mardi 29 avril 2014

L'histoire du tourbillon

Des heures passées à réveiller les voisins pour une histoire de robot nocturne, une course qui tombe à l'eau pour une question de douleur aigüe, dix milliards de petits bobos et de grandes joies simples qui s'accumulent... Non, je ne vous oublie pas, je reviens, je vais juste chercher où on peut bien trouver des journées à 32 heures sans que ça me coûte un bras... ou un ulcère :)
 
Je vous embrasse!

jeudi 24 avril 2014

A contretemps

Comme si j'en étais fière...
 
Hier soir, ça m'a pris d'un coup. J'ai enfilé mon magnifique corsaire bien moulant, en tentant d'y faire rentrer mes culottes de cheval. J'ai complété le déguisement de runneuse avec ma brassière, mon T-shirt, le sweat, parce que, quand même, il faisait bien frisquet, le casque sur les oreilles et zou.
 
Va courir, ma fille, ça te défoulera.
 
J'avais fait 2 km tout au plus que les premières gouttes de pluie sont tombées. Tiens donc, ma veine habituelle... Allez, j'ai continué, sans pouvoir épargner à ma caboche de sombres pensées, toutes plus pessimistes les unes que les autres. Sans pouvoir m'enlever de la tête, non plus, que j'étais décidément souvent à contretemps.
 
A contretemps? Oui. Je pensais au plaisir que j'ai, parfois, souvent même, à écrire de petites scènes de la vie quotidienne, des chroniques sans queue ni tête. Au plaisir très narcissique, également, de lire que ces mots ont pu toucher quelques personnes. Et tout en courant, alors qu'on était passé à la limite de la submersion marine (j'exagère à peine), je me suis dit qu'actuellement, je préférais... écrire que cuisiner.
 
Quoi? Quoi? Quoi?
 
Tout ça pour ça?
 
Oui, je sais, quand j'ai repris à écrire de façon "pro" (ah ah ah) (comprenez que j'étais payée pour ça), je n'ai plus pensé qu'à cuisiner. Et maintenant que je suis quasi sur les rails pour partir derrière les fourneaux, voilà que je fais un petit caca nerveux.
 
Tout ça parce que j'ai raté un pauvre cake à la banane (c'te honte) et des scones (tout raplaplas) (en même temps, avec la bonne dose de levure, ça pourrait aussi aider) (il faudrait juste que je lise la recette) (mais que je la lise vraiment, je veux dire).
 
Ajoutez à cela quelques lectures décourageantes, et j'ai bien compris la chose : je n'arrive pas à la cheville du premier amateur de pâtisseries venu.
 
Je suis une quiche. Et même pas lorraine: je n'aime pas le porc. Donc, les quiches, chez moi, c'est sans lardons (le premier qui ouvre le débat, je lui casse les pattes).
 
Et pis d'abord, je sais pas ce que je veux, mooooooooiiii...
 
Oui, je me donne souvent envie de me retourner des claques, tellement je suis une girouette.
 
Pour autant, arrivée au bout de ma course, je n'a pas eu pas besoin de me flageller. Les grêlons s'en étaient chargés. Oui, des grêlons. J'avais les yeux piquants, rougis et larmoyants. Ça ressemblait un peu à la scène de Match Point où Scarlett Johansson emballe le vilain héros sous la pluie, la star sexy, le physiquement intelligent et le glamour en moins (et hormis un drôle de bonhomme avec son chien, c'était un peu le désert de Gobi, dans les bois).

Non, je ne me prends pas pour une égérie de Woody Allen, c'est juste pour vous situer l'idée. En fait, je ruisselais de partout, j'avais froid et je ne faisais vraiment pas ce que je voulais avec mes cheveux. En croisant mon reflet dans le miroir de l'entrée, j'ai juste vu un zombie. Mais un zombie trempé, je veux dire. Et pis, aux joues rouges, parce que courir, quand même, ça fatigue.
 
Je n'avais pas besoin de ça. Bah oui, parce que je ne vous l'avais pas dit, mais, outre ma souplesse (qui n'a pas résisté à la présence insistante de mon balai), j'ai égaré mon moral, depuis quelques jours. Cet idiot est parti se planquer dans mes chaussettes, mais mon balai dans le dos, justement, m'empêche d'aller le chercher.
 
J'envisage d'aller me cacher en Laponie ou en Papouasie, j'hésite encore, le temps de remettre la main sur tout ça et de rassembler les morceaux.

A moins que je tente de me réincarner en chat.

Comme diraient les Nuls, les chats, c'est rien que des branleurs. Mais des branleurs chanceux, quand même.


 

mercredi 23 avril 2014

La vie de mamie

"- Bonjour Madame!"
 
Ses yeux clairs lui jouent des tours.
 
"- C'est Colette?"
 
Ses oreilles l'ont un peu lâchée.
 
Finalement, elle me reconnaît. Elle tâtonne, frôle mon bras. Loin d'avoir perdu de sa force, son toucher semble renforcé par les années,  comme pour compenser les pertes du temps. Idem pour le goût, si j'en crois, quelques minutes plus tard, sa mine réjouie, la lèvre parsemée de meringue blanche.
 
Ma grand-mère a fait quelques jaloux, avec sa part de tarte au citron, hier, disant à qui voulait l'entendre que sa petite-fille était passée la voir.
 
Oh, pas de quoi la ramener, hein. Je ne vais pas régulièrement la voir, dans sa maison de retraite. Ce n'est pas très loin de chez moi, je sais combien ça lui fait plaisir. Mais j'ai toujours l'image de cette grande salle où certains semblent n'attendre que la mort, voûtés sur leur siège. Je pense aussi à ma frustration de ne pouvoir vraiment converser avec ma grand-mère, du fait de son ouïe défaillante.
 
Pourtant, à chaque fois que j'en repars, je me fais la promesse de revenir plus souvent. Je vois comme ça la touche, qu'on prenne un peu de notre temps pour lui accorder un moment précieux.
 
On s'installe dans le salon et je l'écoute. J'aimerais lui poser un tas de questions, d'autant qu'elle a dévoilé depuis quelques années une véritable mémoire d'éléphant. Mais, bon, surdité oblige, c'est un peu Professeur Tournesol, parfois. Je lui parle de l'homme, elle me demande:
 
"C'est dix ans, hein, qu'il a, c'est bien ça?"
 
...
 
Ok, elle pense à Loulou. Alors, je lui parle de lui, de l'école, de ses progrès...
 
"Et ça se passe bien, à son travail?"
 
...
 
Pour autant, elle a toute sa tête. Elle se réjouit de mes joues de nouveau rondes (signe de bonne santé, forcément, chez elle...) mais s'inquiète un peu:
 
"- Mais alors, tu n'as pas de travail..." dit-elle en fronçant les sourcils.
 
Je lui explique que je commence une formation et que, ensuite, j'aurai un travail, et que c'est plutôt bien, tout ça.
 
"Ah oui..."
 
...
 
"Mais quand même, tu n'as pas de travail..."
 
Je n'insiste pas, je comprends qu'elle puisse avoir du mal à partager mon enthousiasme. Pas besoin d'être une mamie, d'ailleurs, pour s'interroger sur une telle situation, vu de l'extérieur.
 
Nous sortons. Elle s'appuie sur son déambulateur et ses jambes la font un peu souffrir. Mais une fois encore, là-haut, tout va bien. Elle me parle de la famille, de la petite bourgade où elle était réfugiée, pendant la guerre, de mon grand-père, Joseph, et tout est clair. Elle savoure sa chance, je crois. En face du bâtiment consacré aux Alzheimer, elle s'inquiète de ces personnes, parfois plus jeunes qu'elles, qui ont perdu la boule, qui crient - elle les imite, en tordant sa bouche - et qui sont condamnées à rester dans ces quelques mètres carrés.
 
"Pour eux, c'est comme la prison".
 
Elle dit ça alors que nous avons quitté notre place au soleil, sur le banc où les doux rayons nous caressaient le visage. Je me dis qu'on fait juste le tour de la maison de retraite, et que ça se résume à... une centaine de mètres, cent cinquante, peut-être. Pas de quoi sentir un grand vent de liberté, entourées de ce grillage vert. Mais ma grand-mère, elle, n'est pas en prison. Elle se sent libre de respirer, de penser, d'accoster un monsieur ("Il mange avec moi, il est gentil", me confie-t-elle d'un air mutin), de faire la moue quand une vieille dame passe devant nous.
 
"Je l'aime pas trop, elle... C'est une pimbêche."
 
Mamie a 98 ans. Elle me fait penser à une enfant, parfois. Surtout quand elle me prend le bras et me dit, candide:
 
"Tu te rends compte, j'aurai 98 ans et demi en mai."
 
Elle a raison, ma mamie. Si, à bientôt 40 ans, on évite de se faire du mal avec les mois qui passent, il arrive un âge où un tel détail, ça compte.

vendredi 18 avril 2014

La vie décousue d'une mouette en goguette

Une semaine que je n'ai rien posté, les conséquences collatérales d'une vie un peu décousue, de ses hauts et ses bas.
 
Jeudi, je me suis prise pour une pâtissière orfèvre de ses mains. D'abord, j'ai fait du découpage et j'ai occupé mes menottes avec plein de papier sulfurisé, pour façonner des cornets.
 
Je me demande si, pour devenir zen, au lieu de lire ce petit guide, je ferais pas mieux par commencer à ranger, et virer ces Légos qui investissent mon pseudo-espace de travail...
 
 
J'ai voulu agrémenter mon moelleux au chocolat d'un glaçage au chocolat blanc qui serait joliment décoré. La réalité de ma polio m'a rattrapée, et ça a donné ça.
 
Je me demande si un gosse de 5 ans n'aurait pas eu un meilleur résultat...
 
 
Hum... Faut savoir apprendre de ses erreurs. Le papa de Zacharie, graphiste de métier, a bien tenté de me rassurer lorsque je suis arrivée le soir pour fêter les 12 ans de son loustic, la mine déconfite. En regardant le gâteau, il l'a quand même admis: j'avais quelques (ah ah) progrès à faire en termes de calligraphie...
 
Vendredi, j'avais prévu de vous faire un post "utile" sur les meilleurs moyens de sortir de la dépression et de voir la vie en rose. Après, je me suis dit que je devais d'abord sortir deux-trois choses de ma caboche, avant de trop la ramener. Je suis allée courir, à la place.
 
Samedi, j'ai fêté dignement mon week-end en célibataire. Au départ, les intentions étaient sages. Une bonne balade en vélo et retour au bercail, pour écrire mon post utile sur la dépression.
 
C'était compter sans l'invitation de ma co-cycliste. Trois verres de blanc plus tard, je me suis retrouvée en plein carnaval nantais, en essayant de contourner des gens bizarres, habillés de toutes les couleurs, qui attendaient que les chars passent, pas que la mouette leur rentre dedans. J'ai frôlé le drame lorsque la roue de mon vélo a été embarquée dans l'élastique d'un ballon gonflable... sachant qu'un gnome était au bout. Avec mes trois grammes dans le sang, je me suis mise à maudire le gamin tout en rigolant de façon débile béate.
 
Grosse classe.
 
En rentrant, j'ai béni la pleine lune, qui m'avait permis d'y voir plus clair, sachant que je n'avais pas de feux, non plus. Pour la remercier, je l'ai prise en photo, en priant un peu pour que mes voisins n'aient pas la bonne idée de sortir juste là, pour m'apercevoir, titubant, mon portable tourné vers le ciel.
 
Plus esthétique qu'un gilet jaune, la pleine lune vous assure un retour nocturne sans souci.
 
Finalement, j'étais encore un peu consciente.
 
Dimanche, pour chasser la gueule de bois, je me suis lancée dans la pâte levée feuilletée, histoire de rappeler à la terre entière qu'on dit "pain au chocolat" et pas "chocolatine".
 
Repeat after me : pains au chocolat.
 
... Pains au chocolat, si si.
 
Bon, afin de ne pas me fâcher complètement avec mes amis sudistes, j'ai gardé de la pâte pour faire des croissants.
 
Là, faut à peu près 12 heures de yogging pour envisager d'en éliminer la moitié de son corps déjà tout toxiné.
 
Grosse victoire. Se pourrait-il que j'arrive à sortir quelque chose de mes mains carrées?
 
Dès le lendemain, j'avais la réponse. Non.
 
Ceci n'est pas de la pâtée pour chat. Mes félins ne mangent que des croquettes.
 
Enfin, pas comme je veux.
 
J'ai à peu près réussi le tartare de magret de canard au thé rouge, copyright Jésus, malgré la présentation digne d'une cantine centrale. La salade japonaise qui allait avec, aussi. Mais j'ai raté ma ganache, et mon mandaro était tout flagada. Pff. Le lendemain, le cabillaud en croûte de pesto a été une petite tuerie, ouf, et là, l'homme m'a rappelé que c'était Carême.
 
Je suis pas catholique. Ouf. Ah oui, mais lui, oui.
 
Ok, je me suis adaptée. Comme jeudi, c'était la fête à l'église, dixit l'homme, j'ai placé la tarte aux légumes discrètement sur la table...
 
Tu mets des légumes pour la caution diététique et surtout, tu oublies que c'est une pâte brisée en dessous. La bonne blague. Non, je ne suis pas obsédée par mon poids en ce moment, je vois pas pourquoi vous pensez un truc pareil.
 
... et me suis lancée dans des Havreflarns, ces petits gâteaux que le géant suédois des meubles vend dans des grosses boîtes, grâce à la recette (attention, il a modifié quelques détails depuis) de ma nouvelle Bible, les desserts de Bernard.
 
Et sinon, j'aurais pu allumer la lumière dans la cuisine, histoire qu'on y voit quelque chose...
 
Le dit Bernard disait que ça se gardait un mois, alors... Pas sûre, au final, qu'il en reste d'ici la fin de semaine, au vu de la gloutonnerie de Loulou (ok, j'ai craqué aussi), une façon de conforter le flou dans lequel j'erre actuellement.

J'alterne bel et bien entre moments de doute sérieux et d'autres plus légers, où les choses avancent... Tout ça est aussi décousu que ce billet, d'où l'intérêt de faire le tri, un peu. Et en attendant d'aller à la déchetterie, je m'accroche à mes rêves en me disant qu'il n'y a pas de raison, que mes mains polio et moi, on peut y arriver.
 
C'est beau de rêver.

vendredi 11 avril 2014

L'histoire du grain de sucre et du grain de sel

Les running ne fomentent pas un complot pour me rappeler ma condition de mouette saucissonnée. Elles ont juste des lacets, qu'on pense à défaire quand on a un cerveau.

J'ai enfilé mes running, vous disais-je. Même elles s'étaient donné le mot, visiblement.
 
Trop serrées.
 
Après, je les ai regardées. En enlevant les lacets pour les enfiler, ça pourrait aussi être pratique.
 
Voilà un petit moment (trois semaines, peut-être) que je n'avais pas endossé ma tenue de runneuse. En mettant mon casque sur ma frange plus vraiment Playmobil, j'ai ressenti une vague de bien-être et la sensation de liberté... Non, je déconne. D'habitude, ça me fait cet effet. C'est mon moment, je vais courir dans les bois et je me sens plus forte que Hulk et Wonder Woman réunis.
 
Mais là, je crois bien que quelqu'un m'a mis des poids, au niveau du bide. Et du plomb sur les paupières.
 
D'emblée, j'ai le souffle court. Allez, allez, tout ça est mental, je le sais bien, ouf-fouf-fouf (non, ce n'est pas le cri d'un bœuf essoufflé, c'est la respiration pour motiver les troupes. Parfois, pourtant, la mouette se met à crier comme un bœuf essoufflé, mais on n'y peut rien). Ouf-fouf-fouf, disais-je, tout va bien, je suis un diesel, je vais être de mieux en mieux à chaque foulée.
 
Je songe alors au docteur de la tête que mon Loulou a vu ce matin et à son regard désespéré et hautain, ne cherchant même pas à cacher que c'est vraiment n'importe quoi et que, non vraiment, je ne suis pas à la hauteur.
 
Ouf-fouf-fouf, ma foulée s'étire, je gagne en souplesse, on est bien, on est bien.
 
...
 
J'ai chaud, là, quand même.
 
Je songe aussi au profil bas de Loulou, en sortant du cabinet, qui vient de se prendre une soufflante.
 
J'ai retrouvé le rythme, ah yé. Si, si, je viens de chevaucher des herbes folles en poussant à au moins trois centimètres de hauteur.
 
Si ça, c'est pas un signe...
 
Je crois que le docteur de la tête a piqué Loulou au vif quand il lui a demandé s'il voulait vraiment aller à "l'école des nuls".
 
Pourquoi notre cerveau tourne-t-il toujours à cent à l'heure, quand on court, alors qu'on se sent asphyxié de partout?
 
Je me demande à quel moment j'ai failli. Je pense aussi qu'on ne contrôle pas tout non plus, et que, après tout, la tendance qu'a dégagée le docteur de la tête, elle vient forcément du père.
 
Ben oui. C'est toujours la faute de l'autre. Surtout de l'autre parent, en l'occurrence.
 
J'arrive à hauteur d'un plan d'eau, dont je fais parfois le tour trois, quatre, cinq fois, dans mon parcours de grande malade.
 
Je tourne à gauche, plutôt.
 
Après tout, je reprends, faut pas froisser mes muscles, toussa.
 
Enfin, ce qu'il en reste, je veux dire, ceux qui sont bien au chaud sous le gras.
 
Je regarde ma montre, comme pour m'encourager. Sûr que j'ai passé la barre des 20 minutes, là.
 
16 minutes et 23 secondes.
 
Je suis au bord de l'apoplexie et je n'ai couru que 16 minutes et 23 secondes. Soit un quart de mon objectif.
 
"Hop hop hop, déjà un quart de passé, c'est facile, on y va, forza la mouette", intervient alors la nunuche de service (ma pensée positive).
 
Pff, j'en peux déjà plus et je n'ai couru qu'un quart d'heure, je suis mal. Tout ça, c'est à cause de l'autre, là. Le docteur de la tête qui s'est montre kré kré méchant (la vérité, ça fait toujours mal).
 
Certes, peut-être qu'en me couchant un peu plus tôt, j'aurais aussi pu envisager d'avoir mon quota de sommeil et de ne pas être une larve après 16 minutes et 23 secondes.
 
...

Je croise des vaches. Je les regarde, elles me regardent, je les regarde. Elles semblent me dire: "laisse tomber, regarde ce que ça a donné pour nous."

Au moment où je m'apprête à leur répondre que, eh oh, ça va bien, j'ai pas la morphologie d'une vache non plus, je trébuche. Je suis tellement lourde que je ne lève plus assez les pieds.
 
Non mais, sérieux, qui m'a mis ces culottes de cheval sur le haut de la fesse? Je vous assure, chez moi, ce n'est pas une culotte de cheval, mais carrément deux, si si.
 
Peut-être pourrais-je envisager une rupture. Pas avec Bobo mon petit robot, non (quoique, le traître agit dans le sens du gras pour tous, et surtout pour mon séant). Avec l'homme.
 
Ben oui, si j'en crois "les gazelles", le film que j'ai vu la semaine passée, il paraît que tu perds deux tailles quand tu te sépares.
 
C'est simple, dans cette comédie doux-amer, les nanas, elles passent leur temps à picoler et à cloper. Du coup, elles n'ont plus le temps de se goinfrer.
 
Oui, mais moi, si je bois, il faut que je mange, sinon, je deviens aussi agitée du bocal que Brigitte Fontaine et Gainsbarre réunis (j'aime bien les combinaisons, aujourd'hui, sans doute pour tenter de réconcilier gras et running. Je sais, c'est peine perdue, mais laissez-moi rêver).
 
Et en plus, je fume pas. Faut que je commence, pour perdre mon gras?
 
Et là, je me dis, je suis à la ramasse, alors que je ne clope pas. Je devrais donc avoir un souffle du tonnerre et pourtant, alors que je rentre sur l'île Clémentine, prête à terrasser ma peau d'orange, je suis toute rouge, à deux doigts d'arrêter.
 
Ouf-fouf-fouf.
 
Y'a un truc, je vous dis.
 
Allez, j'arrête dans trois minutes. Enfin, non, je vais faire du fractionné. Ah oui, mais pour le fractionné, il faut piquer des sprints et repartir doucement. Repartir doucement, je peux, finger in the noise. Accélérer, comment dire... Si vous me trouvez une raboteuse dans les trois minutes qui viennent pour me débarrasser de ces couches superflues sur le côté...
 
Donc, la rupture... Mais quand même, elles n'ont pas l'air si heureux que ça, ces célibataires (plus ou moins endurcies), dans le film. Je veux dire, leur vie n'inclue pas les pétales de rose chaque matin au lever du soleil.
 
L'homme ne met pas non plus de pétales de rose au pied de notre lit chaque matin, on est d'accord, mais enfin, je l'aime, quand même. Il est bien pratique, en plus, il me sert de défouloir, hoche la tête en disant miammiam quand je lui cuisine des petits trucs, me donne de l'affection...
 
Oui, je vous vois venir, je pourrais prendre un chien, aussi, mais j'ai déjà trois chats, ça va aller, les conneries (un jour, je vous parlerai des courriers de ma voisine, y'a moyen de rigoler).
 
Je suis donc toujours sur l'île Clémentine et là, cette fois, j'en suis sûre, je suis au taquet, ça fait au moins trente minutes que je cours.
 
Un coup d'œil au chrono. 28 minutes et 17 secondes.
 
Ouf-fouf-fouf. Le running, c'est mental. On ne se laisse pas abattre par un élément - la montre - dont on découvre le caractère sournois aussi soudainement.
 
De toute façon, moi, je commence à me sentir bien à 32 minutes. Pourquoi 32? Je ne sais pas, moi, pourquoi vous aimez les fraises? Ben, 32 minutes, c'est pareil, ça ne s'explique pas.
 
J'arrive dans la gadoue, ça me rappelle ma vie. En même temps, il a pris des gants, le docteur de la tête. Je le revois:
 
"Je vais vous dire quelque chose, ne le prenez pas mal... En même temps, vous allez forcément mal le prendre."
 
Oui, ça met en condition.
 
Je franchis le pont, sors de l'île Clémentine et sens un regain. Le fameux cap des 32 minutes. Ah, ah, j'en étais sûre. Ça dure à peu près cinq secondes. Ouf-fouf-fouf...
 
Ce qui a été terrible, aussi, dans cette consultation, c'est qu'après les "révélations" du docteur de la tête, je me suis mise à regarder différemment Loulou. Mon enfant. J'ai enfanté une personne qui ne suis pas parfaitement les balises imposées.
 
J'ai mal. A la tête et aux jambes. Pourtant, je suis contente, je crois que le coton a remplacé le gras dans mes poteaux qui, paraît-il, me servent pour courir. J'ai envie de mourir tellement je suis à bout. A 45 minutes, je fais un truc que je déteste. Je m'arrête, avant l'heure.
 
Finalement, après 5 minutes de pause à ressasser mon gras, le docteur de la tête, mes failles, mes sentiments et cette envie irrépressible de vomir et de boire de l'eau (loin de moi l'idée de boire mon vomi, promis), j'ai remis le chrono et mon corps en route pour quinze minutes de course et de réflexion.
 
Dans les deux cas, j'ai morflé.
 
Mais je me suis dit que finalement, je n'ai peut-être pas besoin de rompre, avec l'homme, je veux dire. Je peux aussi freiner cet élan que j'ai pour le chocolat et courir, courir, courir... Pour le reste, je vais juste accompagner Loulou comme il se doit et envisager, aussi, que rien n'est figé et qu'on peut toujours avancer à pas de géant.
 
Suffit de s'entraîner. Suffit de s'entraider.
 
Suffit d'arrêter le sucre, aussi. Mais bon, Rome ne s'est pas fait en un jour, hum?
 

jeudi 10 avril 2014

La mouette n'est pas une autruche

Mardi matin, j'ai fini par enlever mon déguisement, parce que jouer à top chef toute la journée, c'est rigolo, mais pas très adapté à la vie courante.
 
Comme j'avais rendez-vous avec l'institutrice de Loulou, mais qu'il était très tôt (8h15, oui oui, du matin. Trop dure, la vie), j'ai enfilé à la va-vite un jean, moi qui ne jure plus que par les petites robes, en ce moment.
 
Au moment de le glisser sur mes hanches, j'ai songé à la réflexion de ma meilleure amie, habituée des tenues féminines, qui me disait combien on se sentait serrée quand on remettait un jean.
 
Vieux doute, quand même.
 
Me fiant à son 36-38, je me suis dit que c'était donc normal d'avoir la même sensation, là, à 8h du matin, et que de toute façon, j'étais pas bien réveillée, et puis qu'est-ce que j'allais encore me prendre comme réflexions (chez moi, un rendez-vous avec l'instit s'apparente à une sentence, l'école est une cour de justice, l'instit le bourreau, pardon le juge et si Loulou a des défaillances, c'est forcément de la faute de sa môman).
 
Bref, j'ai glissé comme j'ai pu dans mon jean et en route.
 
L'instit ne m'a pas jugée, moi. Elle m'a parlé de Loulou, toussa. Avec beaucoup d'empathie, vraiment, et de désarroi, aussi. Loulou est l'un de "ce genre d'élève", vous savez, ceux qu'on ne sait pas où caser, parce qu'ils ont la tête dans les nuages sans vraiment de prise avec la réalité.
 
Ce "genre d'élèves", pas autistes, loin de là, mais qui seraient sans doute mieux "dans un établissement spécialisé, où l'apprentissage se fait autrement."
 
Mon ventre s'est serré. Ou bien était-ce mon jean qui serrait trop mon ventre?
 
Ensuite, je suis retournée à mes activités normales. J'ai même vu une conseillère bancaire, qui m'a suggéré, pour engranger un maximum de chances dans la construction de mon projet, de "me serrer la ceinture".
 
En rentrant, j'ai préparé une grande salade de fruits, pour le dessert. Et puis des légumes, beaucoup de légumes, en me demandant, quand même, s'il ne se fomentait pas un complot, un truc comme ça.
 
Comme j'avais cuisiné et que j'avais eu chaud, je suis passée prendre une petite douche, en évitant soigneusement le miroir. Mon petit knaki gauche s'est quand même pris la balance dans le museau et je lui ai jeté un œil noir, à cette sournoise, qui, depuis quelques temps, semble crier "monte-moi dessus, monte-moi dessus, que je rigole"...
 
Après, j'ai voulu m'habiller en fille. Mais j'avais froid, alors j'ai opté pour la facilité: un pantalon. Et vous savez quoi? La balance n'est pas la seule à comploter un truc, la machine à laver a visiblement décidé de rétrécir tous mes vêtements. Non, sérieusement, comment pourrais-je expliquer autrement la douloureuse sensation d'avoir les cuisses aussi serrées que des grains de riz dans une feuille de nori?
 
J'ai changé de pantalon, j'ai mis un jean. L'un de ceux que j'avais rangés, parce qu'ils étaient trop grands. Ben là, il tombait à peu près bien.
 
Aïe.
 
Complot ou pas, j'ai pensé que j'avais beau être une mouette, je n'étais pas une autruche. Alors hier matin, j'ai enfilé... mes running.
 
To be continued...

mardi 8 avril 2014

L'histoire de la mouette qui s'habillait en cordon bleu

Comme je vous le racontais brièvement hier, j'avais rendez-vous au centre de formation que je vais fréquenter dans les huit prochains mois, histoire de savoir où je mets les pieds... et de rassurer les profs sur mon potentiel cupcakecien.
 
J'ai beaucoup aimé le discours du formateur (et je n'écris pas ça en sachant qu'il est susceptible de lire ces lignes) (d'ailleurs, combien de temps arriverai-je vraiment à me censurer?) (ouais, c'est mort, je sens que je vais me griller très vite) (tiens, des parenthèses, ça faisait longtemps). Bref.
 
Il est question d'apprendre, évidemment, mais en pratiquant beaucoup, beaucoup. En arrivant à mon rendez-vous, le ton était donné, de toute façon. J'ai en effet traversé la salle de cuisine, toute équipée, où des stagiaires étaient en examen. Leur stress était très palpable, et je me suis dit que tous les aspirants à Master chef et autres émissions culinaires de ce style feraient bien d'aller mettre leur nez dans ce genre d'endroit. Ça remet les idées en place, croyez-moi.
 
Le formateur a d'ailleurs noté qu'ils feraient bien de se détendre un peu, qu'ils avaient l'air tout raide, mais allez cuisiner devant des examinateurs au faux air de Super Nanny, et on en reparlera, hein.
 
Je regardais ça tout sourire, et puis j'ai eu un flash. Moi aussi, dans quelques mois, je serai là, toute raide et stressée, à passer mon titre.
 
Bouh.
 
Le formateur a été plutôt rassurant, on a évoqué les différents stages possibles, le déroulé de la formation, les travaux personnels à fournir... Et le matériel à acquérir. Le livre de référence, la mallette du cuisinier et... la tenue complète, qu'il faudrait enfiler dès le 5 mai. Eh ouais.
 
 
Où comment dépenser l'équivalent d'un week-end à Rome pour ressembler à un ouvreur de sac.
Je suis donc partie faire mon shopping, dans la foulée, toute excitée. Oui, oui, on peut être excitée à l'idée de recouvrir sa tête d'un calot, de protéger ses pieds de chaussures de sécurité et d'enfiler une tenue au potentiel glamour - 1000.
 
Eh eh eh, j'ai enfin trouvé un équivalent confort au combo pilou-ballerines, que je vais pouvoir porter en toute légitimité...
Vous ne voyez rien? C'est normal, la tenue est noire. Maman m'avait dit de la prendre en blanc, mais je nageais carrément dans celle en taille 3 (seule dispo) et pis, le noir, ça amincit... (Au moins, vous constaterez que mon air playmobil s'atténue au fil de la repousse de la frange, mais je m'égare)
 
L'habit ne fait pas le moine, certes. Je n'ai pas échangé mes mains carrées contre celles, plus agiles, d'une cordon bleu hors-pair, juste en revêtant cette tenue professionnelle encore un rien rêche. Pourtant même si je ne suis pas (encore) cuisinière, aujourd'hui, en enfiler les habits m'a fait sentir les prémices d'une nouvelle vie.
 

lundi 7 avril 2014

Pas de cupcake à ce numéro...

"Mais en fait, vous faites quoi comme pâtisseries?
 
- Tarte au citron meringuée, moelleux au chocolat, cannelés, madeleines, financiers, cake citron, banane, orange, scones..."
 
Il m'interrompt. J'ai cru percevoir un soulagement dans son regard.
 
Vous vous souvenez de cette formation, que je démarre le 5 mai? Eh bien, ce matin, j'avais rendez-vous avec le responsable pédagogique.
 
"Vous ne faites pas de cupcakes, alors?
 
- Non, je n'en vois pas trop l'intérêt, à vrai dire...
 
- Ni de pâte à sucre, toussa?
 
- Vous voulez savoir? Je suis un peu une quiche en déco, moi mon truc - et c'est pour ça que j'avais appelé mon auto-entreprise "Ma p'tite madeleine"- ce sont les pâtisseries régressives, les douceurs qui rappellent l'enfance, les trucs simples..."
 
Ouf. Il ne cherche plus à cacher son soulagement.
 
"Non, parce que j'ai lu votre blog, et il faisait très cupcake...
 
- ??????
 
- Oui, très bleu, tout ça... Je sais pas... J'ai cru qu'on avait affaire à une personne à cupcake."
 
Alors là, je l'ai rassuré. Et pour conforter mon propos, j'ai sorti mon portable et je lui ai montré - comme je me sentais vraiment à l'aise avec lui - le cliché de la charlotte confectionnée ce week-end pour ma commande.
 
 
Oui, mes biscuits cuiller sont maouss costauds et pas calibrés, oui, la mousse dépasse. Ouf.
 
Alors là, son "ouf" a été encore plus marqué. Il a bien vu qu'il y avait du boulot, et que tout ça était loin d'être parfait.
 
Ça m'apprendra à mettre l'adresse du blog sur mon CV, tiens.

dimanche 6 avril 2014

Le doux parfum de cette sacrée madeleine

Plusieurs mois durant, ma p'tite madeleine et moi, on est parti de bon matin, à bicycletteuh... (Charles Trenet, sors de ce corps)...
 
C'était il y a longtemps, et peut-être ai-je un peu idéalisé ces moments, que je considère comme jolis et empreints de liberté alors que, quand même, j'en ai passé des heures à préparer de la pâte à cannelés par hectolitres, lancer quinze fournées de madeleines, m'échiner sur des centaines de macarons et démouler des milliers de financiers et autres cookies... pour la gloire, ou presque.
 
Sans parler de ces loooongues minutes passées devant le four, à scruter LE moment où il fallait sortir la tarte au citron, juste avant de carboniser la meringue sous le grill.
 
Bon, grâce à Bobo le petit robot, la meringue, elle tient bien, très bien...
 
 
Mais voilà, j'avais toujours cette petite fierté d'avoir créé mon p'tit truc, d'aller livrer ma restauratrice bien-aimée et de voir ces assiettes vides et les sourires des clients, repus et satisfaits.
 
Je me souviens du sentiment de petite mort, le jour où j'ai dû lâcher ma p'tite madeleine, confrontée à quelques détails d'importance.
 
Alors, lorsqu'au hasard d'une conversation, ma covoitureuse, qui me déposait à Bordeaux, m'a demandé si je pouvais lui préparer quelques douceurs, pour l'anniversaire de son papa, tout est revenu à la surface, avec cette même excitation qui m'avait permis alors de surmonter quelques flammes et autres couacs.
 
Elle venait chercher sa commande ce samedi. J'aurais dû, bien sûr, ne pas réfléchir et faire comme avant, quand je me lançais à la one-again. Sauf que, soudain, le doute est venu ternir ma bonne humeur. Et si ça ne lui plaisait pas? Et si je n'étais pas capable? Et mon moelleux, il va pas paraître un peu simplet? Et si, pour la charlotte, mes biscuits à la cuillère ne sont pas calibrés, comment je fais?
 
Ou comment se faire des nœuds au cerveau pour des pâtisseries que j'ai déjà préparées à peu près dix mille fois.
 
Enfin, pas les biscuits à la cuillère. Je vous épargne mes mains tapissées de pâte liquide quand j'ai rempli pour la douzième fois la poche à douille trop petite (bonne nouvelle, je sens que je passe au niveau supérieur, en termes de maîtrise de la popoche. Du genre "ECA", en cours d'acquisition, comme ils disent à l'école). Je vous épargne aussi la tête des dits-biscuits, ç'aurait été trop facile que je les fasse tous de la même taille. Pour vous situer ma haute confiance, j'avais acheté... une grosse boîte de biscuits cuillère, au cas où. Grosse classe.

L'avantage, c'est que si je me pète les chicots demain, je pourrais taper dans cette réserve de boudoirs pour une bonne semaine. Comme les bébés ou les vieux, en fait.
 
Oui, j''ai eu un sérieux doute, d'un coup, sur ma capacité à assurer. Vraiment, je veux dire. J'ai développé le syndrome de la débutante, celle qui a de la chance au premier coup mais qui ne parvient plus à reproduire le bon geste derrière et qui rame, qui rame...
 
Bon, après avoir bien psychoté, je me suis dit que, oh, c'était jamais que trois gâteaux, que le ciel n'allait pas me tomber sur la tête et qu'avec un peu de doré, ça passerait.
 
Je le sais, je ne serai jamais designeuse culinaire.
Le plus dur, c'est de ne pas toucher au carré de chocolat aux cranberries. Pour la déco, juste pour la déco...
 
Non, mais en fait, si ça déborde, c'est juste pour montrer que c'est une charlotte aux fruits rouges. De la mauvaise foi? Meuh non, pensez donc...
 
Le truc, c'est que mes ronds dorés étaient tous trop grands. Obligée de les couper. Avec ma polio, ça faisait tout de suite moins classe. C'est comme dans certaines grandes cuisines (ah ah), si on regarde dans les coulisses, c'est décidément pas brillant.
 
 
J'ai bien pensé m'en servir comme une couronne, mais ça tient pas. Pff.
 
Allez, en attendant d'avoir les retours - et sans doute pour me rassurer - je garde en tête l'air gourmand qu'a pris la personne venue chercher les pâtisseries. "Vivement 15h, qu'on mange le dessert!"
 
Et moi aussi, j'ai pensé "Vivement." Vivement que la p'tite madeleine ressorte des cartons. D'ici là, qui sait, j'aurais peut-être acheté des cartons dorés au bon diamètre.

vendredi 4 avril 2014

La kamikaze du cul de poule

Il fronce les sourcils.
 
Oh non, pas encore!
 
Je devrais être habituée, depuis le début de ma reconversion, à ces airs sceptiques qui ont un atout majeur, celui de renforcer plus encore ma détermination.
 
N'empêche que ça fait toujours un peu bizarre. D'autant plus quand le contact initial avait été bon, au téléphone, quelques jours plus tôt.
 
A sa décharge, le monsieur avait bien voulu me recevoir alors même que j'avais été très confuse au bout du fil. Et, surtout, je dois l'avouer, il avait en face de lui un véritable zombie.
 
J'avais dû dormir deux heures, dans la nuit, tournant et retournant nombre de questions et, y'a pas à dire, la vieillesse est une garce, elle ne supporte pas le moindre écart et te le fait payer cash.
 
Oui, mes yeux étaient plus petits que ceux d'un hamster sous ecsta. On est d'accord, ça donne moyennement envie.
 
Bref, je suis arrivée à la chambre des métiers en imaginant que des élastiques me tiraient les paupières par le haut, tel Gaston Lagaffe (vous voyez un peu l'esprit), me pinçant pour me réveiller.
 
Comme je vous le disais hier, j'ai décidé de faire compliqué. Puisque je veux me lancer dans la pâtisserie, je passe... un titre de cuisinier.
 
Mais c'est parce que je veux AUSSI cuisiner, tout bêtement. Et qu'en pâtisserie, les places sont chères, très chères. Quand j'ai tenté de peser le pour et le contre en appelant tous les centres de formation du département, voire au delà, j'ai constaté qu'il n'y avait que deux écoles dans la région: à Sainte-Luce sur Loire, où j'habite (!), tout près de Nantes, et... au Mans. La ville que j'ai quittée en 2010, après quinze ans passés là-bas. Ah ah.
 
Là, j'ai bien compris l'épaisseur des barrages. Pas de place, soi-disant, pour les gens au delà de 26 ans, trop de rêveurs ou d'utopistes, 40 candidats pour 10 places...
 
Et puis, j'ai rencontré Patricia. Qui m'a confirmé la nécessité de posséder un CAP Pâtisserie pour vendre des douceurs... et qui l'a elle-même passé en candidat libre, l'an dernier. Autant vous dire qu'elle sait de quoi elle parle.
 
Maman a des mains d'or, vraiment, et au moment d'entamer sa formation toute seule, comme une grande, elle avait une longueur d'avance (doux euphémisme) sur ma polio et moi. Mais elle a défriché le terrain et m'a livré tous les trucs et astuces pour potasser intelligemment. J'ai à peu près une tonne de bouquins à lire et décortiquer, deux milliards de dacquoise, Joconde et autres pâtes feuilletées à tester, mais enfin, c'est le lot de tous ces grands malades qui s'improvisent toqués, non?
 
Avec Bobo le petit robot, il y avait aussi ces deux livres dans ma commande...
 
Mardi, donc, c'est à peu près ce que j'ai expliqué au responsable de la formation, à la Chambre des Métiers. Son visage s'était déjà détendu à la lecture de mon CV, et là, il m'a regardé droit dans les yeux. "OK, passez votre CAP en candidat libre si vous voulez. Mais appelez-moi en décembre, à l'issue de votre formation en cuisine, pour qu'on discute." Et, comme sur un plateau, il m'a proposé une place pour la session 2015-2016 (!) si jamais ça ne passait pas la première fois, ou si j'avais renoncé à jouer la kamikaze toute seule.
 
J'ai eu envie de le serrer dans mes bras, et je me suis souvenu que ça ne se faisait pas trop. Comme je n'avais ni papa, ni maman, auprès de moi, j'ai gardé mon affection pour plus tard, et je lui ai dit, comme pour le conforter:
 
"Mais vous savez, ce n'est pas une lubie, hein"
 
Fausse bonne idée.
 
"C'est ce que me disent les 40 candidats" a-t-il relevé, en haussant les épaules et cachant à peine un soupir.
 
Et un boomerang dans les dents, un.
 
"On en voit combien, de ces femmes entre 35 et 40 ans, dont les enfants ont grandi, et qui veulent faire des gâteaux pour le baptême du dernier? Celles-là, qu'elles restent dans leur garage!"
 
Oups. Vous voulez dire que mes ambitions sont aussi banales qu'un facho au front national? (cliché? Cliché. J'assume)
 
"Là, je vois un projet, et ça, ça m'intéresse", a ajouté le monsieur.
 
Vraiment, j'ai été à deux doigts de le serrer dans mes bras. Et fort, en plus.

jeudi 3 avril 2014

Où je retourne (encore) à l'école

Bordeaux, jeudi dernier. Téléphone. Un 02... Ok, c'est peut-être mes parents, qui ont craqué et qui ont renvoyé Loulou tout seul à la maison. Ou bien l'école, qui s'inquiète que Loulou veuille dormir dans la cour.
 
C'est la conseillère de chez Popol. Elle prend la peine de m'appeler pour m'annoncer une grande nouvelle.
 
Ma formation au titre professionnel de cuisinier est acceptée. Les OPCA ont validé, hop hop hop, c'est parti. Je commence le 5 mai.
 
Elle est à l'autre bout du fil mais j'ai envie de la serrer fort dans mes bras. Très fort, même. A la place, je raccroche et j'annonce comme une furie la chose à ma maman. Puis à mon papa.
 
Ils ont l'air très fier de moi, alors je bombe le torse comme un coq, ce qui n'est pas d'une évidence absolue pour une mouette, vous en conviendrez.
 
Voilà. Près de six ans après le début de mes aventures en cuisine, après les joies et les désillusions, le retour à une vie "normale", les espoirs revenus, me voilà bel et bien à basculer de nouveau dans ce monde, décrit partout comme tellement dur, toussa, toussa.
 
En même temps, ça se saurait, si je choisissais la facilité, hum.
 
Oh, j'en vois déjà un ou deux qui se disent: "elle se met le doigt dans l'œil, si elle croit que ça va marcher."
 
Alors, je double la mise. Oui, oui. J'ai décidé, à l'issue de cette formation longue de huit mois, de passer mon CAP pâtisserie en candidat libre. Mais ça, je vous en parlerai... demain, ça ira?
 
'Scusez-moi, j'ai un nouveau joujou à inaugurer...
 
Oui, j'ai craqué. C'est Bobo, le petit robot, l'ami de... la mouette.
 

mercredi 2 avril 2014

La différence entre chômeuse et chômeuse

Il n'avait pas envie de se lever, ce matin, Loulou.
 
Comme tous les matins, chaque fois qu'il y a école, en fait.
 
Donc, souvent.
 
Sinon, quand on peut dormir, genre, le samedi ou le dimanche, il se lève à 5h26, 6h54, 7h23, ce style de créneaux, vous voyez bien.
 
Il pourrait peut-être bosser à la sncf, un jour, il est bien conditionné.
 
Ah oui, mais non. Je vous disais que tous les autres jours, mercredi compris, il employait la technique de la colle imaginaire : il fait semblant d'avoir les fesses collées aux draps, alors je suis obligée de le décoller du lit, mais comme j'ai un balai persistant dans le dos, ça marche moyen, il rebondit tel un élastique dans la couette et ça finit par le cocktail énervant "dépêche-toi-habille-toi-viens-manger-lave-toi-les-dents-dépêche-toi-on-va-être-en-retard-ton-cartable-ton-cartableeeeeee-un-jour-tu-oublieras-ta-tête-mon-dieu-à-cause-de-toi-je-sors-les-mêmes-rengaines-énervantes-de-ma-maman-quand-j'avais-ton-âge-mais-dépêche-toi-on-va-être-en-retard-dépêche-toi-tu-es-en-retard-bonne-journée-mon-Loulou"
 
Et là, je peux me brosser pour le bisou, "parce que je t'en ai déjà fait cinq ce matin".
 
Ah, ok. Pourtant, j'étais lavée et habillée, c'est ce que je lui ai dit pour ma défense, comme un fait exceptionnel qui justifierait qu'il montre quelques signes d'affection, voire des effusions de joie, envers sa maman chérie.
 
Celle qui le décolle du lit tous les matins. Ah oui. Ça, c'est grave. En plus, il estime que c'est un peu de ma faute, ce rythme infernal, parce que s'il a maintenant école le mercredi, aussi, c'est de la faute de François, et donc de la mienne, parce que j'ai donné ma voix au président, il y a fort longtemps (avant la désillusion, je veux dire).
 
Alors, se lever tous les matins de la semaine, c'est grave, fatigant et un rien injuste, à ses yeux, je le sens bien.
 
"Bah oui, toi, tu travailles pas, tu peux aller te recoucher après, alors que pour moi, c'est trop duuuuuuuur"
 
Là, la fierté - que j'ai retrouvée et qui était cachée derrière madame-la-dépression, tout bêtement - me secoue. Je m'entends dire:
 
"Ah mais non, Loulou, tu te trompes. Certes, je ne vais pas tous les matins au bureau, mais je travaille, sur mon projet."
 
Il dévale les escaliers, se tourne vers moi et, avec son air un rien tête à claques (les hormones, les hormones), m'assène:
 
"Ouais, mais t'es quand même chômeuse!!"
 
Ma fierté hurle, au fond de mon être, et insiste:
 
"Certes, mais ce temps me permet d'avancer sur mon projet, pour avoir un vrai métier ensuite."

(Parfois, je prend un air solennel, on dirait que je veux me convaincre que je suis sérieuse en fait. Il y aussi l'idée que je suis sa maman, pas sa copine, non mais oh, ça va, hein.)
 
Il remonte, visiblement avec une idée en tête, tant il semble déterminé.
 
"Mais alors, je comprends pas, avant (sous entendu, quand tu étais en pilou et ravagée par la dépression), tu étais bien chômeuse?
 
- Oui.
 
- Ben alors, c'est quoi la différence avec maintenant?"
 
Sur ce, il est parti vider le tube de gel sur ses cheveux, parce que les hormones le travaillent et que c'est trop bien d'être coiffé comme un pouilleux au cuir chevelu gras.
 
Moi, je me suis vue dans le miroir. J'étais habillée, et même bien rhabillée pour l'hiver, tiens.
 

mardi 1 avril 2014

Où je demande à ma polio de mettre la pédale douce

Dimanche, mon papa m'avait préparé mon plateau-repas, que j'ai pu savourer, mais pas en toute tranquillité: ma voisine bavait dessus et je n'avais pas envie que ça tombe pas dessus.
 
Ne rêvez pas, vous ne trouverez pas ça au wagon restaurant...
 
Pensez donc, des sandwichs d'un chef, ça a de la gueule! Il me fallait prendre des forces, il est vrai, pour ce long voyage.

Au delà du retour à Nantes, il y a surtout ce nouveau trip dans lequel je m'engage. Pour ce faire, j'ai cumulé les bagages.
 
J'ai scruté les moindres gestes de papa et tenté de les reproduire, de façon gauche. Je me suis abreuvé de ses petits trucs, de l'astuce qui va bien, des contre-vérités qui sont nombreuses en cuisine.
 
J'ai beaucoup observé maman et à vrai dire, puis-je dire que j'ai appris à faire des croissants, de la brioche ou des chouquettes? Sans les maîtriser, j'ai vu ces gestes qui me seront indispensables pour la suite. Je me suis dit que ma polio et moi, il faudrait quand même qu'on la ramène pas trop. C'est que c'est minutieux et délicat, ces petites choses sucrées et ça ne supporte pas l'imprécision. Hum.
 
J'ai tâté de la poche à douille, encore et encore. Vendredi, après deux semaines de stage, alleluia, j'avais presque compris le geste et j'ai balancé la purée, euh pardon, j'ai dressé la crème de marron à une main, c'te classe.
 
J'ai lavé, vidé, épluché, tranché, enfourné, macaroné. J'ai utilisé une branlette, des culs de poule et fait des becs d'oiseau.
 
J'ai engrangé, engrangé, engrangé.
 
J'ai surtout mesuré le gouffre qu'il y avait entre mes habitudes à la one again et le tour de main professionnel. Normal, me direz-vous, ce n'est pas mon métier, à la base. Mais enfin, d'un coup, je me sens bien naïve d'avoir voulu monter un restaurant - et là, j'ai une pensée pour la fronceuse de sourcils et tous ces personnages perplexes que j'ai croisés. Ils jubileraient, s'ils me lisaient.

Je me sens comme une bleue qui découvre la vie. Avec toute l'énergie que cela sous-entend, parce que j'ai l'impression, après ces deux semaines exceptionnelles à Bordeaux, de pouvoir alimenter tout mon quartier en électricité, tellement je suis boostée.

Fini le pilou! Me voilà à m'agiter de partout, à prioriser la liste de mes tâches, à regretter de nouveau que les journées ne durent que 24 heures. En cuisine, j'ai l'impression de repartir de zéro. Je suis plus attentive à mes gestes, je m'amuse à décrypter toutes mes boulettes quotidiennes et je fais comme si j'étais observée (parano, sors de ce corps) pour ne pas me relâcher et appliquer à la lettre ce que j'ai appris.
 
La fantaisie reprendra le dessus à un moment ou à un autre, je le sais, mais si je peux me tenir à un minimum de rigueur, la tête et le goût de mes plats ne s'en porteront pas plus mal.
 
Y'en a un autre qui peut s'en satisfaire. Mon Loulou, qui n'a plus à supporter sa maman en jogging le matin, au moment de filer à l'école...