril de sa vie au milieu de la rue pour stopper les automobilistes en nous parlant systématiquement de la météo (oui, elle est multitâches) et d'autres retardataires avec la main du gamin qui semble greffée au bras du parent (indigne, et pas coiffé, le parent, pas le temps).

Alors quoi? Eh bien, le portail est fermé, la cour de récré ne contient aucun morceau d'instit dedans, pas la moindre trace du corps enseignant. Donc, tout le monde poireaute en regardant sa montre, voire en tapant un peu dessus (pour accélérer le temps? Je me suis toujours demandée pourquoi on faisait ce geste sur le cadran de la montre, en plus, y'a risque de rayer le verre, non? Sinon, faites comme moi, vivez sans montre, c'est un bon concept, moins stressant) (mais ça cause des retards récurrents, certes) (et un petit yogging improvisé tous les matins, avec l'hooorrible bruit du cartable à roulettes sur le bitume) (nous pourrions y aller en voiture, certes. Mais trop facile).

Bref, vous l'aurez compris, c'est la consternation, mais que fait le peuple, où sont les instits, ont-ils été irradiés par le nuage nippon ? Loulou se tourne vers moi, les yeux brillants. Je sens qu'il a compris et qu'il va me donner la réponse à ce troublant mystère: "Ah bah, ça doit être comme lundi prochain!"

-Quoi, lundi prochain? (notez le bon français qui me caractérise, de bon matin, le cheveu emmêlé.)

- Ben, c'est férié!

De fait, l'école ferme lundi. Pour grève. Rooh, c'est juste une petite nuance, mais au final, j'aurai bien mon loulou dans les pattes pour me rappeler ma condition de free-lance, censée travailler à domicile entre deux rendez-vous chez le médecin/à la mairie pour l'inscription au centre de loisirs pour 2014/ à Pôle Emploi pour régler un trop-perçu et les jours fériés, donc, de l'Education nationale...

Puisque c'est ça, on ira à la mer lundi. Et si le soleil fait grève, j'lui casse la tête à la récré.

mardi 22 mars 2011

Jusqu'ici, tout va bien

Des réacteurs sont en feu et en attendant d'être irradiés, les Japonais se collent un sac plastique sur le visage, évitent les épinards et l'eau du robinet. Ils essaient de reprendre une activité normale, regardent des émissions farfelues à la télé où les animateurs ont bouffé un clown, sans vraiment oublier la traînée grise que laissent les fumées. "La vapeur s'échappait déjà avant", rassure un porte-parole de la centrale de Fukushima.

Ah bah, ça va, alors.

Le réacteur n°3 contient un truc encore plus dangereux que l'uranium, du MOX, condensé d'uranium et de plutonium. Le MOX est interdit aux États-Unis, mais pas au Japon, parce que c'est quand même drôlement efficace, ce truc, et ce serait ballot de ne pas l'utiliser, juste pour une sombre histoire de danger de mort. Sauf qu'il paraît que le plutonium, c'est moyen-moyen pour la survie de l'humanité. Et là, on y est, à cette sombre histoire.

Enfin, y'a encore une chance d'éviter la catastrophe planétaire. Hey, les gars, on croise les doigts et on s'appelle, hein?

Des masses d'air issues du Japon passent sur les Antilles mais en Guadeloupe, on est rassurant: "regardez ce ciel bleu, vous voyez un nuage, vous?"

Ben non, il est nickel, le ciel, tout bleu.

Les masses d'air doivent survoler dans la semaine l'Hexagone, mais pas de souci, c'est mille à dix mille fois moins radioactif que le nuage de Tchernobyl en 86 (qui s'était stoppé net, cela dit, aux frontières françaises, comme un grand, sans doute tout effrayé des sanctions potentielles. Ouh la la, vous le voyez le gros nuage radioactif, fait moins le malin quand nous, les Français, on le regarde noir).

Pas de souci sanitaire, aucune crainte à avoir. Ouf.

En Libye, on craint l'engrenage après l'opération internationale lancée voilà trois jours. Mais Alain Juppé qualifie cette intervention de "succès" sans sourciller. Succès, succès... Cette notion d'un truc qu'on fête, vous voulez dire ? On doit déboucher le champagne, c'est ça?

C'est vrai qu'en Afghanistan aussi, on est de bons pompiers bien efficaces et qu'on ne s'enlise pas du tout.

En Côte d'Ivoire, Laurent Gbagbo s'accroche à son siège et le bain de sang continue, mais bon, comme les images arrivent en moins grand nombre sur nos écrans, on ne parle pas vraiment de guerre, juste d'émeutes.

Question de vocabulaire, comme dirait Maître Capello, qui vient de tirer sa révérence.

En France, les petites gens d'en bas (mais pas que) qui se sentent spoliées depuis siiii longtemps sortent du bois et affichent fièrement leur vote dominical pour le Front Nauséabond. Le Président, face à la menace, suggère à son bon peuple d'aller se promener dimanche, pendant que son Premier Ministre appelle son groupe politique à la raison. Votez contre le Front National - et donc, tant pis, pour le PS (je sais, ça fait un pincement au coeur, j'ai ressenti le même en 2002, en votant Chirac).

On sent l'unité, c'est cool.

Je sais pas vous, mais moi, j'habiterais sur la planète Terre, je serais moyennement rassurée. Ah, oui, mince, y'a pas d'échappatoire, on est dedans jusqu'au cou. Heureusement, en attendant le désastre, on peut encore écouter des paroles sensées et réfléchies. Ce matin, j'ai été scotchée, dans ma salle de bain en entendant Rony Brauman. Allez voir ce lien, c'est très intelligent : http://dai.ly/h5Pr6i

"Nous ne sommes pas Dieu, nous ne sommes pas tout-puissants " conclue justement Rony Brauman dans cette interview de Pascale Clark. Perso, et très modestement, j'avais déjà une vague idée sur la question. Pas sûre que tous les mégalos de la planète en aient conscience, mais en même temps, à part le mur, je ne sais pas trop ce qu'on peut voir en ce moment.

Enfin, jusqu'ici, tout va bien.

lundi 21 mars 2011

Je suis normale

Hein? L'a pété un câble, la mouette, ou quoi? Normale? La nympho-chasseuse, là, qui passe de l'air (du supermarché) à l'eau (de la piscine) à la terre ferme pour oublier les vicissitudes de l'existence? Qui multiplie les jeux débiles pour pimenter son quotidien ? Qui écoute un Poney et un médecin dépressif?

Eh bien oui, la mouette nouvelle est arrivée, en même temps que le printemps. Avec l'envie d'une vie "normale".

C'est quoi, une vie normale, me direz-vous? Eh bien, un peu moins décalée que d'habitude, dans mon cas. Avec une sorte de rythme où tu travailles dans la semaine et où tu te détends le week-end. Oui, la routine, en gros. Que nombre d'entre vous cherchent à fuir, j'imagine. Mais qui semble m'apaiser, finalement.

En fait, depuis mon arrivée à Nantes, voilà maintenant... hey, presque cinq mois, j'avais un peu posé mes bagages avant de repartir comme en quarante, sans chercher vraiment de repères, juste contente de revenir aux sources. J'étais repartie pour les longues journées d'ermite, uniquement ponctuées par un aller-retour à l'école vite fait, des week-ends où j'aurais pu être mangée par les chiens en pilou (le pyjama, pas les chiens), tellement j'étais recroquevillée sur mon canapé à bosser. Je menais cette sorte de vie adaptable partout, en gros, au Mans à Nantes ou à Tombouctou (quoique).

Et voilà que l'appel d'air m'a conduite vers un nouveau chemin, avec cette envie de respirer un peu. En courant, en nageant, donc, ça je vous l'avais raconté, en allant retrouver les embruns marins, mais tout récemment, en décidant de faire des pauses le week-end, d'accepter de passer du temps comme tout le monde à... flâner.

Flâner. Rien que de l'écrire, ça me fait bizarre. Ce doit être cette sorte de culpabilité qui remonte, celle de l'ex-chômeuse, consciente qu'au lieu de sortir, elle ferait mieux d'envoyer quarante CV par semaine à des "vraies" boîtes.

Alors, donc, j'ai flâné ce week-end. J'ai un peu couru aussi (une course très sympa pour la lutte contre le cancer du sein). D'ailleurs, j'ai moins fait la maligne, rapidement, réalisant que j'étais partie comme une grande malade, boostée par l'énergie de tous les concurrents. J'ai été, comment dire, rattrapée par la réalité de mon organisme et de mes jambes de bois... J'étais très classe à la fin, avec ma bave aux lèvres.

Un détail.

Qui n'a en rien assombri le tableau. En fait, je me suis laissée vivre. J'ai consolé mon Loulou qui était tombé lors de la course des enfants, qui m'a tenu responsable de sa grâââââve blessure (deux, trois égratignures au coude). J'ai oublié que j'étais toujours en tenue de yogging, marinant dans ma sueur maintenant refroidie. Oui, j'ai respiré (en me bouchant un peu le nez quand même, au bout d'un moment, ça devient dangereusement énivrant).

On s'est promené au milieu d'un jardin nantais que j'ai redécouvert, on a cherché un peu le soleil et puis on s'est assis sur des rondins de bois. On a mangé du moelleux au chocolat dans les cris et le tumulte des enfants. J'ai regardé Loulou se coller les pieds dans l'eau, tenter de pêcher des poissons avec du bambou et faire l'imbécile avec son chocolat plein la bouche. L'affreux, on aurait dit un vagabond. Avec sa mère de yoggeuse, je vous explique pas le tableau.

Et pourtant, cette sensation inexpliquée.

Le bonheur. Peut-être simple, peut-être banal. Mais le bonheur.

Et même lorsque, le soir venu, Loulou m'a traitée de "plus mauvaise mère du monde"* (ça devait finir par arriver, depuis le temps), je suis restée placide. Limite, ça m'a fait sourire.

Et si la normalité rend zen, alors, moi je signe tout de suite.

*Rassurez-vous, Loulou n'a pas demandé, depuis, à échanger sa mère contre une plus sympa, sa colère s'est calmée et une heure (et un gratin de pâtes) après, il m'a assurée qu'il m'aimait "comme d'habitude" et que finalement, j'étais "pas si mal, comme mère." Donc, vous êtes gentils, personne n'appelle la SPC (Société protectrice des Caliméros). Pas la peine de déranger ma sérénité toute neuve.

vendredi 18 mars 2011

Le jour où j'ai fait rougir le caissier de chez Ed

Je ne vais pas vous mentir, j'avais le moral dans les chaussettes hier, et rien n'y faisait, même pas la relativité. Pourtant, seuls mes murs tremblent ici, sous la pression de mon acharné de voisin (physiquement intelligent, mais je vous dis ça de souvenir, l'être demeure invisible) qui doit décidément refaire tout son appartement, je ne suis intoxiquée que par le parfum de la dame du troisième et l'iode, je la colle dans l'eau du riz.

Mieux, je venais d'en finir avec le manuscrit de Poney (enfin, je ne parle pas de la correction,  à chaque jour sa peine). Alors, quoi? De quoi pouvais-je me plaindre? Pourquoi n'avais-je envie que de boulotter un quatre-quarts inratable (du genre bombe calorique, mais tellement bon que c'est un supplice d'attendre qu'il refroidisse) avec un thé brûlant sous mon plaid en m'apitoyant sur mon pauvre sort?

Le vide, les amis, le vide. Les hormones, aussi. Je vous dis pas, je saurais que mon public est exclusivement féminin, je vous parlerais de ma poussée hormonale et de ces petites bêtes qui font du flipper dans mon corps en ce moment, mais je me tiens, des hommes plein de testostérone lisent ce blog.

Bref, je me sentais tellement vide que j'ai quasi-supplié mon employeur principal de m'octroyer une mission. Pathétique. Mais payant : une heure plus tard, j'avais le son dans la boîte et je le regrettais amèrement, tant je ne comprends pas un traître mot du speech d'un médecin un peu dépressif sur les bords (je crois que mes oreilles ne sont sensibles qu'à la mauvaise foi politicienne, pas au discours d'un humaniste. Les hormones, je vois que ça).

Du coup, je suis retournée sur ma boîte mail, ce qui m'a arraché un vague sourire: les alertes que j'ai créées sur Pôle Emploi pour me dégoter LE job de mes rêves s'affichent comme des SPAMS, alors que les multiples relances de ventes privées non. Cherchez l'erreur. En tout cas, ils cherchaient un rédacteur passionné par le monde rural, les tracteurs ou encore l'univers de la chasse.

Pas de bol.

Bref, je songeais que j'allais bientôt décéder de vacuité ou d'une dépression foudroyante quand j'ai arrêté subitement de jouer à Caliméro, à la faveur d'un coup de fil avec ma plus vieille amie. J'ai réalisé le nombre de freins que je me collais toute seule et dans cet équilibre manichéen qui me tient, j'ai enchaîné ce matin inscription au site OVS, dont je vous avais déjà parlé (histoire de sortir un peu de ma tanière), décodage de médecin tourmenté, donc (je sèche encore un peu, mais bon) et yogging effréné (avec un vent à décorner les boeufs au retour et la bave aux lèvres, un vrai bonheur).

La philosophie de Baloo (on a les références qu'on peut) a aussitôt éradiqué toute pensée négative et ma dépression est repartie se cacher, loin - j'espère. Oui, il en faut peu pour être heureux.

Revenues dans la vraie vie, nous avons filé, mes jambes de bois et moi, faire deux, trois courses et, allez savoir pourquoi, je me suis amusée à un jeu idiot: empiler tout un tas d'articles les uns sur les autres et voir si la pyramide chancelante allait résister au tapis roulant (cherchez pas, les hormones, je vous dis). Le caissier, qui a bien failli se prendre un paquet de cotons dans l'oeil ("ça va, c'est pas lourd, heureusement", m'a-t-il glissé entre effroi et amusement) ne faisait pas trop le malin après ça, au début, avant de se détendre, après mon opération drague à trois balles (les hormones, les hormones), le temps qu'il passe les articles.

"Ça vous fera la modique somme de deux cent cinquante euros!" me lance-t-il, content de sa blague.

"Mangez des fruits et des légumes, qu'ils disent", je lui réponds en jetant un oeil à mon caddie vert et bio. "Enfin, ça reste raisonnable pour du bio."

"Oh oui" acquiesce-t-il "et vous avez eu raison de prendre ces carottes, elles sont très bien."

Un peu interloquée, en me demandant s'il a deviné mes intentions avec les carottes*, je lui dis: "bah en plus, il paraît que ça rend aimable!" (Jean-Claude Dus, sors de ce corps, vite)

C'est là qu'il a rougi en balbutiant des euh, euh...

Je lui ai tapé dans l'oeil, je vois que ça. Ou alors, je suis devenue une vraie nympho.

Saleté d'hormones.

*  Une soupe maison, évidemment. Tout de suite... vous avez les hormones en vrac, ou bien?;)

mercredi 16 mars 2011

KO

Des villes rayées de la carte. Un spectacle de désolation, des carcasses de voitures à l'abandon sur un sol jonché de cadavres, de bouts d'humanité, de néant. Des hommes en combinaison blanche, des survivants hagards qui avalent des capsules d'iode, prisonniers de ce champ morbide encerclé par la boue noire. Ils vont crever de faim ou de froid, de ne pas prendre leur traitement ou de ne pouvoir quitter ce cimetière à ciel ouvert. Ils vont crever d'avoir été irradiés.

Ils vont crever.

C'est le chaos. La fin du monde.

Je lis les témoignages mais, je l'admets volontiers, la force iconographique dépasse tout le reste. Je tourne les pages du journal lentement, très lentement, le regard littéralement scotché sur ces clichés japonais.

Je pense à ces BD que je lisais, gamine, déployant les fantasmes les plus fous sur la fin ultime. Je restais fascinée devant tant d'imagination, sans soupçonner la moindre allégorie, trop naïve. Des histoires futuristes où les survivants luttent, dans une sorte d'énergie du désespoir, conscients qu'il ne reste plus rien sur cette terre dévastée.

Je pense qu'on n'y peut rien, qu'on assiste, impuissants, à la dégénérescence de notre civilisation dite évoluée, de notre planète.

Je pense que, finalement, nous ne devrions pas être surpris d'en arriver là.

Je pense que la science-fiction a rattrapé notre quotidien.

Je pense que mes mots, là, sont juste d'un banal désespérant, traduisant la vacuité qui est la mienne, mais que je n'arrive pas à trouver autre chose pour exprimer ce bouleversement, ce sentiment qui m'étouffe.

La fronde des pays arabes, la montée de l'extrémisme en Europe, les séismes, le tsunami et la catastrophe nucléaire au Japon... Tout s'enchaîne dans une sorte de spirale infernale et nous, nous sommes là, à tenter de survivre dans nos petites existences, à nos échelles. Bien sûr qu'on a le droit de se plaindre, de s'indigner, de crier, de hurler. Contre la mauvaise foi et les dysfonctionnements d'une administration, contre le chauffard qui a manqué de renverser des gamins sur la route de l'école, contre cet idiot qui fait le malin sur son scooter, sur les prix qui flambent, sur ce débat abject visant à stigmatiser les musulmans...

Je pense qu'il ne faut jamais se résigner. Ne jamais accepter l'inacceptable.

On a le droit aux coups de blues, devant l'angoisse du lendemain, confrontés à une solitude soudain omniprésente ou à l'absence d'un être qui nous manque tant. Soumis à une cruelle panne d'inspiration, qui laisse la page vierge et la sensation d'un vide inouï en soi. Luttant contre soi-même pour retrouver ce sens à la vie qui nous fait cruellement défaut, brusquement, à la (dé)faveur d'événements récents et personnels.

Faveur ou défaveur parce que ces événements nous rendent finalement plus forts, nous apprennent, sur nous-mêmes, sur les autres, sur nos ressources insoupçonnées ou sur l'impossible contrôle des choses, des situations et des âmes - parfois aussi perdues que nous. Ils nous enjoignent à poursuivre la route parce que la vie réclame justement qu'on ne se laisse pas ensevelir sous l'émotion et qu'il y a tant, précisément, à espérer, croire et rêver.

C'est humain de craquer. C'est humain de pleurer, et de rire dans la foulée, parce que la vie continue. Tout cela est tellement banal.

Pourtant, nous sommes témoins de l'inconcevable. Des gens qui ont tout perdu, qui pleurent leurs morts et qui sont plongés dans le chaos. Ça ne vaccine pas contre la connerie ordinaire mais disons que ça remet certaines choses à leur place. Question de décence.

Question de relativité.

lundi 14 mars 2011

Un peu de chlore dans le sel...

Si je ne me suis toujours pas résolue à entamer un crash-test sur internet, je ne perds pas de vue mon programme "sauvez la mouette, trouvez-lui un mec" (déjà, le fait que je parle de moi à la troisième personne laisse présager du pire... pour ma défense, j'évoquerais la distance qu'il convient de poser à ce type d'expérience). Donc, j'attends encore un peu avant de m'inscrire sous un pseudo ridicule (hara-kiri? belle des champs? jaimangé1clown? Et pourquoi pas cunégonde, c'est joli cunégonde... Ah, tiens, King-Kong, pas mal, je pense que je vais attirer du boulet avec ça), pour mener, je l'avoue, une sorte d'expérimentation, et alimenter l'eau de mon moulin sur les a priori que j'ai sur la méthode.

De toute façon, j'ai fait un test, l'autre nuit (saleté d'insomnie): eh bien, les gens, ils ont dit que je vivais très bien mon célibat, d'après mes réponses. "La douce étiquette de célibataire n'a pas l'air de vous gratter le dos", qu'ils ont écrit, concluant pour le plan d'action:" à faire: rien! puisque le célibat vous convient et que vous êtes heureuse comme ça". Et pan.

Bon, histoire, quand même, de pimenter ce quotidien palpitant quoiqu'étrange (parce que dans le test, j'ai quand même coché des cases d'une autre catégorie: "l'engagement, très peu pour moi" où les experts ont décrété que j'étais un petit animal blessé et que je devais donc baisser la garde), je suis passée au plan aquatique.

Et ça n'a (presque) rien à voir avec le fait que, privée de baignoire (pour cause de travaux), j'avais besoin d'aller prendre une douche (non, je ne suis pas cracra, je suis pragmatique) (sans compter que je devrais repeindre plus souvent mon intérieur, ça me fait faire du sport tous les jours). Donc, fidèle à mon programme, voici le tout beau:

Programme Karcher-détox n°3
Chercher dans l'eau ce que tu ne trouves pas sur terre

Constat
Dans la plénitude du bassin intérieur et d'une eau chauffée à 28°C, tu frôles des corps inconnus et musclés.

En vrai
L'eau caille un peu. Avec tes palmes, à force, tu te fais des ampoules aux orteils. Et avec leurs plaquettes, les inconnus manquent de te coller une baffe à chacune de leurs longueurs.

Action
Quitte à être dans l'eau, autant nager pour de vrai. Et c'est le piège. Eh oui, concentrée par le nombre de longueurs déjà réalisées et restantes, j'en oublie mon objectif de base. Je remarque bien le maître-nageur et sa charmante houpette, en notant néanmoins un sourire narquois qui en dit long sur son potentiel popeyesque (cf les Bronzés et le moniteur qui pèse ses proies). Mais en fait, au retour sous la douche, celui qui me reluque a des faux airs de Jésus. Mais si vous savez, le Jésus des Démons de Jésus avec son paquet de cloques dans le maillot de bain. Grosse classe. Mais comme tu as les yeux rougis par le chlore, la marque des lunettes et les cheveux plaqués tout secos, tu te dis que c'est pas trop le moment d'être exigeante.

Verdict
Le vendredi soir, y'a pas mal de Jésus pour qui la flotte, c'est que dans le Ricard. Et entre midi et deux, y'a beaucoup plus de nageuses que de nageurs. Bon, je vais changer de créneau et je reviens.

vendredi 11 mars 2011

Haut-le-coeur et coeur léger

Une furie. La fille d'à côté se débat, la bave aux lèvres, crie, vitupère, multiplie les gestes brusques et semble à deux doigts de frapper la première âme qui aura le malheur de s'approcher d'elle.

La scène est pourtant d'une banalité confondante. Nous sommes dans le tram, avec Loulou, le soleil frappe les vitres et la vie nous semble douce ce matin. Mais les contrôleurs sont arrivés et la demoiselle est dans une situation délicate. Elle n'a pas renouvelé son titre gratuit et en appelle à l'indulgence des employés, leur expliquant vainement que, de toute façon, vu sa situation, elle y a droit, à cette gratuité. Au lieu de ça, ils vont "l'enfoncer", comme elle dit, "lui mettre la tête dans le seau".

Elle tente tout. Jusqu'à la nausée. "Mais vous voyez pas ce que je suis qu'une serveuse de merde!" hurle-t-elle, en insistant sur le "merde". "Je suis allée à la CAF il y a deux jours chercher ce justificatif du RSA, je voulais ensuite aller à la mairie mais j'en pouvais plus, j'habite loin, vous savez, j'avais bossé toute la journée à porter des assiettes de merde car je suis une serveuse de meeeeeerde! J'ai pas eu le courage d'aller plus loin et je me suis dit que j'irai plus tard chercher mon titre. Et vous, vous allez me coller une amende, vous voulez juste me mettre encore plus dans la merde!!

Je ne sais pas ce qui est pire. Son agressivité effrayante. Le fait qu'elle implore à ce point leur pitié, en se dévalorisant ainsi, en hurlant son désespoir. Ou cette indifférence apparente - je sais qu'au fond, ils ont mal, forcément, ou du moins, j'ose l'espérer - des contrôleurs qui lui répondent simplement qu'elle n'est plus en règle depuis le 23 février, invoquant le règlement... Qui lui demandent juste de signer l'amende alors même qu'elle tente un dernier coup de poker, qu'elle évoque son fils, pour qui elle est "obligée de payer un titre de transport, alors qu'elle-même est déjà sacrément dans la merde, qu'elle bosse pour payer des amendes et que c'est vraiment la merde."

Au fond, je sais qu'elle s'y prend mal et j'imagine qu'en tant que contrôleur, je n'aurais pas vacillé, j'aurais continué ma tournée avec, peut-être, quand même, un haut-le-coeur. Elle n'est qu'une boule de haine, d'ailleurs, elle rend l'amende signée en frappant un peu le contrôleur, un collègue vient en renfort, ils l'encerclent brièvement et comprennent qu'elle ne sera pas dangereuse. Ils lui demandent juste de se calmer.

Comme si c'était possible.

A côté, Loulou est impassible. Je sais qu'il a regardé, mais il se tait, ne pose pas de questions. Les contrôleurs quittent la rame, la demoiselle referme son sac brusquement, qu'elle a malmené à force de fouiller son intérieur à la recherche d'une preuve imaginaire qu'elle a droit à la bienséance, à ce tout petit morceau d'humanité.

Elle se révolte tout haut, crie sa colère contre cette société de merde, cette vie de merde, son boulot de merde...

Je pourrais me taire. L'ignorer, voire la mépriser, qui sait, pour le barouf qu'elle a fait, parce qu'on savait tous comment ça allait finir et que, après tout, si elle a droit à la gratuité, qu'elle aille chercher ce titre et puis basta. Mais c'est plus fort que moi.

"Excusez-moi", je lui souffle.

Elle se tourne vers moi. Ses yeux sont injectés de sang, elle a de l'écume au bord des lèvres. Sans rire.

"Faites un recours par écrit. Là, forcément, ils n'allaient pas vous laisser partir sans amende, mais écrivez votre histoire, racontez votre situation. On ne sait jamais, vous savez."

Elle me regarde, un peu incrédule. Ça se trouve, elle va me dire de m'occuper de mes oignons, me frapper, qui sait. Tant pis, je continue. Je lui raconte un recours que j'ai fait récemment, pour réparer ce que je considérais comme une injustice. Contre toute attente, j'ai obtenu gain de cause. La mauvaise foi est allée se rhabiller et j'ai pensé alors qu'il restait un rai de lumière, du moment qu'on y croyait.

"Parfois, le fait de poser la situation par écrit peut aider les gens à comprendre. De toute façon, essayez, ça ne vous coûtera pas grand-chose."

Là, son regard change, sa mine s'adoucit. Je crois percevoir une esquisse de sourire. "C'est vrai, qui ne tente rien n'a rien", me dit-elle la voix apaisée. Elle me raconte brièvement les contours de son quotidien, son fils de neuf ans qui reste tout seul pendant qu'elle va bosser, "heureusement, maintenant, il est grand et autonome", les mois aux heures de travail sans fin et les autres où les fins sont plus qu'ardues, sa mère infirmière qui touche l'ASS "malgré tous ses diplômes"... Elle a juste besoin de parler, finalement, et de toute façon, il n'y a rien d'autre à dire alors je me tais et je l'écoute.

Elle rassemble ses affaires, se lève. Ses lèvres sont sèches, l'écume a disparu. "Vous m'avez calmée, merci", lâche-t-elle en descendant du tram. Un rai de lumière passe entre les portes qui se referment.

J'ai le coeur léger.

mardi 8 mars 2011

In bed with mum

Après dix jours sans Loulou, la maison a repris des couleurs (et ma voix quelques notes un peu aiguës, logiquement). Un rien épuisée par un marathon dont j'ai enfin vu le bout, je me suis payé le luxe de refuser une nouvelle mission pour passer, enfin, un peu de temps avec la chair de ma chair et respirer. Dormir aussi, et tenter de retrouver un cycle de sommeil à peu près normal (au lieu d'être réveillée à 2h du mat', prête à aller yogger... mais trop poilée de la main pour faire autre chose que fixer le plafond ou lire des magazines de quiche).

Vivre, en gros.

J'avoue, le dilemme était posé: mettre un peu de beurre dans les épinards ou souffler. Tant pis pour l'état de santé de mon compte, je préférais privilégier ma petite santé, justement. Et, donc, me souvenir que j'avais un fils.

En même temps, pour l'oublier, il faudrait que je sois sourde, aveugle et insensible, vu le barouf qu'il fait. Je crois qu'on peut parler d'hyperactivité mais bon, les chiens ne font pas des chats, pas vrai...

En fait, hier soir, je me suis sentie un peu désoeuvrée de ne pas avoir bossé de la journée, de n'avoir pas collé mon nez sur l'ordi et tapé ou écouté quoi que ce soit. Mais pleine de bonnes (?) résolutions, je me suis offert une petite séance de ciné (à domicile, oh, étape par étape, quand même) avec une oeuvre qui m'a remuée plus que de raison, une histoire de retrouvailles vouées à l'échec entre deux vieux amants, ce genre de mélo qui me parle, allez savoir pourquoi... Mais l'essentiel était là, j'étais dans les starting-blocks pour démarrer mon programme sommeil (oui, je sais, c'est moins excitant que le programme sauvez-la-mouette-trouvez-lui-un-mec, mais comme je vous disais, étape par étape, ok) et avant minuit, morphée avait eu la bienséance de m'accueillir.

Hurlements. Deux heures du mat'. Ce n'était pas la dame décapitée de mon cauchemar (elle pouvait plus crier, elle était toute mourue), ni moi-même devant ce sanglant pestacle (limite blasée de mes visions nocturnes un peu gore). Non, les cris venaient de la chambre d'à côté. Ah oui, c'est vrai, Loulou is back. Évidemment, persuadée qu'il était victime d'une méningite (comment ça, je dramatise?) alors qu'il se tenait la tête d'un air éploré, j'ai eu un peu de mal à trouver le sommeil, une fois la séance de réconfort-médoc-çavaallermonchéri.

Pour le programme sommeil, c'était donc mort, mais alors, la caboche de Loulou? La douleur était telle qu'il a fini in bed with me, me réveillant dès lors que j'avais l'infinie inconscience de sombrer dans un monde parallèle. La seule différence entre lui et moi, au lever, finalement, c'est qu'il pétait le feu là où je n'étais qu'une épave.

C'est là que j'ai failli balancer mon réveil, qui crachait qu'aujourd'hui, c'était la journée de la femme et que, quand même, quand même, le sexe faible avait profité de quelques avancées dans cette société de brutes. Que le combat n'était pas gagné, certes, mais que les femmes prenaient peu à peu une place nouvelle au milieu de ces hommes, ces héros.

Pourquoi donc me suis-je sentie un rien hors du coup, dans l'histoire? Non, vraiment, il est de ces luttes dont on s'exclue tout seul, parfois.

La bonne nouvelle, c'est que le traitement de loulou m'a logiquement conduite jusqu'à la pharmacie où le monsieur-de-l'officine est décidément très, très gentil. Ben quoi, faut savoir flairer les opportunités, non?

samedi 5 mars 2011

Isa

J'avais quoi? 4 ans? 5 ans? J'ai pris ma poupée, aux cheveux blonds. La sienne était l'exacte copie, mais avec les cheveux noirs.

Ce n'était pas son anniversaire, mais le sien. Pour ne pas attiser ma jalousie, mes parents avaient décidé de m'offrir, à moi aussi, cette poupée que ma soeur convoitait.

Je me souviens du bonheur que j'ai ressenti à ce moment. Ce sentiment de toute-puissance, je pense, aussi, des années après. Ce souci de partage équitable a guidé notre enfance, à la maison. Si l'une avait, l'autre aussi. Mais au lieu de calmer les élans de chacune, ce processus insidieux a développé un autre sentiment, celui de la rivalité.

Ah, c'est compliqué d'être soeur. On aimerait tout partager avec cet autre nous et on réalise qu'elle est en fait notre antithèse. Qu'elle dit noir quand vous dites blanc. Qu'elle joue les rabat-joie devant votre impulsivité. Qu'elle est sage, réfléchie, posée, quand vous n'êtes qu'une boule de nerfs irréfléchie.

Ma soeur et moi avons grandi avec les mêmes valeurs, mais notre interprétation en a été diamétralement opposée. Lorsque j'ai plongé dans cette nuit sombre de l'anorexie, elle a versé dans la boulimie, ses bonnes joues contrastant avec la sécheresse de mes os. Lorsqu'elle s'est libéré de ses rondeurs, j'ai à mon tour voulu remplir le vide. Jamais synchro. Mais toujours rivales. Pas toujours consciemment, bien sûr.

Je me souviens aussi des posters qui couvraient les murs de sa chambre, sa passion pour Simple Minds, U2 et Indochine, allant même jusqu'à adopter la coiffure de Nicolas Sirkis. Je l'admirais d'en connaître autant sur cette musique alors que j'étais néophyte. Je prenais ses OK, ses Podium et j'essayais de rattraper mon retard, je crois. Elle était beaucoup plus secrète que moi, plus mature. Elle avait aussi souffert de violence verbale, de ces mots qui jamais ne s'effacent. En tant qu'aînée, elle essuyait les plâtres et moi, la cadette, je jouissais des bénéfices de cette première expérience. Je n'en avais pas vraiment conscience, je crois, à l'époque, c'était normal à mes yeux.

Je ne savais pas encore qu'on pouvait souffrir à ce point de ces deux statuts. Le poids de la responsabilité et du scepticisme parental pour l'aînée, la permissivité plus large et les reproches inhérents de l'aînée pour la cadette. Je ne comprenais pas cette gravité qui l'accablait trop souvent à mes yeux. Je voulais juste être heureuse, je crois, souriante et insouciante et j'aurais voulu qu'elle soit ainsi, elle aussi.

Je l'ai vue s'affranchir de ces carcans familiaux, prendre son envol, par la grâce d'études la menant hors de nos frontières et d'un jardin secret qu'elle a su cultiver, quand je ne pouvais m'empêcher de tout raconter. Mais au retour, rien ne changeait, j'étais toujours l'écervelée, à ses yeux. Un peu dingue.

Et puis, les chemins de la vie lui ont permis de libérer sa personnalité, ses envies, d'assouvir ses coups de tête et ses coups de coeur. Elle aussi avait le droit d'exister. Elle a pu construire sa vie personnelle. Et pourtant. Nous étions adultes, les chamailleries auraient dû n'être qu'un lointain et douloureux souvenir mais rien à faire, la rivalité nous opposait toujours, cet élan puéril pourrissait nos relations.

Il aura fallu des blessures des deux côtés, des ruptures, des retrouvailles, des naissances, des accidents de la vie pour que finalement, nos chemins se croisent et que nous apprenions à accepter nos différences. A nous affranchir de cette rivalité en posant les choses. A tolérer la différence.

A admettre que nous ne seront jamais pareilles. Tout en nous reconnaissant vivement, parfois, dans les réactions de l'autre. Une question de sang, j'imagine. D'amour qui ne dit pas son nom, englué dans la pudeur et des histoires qui n'ont plus lieu d'être.

Tout ceci nous appartient. Mais j'avais juste envie, aujourd'hui, de l'écrire.

Bon anniversaire, Isa.

vendredi 4 mars 2011

Bouffées de frugalité

Je pourrais vous raconter que, pour mener à bien mon (crash) test sur la meilleure façon de pécho du mâle (oh, ça va, hein, on est en fin de semaine), j'ai tenté une nouvelle expérience aujourd'hui, en allant direct fouiner dans un gros vivier: le train.

Ah parce que là, y'a du mouvement, y'a du regard, de l'attouchement (rapport aux allées toute exiguës)... Bon, OK, y'a aussi de l'empressement, l'envie d'arriver frais à son rendez-vous le matin et tôt chez soi le soir (ou pas trop tard, en tout cas) et finalement, les gares reflètent bien la triste réalité de notre société: consumérisme, individualisme et manque criant de civilité. Comme cette grognasse qui s'est collée juste à côté de moi sur le quai pour tirer sa bouffée de cigarette. Ses bouffées de cigarette. J'aime (eh, y'a pas de raison que je sois plus tolérante, je fais partie de cette société, je crois).

C'est bon de râler.

...


Mais à vrai dire, je manque à tous mes devoirs, je ne sais pas rester focus sur mon programme "sauvez une mouette, trouvez-lui un mec" (quoi, c'est pathétique? Oui, mais ça me fait rire) et j'ai juste emprunté les rails pour voir Poney, que j'avais dû délaisser bien malgré moi ces derniers temps. Je craignais un peu ce rendez-vous, soyons honnête: elle m'avait appelée quelques semaines plus tôt, affolée, pour me dire que plein de trucs n'allaient pas. Je l'avais (un peu) rassurée au bout du fil, puis résisté à prendre une corde, parce que bon, j'ai quand même un fils et un minimum de curiosité pour ce que cette chienne de vie me réserve encore, nous réserve encore.. Mais enfin, je n'en menais pas large.

On a donc corrigé le tir aujourd'hui. Et je découvre au final que Poney est juste perfectionniste et exigeante comme il faut. Et que tous ces trucs qui n'allaient pas ne sont pas si méchants.

C'est donc dans cet esprit apaisé que j'ai repris le train. En oubliant, du coup, que je devais donner un nouveau tour à ma vie, et arrêter de me contenter de ce que j'ai...

... Et puis alors? Et si le peu que j'avais me convenait, finalement? Et si je commençais à goûter sérieusement à cette saveur toute particulière, celle de la frugalité?

Faut que je dorme, je crois. J'ai pas les idées claires, là.

mardi 1 mars 2011

Chabadabada...

Alors, qu'est-ce que je disais, déjà, sur cette dizaine de jours sans mon loulou, en mode célibataire?

Ah ouais, c'est ça, que j'allais explorer des pistes, retrouver la femme qui est en moi, au fond, chabadabada, sous les couches d'auto-médisance et d'auto-dérision... Chabadabada... Trouver une épaule; ou plutôt trouver le moyen de trouver une épaule (et aller sonner chez mon voisin).

La réalité?

Truc de ouf aujourd'hui. J'ai changé de...

Pyjama.

Au bout de deux jours et demi porté quasi-non stop (une histoire de toilette de chat, tout ça), il tenait presque tout seul, l'animal. Ça donne envie, hein? Y'a encore des gens amoureux de moi, ici? (on me signale que personne n'était amoureux de moi ici. Au temps pour moi).

Et quitte à prendre une douche pour une raison valable, je suis allée courir. Ouais, parce que laver mes cheveux juste pour les laver, sans passer par la case sport, je sais pas, j'ai du mal.

Vous imaginez donc ma dégaine, en yogging, à courir le long de l'Erdre (on ne change pas une équipe qui gagne). Un moment, sur "billy jean" un rien customisé, j'ai glissé dans la gadoue. J'ai évité la chute, mais d'un rien. Grosse classe. La solitude, j'en connais maintenant un rayon, après ce doux moment assorti d'un pouffement de rire du couple qui me suivait, main dans la main (chabadabada).

Pff.

Alors, oui, mes résolutions ne tiennent pas, bien sûr. Mais j'ai une bonne excuse: un taf de dingue, dont je vois doucement le jour, qui m'impose des choix: fringues ou boulot? Courses ou boulot? Dodo ou boulot?Vous l'aurez compris, c'est 3-0 pour le boulot. Jamais mangé autant de soupe miso en sachet et de yaourts. Jamais si peu dormi. Jamais mis autant de grandes chemises d'homme (ouais, quitte à se coller en pyjama, autant la jouer modasse à trois balles, sait-on jamais, George "what else" qui débarque, je serais au taquet).(Je sais, je triche un peu).

Bref, quitte à ressembler à une zombie, autant ne mettre le nez dehors que pour le nécessaire. Pas sûre d'être à mon avantage, pour le reste, dans la vraie vie!

J'évite les déconvenues? Je suis une petite joueuse? Sans doute. Chabadabada...