mardi 30 juin 2009

Michael Jordan et moi, part one

Bon, je vois que mes six lecteurs ont décroché et que deux seuls irréductibles continuent de commenter - je les en remercie chaleureusement, c'est bon de ne pas se sentir seule. C'est vrai aussi que j'ai la sensation de tourner en rond en ce moment et comme je n'avais pas grand-chose de passionnant à vous raconter sur ma journée (excellente au demeurant, mais sans rapport aucun avec ce blog) et que Franck - il se reconnaîtra - m'a suggéré une bonne idée, je vous demande de vous accrocher : nous allons faire un grand bond dans le passé.

Franck m'a en effet écrit : "Je pensais que dans le post précédent, tu nous aurais longuement parlé de ta relation à Michael. Car comme dit l'autre, on a tous un peu de MJ en nous."

Il évoquait Michael Jackson. Mais ces initiales m'ont immédiatement fait penser à l'autre MJ. Une autre de mes idoles. Michael Jordan.

Himself.

La première image qui me vient de lui, c'est sa petite moue et ses longues mains écartées, alors qu'il vient de marquer (allez à la 4e minute de la vidéo) alors qu'il vient de marquer un nouveau 3pts - établissant un nouveau record de 35 unités inscrites en une mi-temps. Il était en finales NBA, pour la deuxième fois de sa (splendide) carrière et démarrait tambour battant cette série contre Portland. Et pendant qu'il mâchouillait stoïquement son chewing-gum, j'étais là, avec huit heures de décalage, derrière mon écran, raccourcissant dangereusement mes nuits - et mes chances de réussir mon bac de français - pour assister en direct à ses exploits, alors que je continuais de demander à mon père d'enregistrer chaque match. Je me couchais alors que le soleil se levait. J'avais 16 ans et, comme beaucoup de fans de basket d'aujourd'hui, j'étais alors totalement accro à la NBA, et surtout à MJ.

Ensuite, je l'ai revu, sur papier glacé, en couverture de tous les magazines, y compris celui où j'allais ensuite travailler. L'Europe allait bientôt craquer pour ce personnage au charisme indéfinissable, basketteur le plus doué que j'aie eu l'occasion de voir - Kobe Bryant y compris, mais c'est un autre débat. C'était l'époque de la Dream Team, aux JO de Barcelone, lorsque les Américains nous faisaient encore rêver. Personnellement, j'étais totalement fascinée par Michael Jordan. Et mon sentiment n'a jamais varié, au fil de nos rencontres.

Bah oui, que voulez-vous, MJ et moi, on se connaît. Enfin, moi plus que lui. Je n'ai jamais été à ses yeux qu'un de ces innombrables farfadets qui l'ont saoulé de questions. Qu'une admiratrice lambda. Mais de mon côté, la magie est toujours restée intacte.

Après mon premier trip aux States, j'étais rentrée avec l'envie folle d'y retourner, mais il m'aura fallu plus d'un an pour exaucer ce voeu. En 1996, l'opportunité se présente: c'est le All-Star Game à San Antonio. Nous débarquons à trois dans cette petite (enfin, à l'échelle américaine) cité texane, aux allures mexicaines, nous abreuvant de pina colada en toute insouciance, simplement pour oublier les 35 degrés extérieurs - nous sommes en février. C'est pour moi l'occasion de découvrir tous les us et coutumes de cette grand-messe annuelle, où les plus grosses stars NBA se retrouvent, le temps d'un week-end, pour fêter la Ligue et s'amuser sur le terrain, sans pression. Où Bruce Willis vient hurler dans le micro, en pleine rue à San Antonio, juste pour célébrer l'événement.

A vrai dire, je suis comme une gamine, passant d'un vestiaire à l'autre, sans presque plus me soucier du "Woman in the locker-room" hurlé à chaque intrusion dans cet univers mâle. Il est là, majestueux, avec son sourire courtois et son air à la fois si absent. Michael Jordan a su se protéger très tôt. Sa carapace, indispensable avec un tel statut, lui donne une longueur d'avance sur tous. Il semble comme flotter au-dessus de cette mêlée médiatique, pour qui la moindre de ses paroles n'est que pain bénit. Sur le terrain, au milieu d'autres monstres sacrés, il virevolte, survole l'assemblée et finit MVP de la rencontre. Meilleur joueur. Nous, on a eu du bol, nous sommes au premier rang et assistons à cette démonstration. Du grand art. Cerise sur le gâteau, mon papa est ravi, il m'a vue à la télé. Waouh.

Il n'a pas précisé que j'étais affalée sur la table de presse, avec des yeux ronds devant tant de talent. C'est tout de suite moins glorieux. Mais passons.

En rentrant à l'hôtel, nous sommes un rien refroidis par la voiture de police stationnée, gyrophare en marche. Nous savions que le quartier, à la sortie du Downtown, n'était pas Beverly Hills. Nous n'imaginions pas forcément assister à une scène de crime. Un p'tit cadavre, hop, hop, hop, circulez, c'est l'Amérique...

Pourtant, je n'ai qu'une hâte, en reprenant l'avion. Revenir aux States. Revoir Michael Jordan. A nouveau, j'ai beaucoup de chance. En juin 1997, je rejoins Chicago, pour suivre les finales entre les Chicago Bulls et les Utah Jazz. Timing pourri et économies de bout de chandelle oblige, j'arrive dans la Windy City au lendemain du premier match, à l'issue duquel Sa Majesté - son p'tit nom, à Jojo, pour les non-initiés- a crucifié les Mormons d'un ultime tir pour l'emporter, à l'arrache.

Pendant que j'étais dans l'avion...

Comment je le sais? Tout simplement parce que l'info passe en boucle sur la radio du taxi, lequel est complètement excité à l'évocation de Mike. Je lui demande de me raconter comment ça s'est passé. Il me chambre en apprenant ce que je viens faire ici. "Bah, couvrir les finales NBA." Oui, même en ayant raté la première performance de la star. J'ai confiance en Jordan, je sais qu'il accomplira d'autres miracles lors de cette série.

A suivre...

lundi 29 juin 2009

Dans la lune

Y'a des jours comme ça où j'aurais envie de raconter ma vie à la terre entière, aussi insignifiante soit-elle (ma vie, pas la Terre). Et d'autres, comme aujourd'hui, où rien ne me semble vraiment digne d'intérêt. Est-ce la moiteur de la journée, le témoignage d'un ancien de l'AFPA dont je n'ai pas retenu le discours - seulement le parfum (trop) entêtant, hélas - ou l'élaboration du prévisionnel? Est-ce la démotivation croissante du groupe, dont l'émulation a fondu comme neige au soleil ? Toujours est-il que j'étais "dans la lune". Comme l'a écrit l'institutrice à propos de mon loulou, tiens.

Dans la lune, à imaginer de nouvelles perspectives. Dans la lune, à me voir livrer des petits gâteaux à droite, à gauche, à faire les marchés pour y vendre ma came, sans plus me soucier d'un quelconque local.

Dans la lune à envisager de revenir au journalisme.

Dans la lune à songer à une autre vie.

Dans la lune à espérer simplement trouver une issue.

N'y voyez pas de mélancolie là-dedans. Non, j'étais plutôt sereine aujourd'hui. Mais, paradoxalement, c'est parce que j'étais dans la lune que mon esprit vagabond s'est laissé aller à mille idées plus terre-à-terre les unes que les autres.

dimanche 28 juin 2009

Michael, le Bidule et le sel de la vie

J'aimerais vous parler de celui que j'admirais en me couchant le soir et en me réveillant le matin. Il était habillé de rouge et ne ressemblait à personne d'autre. Il me regardait un peu de haut mais je ne lui en voulais pas. Je l'aimais tellement que j'avais mis toutes mes économies dans l'achat de son "poster géant". Il chantait "Beat it" et lorsque j'ai vu la première fois son célèbrissime clip "Thriller", j'en ai eu des frissons et le goût de l'interdit. J'avais 9 ans et c'était ma première idole. Peu de temps après, je transférais toute ma passion sur Madonna, allant même jusqu'à l'imiter, des tonnes de caoutchouc sur les avant-bras, chouchou rose dans la chevelure crêpée, jupe courte à volants et brassière funky. J'étais absolument ridicule mais je ne m'en suis rendue compte qu'en tombant sur la photo immortalisant ce délicieux instant de mon enfance, des années plus tard.

Michael Jackson était sorti depuis longtemps de mon esprit, mais apprendre qu'il est parti, c'est comme refermer définitivement un pan de sa propre histoire.

J'aimerais vous parler d'un lieu, ouvert quelques heures dans la journée seulement, vieillot, où l'on ne sert qu'un vin blanc ou un rouge, dans de minuscules verres; où l'on est obligé de se serrer comme des sardines et d'en sortir rapidement, au risque de mourir étouffé. Le Bidule est un défi permanent aux lois du marché. Ce bar de Pornichet, que j'ai connu il y a fort longtemps, n'a pas changé d'un iota - si ce n'est qu'il ne se prolonge plus dans la rue, comme par le passé. Endroit incontournable du coin, ce p'tit bistrot atypique est l'endroit où il faut être, quitte à se faire renverser du blanc sur les pieds ou aggraver l'état du balai qui a décidé de jouer les prolongations. C'est une véritable étuve et on doit jouer des coudes pour parvenir à commander auprès d'un barman suintant à grosses gouttes. Tous les âges, toutes les catégories, de la jeune pépée allumeuse au vieux pépé blasé, du petit couple en goguette aux bandes de copains sortant de la plage, la mèche péroxydée par le soleil, tout le monde se retrouve, un petit verre dans une main, l'autre dans le paquet de chips amené pour l'occasion, sans se soucier des autres, d'un design quelconque ou du cadre général. Un beau pied de nez à tous ces lieux surfaits où tout tient à la déco. En plus, le blanc a tellement un goût de reviens-y que l'on s'est senti obligé, hier, de revenir à la charge. Quitte à ricaner bêtement en sortant.

J'aimerais vous parler du bien-être que peut procurer un mini-break et de l'angoisse du retour de bâton qui suit irrémédiablement. Sincèrement, ces quelques jours à la mer m'ont remise la tête (à peu près) à l'endroit, à défaut d'un équilibre stable et d'une allure droite. Je sais aussi que je présente dans quinze jours mon projet à un jury et que ça va être compliqué de boucler tout ça. Mais que n'aurais-je donné pour un peu d'air iodé et la sensation du sable chaud s'égrenant lentement de mes mains? Pour le cri des mouettes et l'horizon clair de l'océan?

Oui, j'aimerais vous parler de la folie qui nous empare, nous les geek. Avant, lorsque je rentrais des vacances, c'était déballage de valise, douche, coup d'oeil au courrier et basta. Là, j'ai allumé l'ordi, véritable intoxiquée privée d'internet et, le corps encore couvert de sable, j'ai entamé le tri méticuleux de mes mails. Pour constater qu'il y avait quinze tonnes de pubs, de soldes, de spams et finalement peu de vrais messages intéressants. Tout cela est tellement vain, finalement. Mais je ne sais pas, peut-être espèrais-je un courrier miracle m'annonçant que mon local m'attendait, comme par enchantement?

J'aimerais vous parler de tant de choses mais je ne veux pas vous saouler. J'ai envie aussi de savourer, quelques instants encore, le vent de liberté que j'ai laissé filtrer dans mon quotidien, pour affronter avec une énergie démultipliée la dure réalité qui s'annonce.

jeudi 25 juin 2009

Scarlett, la Tour de Pise et Sainte-Edith

Elle sourirait certainement à cette évocation mais, avec sa bouche charnue, sa peau lisse et ses pommettes hautes, elle a des airs de Scarlett Johansson. Elle est vivante, pleine de peps et n'hésite pas à parler fort dès qu'elle sent des regards perplexes la scruter. Sonia a 29 ans, bientôt 30, et elle m'a écrit un mail, voilà quelques jours. Où elle me disait que le projet collectif bio, ça n'allait pas le faire pour elle, mais qu'elle avait "aimé ma façon de penser" et que l'idée de travailler ensemble lui plairait beaucoup.

Je suis une star, je sais.

Nous nous sommes de fait rencontrées à cette réunion collective, dont la deuxième séance se tenait ce soir. A ce propos, j'avais mûri ma réflexion et, ne voyant pas comment on pouvait vivre de ce projet certes passionnant mais très utopique -il me semble- je savais que j'allais y renoncer. J'avais en outre les idées plus claires grâce, j'imagine, aux petites aiguilles de monsieur le magicien, alias l'ostéopathe qui, à défaut de m'avoir débarrassé de mon balai, m'a permis d'effectuer un petit "reset" mental.

En gros, j'étais zen. Et je venais à cette nouvelle entrevue davantage pour écouter, avant de refermer la porte, avec l'idée de ne pas (trop) intervenir.
Dès qu'elle m'a vue, Sonia a eu cette petite lueur complice dans le regard, du genre, chut, ne dévoilons rien, nous aviserons en temps voulu. A côté d'elle, un nouveau, la cinquantaine bien tassée, un peu monsieur-je-sais-tout, a commencé à me taper sur les nerfs. Là, j'ai compris que ça n'allait pas être possible de travailler avec des personnes si différentes les unes des autres.

Au final, il était plutôt constructif, mais du coup, c'est Edith, "à qui il manque juste l'auréole", dixit Sonia, qui me sortait par les yeux, elle qui n'a jamais mis les pieds dans un bar. J'exagère à peine. Dommage lorsque l'on a un projet de bar-restaurant. A vrai dire, Sainte-Edith me semble une sorte d'ayatollah du bio et n'a pas caché son effarement lorsque l'on a soumis l'idée de vendre de l'alcool. Perso, je n'ai pas caché ma perplexité: super, l'idée d'un lieu qui refuse de rentrer dans le jeu des capitalistes en ne vendant ni Coca, ni aucun produit de multinationales. Mais on fait comment, pour être rentable, avec nos trois bouteilles de Jaja bio qui se battent en duel? Avec quatre temps-pleins ? Eh ben, on coule. Vite.

Pour autant, le naturel revenant toujours au galop, je n'ai pas pu m'empêcher de l'ouvrir et j'étais assez sciée de constater l'attention dont je bénéficiais.

Je suis une star, je vous dis.

A la fin de la séance, je ne pouvais plus me cacher. Je ne me sentais pas de les planter. Sincèrement, leur projet me plaît et si leur idée aboutit, ce sera un chouette lieu de vie. Mais tout cela me semble intenable, en terme de rentabilité, avec autant de personnes - aux caractères et aux envies tellement hétérogènes, qui plus est. Je leur ai donc avoué que je partais a priori seule, même si je n'étais pas opposée à l'idée de les suivre, en prenant sans doute de la distance. Sonia m'a fixée, un peu interrogative. Genre "seule, seule?"

En sortant de chez Adrian, Sonia et moi avons naturellement emboîté nos pas. Nous nous sommes installées à une terrasse et avons discuté. De business, bien sûr, mais surtout de nous. Elle m'a montré la photo de sa fille. Evoqué ses joies et ses peines, en lissant régulièrement ses cheveux châtains, et sans jamais se départir de sa bonne humeur. M'a raconté ses amours avec une liberté et une générosité incroyables.

Elle m'a semblé à la fois forte et fragile. Mûre et espiègle. A la fin, elle m'a demandé, de nouveau, si on pouvait monter notre affaire ensemble. Elle a pour elle sa vivacité, son expérience de la restauration, son ouverture. Je ne la connais que trop peu pour envisager de prendre à la va-vite une décision tellement primordiale pour la suite. Mais c'est drôle de constater que je puisse représenter, à ses yeux, un espoir. Une sorte de béquille.

Je ne voudrais surtout pas la contredire. D'ailleurs, je vais éviter de lui raconter ce que m'a dit ce matin l'ostéo en observant mon dos : que je ressemblais à la Tour de Pise.

PS: Ah, au fait, motivée par le challenge "week-end réussi en sept leçons", je pars dès demain quatre jours à la mer. Donc, je vous donne rendez-vous au plus vite, dimanche soir peut-être. D'ici là, portez-vous bien et si vous connaissez un moyen d'avoir une allure normale avec un balai, surtout, n'hésitez pas, sonnez-moi!

Re-PS : Je lui dois ce surnom de "Mouette" et surtout pas mal de sacrés moments. Joyeux Anniversaire à toi, Zoccie!

mardi 23 juin 2009

Le mythe du balai

Mon balai et moi, nous sommes partis de bon matin, bien décidés à avancer. Je vous avoue qu'avec mon allure de Quasimodo ("sans la bosse et la sale tronche", dixit une amie bienveillante), cela relevait de la gageure mais bien shootée aux anti-inflammatoires et autres saletés qui disent à la douleur d'aller se rhabiller, j'ai ignoré les prières de mon corps, prête à affronter le terrible-monde-qu'il-est-krès-krès-méchant (les médocs, c'est la faute aux médocs, je vous dis).

Histoire de me ménager un peu, j'ai commencé par une longue entrevue avec mes formateurs afpaiens, sorte de grands sages toujours bien avisés, véritables coaches mentaux. Regonflée à bloc, j'en suis ressortie avec l'idée d'aller à la pêche au local, mon objectif n°1 désormais.

Un petit tour sur deux-trois sites spécialisés plus tard, je me suis dit qu'un bon expresso me ferait du bien. Un calmant aussi. Des fonds à 300.000 euros, y'en a à la pelle. En dessous, c'est soit boui-boui, soit situé en pleine zone industrielle, idéal pour se planter. Pas totalement découragée, j'appelle un numéro indiqué sur l'une des annonces. A l'évocation de ma fourchette de prix, mon interlocutrice n'essaie même pas de masquer son rire, mélange d'esclaffement et de mépris. On vous rappellera, hein...

J'appelle ensuite un agent immobilier, que j'avais déjà contacté, lui expose un peu les nouveautés depuis la dernière fois, en prenant un ton posé et en employant un vocabulaire de chef d'entreprise qui en serait à sa cinquième reprise. Lui est plus complaisant, voyant peut-être le pigeon, qui sait. Il n'a rien en dessous de 300.000 euros, "ou alors, pas central". Comprenez à dix minutes du coeur de la cité. Il me pousse à aller au bout de la piste que j'ai depuis le départ. Il a raison, je vais y retourner.

Sur le chemin, je fais un petit détour par un autre café, à vendre. Quand le gérant m'annonce 115.000 euros et à peine 900 euros de loyer mensuels, je serais limite à lui taper la bise. En plus, il a de beaux yeux bleus, quoique légèrement fatigués. On discute, le bail ne prévoit pas de restauration pure mais je ne ferme pas la porte. De toute façon, tout se négocie, dans ce monde de requins.

Et me voilà quelques minutes plus tard devant la propriétaire de ce lieu que je continue de convoiter, dans son nouvel écrin, joli et moderne, clair et spacieux. Elle doit gérer les deux établissements, a conscience de la difficulté du challenge mais reste déterminée: il est trop tôt pour envisager de vendre. En clair, croire que je peux m'installer bientôt dans SON resto, c'est comme imaginer que mon balai va me laisser tranquille demain. Un mythe.

Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai un peu l'impression d'avoir brassé de l'air. Le pire, c'est que ça ne fait que commencer. L'avantage, c'est que ça me laissera du temps pour tester toutes les façons de foirer son été!

lundi 22 juin 2009

Comment foirer son week-end en 7 leçons

Depuis le début de ma période d'inactivité -d'aucuns parlent de chômage, mais je trouve que c'est un vilain mot- je n'étais partie qu'une fois me prélasser. Une petite thalasso qui m'avait bien requinquée, extra, en plein hiver, un vrai bonheur. Oh, je m'étais bien pris des petites tranches d'air iodé, vaguement, le temps d'un ou deux après-midis, depuis, mais là, j'avais envie de décrocher et tant qu'à faire, dans mon milieu naturel- pour une mouette, tout ça est fort logique.

Ce week-end, je retournais donc enfin à la mer, en prenant bien attention de laisser chez moi mon ordi et toutes mes idées folles avec. Qui plus est, j'y rejoignais des amis, à savoir des gens que j'aime bien, dont j'apprécie la compagnie, avec qui je me marre, vous savez... Des gens avec qui on peut être naturel. S'amuser et ne pas voir le temps passer.

Alors, pourquoi n'avais-je qu'une idée en tête, dès le dimanche matin, celle de rentrer? Pourquoi étais-je ravie de reprendre la route alors que la plage nous attendait?

Oui, comment foirer son week-end?

Pour ce genre de choses, je suis en général assez experte. La preuve en sept leçons:

- Se lever le samedi matin, déjà à la bourre, pour cause de panne de réveil. En guise d'étirement, sentir comme une flèche qui transpercerait le dos; Se dire que la journée va être longue. Très longue.

- Fixer comme point de rendez-vous le Mc Donald's. Finir, vu l'heure, par y rentrer et y manger. Pas bon. Se dire qu'en outre, ça ne va pas arranger notre cas, une fois en maillot. Même si l'attention des potentiels voyeurs va être détournée par ces sublimes traces orange, résidu de l'autobronzant maladroitement appliqué la veille.

- Aller à la plage avec la ferme intention de s'y baigner. En juin, dans l'Atlantique, même pas peur. Frissonner tellement l'air est frais. Continuer de croire qu'on va goûter à ces douces vagues qui s'offrent à nous. Entendre l'un de nos potes assurer qu'il y a des méduses. Remettre son pull, parce que quand même, fait pas chaud-chaud.

- Ne pas aimer le porc, quand on va le soir à un barbec', chez des potes de potes, et éviter de passer pour une malpolie. Refuser mine de rien la merguez. Oublier de prendre la brochette 100% cochon. Et esquiver discrètement la chipo, genre j'ai plus faim...

- Savoir que l'on est en train de louper la finale du championnat d'Europe de basket féminin, un truc qui ne passe JAMAIS sur les chaînes hertziennes et pour lequel, ô exception, le service public a bouleversé tous ses programmes. S'asseoir nonchalamment sur le canapé, face à la télé, justement, et ne pas broncher devant l'écran noir. Pleurer le lendemain à la lecture de L'Equipe, en réalisant ce que l'on a manqué.

- Se lever le dimanche matin, sous un beau soleil, et réaliser que l'on ne peut plus marcher. Pas possible. Se résigner à se mouvoir de façon pour le moins chaloupée, entre folklore local et balai coincé dans les fesses. Une sorte de samba bretonne. Si si. J'envisage d'ailleurs de déposer un brevet.

- Repartir à 17h, pour éviter les embouteillages, à la parisienne. En essayant de ne pas penser que c'est le meilleur moment de la journée pour aller tâter de la méduse.

Pour la détente, comment dire, c'est un peu tombé à l'eau. Pour le déhanché, là, en revanche, je peux me targuer d'en avoir un assez unique. Qui a permis à mes amis afpaiens de bien rigoler aujourd'hui et au formateur de me regarder comme si j'étais Aldo Maccione. Moi, je serre les dents en attendant que ça passe.

vendredi 19 juin 2009

Grande sage

Vous voyez Christian Clavier dans Les Bronzés font du ski, après son entraînement de ski, où il croit réaliser un temps record? Où il crie "oh, j'ai une pêche, moi, j'ai une pêche!" ? Ben, c'était moi aujourd'hui. Bon, sans la mèche, sans la doudoune ni les bâtons mais avec cette même énergie folle de ceux qui croient que le monde leur est offert. Je sais pas pourquoi cette loose de médecin généraliste (jamais ils les font gagner les généralistes, jamais) m'est venue à l'esprit, mais peu importe, je sentais que la journée serait pleine.

La nuit porte conseil, dit-on et de fait, je me suis réveillée ce matin avec l'idée que cette possible association n'était peut-être pas une si bonne idée. Je ne veux porter aucun jugement hâtif, évidemment, mais je vois difficilement comment on pourra se dégager chacun un salaire et j'ai du mal à renoncer à certains aspects de mon activité, à commencer par le salon de thé.

Le mail qu'Adrian m'a adressée m'a fait tout drôle. Il était sincèrement très sympa, mais il me considère comme "la grande sage", du fait de l'avancée de mon projet. Grande sage? Ah ah ah. Moi, la tordue qui ose envisager une création d'entreprise? Moi, la dingo qui cumule les péripéties comme d'autres collectionnent les timbres ? Je crois que je vais imprimer ce mail. L'encadrer. Et en envoyer une copie à mes meilleurs détracteurs.

En grande sage, j'ai filé à mon rendez-vous avec la directrice d'agence de ma banque, qui gère les comptes professionnels. Je souhaitais la rencontrer pour lui soumettre le projet, histoire de tâter un peu le terrain. A vrai dire, je m'attendais à un haussement d'épaules et à une moue perplexe. J'ai en fait trouvé une oreille attentive. Je crois que j'ai désormais cette aura de grande sage, je ne vois que ça (ça y est, je deviens aussi prétentieuse que le généraliste des Bronzés, je suis sur la bonne voie).

En grande sage, j'ai investi dans une sorbetière pour la modique somme de 15 euros, dans la foulée. Sans acheter les ingrédients pour tester illico la machine, je suis une grande sage, je vous dis.

En grande sage, je suis passée au Comptoir des Cotonniers, résistant à une multitude de pièces tellement jolies, malgré un essayage massif en cabine. C'était ma récré. En grande sage, je suis rentrée chez moi finir mes devoirs.

Là où ça s'est gâté, c'est lorsque les Bleues ont commencé à jouer. Elles ont battu la Biélorussie et joueront donc la finale du Championnat d'Europe (de basket), huit ans après leur dernier titre, contre la Russie, leur adversaire d'alors et tenante du titre. J'étais là, toute seule à m'exciter sur mon canapé, craignant jusqu'à la fin le retour des ces imprévisibles Biélorusses. Il manquait plus que la bière pour compléter la caricature. Les souvenirs sont revenus en bloc, je me suis revue à la table de presse, en larmes, au son de la Marseillaise et j'ai regretté, soudain, de ne pas être en Lettonie pour vivre ce si beau parcours. Mais voilà, c'était ma vie d'avant...

Rien à voir, mais je m'offre un petit week-end à la mer. Comme je suis incapable de programmer un billet, je n'alimenterai pas ce blog jusqu'à lundi, je pense. En attendant, je vous souhaite de belles choses, d'autant que certains petits hommes verts piaffent d'impatience à l'idée de remporter le Graal... Et allez voir ce lien. C'est l'amie d'un ami qui l'a réalisé et je suis très fan de cette armée de petits pois et de ces petites carottes qui courent avec leurs petites papattes se faire zigouiller dans la casserole. On appelle cela du design alimentaire et c'est très joli. Parole de grande sage.

jeudi 18 juin 2009

Décibels dans les bois, bon bio à la ville...

Le Mans est décidément une ville pleine de ressources. Il y a la plage, donc, mais aussi les bois. Dans lesquels, à quelques jours des grandes vacances, les instits (on dit maîtres des écoles, je crois) aiment à lâcher une horde de grands fauves, lesquels, à défauts de griffes ou de grosses mâchoires, ont une multitude de cris et autres hurlements en stock. Imaginez-les, la peau encore lisse de bébé, des mimiques angéliques... et une imagination sans borne.

Il fallait une "volontaire" pour accompagner 19 adôôôôrables loulous de 5 et 6 ans, je me suis dévouée. Eh oui, je jouais à "la maman parfaite" aujourd'hui, de celle que je rêvais d'avoir, quand j'étais petite et que nous faisions une sortie scolaire. Je n'étais sans doute pas à la hauteur, mais enfin, j'ai fait mon possible, serré et re-serré 19 casques de VTT, soulevé vélos, trottinettes et skateboards, porté une tonne de vestes encombrantes et inutiles, ramassé quinze fois des casquettes, avalé des carottes râpées pleines de sauce, des coquillettes trop cuites avec leurs boulettes de boeuf trop grasses, tenté une séance de relaxation, en vain, applaudi mon champion de fiston - en toute objectivité, c'est le plus fort - et dessiné des dizaines de voitures pour ces petites bouilles, moi qui suis une véritable quiche, un crayon à la main.

A vrai dire, j'ai passé une bonne journée. Mais je suis revenue dans un état, je ne vous explique même pas. La tête prête à exploser. A côté, 12 heures de compta sans pause, c'est plus reposant.

Un paracétamol plus tard, j'étais obligée de repartir. Le rendez-vous était d'importance: une personne a lancé l'idée de lancer un resto bio, dans notre ville déjà tellement riche de ressources (la plage, les bois et un resto bio? Franchement, c'est pas la classe?). Elle a simplement déposé une annonce, à droite et à gauche, pour trouver des partenaires. Un mail plus tard, Adrian me conviait à une première réunion collective.

Me voilà à l'heure dite chez ce grand monsieur, au délicieux accent anglais, qui m'accueille chaleureusement. Adrian me présente à Agnès, toute jeune retraitée, et à Fleur, la petite trentaine. La pièce est pour le moins spartiate, tout le monde n'est pas arrivé, un léger blanc s'installe. Et puis, ça part. Je prends garde à ne pas trop parler, surtout. Je ne sais pas qui ils sont. Sans jouer la parano, inutile de livrer mon projet clé en main. Arrive ensuite un quadra, dont j'ai oublié le prénom, shame on me, et un couple pimpant, Yohann et Sonia. La discussion prend forme, Adrian définit les grandes lignes de ses attentes, sort les cahouètes pas bio (!) et j'oublie que je suis venue avec une barre à la tête. Je prends garde, une fois encore, à ne pas trop lâcher de billes, car mon projet s'avère le plus avancé de tous. Mais je dois admettre que l'idée de réunir nos forces est séduisante.

Associer des compétences, assurer un roulement pour offrir une amplitude horaires très large, j'en ai toujours rêvé, encore faut-il s'accorder sur les envies de chacun. Ce soir, chacun a parlé d'un "lieu de vie", d'échange, d'un établissement, plus que commercial, communautaire, sans pour autant devenir des ayatollah du bio ou chercher à viser ce genre de public. Ces personnes partagent la même envie, sans doute utopique, de réunir toutes les générations confondues dans un endroit qui deviendrait incontournable. J'ignore si cela peut être LA solution, mais c'est plutôt excitant de prospecter dans ce sens.

Il était tard, Adrian a dit qu'il était fatigué. Une dernière personne venait de nous rejoindre. Peu importe, rendez-vous a été pris pour la semaine prochaine. Une séance de bises plus tard, j'ai enfourché mon vélo en me sentant d'un coup moins seule. Tout cela n'est peut-être qu'illusion. Mais sincèrement, ça fait du bien de rencontrer d'autres tordus...

mercredi 17 juin 2009

Le Roi à la plage

Rien n'aurait pu me détourner de mes objectifs aujourd'hui. Pas même une conversation via Facebook, ni même le courrier du Comptoir des Cotonniers m'annonçant l'ouverture des soldes privées. Rien, je vous dis. J'avais préparé une stratégie imparable avec, en point d'orgue, un loulou au centre aéré pour la journée, alors que cela aurait été tellement plus sympa de passer ce mercredi ensemble. C'est vous dire si j'étais motivée.

Lui aussi, faut dire: il avait plage aujourd'hui. Oui, messieurs dames, nous avons aussi une plage au Mans. Bon, pour l'air iodé, c'est un peu moyen, mais le gros sable qui gratte, y'a. L'eau polluée aussi. Les gros lourdauds classiques ? Bien sûr. L'idée de pique-niquer tranquillement avec ses copains en se bourrant de chips et de se rincer les mains grasses dans une eau qui, de toute façon, ne craint plus rien, enchantait carrément mon fils, pourquoi l'en aurais-je privé, hein?

De mon côté, c'est mon cerveau (oh ça va, hein) que j'avais décidé de polluer. Au programme, le prévisionnel, un exercice comptable et l'analyse de mon questionnaire... Tiens, c'est marrant, quelqu'un m'a écrit ce matin que j'avais une vie palpitante.

J'avoue, les chiffres du plan comptable, c'est pas trop... ma tasse de thé. J'ai fait ma bonne élève, hein, mais enfin j'ai connu des matinées plus passionnantes. Pour le prévisionnel, je me suis aperçue que j'avais vraiment besoin de fixer, enfin, des prix à mes prestations pour le définir. En revanche, ce fameux questionnaire - que je vous avais soumis - m'a tenue en haleine. J'en ai oublié ma traditionnelle théière de l'après-midi, et je n'ai même pas envisagé d'aller farfouiller dans le placard à la recherche du gâteau-délicieux-qui-ne-ferait-même-pas-grossir.

Évidemment, on fait un peu dire ce que l'on veut aux chiffres mais enfin, globalement, les Manceaux n'attendent plus que mon p'tit commerce pour être totalement épanouis... Si, ça, je peux le faire dire aux chiffres, je vous jure. Alors, c'est vrai, comme ça manque un peu de cohérence, j'ai dégonflé mon bourrichon dans la foulée et suis revenue à une vision plus terre-à-terre de mon projet. Cela dit, il n'y a pas pléthore de salons de thé / petits restaurants -quoi qu'en dise mon grand ami - dans la cité mancelle et je reste persuadée qu'il y a une place à prendre.

J'écris cela et hier encore, je me voyais déjà recommencer toute mon étude de marché dans une autre ville que Le Mans, plus près de l'Atlantique... Parfois, je m'interroge : suis-je capable de m'intégrer à cette petite caste commerçante, ici? La population est-elle suffisamment ouverte pour s'intéresser au lieu que j'ai envie de créer ? Dans une plus grosse ville, que j'aime, au moins...

Je ne déteste pas ma cité d'adoption, loin de là, et je la trouve même de plus en plus vivante au fil des années. Simplement, je croise encore régulièrement des esprits étriqués et certaines personnes que j'ai sondées m'ont elles aussi fait part de leur perplexité en assurant: "je ne suis pas sûre que Le Mans soit une ville suffisamment ouverte... " Ou "Mais ce qui est possible à Paris ou Nantes l'est-il ici?" Ce genre d'interrogations que je balaie parfois d'un revers, mais qui me reviennent à l'esprit lorsque j'entends les loyers pratiqués ici, ralentissant pour le moins ma recherche de local. J'en avais repéré un, idéalement situé: 7500 euros de loyer. Mensuels. Quitte à payer, autant alors investir dans une ville plus importante...

J'en étais à ces réflexions lorsque j'ai regardé l'heure: dans trois minutes, mon fils serait considéré comme SPF (sans parent fixe). Un petit sprint plus tard - qui m'a confirmé que mon lumbago ne s'était pas fait la malle - et j'étais devant la grille, constatant que mon loulou était bien le dernier. Tout rouge. Parce qu'à la plage mancelle aussi, y'a du soleil, quoiqu'en sous-entendent certains Sudistes.

Vu l'heure, c'était un peu mort pour un repas gastronomique. Loulou, maintenant couvert de Biafine, tardant à se mettre à table, je lui précisais qu'aujourd'hui, c'était macédoine, en son honneur, évidemment, puisque Cassandre était dans l'antiquité un roi de Macédoine (je sais, c'est nul, mais on peut pas toujours être au top, surtout quand il s'agit de nourrir sa progéniture). C'est lorsqu'il m'a demandé le pain sans un "s'il te-plaît" ou "merci" que j'ai compris mon erreur. Il s'est enfoncé dans sa chaise, nonchalamment, m'a fixée et a articulé : "Aujourd'hui, je ne dis pas de mots polis, je suis le Roi."

Eh ben, le Roi, je l'ai remis à sa place. Terminé les châteaux de sable qui lui montent à la tête. Non mais.

mardi 16 juin 2009

Poil dans la main...

Comme chaque mardi, bien motivée par la journée AFPAïenne de la veille, j'étais décidée à abattre des tonnes de boulot. Et comme chaque mardi, finalement, c'est un véritable échec.

Est-ce la décompression après une journée où toute notre concentration est requise? Est-ce pour accomplir les petites tâches de la vie quotidienne, les imprévus ? Est-ce le loooong poil qui pousse chaque jour plus dur dans ma main? En fait, je ne calcule rien mais je vois les heures s'égrener et le retard s'accumuler sur mon programme. Et le soir venu, je râle contre le temps qui passe trop vite et... contre moi-même, en me disant que je ferai mieux le lendemain. Ah ah ah.

Tout a commencé ce matin. Lever matinal, loulou déposé très tôt à l'école, tellement tôt que je me suis octroyé une bonne théière en rentrant, tout en surfant sur mes sites préférés, avant d'embrayer sur L'Equipe. Je suis fin prête pour démarrer la compta, mais quand même, faut que j'actualise ce blog, c'est mauvais, ça, de le laisser en friche. Alors, vite fait, le petit billet, et hop, on n'en parle plus.

Cette fois, c'est bon. Je vais commencer les cours, je clique sur mes favoris lorsque le téléphone sonne. La dame du magazine ELLE Déco veut me refourguer un abonnement, 27 euros par an pour recevoir une revue tellement belle que je n'ose la feuilleter, sachant pertinemment qu'il me faudrait à peu près trois vies pour me payer la belle maison qu'ils s'évertuent à présenter comme "une petite bicoque améliorée". Je m'entends dire que "je n'ai pas le temps" de le lire, que "j'ai d'autres priorités" et que "j'ai réduit mon budget presse depuis quelques temps". Ah bon? C'est marrant, j'ai toujours l'impression d'avoir autant de revues chez moi...

Après ce coup de fil qui m'a un rien coupée dans mon élan, je retourne vers mon ordi que, mordicus, je ne lâcherai plus. Un p'tit coup d'oeil à ma messagerie, vite fait, on ne sait jamais : un ami pourrait très bien m'annoncer une bonne nouvelle, le magazine ELLE pourrait tout aussi bien répondre à ma candidature spontanée. Et j'imagine tout à fait la probabilité que George Clooney me demande ma main, par mail, après être tombé fou amoureux en voyant ma photo. Si, ça arrive. Le tout, c'est de s'en convaincre.

Donc, ce n'est pas par manque de motivation que je vais sur mon Outlook, non, je suis OBLIGÉE. Là, messages de Facebook, machin veut bien être mon ami, et truc trouve ça trop hilarant ce que bidule a raconté. Pas de nouvelle de George, en revanche, mais je crois qu'il est un peu busy en ce moment. Je file vite fait sur fesse de bouc et je vois que mes copines Jo et Mu aiment que j'ai rejoint le groupe "je suis dans la merde pour demain, mais je glande quand même sur Facebook." J'aimerais tellement que cela ne reflète pas ma réalité du moment. Je suis en plein dedans, au contraire. Pathétique.

Je regarde l'heure, ah mince, je suis OBLIGÉE de sortir. J'ai acheté une étagère très, très lourde samedi dernier, pour le restau, et deux amis vont m'aider en allant la chercher. Allez, ça va pas prendre longtemps, cette histoire. Deux heures plus tard, je la déménage pour la troisième fois de place et je décide qu'elle est tellement pratique, cette étagère-achetée-pour-le-restau qu'elle sera parfaite... chez moi. D'façon, je n'avais même pas pensé à demander une facture, buse que je suis. Tant qu'à faire, je range les boîtes qui vont bien dessus, je vire la poussière qui s'était accumulée sous le meuble d'avant. Tiens, d'ailleurs, faut que je lui trouve une autre place, à celui-là... Là, très bien, mais en même temps, il serait pas mieux plutôt dans le couloir?

De graves problèmes existentiels, qui me font réaliser à quel point je suis atteinte, soudainement. Voilà, voilà, il est 13h15, j'ai zappé l'épisode miam-miam et je viens de me rappeler que j'ai rendez-vous chez le kiné, rapport à mon lumbago de la mort qui tue. Je commence à angoisser, je sais pas pourquoi. Oh, c'est pas comme si j'avais prévu de bosser aujourd'hui.

15h. Un peu cassée par la séance "inspire-expire-crac", je résiste à l'idée d'aller me coucher. Oui, je sais, j'ai une volonté de fer. Me voilà donc sur la plateforme, plus rien ne me détournera de mes devoirs... jusqu'à la sortie de l'école à 16h45. C'est pas grave, c'est pas grave. Allez, un petit thé, c'est pas le temps que ça va prendre. Donc, les comptes de résultat, d'accord, avec des petits gâteaux, ce serait meilleur, et alors on met les charges postales en 626, non, ce serait pas raisonnable, et pour les frais bancaires, oh, j'ai pas mangé ce midi, et en plus ce sont des bios, j'ai le droit, et alors la taxe professionnelle, on la met en 600 combien, déjà, qu'est-ce qu'ils sont bons ces gâteaux, tiens, faut que je pense à passer à la Biocoop, ah, il faut pas que j'oublie le goûter pour loulou, d'ailleurs, il est quelle heure... Je suis à la bourre.

Je vous passe le rendez-vous à 17h pour sabrer la coupe j'en ai marre de vivre de mon fiston, la rencontre inopinée avec une copine, le match de l'équipe de France de basket à 19h15 (bravo les filles!) et donc les galettes de quinoa cuisinées à la va-vite pour rien rater, le coup de fil d'un pote, la vaisselle, le va-te-laver-les-mains-les-dents-va-au-lit-je-vais-te-raconter-une-histoire-non-ça-suffit-il-est-tard-maintenant-bonne-nuit-mon-canard (je sais, c'est ridicule, ce surnom) et la séance de rangement quotidienne qui suit forcément le passage de la tornade nommée Cassandre...

Je me suis assise à 22 h à mon bureau. Et, comment dire, je me suis sentie partagée entre lassitude et culpabilité. Demain, je bosse, si si.

Joies et bizarreries nocturnes

Cette nuit, j'ai rêvé que je prenais feu. Je me brûlais avec une grosse lampe, dans le dos, et un charmant médecin venait à mon secours... Ah mais non, ce n'était pas docteur Love (d'ailleurs, le monsieur de Greys' Anatomy est venu au Mans pour les 24h. Les filles étaient hystériques : c'est quoi ces dindes? Moi, je suis restée stoïque. J'ai simplement refusé de sortir, comme ça, pas de tentation). Ce n'était donc pas le docteur Love mais... un comptable qui me bassinait avec ses bilans et qui me disait que de toute façon, c'était bien fait pour moi, j'avais voulu brûler mes cours, et que c'était MAAAAL...

Waouh, ça ne s'arrange pas dans ma tête. Je pense qu'un jour, je pourrais songer à écrire "mes rêves". Pas "mes rêves les plus fous". Non, "mes rêves", tout court. Ils sont tellement tordus que j'ai l'impression que de mini-psychopathes peuplent mon esprit et attendent la nuit pour mettre leurs plans morbides à exécution.

Je suis dingue? Euh, je sais pas, on l'est tous un peu, non?

Cela dit, pas la peine d'avoir côtoyé Hannibal Lecter pendant cinq ans pour deviner la signification de ce rêve: on a commencé la compta depuis deux semaines, à l'AFPA, et tout le groupe le vit un peu comme un... cauchemar. Nous sommes tous venus pour cela, certes, mais le fait de pratiquer concrètement l'EBE, les comptes de résultat, les charges 606 ou de replacer les 707 dans la bonne case nous sort un peu de notre projet "pur". On doit y passer.

Hier soir, Yvonic (oui, je peux écrire les prénoms en entier, je vous raconte ça tout de suite!), totalement découragé, a lâché qu'il se demandait s'il allait concrétiser son projet. A cause de ça. La compta. Mise automatique de-soutien-de-groupe en marche, mais non, faut pas t'arrêter à ça, ton expert t'aidera, blablabla... Il exprimait ses doutes, que nous partageons pleinement. Pour qu'une entreprise marche, y'a pas de secret: il faudrait être en veille en permanence. Cuisiner le jour, dans mon cas, et se pencher chaque soir, ou chaque semaine - ou chaque mois, de façon réaliste - sur l'activité réelle.

Ah, il rigolait plus, le Yvonic. Le contraste était saisissant avec le personnage drôle du midi. Il faut dire qu'entre le groupe qui se découvrait le 20 avril et celui que nous formons aujourd'hui, l'ambiance s'est largement transformée, genre gros potaches, avec des repas mémorables à la cantine - tellement délicieuse...- de l'AFPA. Terminé, le cul serré, les deux bouchées savamment mâchées pendant deux plombes et le nez dans l'assiette en attendant que finisse ce p... de midi passé ensemble. Non, là, on s'envoie des vannes à trois balles, certains mangent la bouche ouverte - un vrai bonheur - j'ose la patate sur la joue et, même en minorité hier midi, Florence et moi faisons les dindes. Avec de vrais morceaux de fifilles à l'intérieur et le rire intelligent qui va avec.

Forcément, de voir Yvonic sérieux comme ça, d'un coup, ça m'a fait un choc. Je peux lui dire, dans les bureaux un peu défraîchis de l'AFPA ou ici... Puisqu'hier, j'ai trouvé mes petits copains attroupés devant l'ordi, à lire ce blog...

Faut que je fasse gaffe à ce que je dis, maintenant. Mais au moins, ils m'ont autorisé à donner leur prénom.

Je vous raconterai donc très vite les déboires de Florence, autre situation délicate qui doit aussi l'empêcher de trouver le sommeil. Et même si le mien est peuplé de songes pour le moins étranges, j'aimerais seulement qu'elle puisse de nouveau goûter à ces joies et bizarreries nocturnes...

lundi 15 juin 2009

...

Lundi, c'est AFPA. Ah, je sais : ça fait tout de suite moins rêver que New York et la NBA. Dans ces magnifiques pré-fabriqués, les destins se croisent, des rêves se brisent et d'autres naissent... OK, j'arrête là, je déconnais.

J'aurais adoré vous raconter les dernières news de mes p'tits copains ou comment je me suis retrouvée avec une patate sur la joue, mais le site me joue des tours ce soir et j'ai l'esprit vide de ceux qui ont tenté d'approcher la comptabilité, sans en détenir toutes les clés. J'ai la migraine, en gros. Alors, à demain, j'espère!

dimanche 14 juin 2009

Une fille, des joueurs

Lors de cette quinzaine à New York, je devais faire un saut de puce à Philadelphie, antre des Sixers, trois jours durant. Les deux villes ne sont distantes que de 150 km, desservies par la ligne ferroviaire d'Amtrak, service national. On vous prévient toujours de la grandeur des choses, aux Etats-Unis, et ce n'est pas un mythe. Généralement, dans les petites villes, on pourrait construire une maison sur les places de parking. Pour le train, c'est pareil : on pourrait presque installer une famille sur un seul siège !

Cette volonté d'infini n'est pas juste une tendance mégalo de se distinguer du reste du monde. Tout le monde le sait, les obèses représentent au moins un quart de la population aux States et c'est pour leur confort (et éviter ainsi toute discrimination et le flot de procédures judiciaires qui va avec...) que la société s'est adaptée à la donne. En "normalisant" la maladie, ou du moins en nuançant les difficultés quotidiennes qu'elle engendre.

C'est également pour lisser les inégalités que les vestiaires sont ouverts à tous, aux Etats-Unis. Quand vous rentrez, un type crie "Woman in the locker-room!" Pour la discrétion, c'est mort.

Lorsque j'étais encore étudiante, j'avais réalisé mon mémoire sur "la place des femmes dans le journalisme sportif." Cela m'avait permis de rencontrer une bonne quinzaine de ces "spécimens" - que j'avais appelées, par provocation, des "dégénérées" - un rien esseulées dans des rédactions à dominante mâle. On pourrait les supposer, de l'extérieur, peuplées de gars hirsutes, une bière à la main et la part de pizza dans l'autre, à hurler contre le poste. Ou à taper dans le dos des footeux, en adoptant la même coupe "j'en ai marre de vivre", en ne parlant QUE du ballon rond.

En fait, ces fameux journalistes sportifs s'avèrent - en général - des personnes à peu près normales, intelligibles, qui se comportent comme des êtres sociables, y compris avec leurs (rares) collègues féminines. Je mets là à part le traditionnel apéro du lundi - lorsque je bossais dans le Nord - qui nous permettait de décompresser du bouclage hebdomadaire, où le gosier et les esprits s'échauffaient. Et l'exemple de deux ou trois misogynes finis dont les cas relèvent de la psychiatrie.

Vous l'aurez compris, il y a peu de femmes dans ce milieu. Et en réalisant ce mémoire, j'avais été interloquée par le cas d'une journaliste américaine, Lisa Olson, qui avait porté plainte pour harcèlement sexuel contre une équipe de foot US, les Patriots. Encore une hystérique, avais-je pensé.

Eh bien, un soir à Philadelphie, j'ai eu une vague idée du problème.

Ce soir-là, donc, j'ai pour mission d'interviewer - encore une séance "poulet ou pizza"- Shaquille O'Neal, 2,16m et plus de 140 kg. Le type de l'entrée m'a un peu surprise, certes, mais j'essaie de garder le cap, d'autant que juste devant moi, Shaq est assis sur le banc. Je me dirige vers lui. Arrivée à sa hauteur, il se lève et... fait glisser sa serviette au sol. Hum. Il est nu comme un ver mais c'est moi qui ai l'impression d'avoir fait un strip-tease. Je sens le rouge me monter aux joues, je lui demande si on peut discuter quelques minutes en s'asseyant. Il acquiesce, sans cacher son amusement. Et ses coéquipiers éclatent de rire.

Des années plus tard, j'ai vécu de nouveau ce grand moment de solitude, avec un joueur peu loquace, Shareef Abdur-Rahim, entouré de ses sbires. Usant de slang, ils n'ont pas cherché à masquer leur hilarité. J'ai tout juste saisi "skirt" dans leur grand délire. Oui, j'étais en jupe. Même pas courte, qui plus est. Au secours!

J'ai alors repensé à mon jugement à la va-vite à l'encontre de Lisa Olson. Et si elle n'avait pas provoqué ces réactions, finalement ? Et s'ils avaient simplement abusé d'elle, ne la considérant justement pas comme une journaliste, mais comme une femme?

C'est l'éternel débat autour des femmes dans ce milieu sportif. Tout le monde y est habitué, outre-Atlantique, et pourtant, votre arrivée continue d'être signalée. J'aurais aussi pu m'en dispenser, certes, mais ce moment, avant et après le match, s'avère précieux pour réaliser les interviewes, car les joueurs sont disponibles. Attention, c'est la NBA qui l'exige, s'il n'y avait qu'eux, ils se contenteraient de jouer à la PS ou de bâfrer les tonnes de junk-food à leur disposition...

Et puis, je dois l'avouer, le ballet dans les vestiaires m'a toujours bluffée : voir cette ronde de micros se tendre devant un joueur en serviette, se passant de la crème hydratante sur le corps tout en répondant à l'énième indispensable question "Alors, ce match?" "Quelle en a été la clé?" avant de se passer un coup de déo en expliquant pourquoi il aurait dû jouer davantage. Mon grand challenge, c'était d'éviter les caméras, qui foncent sans envisager qu'il puisse y avoir quelqu'un sur leur trajectoire jusqu'à LA star de l'équipe; mais aussi me frayer un chemin entre ces pros américains pour tenter d'obtenir une "quote" un peu décalée... J'aimais bien me poster là, en tant qu'observatrice, pour raconter ensuite l'ambiance, plus que les mots. Mais ma démarche n'avait rien à voir avec du voyeurisme. Je faisais mon job. Autour de mecs qui mettaient deux heures à se rhabiller, certes.

En France, on a résolu le problème : les femmes ne peuvent pas rentrer dans les vestiaires, point. Et pour le job, on attend que ces messieurs veuillent bien sortir!

samedi 13 juin 2009

Envoyée spéciale

La conclusion de mon précédent post pouvait vous laisser penser que j'ai démarré à New York. Il n'en est rien! Si j'ai longtemps caressé l'espoir de travailler dans la Grosse Pomme, mes séjours à Manhattan ont été davantage propices à un flambage de carte bleue en règle, à de gros coups de coeur, des moments d'euphorie et d'abattement. A pas mal de péripéties en tout genre, ce qui fera sans doute l'objet d'un post - y'a de quoi rigoler. Et donc, la première fois que j'ai mis les pieds aux States, c'était donc pour passer deux semaines à New York. Mission: observation!

Vous imaginez? Habituellement, on râle quand on nous cantonne à l'observation. Sauf que là, le journal m'avait envoyée pour que je sache de quoi je parle (plutôt judicieux, comme raisonnement). Une quinzaine au milieu de la jungle urbaine, simplement entrecoupée d'un petit passage à Philadelphie: y'a des métiers plus compliqués.

Me voilà donc à 20 ans, des ducasses et autres brocantes encore plein la tête, propulsée dans un univers qui me dépasse totalement. En fait, je devais quand même un peu bosser, mais la dose était tellement minime que j'ai pu savourer à plein ce premier voyage chez les fous-dingos US. Oh, n'allez pas croire que je suis anti-américaine à la base. Je crois que j'ai fini par le devenir un peu, même si je ne rejette pas tout en bloc, loin de là. Mais je vous assure qu'il y a de quoi s'étrangler, de rire ou de larmes d'ailleurs, lorsque l'on reste trop longtemps. Fin de la parenthèse.

En ce jour frisquet de novembre, j'étais évidemment bien moins blasée. Les clichés me sont apparus d'emblée: le long serpent jaune de taxis devant JFK, cette tâche de ciel bleu, soudainement, entre deux buildings, véritables monstres urbains en verre et métal, ces bouches de métro fumantes, le gros portier à l'entrée de l'hôtel, et ces sirènes, ces sirènes... Hurlantes, incessantes, comme si la ville était en état d'alerte permanente (d'ailleurs, c'est le cas). Ce ronronnement constant, la rumeur de Manhattan qui devient au fil des heures de plus en plus assourdissante. Un peu décalquée par le jet lag, j'ai pu prolonger la soirée. Mais comme je croyais encore aux légendes urbaines, je n'ai pas emprunté le métro, lors de cette quinzaine, et me suis gardée de rentrer trop tard. J'avais entendu parler de grands méchants loups...

Nous étions en 1994 et New York n'était alors pas sécurisée comme elle l'est aujourd'hui. Ce n'était pas de la paranoïa de ma part, à l'époque, même si ma prudence d'alors me semble, avec le recul, excessive. Histoire de me donner un aperçu de Big Apple, et profitant de ma journée avec le premier match NBA de ma vie pour de vrai, j'ai pris un bus, genre la vraie touriste de base, qui proposait un large tour de la ville. Arrivés à hauteur de Harlem, nous avons dû nous contenter d'une visite depuis nos sièges. Le quartier était beaucoup moins sûr qu'aujourd'hui (même si c'est pas Park Avenue non plus, faut pas pousser) et je n'avais donc eu qu'un sombre aperçu d'un coin semble-t-il abandonné des autorités et de la ville. Comme dans un film de Spike Lee, les gamins traînaient leur peine sur le perron de maisons délabrées, le regard un peu vide. Un cliché, je vous dis, mais vu depuis la vitre de ce bus qui refusait de s'arrêter. Sans doute y avait-il un peu de voyeurisme dans notre démarche. J'avais juste voulu me donner une impression générale, avant de creuser davantage. Là, je n'étais plus à ma place.

Ce qui m'a toujours épatée, à New York, et dans les mégalopoles en général, c'est cette promiscuité entre riches et pauvres. Aux quartiers résidentiels entourant Central Park succèdent Harlem, puis le Bronx (là aussi, drôles de souvenirs. Later, later...). Nous sommes donc redescendus, avec de nouveau des haltes, connues de tous les touristes. Il était temps de rentrer, je devais filer au Madison Square Garden, mythique salle de basket, mythique salle tout court, antre des New York Knicks. J'en avais rêvé et je suis rentrée (presque) comme dans un moulin, l'accréditation autour du cou, dans un état second. Je devais réaliser une interview après match et je flippais.

Quatre heures après (oui, c'est très, très long, un match NBA), je sortais du Madison Square Garden dans l'air glacé de Manhattan. J'avais le sourire aux lèvres, toute seule, bêtement. J'avais eu ma première interview, non pas avec Pat Ewing - qui m'avait toisée de toute sa hauteur (pas un vain mot pour le pivot de 2,13m), d'énormes poches de glace sur ses genoux meurtris. Non, avec Derek Harper (je sais, c'est moins classe. Mais les amateurs apprécieront!), un truc absolument nul où je bafouillais, toute rouge, tandis que lui ne perdait pas patience, mais un truc quand même. Où je lui demandais en gros s'il préférait un burger un une pizza, la ville ou la mer et plein d'autres questions aussi passionnantes.

Pour tout dire, cette pseudo-interview m'avait réconfortée. Car le match entre New York et Orlando, que je me faisais une joie de voir pour de vrai, je l'ai suivi des rangs supérieurs du Madison Square Garden, là où l'on parque les journalistes étrangers. Mon voisin, un habitué, avait amené ses jumelles (!). J'ai passé la rencontre les yeux rivés sur... l'écran géant, pendant que des dizaines de mètres plus bas, Pat Ewing s'échinait avec le tout jeune Shaquille O'Neal. Tu parles d'une envoyée spéciale!

vendredi 12 juin 2009

De Tourcoing à New York...

Be at the right place at the right time. Être au bon moment au bon endroit. Combien de fois ai-je entendu cette réponse? Et combien de fois ai-je posé la question de savoir pourquoi mes interlocuteurs n'avaient pas concrétisé leur rêve ultime ?

J'ai eu de la chance. J'étais au bon endroit au bon moment.

Maintenant que j'étais à l'école, j'avais une sorte de passeport. Du haut de mon insouciance d'alors, j'ai pris le téléphone et j'ai appelé directement le rédacteur en chef du magazine dont je rêvais depuis gamine. Écrire une lettre de motivation? Je n'y avais même pas pensé, à vrai dire. Et voilà comment je suis arrivée la première fois dans cette rédaction de basket. Un stage, un deuxième. Une réunion, un jour, parce que la société avait lancé un deuxième titre, très enfantin, qui marchait -alors- du feu de dieu. Ils avaient besoin d'un journaliste. J'avais été conviée, mais plus en tant que simple observatrice. J'ai quand même évoqué l'idée que cela pourrait m'intéresser, éventuellement... (Intérieurement, je bouillais). Le red' chef de la publication m'a regardée, drôlement étonné:

"Je pensais que tu ne voudrais jamais. Les étudiants en journalisme ont souvent le syndrome de Watergate."

Ah, ah. Moi, d'où je viens, c'est impossible. La zone a dû être décontaminée. Pour avoir la tête comme une pastèque, il faut quand même un gonfleur et mon papa a beau être un passionné de cyclisme, il ne m'a jamais fourni la valve.

Quelques jours plus tard, je visitais... Tourcoing (ou Roubaix? C'est grave, j'ai fait un total reset!), où j'étais censée travailler en locale pour un grand (le syndrome, ça y est, j'étais atteinte!) quotidien régional et là, je sais pas, j'ai eu comme une petite déprime. La sensation d'une ville-fantôme, grise, terriblement vidée de son âme... Va savoir pourquoi, j'ai finalement été affectée à Lille, mais à la PAO (mise en page).

Pfffff, là, ça dégonfle le melon. J'avais toujours en tête "le" poste mais j'avais signé un contrat auparavant, j'étais un peu coincée. Et puis, y'a pas à dire, quand on passe ses journées à monter des pages remplies de ducasses, comices agricoles, de faits divers super sanglants ("une femme rate la marche en sortant de la mairie: 3 points de suture") et autres noces d'or, on revoie vite ses rêves de grandeur.

Et c'est justement alors que j'étais en plein casse-tête sur des noces d'or (caser une photo sur 6 cols, avec 200 signes de texte, je vous jure, c'est pas simple) que j'ai reçu un coup de fil. Le réd'chef me demandait de lui trouver des idées pour le nouveau magazine, là, tout de suite. Un délai de 24 heures obtenu et un passage au kiosque plus tard, me voilà en train de disserter sur "les bons conseils de rookie" (!) sous l'oeil noir de l'un de mes collègues et alors que le chef de locale de Dunkerque trépignait sur la deuxième ligne. Et c'est comme ça que j'ai été embauchée.

Par téléphone.

Alors que je raccrochais, l'un des journalistes a foncé sur moi, complètement excité : "c'est génial, tu vas aller aux States!" Il était carrément hystérique. Pourtant, je n'avais aucune intention de l'amener dans mes valises.

Cela dit, il avait raison et je n'avais même pas songé à la chose en débitant mes trois idées pourries. Je me disais seulement que j'atteignais mon but, même si c'était par la porte de derrière : je n'étais pas supposée travailler pour le magazine dont je rêvais initialement, seulement son (tout) petit frère. J'ai pensé aussi que je ne connaissais personne dans le milieu, mais que mon utopie n'en était pas une. J'ai ressenti une sacrée montée d'adrénaline.

C'est dans cet état d'esprit que j'ai débarqué, trois mois plus tard, à l'aéroport JFK Kennedy...

jeudi 11 juin 2009

La vie des autres

La suite, disais-je... Ou comment se coller toute seule la pression en annonçant un truc qui va retomber comme un soufflé. Pff, voilà, vous êtes prévenus.

Bon, après l'épisode de mes premiers journaux manuscrits, je suis passée au stade supérieur : l'achat d'une machine à écrire. Moi qui suis une vraie cigale, économiser autant s'est avéré un véritable challenge. Fini, le billet mensuel de 50 francs aussitôt reçu, aussitôt volatilisé! Il fallait tout garder et ça, j'avoue que ça a toujours été un peu compliqué pour moi.

La machine, je me la suis finalement offerte, une bien rustique, de celles qui t'obligent à jeter ta feuille à la moindre faute de frappe. Peu importe, j'étais dans mon élément. J'écrivais. C'était nul, forcément, mais je me voyais déjà assouvir mes envies. Je serai journaliste.

Quand on est enfant, on peut balancer tranquillou à ses parents que l'on sera roi du monde, plus tard, ça les fait juste sourire. Lorsque j'ai évoqué, très tôt, mes envies de devenir scribouillard, je me souviens des commentaires, tous plus touchants les uns que les autres:

"Tu n'y arriveras jamais"

"Il faut connaître du monde"

"Il faut coucher" (celle-là, elle est venue bien plus tard, n'étant pas supportable alors par mes jeunes et chastes oreilles)

Bien soutenue, donc, je remplissais invariablement la même chose, à la rentrée, sur la fiche de renseignements des profs. Journaliste. Dans ma tête, je précisais même : à "Bip-Bip" magazine. D'aucuns appelleraient cela un rêve, d'autres une obsession, c'était un but, c'est tout, à mes yeux. Quand la conseillère d'orientation a voulu m'envoyer en lettres sup, arguant que rentrer dans une école de journalisme était mission impossible, j'ai tenu tête. Lorsque, arrivée à l'oral devant le jury de cette même école, ils ont voulu me diriger vers Sciences-Po, "car vous êtes trop jeune pour notre établissement", j'ai répété le même discours. Mes origines bretonnes, j'imagine.

Je suis allée à Marseille, Lille, Bordeaux, à Maubeuge (tout de suite, c'est moins glamour), St-Quentin et Angoulême, durant ces deux années d'études. En ouvrant un peu les yeux, en allant à droite à gauche dans des rédactions, j'ai appris à découvrir, écouter, maudire aussi, apprécier, voire aimer des gens qui n'avaient pourtant rien à voir avec l'univers que je convoitais. Il y avait de tout, des notables, des cas soc', des alcooliques anonymes, des mamies qui se battaient pour devenir la meilleure cuisinière de l'année, des enfants simplement souriants à l'idée qu'on les regarde, des campeurs qui maudissaient la pluie, des taggeurs qui redonnaient un peu de couleur à une ville sinistrée... A 19 ans, je me suis retrouvée dans ce tourbillon humain, dont je découvrais chaque jour les contours, avec toute ma candeur.

C'était cela, aussi, le journalisme, raconter comment cette femme désespérée tentait de se défaire de son addiction pour l'alcool en avalant des tonnes de camembert, pourquoi le maire avait pété les plombs en plein conseil, calmer les ardeurs de ce maître yogi, raconter la colère du coach après le coup de sifflet injuste et fatal à l'encontre de son équipe, tenter de réfréner son fou-rire face à cette passionaria qui faisait la chasse aux douilles ou ce collectionneur de pièces anciennes qui voyait en ma venue l'occasion de sortir de sa solitude, ne serait-ce que quelques dizaines de minutes... J'avais nourri l'espoir de faire parler ceux que je considérais alors comme mes idoles et d'un coup, j'avais été balancée dans la vraie vie, où les gens demandaient juste à être écoutés. Quel que soit leur environnement, le sportif ou le culturel, la politique ou le social... Et souvent la misère.

Écouter. Moi qui parle beaucoup, voilà qui me plaisait plus que tout. A moins que ce ne soit l'idée de retranscrire ce flot de paroles. Sur cette machine à écrire, j'avais cherché la matière. Ce que j'avais à raconter m'avait toujours semblé trop fade. Le support des ces histoires humaines s'avérait une aubaine. Enfin, j'allais pouvoir raconter l'histoire des autres, m'étonnant de leur confiance soudaine, de cette envie de se livrer. Puisque ma vie ne serait jamais un roman, j'allais simplement m'ouvrir sur celle des autres.

A suivre...

mercredi 10 juin 2009

Je ne suis pas Tintin

Mail de Pôle-Emploi aujourd'hui avec, dans l'intitulé, un mot qui fâche: suspension. Quoi, comment, pourquoi, que se passe-t-il? Il me reste 18 mois de droits et je suis en "parcours entreprise", messieurs-dames, si si. En gros, ça veut dire que cette "maison du chômage" - comme une charmante Québécoise que j'ai croisée hier l'a appelée - ne me cherche pas des poux et me laisse mariner tranquille pour mon projet.

En fait, la vénérable institution m'indique que, ne m'étant pas connectée à son site internet depuis cinq semaines maintenant, je vois mon CV "Reporter" suspendu. Et d'un coup, tout me revient en vrac, les images, les sensations, les visages, les errances, les joies, tout.

On n'efface pas quinze ans de sa vie ainsi.

Histoire de mettre les choses au clair, je précise que le terme de "reporter", qui peut sembler pompeux, ne vaut chez moi que parce que je réalisais des... reportages. N'allez pas imaginer là les grands baroudeurs qui frayent leur chemin à travers les champs minés. Je ne suis pas Tintin. Et d'ailleurs, je n'ai pas de Milou non plus, l'appart, c'est quand même pas génial pour un toutou.

Simplement, petit caprice, je pouvais écrire "reporter" dans mon intitulé de CV, et je ne m'en suis pas privée, genre je me la pète... et de toute façon, vous n'aurez pas de job à me proposer. Gagné. Depuis que je l'ai mis en ligne, en mars, je crois, j'ai eu une offre. A Avignon. Sympa, Avignon, y'a le festival, le soleil, l'accent du Sud... Oui mais non. Pas possible. Disons que j'étais déjà tellement investie dans mon projet de restaurant que l'idée de replonger dans le journalisme ne me tentait guère. Et que je ne suis pas très mobile.

Pourtant, j'ai toujours voulu faire comme Tintin. Lorsque j'étais gamine, bluffée par... la série française Châteauvallon (j'en vois au fond qui se marrent, je sais, c'est lamentable, mais j'avais dix ans tout au plus) qui mettait en scène une rédaction, j'avais décidé d'écrire un journal. Pas un diary personnel, non, un vrai journal de news. Qui s'appelait "La dépêche républicaine." Avant de se transformer en "La dépêche mondaine" car je voulais donner une connotation internationale à ce grand canard qui allait révolutionner la planète, - sans penser que le titre relevait plutôt du people.

Cette superbe feuille de chou était composée de petites feuilles quadrillées bleues (plus funky) et agrafées les unes aux autres, avec une mise en page assez exceptionnelle composée d'articles personnels et de... collages de papiers du Presse-Océan. La grosse classe. Mon cousin s'en souvient certainement, lui qui avait été catapulté directeur de la rédaction (par tirage au sort!). En tant que rédactrice en chef, j'imposais tous les papiers et c'était d'autant plus facile qu'il n'y avait personne d'autre, hormis une rédactrice, un peu dégoûtée par ce drôle de scrutin, qui lâcha vite l'affaire (Farida, si par le plus grand des hasards, tu tombais là-dessus, bonjour à toi).

Mon premier gros reportage fut la prise d'otages au Tribunal de Nantes, en décembre 1985, qui me marqua d'autant plus que mon papa était sur les lieux et qu'il n'était rentré qu'au petit matin, après une journée épuisante nerveusement. Témoin privilégié de l'affaire, il se plia de bonne grâce à l'interview, qu'il put lire ensuite, moyennement 50 centimes: parce que je n'avais qu'un exemplaire, c'était le prix de la consultation!

Il y eut aussi un "dossier" complet sur la disparition de Philippe de Dieuleveult, réalisé depuis la terrasse ensoleillée chez mes parents... Oui, le "terrain" était une notion très particulière pour moi, à l'époque... Mais je sentais un besoin profond de raconter des histoires, de partir de faits réels et de blablater dessus. Cela n'a pas changé depuis.

Tiens, d'ailleurs, voilà que je m'étends et que je rends ce post imbuvable en en mettant des tartines... Alors, à demain pour la suite!

lundi 8 juin 2009

Sur des sables mouvants

C'est pas le tout de raconter les vannes à trois balles de mon loulou, aujourd'hui, c'était retour à la réalité. L'école. La compta. On ouvre grand ses oreilles, on griffonne, des trucs que l'on comprend, d'autres moins, on s'ébahit de l'apparente logique des chiffres.

Sauf que moi, j'suis pas logique.

Pas la peine de revenir sur mes péripéties passées lors de mes années scolaires, les chiffres ne sont toujours pas mes amis mais j'ai appris à décomplexer. Après tout, on est un peu tous au même niveau, dans le groupe.

Le groupe, justement, a pris un nouveau visage. Sur les neuf de départ, nous ne sommes plus que six. Et sur ces six, deux n'iront pas au bout de leur projet initial. Plus impitoyable que La Nouvelle Star, je vous présente la formation Création d'entreprise! Les deux futures associées se sont séparées une semaine après le début; la survivante de ce drôle de couple a réalisé que ça allait être bien compliqué, lorsqu'elle a voulu ouvrir une franchise de vêtements pour enfants (80.000 euros d'apport personnel, sans recours à un prêt bancaire, entre autres...); T. se retrouve confronté à une liquidation judiciaire de son commerce actuel - donc en interdit bancaire; MC se dirige vers une voie salariale, finalement ; J. a interrompu son parcours, qu'elle reprendra ultérieurement...

Les "finalistes" sont donc Y et son projet d'animation; S. qui a d'ores et déjà son élevage canin; F. qui se lance dans une formation d'esthétique et donc bibi, toujours sans local, mais pas sans rêves de grandeur (et de rêves tout court d'ailleurs, mes nuits sont pour le moins agitées - saleté d'inconscient).

Pour tout dire, nous n'avons jamais ressenti entre nous de rivalité, plutôt une saine émulation, et c'est toujours triste de penser que certains esprits frondeurs finissent par renoncer à leur (potentiel) beau destin. Je suis la première à penser que cela peut aussi m'arriver, bien sûr, mais je me donne encore du temps pour envisager un avenir différent.

Au fil des jours, je vois de plus en plus de boutiques, comme soudainement désertées, façon "fuyons-la-catastrophe", la devanture encore intacte avec ce petit papier scotché à la va-vite sur la vitrine. Liquidé. Saisi. A vendre. Des grosses enseignes, que j'ai toujours vues depuis mon arrivée au Mans, qui lâchent l'affaire. Des plus petits mangés tout crus par ces fameuses franchises qui créent l'inflation. Cette station-essence, ce gros magasin de piscine qui ne sont plus que gravats et désert grisâtre.

Cela sensibilise, forcément, mais ne doit pas remettre en question l'aventure dans laquelle nous sommes tous lancés. Ceux qui ont choisi de mettre en veilleuse leur nouvelle vie n'ont d'ailleurs pas été directement confrontés à ce genre d'expérience. Hormis pour T., carrément bloqué dans une situation très compliquée et qui ne peut qu'attendre une décision judiciaire, c'est un choix personnel, souvent, lié à leurs aspirations les plus profondes. Il leur a fallu cette formation pour réaliser que, peut-être l'investissement dans un tel projet était trop démesuré compte tenu de leurs attentes. Qu'un autre chemin de traverse se profilait.

Quant à nous, ceux qui continuent d'y croire, je ne sais pas trop dans quelle catégorie nous classer. Entre pragmatisme et insouciance, angoisse et optimisme, réflexion et inconscience, nous passons sans cesse d'un stade à l'autre. Au moins, chaque jour qui passe est différent. Rien que pour cela, ça valait le coup.

dimanche 7 juin 2009

Bonne fête, maman

Cet après-midi, loulou n'avait aucune envie d'aller se balader. L'une de mes amies, que j'avais invitées pour un pique-nique... pragmatique (à savoir, à la maison, vu les bourrasques...) lui suggère alors:

"Viens, on va prendre l'air".

Il la toise du regard.

"T'as qu'à ouvrir la fenêtre."

J'adore.

samedi 6 juin 2009

Supporter

Soirée basket à la maison. On entendrait une mouche voler. Jacques Monclar, le commentateur - pour les non-initiés- déplore que le Manceau David Bluthenthal rate un panier tout fait. Et là, d'un coup, mon fils part dans une envolée, révolté:

"Faut faire ci, faut faire ça, c'est facile à dire, hein. J'en ai marre d'entendre toujours qu'il y a juste à faire et pis c'est tout."

Je le regarde, un peu étonnée. Lui reprend, le plus sérieusement du monde:

"Mais le basket, c'est difficile."

Il fait ses gros yeux. Ouh, je serais Jacques Monclar, je filerais droit. D'ailleurs, la télé ne faisait pas la maligne à la fin du match, lorsque Le Mans a perdu d'un point contre Orléans. Loulou, toujours lui, s'est précipité vers elle en criant "y'a faute! y'a faute!", carrément outré. J'ai dû l'éloigner et lui expliquer qu'on prendrait notre revanche mardi prochain, lors du match retour.

Je ne sais pas ce qu'il fera plus tard, mon fiston. Mais à 5 ans et demi, il a déjà une bonne base de supporter.

vendredi 5 juin 2009

Le maori est un chef d'entreprise comme les autres

En préambule, je précise que ce message n'a aucun caractère discriminatoire, que je n'ai rien contre les Maoris et je vous conseille d'ailleurs l'excellent "L'âme des guerriers" de Lee Tamahori. Je suis juste impressionnée, c'est tout. Ceci étant dit, je m'explique.

Je ne vous ai pas tout raconté, sur ma journée passée à l'AFPA, hier. J'avoue que depuis ma rencontre avec le dormeur, j'ai compris que j'aurais du mal, désormais, à ouvrir mes yeux ébahis plus grands. Oui, il y a un avant et un après dormeur.

Hier, pourtant, on a franchi un nouveau cap dans le personnage étonnant. A vrai dire, nous étions tous là à dormir, pardon, à écouter religieusement l'experte ès-impôts-juridique lorsque le bruit a retenti depuis le sud-est de la salle. Énorme. Mon voisin a sursauté, comme subitement délivré d'un cauchemar. J'ai tressailli aussi.

Ce n'était pas un bruit, mais le son d'une voix, en fait.

"On fait une pause, là."

Pas "on fait une pause, là?" Non, "on fait une pause, LA." Maintenant. C'était autoritaire et brutal et ce son, comme sorti d'une caverne, provenait bien d'une personne humaine.

Limite inconsciente, je me suis tournée vers l'objet de mes soudains tourments. Un maori, là. Il avait dû rentrer dans la salle par derrière, discrètement, ce qui, à son allure, semble pourtant impossible. Le cou de taureau, les membres épais et larges, le torse solide, la boule rasée et les lunettes-de-surfeur-qui-font-trop-trop-Brice-de-Nice négligemment posées à l'envers. Le corps dessiné par des tatouages multiples. Les tongs, permettant de constater qu'un coup de talon de sa part m'enverrait direct aux urgences.

Je me suis retournée vers mon voisin. C'était trop tard, nous étions hilares. Un rire nerveux, bien sûr.

Le monsieur voulait sortir et personne ne l'en a dissuadé. Nous avions atteint les limites du courage individuel.

Comme la pause était pour le moins brève et que l'experte n'était pas découragée -cherchant visiblement à relever le challenge de nous tenir le plus longtemps concentrés - le cours a repris et la question sur les diplômes exigés, concernant certains corps de métiers, a été abordée. Mon voisin s'était doucement assoupi, de nouveau, après avoir quémandé sa madeleine, en vain. Et là, nouveau choc.

"Alors là, ça me concerne."

Genre, tout le foin d'avant, il s'en fichait comme de son premier tatouage. L'experte ne s'est pas découragée:

"Ah oui, vous voulez vous lancer dans quoi?"

"Je veux être tatoueur"

Il m'aurait dit esthéticienne que j'aurais eu du mal à y croire mais là, tout semblait cohérent. Il n'a pas eu vraiment la réponse qu'il espérait, alors il s'est poussé contre le mur, assis sur une table, surplombant tout le groupe. A croisé ses gros biscotos. Tendance "je vous ai à l'oeil." C'était terminé, mon voisin ne pourrait plus fermer l'oeil, lui aussi était désormais aux aguets. Pas question de se prendre un nouveau coup d'adrénaline la prochaine fois.

Il était plus de midi, l'experte a juste dit:

"Voilà, c'est la fin"

Que le Maori a conclu par un vibrant:

"Enfin".

Vexant, j'imagine... Dehors, nous avons tous repris nos esprits, mes petits copains et moi, sans pouvoir retenir plus longtemps notre rire nerveux. Pourquoi imaginer qu'un créateur d'entreprise répond parfaitement à un profil-type? Le tatoueur nous a permis de balayer les derniers a-priori que l'on peut avoir - à l'insu de notre plein gré, comme diraient les Richard (drôle de coïncidence, d'ailleurs. Mais je m'égare).

Après déjeuner, je me faisais donc cette réflexion, tout en signant la feuille de présence, pensant que j'étais quand même débile de préjuger ainsi du caractère des uns et des autres et de ricaner bêtement. Quand soudain, j'ai vu une ombre et senti une présence oppressante au dessus de mon épaule. Il était là. Il s'était approché et n'était plus qu'à quelques centimètres de moi. Il avait repéré mon petit manège et il n'allait faire qu'une bouchée de ma petite personne trop moqueuse.

Sans un mot, il a tendu la main vers moi. Il voulait la feuille. Je m'en suis débarrassée comme si elle me brûlait.

Là, j'ai cru apercevoir un micro-sourire. Pas sûre, mais je n'ai pas osé lui demander quoi que ce soit. La limite du courage individuel, je vous dis.

jeudi 4 juin 2009

Madeleine afpaienne

Sans fausse modestie, je peux le dire: j'ai été populaire aujourd'hui. Enfin, je n'ai aucun mérite: j'avais soudoyé mes p'tits copains de l'AFPA, que je retrouvais après près de deux semaines de break. Soudoyé? Quelques tournées de madeleines et hop, c'est dans la poche!

Ben oui, mine de rien, c'est pas le tout de :
- rentrer dans les sphères inconnues de la compta, du FISC, du RSI et autre URSSAF
- poser plein de questions à des anonymes,
- se faire agresser,
- chercher des emplacements à douze kilomètres du centre à moins de 350.000 euros...

... Y'a un moment, comme dirait Pascale, où faut penser à cuisiner. Si, je vous jure, c'est même la base de ce que j'aimerais faire. Sauf qu'à créer son entreprise, puis à la gérer (simple projection...), on passe tellement de temps à se battre avec la paperasse que l'on en arriverait à oublier le principal. Donc, parfois, je reprends le chemin des fourneaux et j'ai besoin de cobayes. Facile ! Autant c'est compliqué de dégoter une baby-sitter les soirs où on aurait d'un coup besoin de prendre l'air, autant la mission s'avère aisée quand il s'agit juste de trouver des bouches indulgentes.

Non pas que je considère l'AFPA et ses fidèles disciples comme un labo géant, mais c'est bien pratique d'observer les us et coutumes de personnes n'appartenant pas, à la base, à mon cercle de proches forcément pas objectifs. L'expérience consiste à observer le comportement de ces prédateurs de mets, salés ou sucrés d'ailleurs.

Objectif n°1 : Mesurer l'intérêt des cobayes devant la nourriture
Constat n°1 : Les cobayes se distinguent par leur sexe :
Les hommes font genre, mouais, tiens, donne donc. L'objet de l'expérience est gobé illico.
Les femmes font les gros yeux ronds, la bouche en coeur. L'objet de l'expérience est grignoté consciencieusement ("dépiauté" s'avère un terme approprié). On a même vu des sujets snober l'objet sous prétexte "d'un régime".
Bilan n°1: Chercher dans le dico la signification de "régime"

Objectif n°2 : Observer la réaction des sujets à 10 minutes
Constat n°2 : Les cobayes se distinguent par leur sexe :
Les hommes ne se posent pas de question et avalent l'objet sans contester.
Les femmes se posent trop de questions et avalent l'objet en culpabilisant.
Bilan n°2 : Trouver une parade au "régime"

Objectif n°3 : Constater l'addiction ou non des sujets
Constat n°3 : Mon voisin se tourne vers moi et chuchote, un rien implorant : "t'as une madeleine?" Là, c'est le drame. Le sac contenant tous les objets a été dérobé par l'assistante, qui n'a ni besoin de régime, ni de culpabiliser. Les sujets font grise mine.
Bilan n°3: Chercher un moyen d'apaisement. Lancer l'invitation: "allez, tous à la cafet". tentative d'autant plus concluante que nos estomacs crient famine après trois heures de cours juridiques et fiscaux.

Objectif n°4 : Mesurer l'effet à moyen terme des sujets
Constat n°4: Plus de différenciation dans les sexes, étrangement. Hommes et femmes sortent de l'inoubliable cafet de l'AFPA (et sa compote à 0,34 euros) en rêvant de l'objet désormais convoité. "J'ai encore faim", peut-on même entendre.
Bilan n°4: En période de pénurie, la notion même de "régime" a disparu. L'objet n'est plus considéré comme un péché, mais comme un manque.

Objectif n°5: Relancer la consommation de l'objet
Constat n°5: Après négociation d'avec l'assistante, qui vient de finir sa douzième madeleine, le sac repasse entre les mains des sujets principaux.
Bilan n°5: Prévoir davantage d'objets la prochaine fois. Les sujets m'ont gentiment déposé le sac presque vide sur mon bureau : il restait une madeleine. Ils sont attentionnés, non?

mercredi 3 juin 2009

Juste en passant...

Juste un petit message pour rassurer les éventuels inquiets (ils sont au moins, allez, à vue de nez... deux) : non, je n'ai pas mangé de vache enragée, non je ne règle pas de comptes*, non je n'en veux pas à la terre entière, lorsque j'étale mes colères sur ce petit blog. Je sais aussi relativiser et j'aime quand même mon papa (et ma maman aussi!), c'est juste que voilà, si je ne peux plus écrire ce que je pense, autant arrêter tout de suite ce journal de bord!

Je pourrais aussi parler d'autre chose que de mon projet. Certes. Mais c'est un peu ma vie en ce moment, alors comprenez que je n'ai que peu de recul sur les "vraies" choses environnantes et je n'ai même pas encouragé Monfils contre Federer. A peine si je savais qu'on jouait Roland-Garros, tiens. Je n'ai plus de repères: habituellement, la terre battue sonnait le compte à rebours avant les grandes vacances. Désormais, ça ne veut plus rien dire.

Je pourrais aussi vous raconter que j'ai vu Etreintes brisées, que je suis toujours sur l'excellent thriller de Jean-Christophe Rufin, que j'ai repris deux fois du cidre et que j'aime bien les madeleines. Mais bon, je préfère râler, ça me défoule!

* Le premier qui cafte, j'lui casse la gueule à la récré...

mardi 2 juin 2009

Décrocher la lune en ULM

Ce matin, l'oiseau m'a envoyé ce message (et il ne m'en voudra pas de reprendre ses propos):
"J'ai lu ton dernier billet sur ton blog et j'ai senti derrière le ton volontairement humoristique un fond d'amertume. On le serait à moins, je te comprends. Mais mets-toi un instant à la place de tes parents : comment réagirais-tu si c'était ton fils qui tentait l'aventure dans les mêmes conditions ? Ne serais-tu pas inquiète ? Ne chercherais-tu pas à le protéger ? Bien sûr, les parents d'aujourd'hui ne sont plus comme les parents d'hier mais tu te ferais du mouron quand même, j'en suis persuadé."

Bien sûr que si mon fils se mettait en tête d'épouser la fille d'Angelina Jolie ou de partir tenter sa chance à Hollywood, je serais inquiète. Bien sûr que s'il voulait simplement se mettre "à son compte", je serais inquiète. S'il décidait de partir à l'autre bout de la planète, ou même tout simplement à quelques centaines de kilomètres de chez moi, je serais inquiète.

Mais dois-je lui dire tout de suite de ne rien faire? De se tirer une balle, comme ça, ce sera fait?

Non, je ne chercherais pas à le freiner, mais je l'inciterais simplement, pourquoi pas, à réfléchir à ce qui l'attend. A peser le pour et le contre. Qu'il comprenne, tout seul. Et qu'il décide ensuite, en son âme et conscience. Lui seul saurait s'il a les épaules assez solides.

C'est cette façon d'être toujours négatif qui me rend amère, évidemment, car je comprends très bien que des parents se posent des questions - qui plus est quand ils se sont toujours demandé si je n'étais pas un peu tordue. Mais un petit signe d'encouragement, une oreille attentive, ça ne demande quand même pas beaucoup d'efforts et ça peut faire tellement de bien... Comment peut-on montrer aussi peu de confiance envers ses propres enfants ? Ce n'est pas comme si j'allais décrocher la lune en ULM, pas vrai?

Au moment où je vous écris ça, mon fiston tripote le ballon, devant le match de basket, et m'annonce la couleur: "je veux être footballeur. Et jouer dans l'équipe du MUC". Vous dire que ça m'enchante serait mentir, mais pourquoi lui casser ses rêves?

lundi 1 juin 2009

Papa, le cheval blanc et autres recommandations d'usage

En triant mes papiers - histoire de mettre les choses un peu au clair dans mon esprit un peu embrouillé, mais surtout pour tenter d'accéder à la partie nord-ouest de mon salon - j'ai relu des documents que les organismes de création d'entreprise vous remettent volontiers dès lors que l'on annonce la couleur. Du genre: "Allez-y... mais attention, sens interdit. Et là, interdit de tourner. Euh, là non plus..." En fait, on vous encourage à vous lancer mais on vous prévient que la partie va être rude. Naaaaaan, vraiment?

Dans les recommandations d'usage, on vous suggère donc, avant de vous lancer :

- De connaître le métier dans lequel vous allez exercer et d'avoir un maximum d'expérience;
- D'être assez solide financièrement, et si vous êtes propriétaire, c'est bien le minimum;
- D'être bien entouré et de bénéficier du soutien familial.

Tout mon portrait, en somme...

- Je n'ai absolument aucune expérience en restauration, même pas des extras à Notre-Dame-de-Monts ou à Canet-Plage. Je peux juste me vanter de gaver mes invités qui n'osent pas me dire qu'ils n'en peuvent plus. Et je soudoie régulièrement mes proches avec des p'tits cannelés.
- Je n'ai aucun bien, ma titine date du siècle précédent et je suis locataire. Dans un HLM qui plus est. Booooouuuh.
- Des amis, ça, j'en ai. Du soutien familial, comment dire... Je ne parlerai que de mes parents (j'ose croire que my sister est derrière moi, hein Isa) et là, non seulement on ne peut pas parler d'appui, mais carrément de travail de sape.

Hier soir, par exemple. Je leur explique, au téléphone, comment s'est passée la formation, en revenant sur les dangers que l'on nous avait exposés en long et en large, pour montrer combien j'en étais consciente et que donc, moi, je serai une bonne élève, je provisionnerai bien mes charges, blablabla. En fond sonore, j'entends mon père, toujours optimiste, grommeler:

"- Pff, en ce moment, y'a six restos qui ferment par jour."

Une variante de "tu n'y arriveras jamais" (novembre 2008); "ouais, en gros, tu veux faire un bar, quoi" (Noël 2008); "de toute façon, les gens, y vont plus au resto" (janvier 2009); "c'est impossible, ton truc" (février 2009)...

Et après, je ne sais plus.

Je me suis mise en pilotage automatique et je n'ai plus entendu ces réflexions tellement encourageantes qui me rappellent à chaque fois combien mon propre père a confiance en moi et en mes capacités. Ah, si, parfois, mon tympan perçoit "mais pourquoi ne postules-tu pas à Ouest-France ?" mais le message ne parvient jamais jusqu'à mon cerveau, va savoir pour quelle raison...

Cher papa, et je l'écris d'autant plus librement que tu ne le verras pas (!), je suis têtue, tu devrais le savoir - c'est de famille. Je ne demande pas d'aide financière, pas même un coaching démesuré pour arriver à mes fins. J'aurais juste aimé une oreille compatissante, simplement teintée d'amour, un petit signe d'encouragement. Je sais que c'est trop demander.

Donc, vous êtes gentils, vous les grands théoriciens : je n'ai pas de soutien familial. Et ne me parlez pas de conjoint, il n'a toujours pas frappé à ma porte. Faut dire qu'avec la circulation dans le centre-ville, le créneau avec un cheval blanc, c'est pas simple.