dimanche 25 juillet 2010

Quand j'appuie sur pause...

Dormir.

Respirer.

Évacuer le stress peu à peu, décompresser.

Me souvenir que la pression, c'est ce qui sert à gonfler les pneus (dixit un grand philosophe, Charles Barkley, fantastique... joueur NBA du siècle passé (eh oui).

S'installer avec un bon bouquin, dans le transat.

Imaginer que le plus gros effort de la journée va consister à se relever du dit-transat.

Marcher. Nager. Courir. Pédaler.

Voir ses amis. Prendre le temps de prolonger la soirée.

Prendre la route. Aller vers la mer.

Je revendique mon droit à la procrastination, à l'hédonisme le plus banal. Mon programme s'apparente à une mémérisation aigüe, je le sens bien, mais qu'importe. J'aspire au calme, avant et après la nouvelle tempête qui surviendra (les angoisses, que vais-je devenir, blablabla, on va tous dans le mur, etc, etc. ok, je me sors ça de l'esprit tout de suite).

Bon, vous l'aurez compris, je vais éteindre mon ordi un peu, souffler, déconnecter, goûter de nouveau aux plaisirs simples... J'ai encore du mal à réaliser ma chance.

A très vite!

samedi 24 juillet 2010

Monsieur grincheux et mon rêve de couette

Encore dans le gaz, je me suis levée sans aucun enthousiasme ce matin. Pourtant, tenir un restau pour la journée, faire la chef, j'en ai rêvé et mes précédentes expériences m'ont confortée dans cette idée. Mais là, à court d'énergie, j'avoue, je me projetais avec une impatience non dissimulée à ce soir, bien emmitouflée dans ma couette.

Finalement, une fois sur place, l'énergie est revenue. Le poulet à faire cuire, le saumon à faire mariner, les tables à dresser, le pain à couper... Tel un automate, j'ai accompli les premières tâches avant de me réveiller vraiment.

Il valait mieux. Parmi mes premiers clients se cachait le pire cauchemar de tout commerçant. Le râleur.

Le jamais content. Le gars qui rit quand il se pince.

Le chieur, oui, on peut résumer ainsi.

A sa mine, j'ai vu d'emblée que ça n'allait pas être facile, facile. Il était accompagné de sa trentenaire de fille et de son petit-fils (enfin, j'ai imaginé qu'il en était ainsi). Quand j'ai annoncé qu'il faudrait patienter pour le menu enfant, because il fallait faire cuire des pâtes, il n'a même pas cherché à masquer son soupir.

Pfffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffff.

Oui, moi aussi, pffffffffffffffffffffffffffffffffffffff, d'abord. Monsieur, si tu avais eu ma semaine, tu savourerais juste le bonheur d'être assis en terrasse à te faire servir.

Mais le monsieur doit être un nanti, un nanti pressé, donc. Ensuite, sa fille s'en est un peu mêlée, elle voulait plus de vinaigrette. Pas de souci. Lui a haussé les sourcils. J'adore. Les pâtes mettaient des plombes à cuire, le gamin était une tête à claques, je rêvais plus encore de ma couette.

J'étais dans mes petits souliers, il a dû le sentir. J'étais une proie facile.

Au final, c'est vrai, ils ont mangé leur plat avant le gosse, parce que visiblement, monsieur jamais content avait piscine et que sa salade, il la voulait là maintenant. Il était pressé, oui, mais bon, quand même, il voulait prendre un café. Je le lui apporte.

Il revient avec. "Euh, c'est quoi ce café? Vous ne savez pas le faire?"

Hummmmm, j'adore. C'est pas moi qui le fais, je me contente d'appuyer sur une touche et la machine à café s'occupe du reste.

Pas de souci, monsieur, je vous en refais un autre. Il revient: "non mais, c'est pareil, hein, pff, c'est imbuvable! C'est pas possible, faut changer la dosette à chaque fois, hein!"

Là, je suis à deux doigts de lui coller le café sur sa face, pour vérifier qu'il sait faire autre chose qu'ouvrir la bouche pour râler (car hurler n'est pas râler, évidemment), mais comme je suis la sagesse incarnée, je reste courtoise, lui explique la panne de la machine à café et la solution provisoire que le restau a trouvée.

"Ah bah!" reprend-il. "Décidément, c'est pas la journée!"

"Comment ça, monsieur?"

"Mais enfin, rien n'a été!" (dit-il après avoir fini son assiette, quand même)

"Qu'est-ce qui vous fait dire ça, monsieur?"

"Franchement, entre les pâtes en retard, le café, l'attente, et puis j'ai pas l'impression d'avoir mangé correctement."

Alors là, je lui demande de laisser une seconde chance à l'établissement, je prends la responsabilité des couacs, tout ça, vas-y que je continue à tendre le bâton... Quand il me dit, sans hésiter:

"Ah mais non, j'suis déjà venu ici, c'est toujours comme ça!"

Euh, monsieur, pourquoi tu reviens, alors? Je me suis retenue, mais quelque part, ça m'a rassurée. C'était juste un con. Point.

L'ex, qui avait eu l'idée de venir déjeuner en même temps (!) a assisté à la scène et n'a pas dit autre chose. Sauf que, d'après lui, je n'aurais pas dû m'excuser au départ. Il a raison. A vouloir être arrangeante, je me suis pris les pieds dans le plat.

Comme dirait la boss, cette rencontre avec jamais-content a malheureusement marqué ma journée, par ailleurs très agréable. Bah, les sourires et l'air réjoui des autres ont compensé cette mauvaise humeur, mais cet épisode m'a confortée dans l'idée que les commerçants n'ont pas d'autres choix que d'avoir les nerfs solides, pour relativiser très vite ces passages et prendre ça d'où ça vient.

Cela dit, maintenant que j'ai testé le chieur, j'ai l'impression d'avoir étoffé ma panoplie. Un jour, qui sait, peut-être deviendrai imperméable à la connerie.

J'ai encore pas mal d'étapes à franchir mais enfin, rien qu'aujourd'hui, j'ai au moins gagné dix points.

vendredi 23 juillet 2010

De la résistance d'une zombie

Certes, je suis une zombie.

Mais une zombie presque soulagée. Heureuse à l'idée que son calvaire prenne fin, bientôt.

Petit coup de pression hier, avec un mail de ma boîte me reprochant un retard dans mon travail alors que je suais sang et eau (j'exagère à peine) pour avancer, laissant tout de côté - y compris mon sac de voyage, posé dans l'entrée mardi et qui n'a pas bougé (d'ailleurs, un jour, faudrait que je cherche à comprendre pourquoi ces choses-là ne se rangent pas toutes seules). Y compris mes recherches d'emploi. Y compris un rapport que je souhaiterais lire. Y compris mes mails, que je range dans un répertoire "urgent" ou "à venir" si ça peut attendre. Y compris mon courrier que je pose sur un meuble, comme si passais juste récupérer celui d'une amie partie en vacances.

Y compris mon fils. Y compris ma vie.

Il s'avère que le monsieur avait juste oublié un détail et que ma mission devait bien être terminée pour lundi. Mais, que voulez-vous, il n'y pensait plus et m'a donc écrit un message, juste avant d'éteindre son portable, me laissant dans un état de stress difficilement contrôlable.

Alors, j'ai tapé, j'ai tapé et j'ai fini ma première version à... 3h20. J'ai envisagé la nuit blanche mais sincèrement, songeant à la journée qui m'attendait le lendemain, j'ai privilégié la sagesse et me suis donc allongée. Cinq minutes, ai-je eu l'impression. Cinq heures, en vrai, juste le temps de me lever, dans cet élan zombiesque, et d'y retourner.

Ce soir, j'en suis presque venue à bout. Et c'est tant mieux parce qu'une longue journée s'annonce, demain. Dans mon souci de devenir véritablement schizo, je vais passer le samedi derrière le comptoir. Oui, encore. Mais cette fois, toute seule, comme une grande. La boss a tenu à ce galop d'essai, avant que je ne la remplace, trois jours durant, en août, pour un dépannage express.

J'ai pas su dire non, d'autant que j'envisage ça comme un bol d'air frais. Et en plus, qui sait, j'aurai peut-être un peu de matière pour ce blog, demain soir...

N'empêche que je suis rincée. Si je pouvais éviter le malaise vagal, j'aimerais autant.

Pff, quel drôle de métier que celui de chômeuse.

jeudi 22 juillet 2010

La piqûre de rappel de Johnny Halliday

Non, non, je ne suis pas partie en vacances et cette recette de tarte au citron meringuée ne ressemble en rien (euh, elle ne ressemble à rien, d'ailleurs, mais ça n'a rien à voir. Pas la tarte qui cuit dans mon four à l'heure actuelle, la recette. Pffou, j'suis pas claire. Et pis j'ai chaud, quelle idée de faire cuire quelque chose par ce temps), bref, ce dernier post ne ressemble en rien à un épilogue, c'est juste que j'ai l'impression de m'être lancé un défi contre le temps.

Temps 1 - La mouette 0

Car voyez-vous, le temps est le plus fort et le sera toujours. Pendant que j'effectue ma course contre la montre, d'autres se meurent, attendent que leur heure vienne, justement. Non, non, je n'ai pas oublié mes petites pilules ce matin.

Entre deux compte rendus (je vais en venir à bout, je vais en venir à bout, yes!) et un aller-retour express à Nantes pour y déposer Loulou, j'ai fait un détour à l'hôpital. Oh, pas pour moi. Mais pour un ami qui a la joie d'y séjourner depuis lundi et son malaise matinal. Comme il est en cardio, ça m'a rappelé quelques mauvais souvenirs, même si, a priori, le mal est moindre.

En entrant dans le service, je me suis quand même dit que j'aurais dû les prendre, ces petites pilules. Histoire de voir la vie en rose et d'ignorer ces sombres nuages qui pèsent sur ces personnes diminuées, vieilles. En fin de vie, tout simplement. D'ailleurs, avec mon ami, on a ri (jaune) en lisant le titre d'un livre de recettes, vendu au kiosque en bas: "Alimentation pour les patients en fin de vie".

Quoi, c'est triple dose de chocolat parce que, de toute façon, c'en est bientôt fini?

Forcément, mon ami, du haut de ses 38 ans, c'est un peu la vedette du service. La guest-star, oserais-je. "Je suis un peu Johnny Halliday", qu'il m'a dit. Tu penses, il rabaisse d'un coup la moyenne d'âge de 50 ans, forcément, les infirmières, elles le chouchoutent.

Vous allez me dire, pourquoi je vous raconte ça? Euh, vous voulez que je vous parle du passage du très haut débit dans nos rases campagnes? Du ramassage scolaire à la carte? OK, on est d'accord, les débats institutionnels ne vous branchent pas (on dirait pas comme ça, mais c'est passionnant. Surtout quand ils se crient tous dessus et s'accusent mutuellement de faire de la "politique avec un petit p", insulte suprême).

Je vous raconte ça parce que forcément, lorsqu'un ami vous envoie un petit texto anodin pour vous annoncer un séjour en cardio, comment dire, ça marque un rien le quotidien.

Et puis, comme tous ceux qui se sont trouvé entre deux, son regard bleu et acéré a pris une nouvelle profondeur. Lui qui projetait sa vie en permanence, prévoyant ses week-end six mois à l'avance, a vu son emploi du temps de ministre bousculé. Paradoxalement, derrière l'angoisse première, je l'ai senti comme soulagé de ne plus avoir à remplir les cases.

Apaisé de faire le vide, parce que son corps le lui a demandé, il ne se questionne plus, sinon pour savoir s'il pourra chaparder une compote en douce ou manger autre chose que de la viande bouillie. Oh, cette paix intérieure est sans doute provisoire, liée au soulagement qu'il a ressenti à l'issue des examens, où les pires hypothèses ont été écartées. Mais une fois encore, c'est une petite piqûre de rappel.

En quittant mon ami, entouré de ces âmes grises, j'ai songé à cette course contre la montre que j'avais enclenchée. A la futilité de charger mes journées, moi qui crains le vide. Pour l'instant, je ne peux rien y changer: j'ai une mission à terminer et, samedi, une "escapade" dont je vous reparlerai. D'autres projets, imprévus, viennent de survenir. Et j'ai d'autant plus de mal à dire non lorsque les perspectives sont enthousiasmantes.

Pendant ce temps, mon corps se rappelle à mon bon souvenir, à coups de petits troubles lorsque je me lève. De courbatures nouvelles dans les mollets, alors que je n'ai pas eu le loisir de bouger mon gras depuis deux semaines. A la limite du surmenage, lassée de finir mes nuits sur l'ordinateur les paupières tombantes, je songe à un mini-break.

J'ai envie de pouvoir m'asseoir sur mon canapé autrement que pour bosser. Regarder un film à la télé. Sortir prendre l'air. Nager. Dans la piscine, dans la mer. Prendre le temps de discuter dans le jardin de mes parents et jouer au ballon avec loulou.

Vivre, en somme. Sans me préoccuper des échéances angoissantes qui m'attendent. De ce flou qui continue de mener mon quotidien.

Faire un break, donc.

Je sais, c'est sinon, surréaliste, au moins peu raisonnable alors que la situation m'impose de ne rien lâcher. Mais les yeux fatigués de mon ami me laissent penser qu'à l'impossible, nul n'est tenu.

Que la course contre le temps est perdue d'avance et qu'il vaut mieux, alors, s'en faire un allié.

lundi 19 juillet 2010

Miam

Pas de blablabla, pas de tralala, cette tarte-là, tu la manges et puis voilà. C'est le Maire qui le dit, je vais quand même pas le contredire, pas vrai? Une fidèle lectrice, que j'embrasse bien au passage, me l'a demandé, alors, je ne résiste pas au plaisir de partager cette recette.

Alors, pour une tarte au citron meringuée, il faut:

Pâte sablée: 250g de farine, 125g de beurre mou, 50g de sucre, 1 jaune d'oeuf, 1 pincée de sel

Garniture citron : 3 oeufs, 150g de sucre, 2 citrons, 150g de beurre, 3 à 4 gouttes d'essence de citron bio (en pharmacie- ben oui, je délivre tous mes secrets)

Meringue italienne : 250 g de sucre, 125 g de blancs d'oeuf, 5cl d'eau

Préparez la pâte, qui deviendra de toute façon votre incontournable pour toutes les pâtes. Si, d'abord : dans un grand récipient, mélangez oeufs, sucre et sel jusqu'à consistance crémeuse. Ajoutez toute la farine. Effritez du bout des doigts jusqu'à obtention d'un sable grossier. Incorporez le beurre en petits dés. Pétrissez et fraisez la pâte (hum, j'adore) pour bien l'homogénéiser. Roulez la pâte en boule. Laissez-la se reposer, la pauvre, vous n'aimeriez pas un petit break après un tel chahut?

Bon, pendant que la pâte reprend ses esprits, passez à la garniture: Lavez soigneusement les citrons, râpez le zeste (d'un seul, pour ma part, je trouve que ça suffit) des citrons, pressez les fruits. Mélangez soigneusement (décidément) les oeufs avec le sucre. Ajoutez zeste, jus de citron et beurre fondu (ben oui, sinon c'est pas drôle) et le p'tit truc en plus qui va faire toute la différence, ces petites gouttes d'essence. Bon, ok, vous allez me dire que vous n'avez pas ça en rayon. Perso, je dis que ça vaut le coup d'aller jusqu'à la pharmacie, mais bon, c'est vous qui voyez, hein.

On cause, on cause et la pâte, pendant ce temps-là, elle fait sa maligne, elle a repris du poil de la bête, elle est bien ronde et lisse. Et hop, on la reprend, on farine le plan de travail et on la martyrise à coup de rouleau à pâtisserie, et on la colle au four, 10 min à Th 5/6 (tout dépend du four, le mien est un malade mental qui chauffe très très vite), après l'avoir piquée de quelques trous de fourchette ou décorée de haricots secs (chacun sa méthode).

Ensuite, on ajoute la préparation au citron dessus et hop, 20 min, pareil pour le four, perso c'est 5, la recette de base indiquait 7/8 ;)

Vous croyez vous en tirer comme ça? Eh non, et la meringue, elle se fait toute seule, les gars? Donc, on monte les blancs en oeufs, si possible dans un robot trop sympa qui fait le boulot à notre place. On les garde tranquillou et pendant ce temps, on met le sucre et l'eau dans une casserole et on fait cuire à feu vif pour obtenir un sirop. On verse ensuite lentement ce sirop dans les blancs (en laissant le robot en route, idéalement, histoire que le mélange tourne bien). Là, sous vos yeux ébahis apparaît une meringue épaisse et satinée (je suis régulièrement à deux doigts d'envisager un masque facial), étalez cette magnifique oeuvre d'art sur la tarte au citron avec une spatule et, top astuce, collez le tout sous le grill quelques micro-minutes (3 dans mon four suffisent).

Voilà, c'est tout. J'espère que vous m'en direz des nouvelles...

samedi 17 juillet 2010

Madame mauvais poil, la sainte et l'apôtre

Quitte à faire des pauses, autant qu'elles soient divertissantes, pas vrai?

Du coup, hier matin, j'ai filé chez Pôle Emploi. Oui, oui, histoire de me divertir. Dit comme ça, ça peut sembler bizarre, mais il se passe toujours un truc cocasse, à chacune de mes escapades dans ce pays insolite.

En réalité, je voulais transmettre mes documents du mois (salaire de juin, enfin reçu le 15 juillet, grrr) à mon apôtre. Malgré notre relation de confiance, j'ignore encore tout de sa vie et surtout de ses dates de congés et il était hors de question que la lettre en question poireaute sur son bureau pendant quelques semaines, le temps qu'il se dore la pilule (et il le mérite, si si), rapport que Pôle Emploi me doit des sous. Donc, j'ai préféré poireauter, justement.

Mais pas trop, en fait. L'effet des vacances, j'imagine. Les chômeurs qui restent chez eux l'été, c'est has been, faut croire. Ou alors personne n'a de problème spécifique. Ou alors ils saturent les lignes du 3949... Bref.

Une dame à lunettes chargée au guronsan, si j'en crois sa speed attitude, me demande si j'ai rendez-vous et sinon, "de quoi qu'elle veut la dame." Je caricature à peine.

"Euh, le...

"Oh, c'est pas vrai", qu'elle m'interrompt décrochant le téléphone comme si ce dernier avait commis l'irréparable. "Ouais, t'es bien gentille, là, mais moi j'y peux rien", qu'elle répond, avant de raccrocher brutalement. Elle s'est peut-être fait plaquer ce matin. Ou alors son pain a grillé dans le toaster. Ou son chien a gerbé sur son tapis. Je sais pas, mais y'a un truc. Bref.

Retour à l'accueil. "Et donc, vous disiez?"

"Le monsieur du poste bipbip est-il là? "

"Ouais, mais il est occupé, c'est pour quoi?" Je lui explique le dessein de ma visite.

"Ouais, mais on peut pas le déranger, là."

Pas grave, qu'elle lui donne l'enveloppe et qu'on en parle plus. Elle rumine, jette des regards mauvais à droite à gauche. Elle est énervée, et ça m'agace. Je craque.

"Je sais bien que ce n'est pas contre moi, mais s'il vous plaît, pouvez-vous juste vous montrer un peu moins agressive?"

Entre temps, sa collègue l'a rejointe. C'est marrant, ma réflexion ne semble pas du tout la surprendre.

"J'suis pas agressive, j'vous dis juste qu'il n'y a pas de suivi personnalisé ici, point."

Elle n'a pas compris qu'entre l'apôtre et moi, c'était spécial, que notre relation dépasse l'entendement pôlemploiesque, que parfois, il m'appelle et n'hésite pas à actualiser ma situation à ma place.

L'autre collègue doit déceler le truc, j'imagine, parce qu'elle s'empare de l'enveloppe et me confirme qu'elle va la porter de ce pas. Oh, une autre sainte.

Se croyant débarrassée de moi, madame mauvais poil me fait un signe de tête pour m'expliquer que mon temps a expiré. Sauf que j'ai une autre question à lui poser. Sur l'indemnisation. Un truc de base, à mon avis, mais je préfère avoir confirmation. Je commence donc à le lui demander mais elle me coupe la parole.

"Ah ouais pour ça, je ne peux pas vous aider, c'est pas mon domaine, faut voir avec... " Elle jette un rapide coup d'oeil, chope Claudine au passage et lui pose la question. "Qu'elle appelle le 3949" répond la Claudine. Devant mon air catastrophé, madame mauvais poil retrouve brièvement le sourire et m'offre un clin d'oeil, gage de sa complicité.

Ou peut-être était-ce un tic.

Oui, c'est ça, ça devait être un tic.

vendredi 16 juillet 2010

Oedipe chez Kookaï

Petite folie, l'autre soir en rentrant du chemin des écoliers (enfin, du centre aéré), j'ai ouvert le compteur des soldes. En passant devant une boutique affichant d'aguicheurs 70%, je me suis laissée tenter. Pas le temps, pas l'argent? Allez, vite fait, un petit tour... J'ai donc poussé la porte, au grand désarroi de Loulou qui aurait préféré continuer à lorgner ses voitures de collection dans le magasin proche.

Je savais que la mission serait compliquée, avec mon asticot dans les pattes. Mais un garde-fou dans une boutique où toute la collection est archi-soldée, y'a pas à dire, c'est quand même très, très utile.

Je vous passe ses pompes à une main (!), ses "Regarde, maman, regarde!", ses petits pas de hip hop sous les yeux mi-amusés, mi-consternés d'une vendeuse, ses roulers-boulers sur le parquet - cela dit, au moins le ménage était fait, vu le nombre de bouloches qui se sont greffées sur le T-shirt de Loulou. Oui, je vous passe les "On y vaaaaaa, mamaaaaaannnn ?" et la très agréable et indispensable ouverture du rideau alors que j'étais en plein déshabillage.

Un vrai bonheur.

Autant vous dire que j'ai fait fissa pour essayer le stock de tissus embarqués à la va-vite dans la cabine. Le verdict est tombé, systématiquement. "J'aime pas!" "J'aime pas!" "J'aime pas!"

Non, rien était au goût de Môôôsieur Loulou. Comme il réalisait que je ne tenais pas compte de ses appréciations forcément des plus sensées, il m'a fixée le plus sérieusement du monde, devant le miroir, fait ses gros yeux et a lancé la sentence:

"Maman, j'aime pas, alors tu prends pas."

Moi, bien déterminée à dépenser mes sous: "Ah oui, et depuis quand c'est toi qui décide?"

Lui, pas perturbé pour un sou : "Mais enfin, maman, j'aime pas ces vêtements-là. Et comme il n'y a que moi qui te regarde, et que j'aime pas, il n'y a aucune raison que tu les achètes!"

...

"Et comme il n'y a que moi qui te regarde..." a-t-il dit, donc.

...

Implacable.

Un peu rude, certes, mais implacable.

Bonjour le coup de massue. Je suis quand même repartie avec... deux pulls et une chèche. Pour les longues soirées d'hiver, tout ça. Parce que d'un coup, je sais pas, j'ai eu l'impression qu'il allait être long, cet hiver, mais loooooong...

jeudi 15 juillet 2010

Madame plus

Chaque fois que je commence à sortir des ingrédients...

Chaque fois que je mets littéralement la main à la pâte...

Chaque fois que j'enfourne mes petites expériences...

Chaque fois, je me dis que, quand même, mince.

Je sais, je radote, je me fais du mal, rien ne sert se retourner sur le passé ou de rêver à un destin (pour l'instant) impossible. Lorsque je suis derrière le comptoir, c'est juste "comme ça". Juste "pour dépanner". Ce genre de choses.

Alors, disons que je prends comme une petite bouffée d'air frais ces intrusions dans l'autre vie, la vie rêvée, la vie imaginaire, la vie illusoire, qui sait. Et peu importe. La réalité, néanmoins, m'a un peu rattrapée aujourd'hui. Epuisée de ces nuits trop courtes à tenter de combler le retard qui s'accumule sur les retranscriptions, je marche un peu au radar. Et juste avant le service, j'ai vu tout trouble. Un malaise vagal.

Oh, ce n'est rien, j'ai l'habitude de ces chutes de tension. Mais je sens aussi que je tire trop sur la corde, que je suis humaine et que mon corps réclame un petit répit. Ma "boss-copine" m'a regardée, un peu inquiète. Avant de me chambrer gentiment.

"Madame plus! Madame plus fatigue!"

Le malaise est passé, la journée s'est bien terminée, sans encombres. Mais je ne suis pas folle: je sais que je ne tiendrai pas dix ans à jouer sur plusieurs tableaux et à tenter de colmater les fuites. Il va bien falloir que je redresse le bateau, qu'il ne chavire pas.

Cela dit, pour l'instant, ai-je le choix?

mercredi 14 juillet 2010

Respiration

Truc de malade, demain: délaissant temporairement mes passionnantes écritures, je vais respirer l'air naturel, voir du monde et éviter les escarres: dans l'optique d'un remplacement de trois jours en août, je vais passer la journée au restau "habituel".

J'ai hâte.

mardi 13 juillet 2010

La logique du petit boxeur

Ce matin, Loulou s'est réveillé, tel un boxeur au lendemain d'un K.O. L'oeil gonflé, rouge, salement amoché.

Genre Robert de Niro dans Raging Bull.

J'aurais été bien réveillée, je crois que j'aurais crié. Là, dans le brouillard, j'ai juste réalisé que j'allais devoir revoir le programme de la journée.

Non, personne n'appelle "enfants battus", loulou souffre bêtement d'une inflammation du canal lacrymal. Mais il est quand même un rien défiguré. Et surtout, il a mal. Alors, forcément, qui dit enfant malade dit maman obligée de se triturer l'esprit pour savoir comment elle va pouvoir retranscrire du débat institutionnel pendant huit ou dix heures, comme si de rien n'était.

Loulou a été sympa, il m'a laissé bosser dans ma... chambre. Au début, tout concentré sur les Pokemon et le journal de Mickey, il n'a rien laissé entendre d'un quelconque désarroi.

Et puis, sans doute lassé, il est allé farfouiller dans sa chambre, retrouver de vieux trésors. C'est ainsi qu'il a débarqué dans ma tanière improvisée, pistolet à l'eau à la main, en criant: "Haut les Mains". Sur ce, il m'a tuée. Oui, oui, il m'a tuée. En tout cas, c'est ce qu'il m'a dit.

Devant mon manque de réaction, il a eu l'air désappointé.

"Mais maman, comme t'es morte, tu peux plus travailler, oh!"

C'est marrant, je croyais que c'était l'inverse. C'est pas quand tu travailles plus que t'es mort ?

Je m'y perds, à force.

dimanche 11 juillet 2010

Nous ne faisons que passer...

Nous ne faisons que passer (Help myself). Dès que j'entends cet air, je m'arrête. Cette chanson de Gaëtan Roussel me touche particulièrement et n'a jamais aussi bien traduit mon ressenti actuel.

Non, ce n'est pas un SOS, je vous rassure. Juste une façon de relativiser, sans doute.

Pour le reste, direction youtube pour mettre quelques images sur ce texte si juste...

Time to get away
Gotta help myself, soon (bis)

HELP MYSELF

Sans prendre le temps de s’arrêter
Dernier cri, premier arrivé
Aurons-nous de l’eau cet été
Tout le monde cherche à s’échapper

Time to get away
Gotta help myself, soon
Help myself
Time to get away

Nous ne faisons que passer
Gotta help myself, soon
Dans l'ombre sous la lumière
Help myself

Sans prendre le temps de s’arrêter
Si l’on nageait sans respirer
Aurons-nous de l’air cet été
Tout le monde cherche à s’échapper

Time to get away
Gotta help myself, soon
Help myself
Time to get away

Nous ne faisons que passer
Gotta help myself, soon
Dans l'ombre et la lumière
Help myself

Nous ne faisons que traverser
Des océans, des déserts
Nous ne faisons que passer
Dans l'ombre sous la lumière
Nous ne faisons que passer
Dans l'ombre et la lumière

Nous ne faisons que traverser
Des océans, des déserts
HELP MYSELF...
HELP MYSELF

Time to get away
Gotta help myself, soon
Help myself (bis)
Time to get away

Nous ne faisons que passer
Gotta help myself, soon
Dans l'ombre et la lumière
Help myself

Nous ne faisons que traverser
Des océans des déserts
HELP MYSELF
Sans prendre le temps de s’arrêter

samedi 10 juillet 2010

La longue route

Toutes les deux heures, une pause s'impose.

Si, si, sur un long trajet, c'est important. Sinon, les yeux, y picotent, la tête, elle s'alourdit, les paupières, elles deviennent lourdes et l'esprit tout embrumé.

Toutes les deux heures, une pause s'impose.

Les possibilités sont nombreuses : Lire un article de ELLE (ça prend de quelques secondes à cinq minutes, en ce moment, vu la profondeur des numéros estivaux) ; siroter un thé glacé; croquer un fruit d'été; faire un tour sur sa boîte mail ; et pis sur sa page facebook.

Ensuite, on repart. Hop, on prend son courage à deux mains, bien décidé à s'enquiller un long parcours. On sait qu'on en a pour un paquet d'heures et qu'on ne sera pas couché avant deux heures du mat', au mieux. Alors, on se frotte les yeux, on bâille un grand coup et, les mains sur le... clavier, on repart pour un tour.

Toutes les deux heures, une pause s'impose.

Même lorsque la destination n'est pas estivale. Et surtout lorsque la route sinueuse que l'on prend ne nous mène que sur des chemins communautaires, municipaux, départementaux, que sais-je.

Surtout quand les débats consistent à évoquer des ZAC ou la suppression du patchwork dans les maisons de quartier. Parfois, ça devient sportif. Je m'énerve toute seule en entendant ces technocrates parler de "familles dites vulnérables" - entendez "familles mono parentales", dont les enfants sont forcément voués à l'échec.

Si, je vous jure, y causent de ça, nos politiques. De ce déterminisme social qui enterre les plus jeunes, directement, s'ils n'ont pas la chance d'avoir un pôpa et une môman à domicile, qui travaillent tous les deux, évidemment. Je ne vous parle même pas des enfants qui auraient le grand malheur d'être élevés par une maman seule, au chômage qui plus est: ceux-là, les études supérieures, ils peuvent oublier. C'est no way.

Étant tenue à l'objectivité, je dois donc me contenter de retranscrire ces propos, sans, surtout, chercher à réfléchir à la teneur de tels a priori. Mais quand même, au bout de deux heures...

Une pause s'impose.

Ensuite, je reprends avec plaisir le fil des débats, d'autant que celui qui cause dans le poste aujourd'hui parle comme Bruce Willis (enfin, la doublure française de l'acteur ricain, mais avouez qu'il y a plus désagréable) et surtout, je constate que, parmi toutes les assemblées que j'ai la joie de retranscrire, la droite fait à chaque fois partie de l'opposition.

Sur une pente savonneuse, elle attaque avec férocité la majorité mais la gauche triomphante, actuellement (je ne pensais pas écrire ça de sitôt, tiens, merci la droite d'avoir dérapé toute seule) parvient à rabrouer ces sinistres politiciens. En les taclant sur la politique qu'ils ont choisie de défendre et sur les choix gouvernementaux actuels. Autant vous dire que pour eux aussi...

Une pause s'impose.

Juillet ne sera pas placé sous le signe des vacances, dans mon cas. Tant mieux. Les missions s'enchaînent, s'entrechoquent parfois, ne me laissant aucun répit et me contraignant à des week-end studieux. Avec des pauses, donc, obligatoires, pour éviter le coup de pompe.

Cela dit, si je m'endors, le risque est minime. Tout au plus, je pourrais glisser du canapé.

vendredi 9 juillet 2010

Amère avec le ministère

Contactée par le ministère de l'Emploi, vous disais-je...

Hier, en pleine retranscription, j'ai manqué de lâcher mon ordi à la sonnerie du portable. Trop concentrée.

Affreux.

C'était le ministère de l'Emploi. Au début, je n'ai entendu que "Emploi" et je me suis dit, ça y est, j'ai enfin la réponse pour le poste que je reluque à Nantes, alléluia, je vais cotoyer des bas du front, tout vient à point à qui sait attendre, ce genre de baratin, tout ça.

Mais en fait, non. Le monsieur, dont la voix laissait présager un style physiquement intelligent, m'explique qu'il réalise une enquête auprès des bénéficiaires du NACRE, un dispositif d'aide à la création d'entreprise. Dont, de fait, j'ai profité, avant de devoir faire le deuil de ma P'tite Dînette. Si je veux m'exprimer? Tu penses que je ne vais pas laisser passer l'occasion! Bon, quand il me parle d'une bonne vingtaine de minutes, je prends peur et lui suggère de me rappeler ce soir. C'est que j'ai des compte rendus de la haute à terminer, avant d'attaquer le menu fretin.

Quand le téléphone reste désespérément muet, le soir venu, je suis un rien déçue. J'aurais bien aimé profiter de l'opportunité, mine de rien. Car après tout, un petit exemple combiné à des tas d'autres, ça peut peut-être faire avancer les choses, non?

Finalement, il appelle plus tard que prévu, mais peu importe. Les questions sont nombreuses et précises et me replongent d'emblée quelques mois en arrière. La SARL, les prêts d'honneur, le besoin en fond de roulement, la fronceuse de sourcils, les formations, mon retour à l'école à l'AFPA, le Café Clochette, mon expérience d'apprentie scary movie girl chez le triste toqué, les carrés, les barbus, le dormeur, le maori, les banques et leurs incitations à dégoter un multimillionnaire, les allées et retour sur mon vélo, tantôt exaltée, tantôt abattue, mes espoirs, les désillusions, l'achat de la vaisselle, les tabliers en cadeaux...

Tout me revient en bloc. J'en parle avec un curieux mélange de détachement et de colère rentrée, l'amertume coincée au fond de la gorge, certes, mais suffisamment de recul pour lâcher à mon interlocuteur que "face à un comité régional bancaire, mon dossier ne tenait pas la route, du fait de mon inexpérience, de la conjoncture, ma situation personnelle... A leurs yeux, évidemment."

Il est dans l'empathie, ce monsieur. Évidemment, certaines questions ne permettent pas une réponse plus détaillée que "pas satisfait, satisfait, assez satisfait ou très satisfait" et il doit sentir ma frustration de ne pouvoir préciser mes dires. Alors, à la fin du questionnaire, il m'indique que si j'ai un message à faire passer, surtout que je n'hésite pas. Je lui dis que la création d'entreprise, telle qu'elle est présentée aujourd'hui en France, n'est en fait souvent que de la poudre aux yeux, permettant au gouvernement d'atténuer certaines statistiques déplaisantes et à Pôle Emploi de soulager un rien ses conseillers débordés par la cohorte de chômeurs.

Lui, qui est resté plutôt objectif jusque là, m'encourage dans cette voie. "Remarque très juste", me dit-il. Du coup, je lui raconte ma dernière tentative avortée d'auto-entreprise. Attentif, il me demande s'il peut prendre mes coordonnées complètes, "afin de remonter l'information jusqu'au Ministère de l'Emploi. Je suis persuadé que votre expérience pourra intéresser certaines personnes." Ma générosité n'ayant pas de limites, je lui indique l'existence de ce blog, qui relate quelques déboires d'une pseudo-créatrice d'entreprise. L'intitulé le fait sourire, je l'entends.

Il note tout ça en me souhaitant bonne continuation.

Pas sûre qu'Eric Woerth m'appelle dans les jours à venir. Il a, je crois, d'autres chats à fouetter en ce moment. Mais ça fait du bien de se lâcher et de partager son expérience, si modeste soit-elle.

jeudi 8 juillet 2010

La meringue du Maire

Je soupçonne ma boss/cliente/créatrice de buffets en tout genre et fournisseuse officielle de glaces pour mon loulou de lire ce blog. Elle voudrait me redonner le sourire et de la matière qu'elle ne s'y prendrait pas autrement.

A moins qu'elle ait juste envie d'être sympa.

Ou que ça la saoule de me voir arriver avec une tête de dix pieds de long.

Ou qu'elle a pitié.

Bref. Aujourd'hui, elle m'appelle et m'en raconte une bonne:

"Le Maire est venu manger hier, il a trouvé le rouget très bon (je n'y suis pour rien, c'est moi qui jouais au poisson, dans la piscine) et la tarte au citron... excellente (MA tarte, oui, messieurs, dames, la mienne à moi). Il m'a dit que ça, ça se voyait que c'était de la tarte maison (roulée sous les aisselles, tu penses, plus authentique, c'est juste pas possible) et que, dorénavant, ce dessert devait être EN PERMANENCE à la carte."

Que ma petite tarte au citron meringuée était donc intronisée tarte du mois, incontournable sur notre cité, limite à égalité avec les 24 heures. Ouais, ouais, rien de moins.

Là, avec ma cops', on s'est senti les reines du monde, tout du moins de la tarte au citron meringuée. Pensez-donc, le premier notable de la ville qui se tape le uc par terre et qui réclame à corps et à cris son "dessert préféré" ("si, si, je te jure, il a dit ça!"), nous, on ne touchait plus terre.

"Bon", lui ai-je répondu, "tu n'as plus qu'à m'embaucher comme pâtissière permanente."

Et puisque les délibérations des administrés ont tendance à envahir mes journées et pourrir mes nuits en ce moment, je lui ai suggéré une solution-miracle: La subvention. "Tu lui demandes une subvention exceptionnelle pour m'embaucher et qu'il puisse ravir son palais de son dessert préféré."

Bah quoi?

Demain, si vous le voulez bien, je vous raconterai comment j'ai été contactée par le ministère (amer?) d'Eric Woerth. Parce que je le vaux bien?

OK, elle est pourrie ma vanne. Je sors.

mercredi 7 juillet 2010

A quoi bon

Lundi soir, j'étais toute guillerette: j'avais bouclé ma mission avec deux jours d'avance, j'allais pouvoir m'attaquer à la suivante dès le lendemain, sereinement, sans trop de pression. Pour un peu, je me serais même imaginée avoir une vie privée: à savoir manger à des heures normales, aller chercher mon loulou au centre et même, peut-être pouvoir aller faire quelques longueurs à la piscine.

Le rêve.

Pour téléphoner ou voir des amis, j'allais devoir encore attendre, évidemment, mais enfin le progrès était flagrant. Quant aux soldes, en revanche, j'avais un peu renoncé, le fait de n'avoir pas reçu de salaire ce mois-ci (eh oui, ironie du sort, maintenant que j'ai trouvé un peu de taf, je me retrouve sans le sou, allez comprendre) n'y étant pas vraiment étranger. Et puis, je l'avoue; j'espérais bien finir cette mission avant le 20, date-butoir, histoire de filer sur Nantes glaner quelques infos et préparer l'avenir. Prendre un peu le temps de vivre aussi, parce que décidément, je ne m'y ferai jamais, de laisser mon loulou partir au centre dans un car, dès potron-minet, au lieu de profiter de l'été comme moi, à son âge, j'avais la chance de le faire.

Nostalgie d'un temps que je ne pourrai pas lui offrir. A moins que, un jour, peut-être.

Vous l'aurez compris, je me sentais sur de bons rails. Certes, j'avais eu une petite alerte, lundi après-midi, m'endormant lamentablement vingt minutes sur l'écran de mon ordi. Une sieste réparatrice, va-t-on dire. Mardi, à la piscine - allez, je me suis offert cette petite parenthèse, finalement - les palmes m'ont semblé plus lourdes que jamais. Pas trop d'énergie. Le double effet d'un week-end sans mettre le nez dehors et d'une diète alimentaire toujours en cours, sans doute. Mais bon.

L'après-midi, je m'y colle sérieusement et... je m'endors une nouvelle fois sur mon ordi. Quarante minutes cette fois. Je me réveille la bouche pâteuse et surtout, aucune, mais alors aucune envie de m'y remettre. Je sature. Je force ma nature paresseuse et me replonge dans ces débats beaucoup moins passionnants que les derniers. Une heure et demie après, je me rends à l'évidence: ça n'imprime plus, là haut.

Pas grave, il est l'heure d'aller chercher loulou. Je reprendrai le soir, comme d'hab. Sauf que mardi soir, rien à faire, je n'ai pas pu. Bloquée. A 22 heures, j'étais donc au lit, le genre de truc qui ne m'arrive jamais et j'ai eu toutes les peines du monde à m'extirper de la couette ce matin. Oui, ça ressemble à de la saturation, mais normalement, on ressent ça sur un temps plein, au bout de plusieurs mois, tout ça...

Je crois que le malaise est plus profond, que cette vie à jongler est en train de m'épuiser, que je m'imagine trop pouvoir faire comme les autres à aller me dorer la pilule alors qu'en ce moment, ce n'est juste pas possible! Le pire dans tout ça, c'est que l'énergie que je consacre pour ce boulot rémunéré au ras des pâquerettes et qui me vaut un salaire à la moitié du mois suivant me pompe tout mon temps et ma sève, donc pour les perspectives, la solution n'est pas idoine.

Pourquoi je continue, alors? Parce que, malgré tout, ça fait du bien de travailler, de recevoir des offres de mission. Les retours sont valorisants. C'est l'idée aussi, qu'il faut sans doute en passer par là pour se relancer, pour avancer et voir le bout du tunnel. Et puis, au souvenir des terribles matins hivernaux où je me levais sans la moindre idée de ce que j'allais bien pouvoir faire de ma peau, je me ressaisis d'emblée et préfère ce surmenage à l'inertie.

Je me dis aussi, au vu des événements actuels, qu'il n'y a que peu de raisons que les choses s'arrangent pour une certaine frange de la société française. Que seul le système D va pouvoir éclairer un peu la voie. Parce que les employeurs profitent plus que jamais du désespoir qui s'est installé, de la quête d'un job, vaille que vaille, pour tous ceux qui se sont retrouvés sur le bas-côté. Qu'un journaliste doit se contenter aujourd'hui d'un salaire au SMIC, tout en étant, il va sans dire, polyvalent et disponible jour et nuit pour son cher canard.

Tout ça est terriblement frustrant, bien sûr, et je ne parviens pas totalement à effacer ce "A quoi bon?" qui s'est imprimé dans mon esprit. Plus que jamais, j'ai conscience d'avoir repris le chemin d'un travail d'exécutante, comme pour me rassurer. J'en suis même à espérer un boulot stable, loin de mes envies de création et d'épanouissement personnel.

La différence, par rapport à ma vie d'avant, c'est cette précarité qui s'installe chaque jour un peu plus. Je veux croire que quelque chose va arriver, que rien ne survient au hasard et que ce fastidieux parcours va mener quelque part, que rien de tout cela ne sera vain.

Il n'empêche qu'au lieu de bosser, là, ce soir - j'ai tenu une heure, pff - je suis en train de m'épancher bêtement. Foutu besoin de liberté.

dimanche 4 juillet 2010

Le trou du Coco

Ce que j'ai toujours aimé dans mon métier d'avant, c'était de pouvoir côtoyer de tout. De l'élu et du prolo, du cadre sup et de l'animateur social, de la mère de famille et du sportif, du people et du beauf.

Au fond, on finit par penser que si le contexte change, les névroses n'épargnent personne (je ne sais pas si le constat est franchement rassurant mais au moins permet-il de relativiser). Et surtout, la réalité du jour s'en trouve bouleversée en permanence. La vérité de l'un, si elle n'en demeure pas moins respectable et honorable, n'a aucun lien avec la vérité de l'autre. Et surtout pas avec sa propre vérité.

Non, non, je n'ai pas fumé, je vous jure. De temps en temps, je me fais un kif d'un bouquin extra sur la philo, un gros pavé jaune qui pose de vraies questions qui t'embrouillent l'esprit. Mais pas aujourd'hui, avec mes élus à écouter, j'avais déjà ma dose pour transformer ma p'tite tête en citrouille.

Non, j'écris cela en repensant à quelques lointains souvenirs, surgis vendredi soir, alors que j'entamais ma troisième journée (j'ai pas fumé, je vous dis). Dans ce même lieu qui avait accueilli le gotha de la ville une semaine plus tôt se tenait, cette fois, une réunion de communistes.

Alors, on a beau dire, les clichés, les a priori, faut faire gaffe, tout ça... N'empêche que certains ont la peau dure.

A vrai dire, je ne savais rien du type de public que nous devions servir le soir, ma "boss", m'ayant conviée à la dernière minute à participer à cette petite "sauterie" - enfin, de l'autre côté de la table, évidemment, là où on sert et on se tait.

Et donc, ces gens sont sortis de leur réunion pour le buffet prévu, nettement moins guindés que d'habitude, plus cool, plus souriants, plus spontanés. Plus nature, ça, je ne peux le nier. Plutôt que de mettre une distance avec les serveuses, comme savent si bien le faire les VIP dignes de ce nom, eux sont venus directement à la source (id près du Jaja), certains n'hésitant pas à se coller derrière le bar. Oui, comme moi.

Euh, non, madame, tu n'as pas le droit d'aller taper dans l'assiette, là, on la mettra après celle-là, ça s'appelle la gestion des stocks, ou comment tenir toute une soirée et contenir la vague des pique-assiettes discrètement.

Elle y est allée quand même, parce qu'elle avait faim. Très faim. Je l'ai même soupçonnée de ne pas avoir mangé depuis quinze jours, me fiant à son appétit gargantuesque. Et ce même si sa silhouette ne traduisait pas la marque d'un tel jeûne... Mais enfin bon, comme disait ma maman de façon hautement délicate quand j'étais petite-à-grosses-joues : " mieux vaut faire envie que pitié " (tiens, cela méritera qu'on en cause...).

Ta ta ta, j'ai fait ma police, et elle a filé. Vers les rillettes, plus loin. Un peu de répit. D'autant plus que ce petit monde a rejoint la cour extérieure pour un buffet assis, sous une chaleur de plomb - sûr qu'ils n'allaient pas se lever toutes les deux secondes pour réclamer à boooooooire et à manger.

Pour le reste, j'ai eu l'impression de servir des potes à une fête champêtre. Enfin, presque. Bon, deux ou trois ont chipoté : "Et je peux prendre deux brochettes, hein, allez - alors que leur assiette débordait déjà : "mais laissez-nous donc le pichet de vin! Ah ah (les ah ah devenant de plus en plus virulents et bruyants au fil de la soirée, proportionnellement au degré éthylique des invités. Phénomène classique mais jamais facile à gérer) "Et je peux avoir encore du pain. Et, et, et... " Ma pique-assiette s'est mise à empocher quatre, cinq, six morceaux de pain d'un coup.

Elle doit avoir des chevaux à nourrir, c'est pas possible.

Mais donc, vous disais-je, le reste était vraiment sympa, et ils nous ont même replié les chaises avant de repartir, quittant les lieux au moment précis où l'orage éclatait. Tellement spontanés et relâchés qu'ils ont en aucun cas parlé doucement ou baissé la voix lors de nos passages répétés (le coco aime le rouge, je vous le garantis). Et puis, de toute façon, une serveuse est par définition transparente dans ce genre de soirées.

Sauf que la vilaine petite curieuse que je suis a laissé quelques bribes aller jusqu'à ses oreilles. D'où l'idée des clichés (attention, je ne juge pas, je constate. Je suis toujours admirative de l'engagement des personnes, qui plus est pour un combat, semble-t-il, perdu d'avance) : Le communiste est décidément toujours enragé, pardon, engagé. Il a toujours cette forme de naïveté confondante, son combat contre le capitalisme chevillé au corps. Entre le plat et le fromage, il raconte ses idéaux, s'emballe sur une injustice et continue de croire qu'il peut changer le monde.

Là, en entendant ces envolées lyriques, ça m'a fait penser au boulot. Bah oui, l'autre, puisque je retranscris des débats municipaux où les interventions, souvent brillantes, s'avèrent aussi régulièrement caricaturales. Juste au son, parfois à l'intonation, je comprends très vite à quel bord politique la personne appartient.

Pour le coup, il s'agissait de la même famille. De quoi créer des liens, si j'en juge par certains propos triviaux - le Jaja n'y étant pas étranger, pour sûr. Mention spéciale pour cette conversation sur les règles. Pas les règles de trois, hein, non, les règles des femmes. Classe et savoureux, entre deux bouchées.

L'avantage est évident: lorsque tu fais tomber un morceau de fromage sur la pelouse, tu n'as pas peur que la malédiction s'abatte sur toi pour les quatre prochaines générations. Bon, tu fais mine d'en être chagrinée, quand même et puis tu demandes au monsieur de ne pas ramasser, en priant pour qu'il le fasse, parce que le plateau, il est pas extensible, les gars, et ce morceau a été particulièrement couronné de succès - donc, on ne gâche pas.

Et lorsque le type le ramasse quand même pour l'enfourner dans sa bouche déjà pleine, tu relativises. Et tu t'abstiens de commenter lorsqu'il t'explique d'un ton graveleux que son choix s'est porté sur ce fromage parce qu'il s'appelait le trou. Mais si, mademoiselle, le trou, ah ah ah, tenez, je vais dire ça à ma femme, hey, Gisèle, t'as vu, je reprends du trou, ah ah ah.

Oui, ah ah ah. Qu'est-ce qu'on se marre.

samedi 3 juillet 2010

Mon fils est un ver de terre

Je me suis levée ce vendredi matin avec l'idée d'aller me recoucher dès que possible, mais en fait, on fait pas toujours ce qu'on veut dans la vie.

Un parent d'élève à qui j'ai évoqué cette idée folle de rejoindre mon lit m'a aussitôt proposé un pique-nique chez lui, dimanche, en me précisant d'amener mon maillot de bain.

J'ai trouvé ça louche. Mais à vrai dire, je n'avais pas le temps de réfléchir. Je n'ai pas sauté sur le monsieur, non, je sais me contenir (d'autant que j'apprécie sa femme), j'avais d'autres choses à penser. Et à faire, surtout. Rédaction la journée, service le soir, la classique, en somme. Ou comment passer sa journée les doigts sur le clavier et la finir à passer la serpillière, après avoir rempli des verres à la chaîne.

C'est original.

Donc, après une triple journée (oui, les quelques heures à jouer les mômans parfaites - ah ah - ça compte), les knaki balls gonflés et les yeux explosés, je jubile rien qu'à l'idée de m'enrouler dans ma couette (oui, j'aime tellement ma couette que je ne l'abandonne jamais, même en plein cagnard. Plutôt suer sang et eaux que dormir sans. C'est n'importe quoi, je sais).

J'avais terminé ma première mission en début d'après-midi. Quel pied. Pour me récompenser, je suis allée à la sortie de l'école (youpi) où, en ce dernier jour de classe, toutes les mamans attentives avaient pensé à offrir un petit cadeau à l'instit. La maman indigne que je suis est évidemment arrivée les mains vides. La classe. Pas rancunière, la maîtresse m'a assuré que je ne devais pas culpabiliser. A propos de quoi? "Bah, à propos de votre fils!"

Pourquoi, il a un pied-bot que je n'avais jamais décelé? Un QI d'huître? Une incapacité à suivre une scolarité classique? Un troisième téton?

En fait, j'ai eu le tort de ne pas aller lécher les bottes de la dame, dans l'année, je crois, et du coup, elle en a déduit que je ne m'occupais guère de mon loulou. A l'écouter, j'ai compris l'idée qu'elle avait pu se faire de ce petit bonhomme, qui se trouve être mon fils. Et de sa mère, cette écervelée irresponsable, qui laisse son gamin livré à lui-même. Un peu comme ces petits voisins qui rentrent seuls de l'école, du haut de leur 6-8 ans, et que je croise dans l'immeuble. Ça me fait mal au coeur de les voir ainsi, eux qui doivent grandir trop vite, parfois tenus responsables de leurs petits frères et soeurs de 4 ou 5 ans.

Ainsi donc, elle me mettait dans le même panier?

J'en ai été un rien vexée, je dois l'avouer. C'est marrant, j'avais l'impression que je me démultipliais, y compris pour le bien-être de loulou. Eh bien non. J'ai même cru que je devenais parano. Non plus. Elle, tout ce qu'elle a vu, c'est que loulou manquait de sommeil (suis-je responsable si le marchand de sable est rarement ponctuel, en ce moment?) et qu'il ressemble à un asticot. Toujours à bouger, se balancer, tanguer, virevolter...

Mon fils est un ver de terre, je le sais. Cela fait-il de lui un enfant compliqué? Ingérable?

Je crois qu'elle a remarqué mon air blessé et elle a bien ramé ensuite. "Non, mais vous savez, c'est un enfant intelligent, c'est pas parce qu'il est agité que..." Que quoi? Qu'il sera au chômage plus tard? Qu'il sera inadapté? Qu'il sera aussi précaire que sa mère, aussi incapable, aussi... ?? Elle aurait voulu me mettre le moral à zéro qu'elle ne s'y serait pas prise autrement. Mais finalement, j'ai compris qu'elle avait elle-même de lourdes choses à gérer, et que, de toute façon, son jugement ne devait pas m'affecter. Il s'agit de son avis, point.

"Ne vous inquiétez pas" a-t-elle poursuivi, "il est équilibré, votre fils." Un asticot équilibré, c'est vrai, pourquoi culpabiliser, hein?

En partant, elle m'a souhaité "Bonne Continuation." Avant de préciser, avec un petit air de connivence un rien indécent : "Et pas bonnes vacances, parce que j'imagine que vous n'allez pas en prendre." Oh, madame, vous savez, les pauvres, ils sont bien soutenus, peut-être même que mon loustic si agité pourrait aller faire du ramdam avec tous les autres cas sociaux que le Secours populaire ou autre asso accueille en son sein.

J'ai essayé d'évacuer ce drôle d'échange. J'ai repris mon rôle de maman, comme je l'ai pu - ce qui est visiblement insuffisant, donc. Et comme je suis pauvre et que je n'amène pas mon fils en vacances, je suis allée endosser une autre casquette, quelques heures plus tard, celle de serveuse.

D'ailleurs, demain, je vous parlerai du rapport entre mon travail de psychopathe et un buffet de communistes.

jeudi 1 juillet 2010

C'est pour une mission (Bis)

Nouveau coup de fil ce midi: une mission, encore, huit heures à retranscrire. Si je peux? Bien sûr. Dès que j'en aurai fini avec les deux autres, ce qui augure d'un week-end spécial teint cadavérique et tête de citrouille.

Bon, pour me détendre, j'irai bosser demain soir au restaurant.

Je disais quoi sur le temps complet, déjà?