lundi 19 mai 2014

Une escalope de mouette et son coulis d'hémoglobine

"Déjà?"
 
Je suis dans la cuisine d'un institut nantais, il est moins de 10 heures et j'ai déjà sorti le premier plat de la journée.
 
La cuisine dans le sang, une ligne de vie culinaire... On peut tout imaginer. La réalité, c'est que je tente le carpaccio de la main et que ça fait un peu mal, quand même.
 
 
Une escalope de mouette et son coulis d'hémoglobine.
 
Le formateur qui cuisine avec moi ce matin commence à comprendre que je ne plaisantais pas, plus tôt. Nous n'allions être que tous les deux pour le service traiteur, le midi? OK. Mais je l'avais prévenu : j'ai deux mains gauches.
 
Devant mon poireau qui faisait le malin, parce que la lame du couteau l'avait ménagé au détriment de ma main, je me suis demandé, quand même, pourquoi j'avais gardé l'option Gaston Lagaffe dans mon ADN, au lieu de m'en débarrasser en même temps que ma tenue de journaliste.
 
Je me suis réellement interrogé sur ma capacité à passer outre mes soucis psychomoteurs. Pour me rassurer, j'ai songé à ce que m'a dit l'un des responsables de la formation, très encourageant. A-t-il eu pitié de moi? Vendredi, après le service, il m'a dit : " Sortez-vous de l'esprit que vous ne savez pas cuisiner! Pour ce que j'en ai vu, vous savez cuisiner. Il vous faut juste, maintenant, professionnaliser votre pratique."
 
Sacrément professionnaliser, même.
 
Vous allez me dire, oui, mais ne sois pas si impatiente, arrête de te coller de la pression, Paris ne s'est pas fait en un jour, toussa toussa. Et vous aurez raison. Sauf que je suis dans une sorte de tourbillon où tous les stagiaires autour de moi ont une maîtrise technique qui m'échappe encore. Je sais, inutile de chercher la comparaison, mon objectif n'est pas d'ouvrir un gastro, ni demain, ni jamais.
 
Mais pour autant, j'ai un minimum d'envies et d'ambitions, qui contrastent terriblement avec mon niveau actuel.
 
En même temps, avec le nombre de boulettes que je fais chaque jour, je pourrais envisager une spécialisation dans les kefta.
 
Avec une petite sauce rouge. Keftas et sa sauce O négatif, après tout, le concept est innovant, non? 

jeudi 15 mai 2014

Avant de devenir une momie

J'ai rouvert le compteur des brûlures ce midi. L'une avec l'araignée que j'avais malencontreusement sortie de la friteuse bouillante, au bras droit. L'autre à gauche, histoire de rétablir l'équilibre, avec de l'eau chaude, très, très chaude...
 
Je ne lésine pas sur les détails. J'ai besoin de symétrie, vous comprenez.
 
Pas de quoi affecter mon humeur pour autant. D'ailleurs, et sans doute pour mieux décompresser après le coup de feu - dans tous les sens du terme - , c'est un peu ambiance Bisounours dans la cuisine, au moment du nettoyage collectif. Et, après "ragoût toutou, le ragoût de mon toutou", c'est un nouvel air qui est venu s'incruster dans ma caboche...
 
"Au pays de Candy, comme dans tous les pays..."
 
Si, si. Ce midi, on chantait "Au pays de Candy", sourire aux lèvres et raclette à la main.
 
Une fois encore, je ne suis pas sûre que ma culture musicale va véritablement s'approfondir durant cette formation. Mais, après tout, j'ai cru comprendre que le but était autre. Une histoire de titre professionnel à passer, toussa.
 
D'ailleurs, l'heure était grave, à l'issue du service. Demain, c'est le dernier jour pour mes petits copains, qui passent leur examen la semaine prochaine. Sitôt connus, je vais devoir faire sans eux et j'imagine déjà que la cuisine va me sembler bien vide. Et, croyez-le ou non, mais je vais regretter ces airs débiles que chacun entonne joyeusement. Mais surtout ces personnalités auxquelles je me suis déjà attachée.
 
Oh, je ne m'inquiète pas trop. D'autres vont arriver et mes aventures ne font que commencer en cuisine. Mais en écoutant les conseils d'une des formatrices, qui listait ce soir toutes les boulettes à éviter le jour de l'examen, j'ai songé que, dans quelques mois, je serai à leur place, à stresser d'avance à l'évocation du jury.
 
Pas de panique. Si je croule déjà sous les devoirs et les fiches techniques en retard, je ne me mets pas (trop) de pression. D'ailleurs, ne vous inquiétez pas si je ne donne pas signe de vie ce week-end. Non, je ne serai pas au service des grands brûlés (enfin, normalement), mais en... week-end. Ce concept qu'on n'apprécie jamais autant que lorsque la semaine a été dense et un rien éreintante.
 
Allez, je file refaire mon stock de bandelettes. Au fait, a-t-on déjà vu une momie derrière les fourneaux?

mercredi 14 mai 2014

Shigelle et le ragoût de mon toutou

J'ai ouvert doucement la porte. J'ai entendu un léger souffle.
 
Visiblement, elles étaient toutes endormies. J'allais les avoir par surprise.
 
J'ai dégagé le chemin sans mot dire.
 
Calmement, je me suis approchée et, soudainement, poum!
 
Un coup d'éponge savonneuse, un!
 
J'ai recommencé, et recommencé, et recommencé, jusqu'à ce que mort s'ensuive. Puis, je me suis souvenu qu'elles ne mouraient pas, qu'elles pouvaient juste être neutralisées, les sournoises.
 
N'empêche. Shigelle, clostridium perfringens et sa sœur botulinum, campilobacter et autres E. coli, je voulais leur peau depuis que j'avais appris toutes les vilaines choses qu'elles faisaient à nos boyaux. Alors, en rentrant de ma première journée de formation HACCP (l'hygiène et toussa), ce soir, autant vous dire que j'ai regardé le frigo de mon œil le plus noir et qu'il n'a pas trop fait le malin, l'animal.
 
Les bactéries, elles, sont parties un rien vexées, je crois, mais je dois me méfier. Comme l'a expliqué la formatrice, leurs toxines, sous le coup d'un stress lors d'une congélation à -18° (rigolez, j'aimerais vous y voir, vous, sous la banquise), remettent le couvert plus fort dès qu'on les réchauffe et hop, vas-y que je te contamine tout ce que je peux et que je colle de pauvres innocents à l'hôpital.
 
Parano, moi? Vous verriez ce qu'on risque, en allant au restaurant, vous auriez comme moi envie de prendre des douches à base de solution hydro-alcoolique à chaque petite sortie culinaire... Une mauvaise idée, quand je pense à ce que je fais déjà subir à mes mains, toutes fripées.
 
Sinon, à part ça, mes mollets, mes deux mains gauches, ma tête et moi, on va bien. Les premiers prennent du volume, à force de m'agiter comme je le fais. Histoire de faire ma Jeannie Longo de base, j'ai en plus décidé d'enfourcher mon vélo pour me rendre au centre de formation.
 
Au moins lorsque monsieur Soleil, ce capricieux, veut bien pointer son nez.
 
Ça plaît visiblement à certains voyeurs, comme ce sournois (était-ce une moisissure? Un virus? Une bactérie? Certainement pas une levure, en tout cas. Juste un affamé, en fait) qui s'est amusé à me coller aux basques sur une partie de trajet, avant de me doubler avec un grand sourire puis de vérifier, un peu plus loin, que j'étais toujours derrière. Bref, aucun intérêt, on est d'accord mais j'admets une certaine lassitude, face à ces types qui matent sans gêne aucune, à qui j'ai envie de demander s'ils ne veulent pas le prix, non plus.
 
Ah oui, j'ai oublié de préciser. J'étais en robe. Même pas courte, même pas sexy. Juste en tenue de fille, pour schématiser. Un argument suffisant, j'imagine, pour se faire déshabiller du regard.
 
Je vous jure, y'a des claques qui se perdent. En même temps, je me vois mal frapper qui que ce soit, 1/ parce que la violence physique, bon, ben, je n'en vois pas l'intérêt ; 2/ je suis tellement HS ces derniers jours que je n'en aurais pas la force, quand bien même je voudrais me lancer dans le punching-ball et 3/ j'ai besoin de mes deux mains.
 
Justement, vous disais-je, mes deux mains gauches vont bien, même si l'une d'elle est partie se réfugier dans le tiroir "prudence"... A moins qu'il s'agisse de celui où je range habituellement la gourmandise, car, comme dit Galina avec son délicieux accent de l'Est, "pas de bras, pas de chocolat."
 
Et comme je tiens à garder le moral à coup de magnésium (mon ex me disait toujours que la bonne foi, bien faite, était irréfutable), je mets mes bras à l'abri des lames et des flammes.
 
En revanche, je n'ai pas trouvé de solution pour protéger mes oreilles des velléités artistiques de mes ouailles, qui ont un talent fou pour te coller un air débile dans la tête.
 
C'est comme ça que je me suis retrouvé à entonner "Ragoût toutou, le ragoût de mon toutou", tout un service mais aussi une fois rentrée à la maison. Il n'a pas supplanté "Chaud cacao", mais dans le genre entêtant, on est bien.
 
Pas sûre que ma culture en ressorte véritablement grandie, mais que voulez-vous, tant que le ragoût du toutou ne finit pas en staphylocoque doré, y'a pas mort d'homme...

dimanche 11 mai 2014

Ma référence à moi (où j'ai l'impression d'avoir 17 ans)

Je sais, ça vous fait rêver...
 
 
Après avoir ébarbé des bars, utilisé un pochon (non, on ne dit pas une poche, surtout s'agissant d'une petite louche), émincé, mondé, équeuté, oui, après avoir découvert l'armoire à pharmacie de l'établissement et couru les magasins pour compléter ma mallette, j'ai passé la fin de semaine à... potasser.
 
Je vous présente donc mon nouveau livre de chevet, même s'il est moins glamour que "la cuisine de Bernard" et sans doute un rien plus indigeste que l'amandier pourtant bien dense de Béber (on ne perd pas les bonnes habitudes, un week-end sans un peu de pâtisserie ne serait guère décent, pour une utopiste comme moi qui prétend passer son CAP en juin 2015...)
 
C'est simple, j'ai l'impression d'avoir 17 ans et de préparer mon bac. J'ai des devoirs à ne plus savoir qu'en faire et des fiches techniques à réaliser, des termes à apprendre par cœur et du bachotage bienvenu, finalement, pour un pont de mai aussi pluvieux que celui qui s'achève.
 
Ce lundi, retour en cuisine, histoire, quand même, de mettre en pratique tout ça et, sans doute, de stabiliser mon niveau d'hémoglobine...

jeudi 8 mai 2014

Compagnons de route

L'homme trouve que je ressemble à un personnage de Tintin, comme ça. De mon côté, je vois une fille qui louche un peu (merci le selfie) et qui a l'air content d'être heureuse. François Hollande, sors de ce corps (corps qui n'a vraiment pas besoin de ça, en plus, oh, ça va, maintenant)
 
 
Brûlures : 2
Coupures : 1
Coups de stress : 1
Litres de sueur : 2
 
Telle une Bridget Jones de la cuisine,  je pourrais calculer chaque jour mes doses, non plus de nicotine ou de calories, mais d'incidents techniques plus ou moins majeurs qui émaillent le quotidien d'une apprentie cuisinière. J'imagine que si vous leur demandiez, mes nouveaux camarades me compareraient déjà à Gaston Lagaffe.
 
Et vas-y que je teste à coup d'hémoglobine l'aiguisage de mon éminceur tout neuf, que je fais valser les chips de tomates, que je déshabille ce pauvre bar qui voulait garder sa peau, que j'oublie de blanchir mes poivrons, que je sous-alimente les clients avec mes brochettes de mannequins de défilé, toutes mignonnes mais maigrichonnes...
 
J'ai deux mains gauches?
 
"C'est normal", me rassure Christine, qui est passée par là.
 
Je crois même que, malgré le stress, ça peut nous faire marrer, tout ça.
 
C'est l'apprentissage. Et comme me dit Coco, "ces conneries, on les a toutes faites... Et on continue de le faire!"
 
C'est rassurant.
 
Elle s'esclaffe, Coco. Elle semble à l'aise dans cet univers et elle, au moins, elle fait de vraies brochettes, avec des gros morceaux de canard dedans. Quand on creuse un peu, pourtant, on comprend que son parcours n'est pas forcément pavé de roses. Coco est aide-soignante et, à 49 ans (ou 47? ou 51? J'ai un doute, qu'elle me pardonne...), fait croire à son entourage et même à sa... propre mère qu'elle fait actuellement de l'intérim dans sa profession médicale, cachant la réalité de cette formation culinaire.
 
A l'instar de tous ces apprentis qui, eux, arrivent en fin de parcours (ils passent leur titre fin mai, j'ai été "intercalée" entre deux sessions), ils ont tous eu une vie avant de débarquer dans cette cuisine.
 
D'ailleurs, les vingtenaires sont en minorité. C'est plus proche des 35, voire 45, 48... La doyenne du groupe, Thi Kim (j'avoue, j'ai un doute sur l'orthographe) a 52 ans! Un âge que je n'aurais jamais deviné chez cette femme élégante et soignée. Vietnamienne, elle a débarqué en France voilà un an seulement. Discrète et appliquée, elle relève le challenge de se former en cuisine dans un langage qu'elle continue de découvrir.
 
Galina, elle (ou gallinacé, si vous préférez, le p'tit surnom que l'homme a d'ores et déjà adopté), a plus de bagou et d'années françaises derrière elle. Ouzbek, elle a gardé son fort accent mais a bien intégré toutes les expressions de notre pays, ça, pas de souci. Lundi, en la voyant, j'ai été frappée d'emblée par sa personnalité truculente. Cheveux rouges flamboyants, regard vert clair hypnotisant, elle se tenait le dos de douleur, rattrapée par des coliques néphrétiques. Pour combattre le mal, le médecin lui avait administré de la morphine et de l'opium.
 
"Non, mais, tu te rends compte, c'est de la drrrrrrogueeee, quand même!" m'a-t-elle fait remarquer.
 
Son regard semblait las et un rien dans le vague mais depuis, elle a repris vie. Elle nous met des chansons russes sur son portable pendant qu'on est à la plonge, rendant la tâche un rien moins fastidieuse. Amélie, arrivée en même temps que moi, mais pour trois semaines (avant l'ouverture du restaurant qu'elle va diriger, la veinarde!), s'est prise au jeu, révélant ses talents de chanteuse en entonnant joyeusement l'air désuet de "Voyage, Voyage" (Non, Désireless n'est pas russe, a priori, c'était juste un intermède avant la série de pseudo-stars dignes de l'Eurovision).
 
Une concurrence directe à l'autre chanteur du groupe, François, qu'Amélie, toujours, a déjà surnommé François Damiens, pour sa troublante ressemblance avec l'acteur belge. Il y a aussi Christine et Quentin, dont je vous ai déjà parlé, Brigitte, contrainte de passer son titre malgré 17 ans d'expérience en cuisine. Il y a aussi David, à peu près le plus gros gourmand que la terre ait portée si je m'en réfère au nombre de fois où je l'ai surpris une douceur dans  la bouche. Et puis quelques autres que je n'ai fait que croiser, pour l'instant, chacun étant affairé à droite et à gauche.
 
Propulsée dans cet univers en inox sans ambages, je découvre peu à peu les personnalités, leurs casseroles, leurs talents, leur vie et leurs envies au détour d'un tas de pommes de terre à éplucher, au bac à légumes, ou bien en goûtant le coulis de poivron de l'un, l'assaisonnement de la ricotta de l'autre.
 
Je n'ai passé que trois jours avec eux et pourtant, les liens se tissent tellement vite dans ce contexte que je les assimile déjà à des compagnons de route... Joyeux ou un rien cabossés par la vie, blasés ou enthousiastes, timides ou exubérants, ils donnent corps à cette aventure qui commence et dont je découvre chaque jour les codes.
 
En y laissant un peu d'hémoglobine et de morceaux de chair, certes, mais avec une envie qui me conforte dans cette drôle de voie.

mardi 6 mai 2014

Chaud, cacao...

... Chaud, chaud, chaud, chocolat...
 
Annie Cordy, tu sors de mon corps, maintenant, et fissa!
 
Il est 22 heures passées et j'ai toujours ce foutu air dans la tête. Tout ça parce que l'un d'entre nous a entonné cette chanson en cuisine, ce matin, et que ça ne m'a plus quittée. Deux jours que je suis là, dans cette immense salle tout en inox, et je me sens comme un poisson dans l'eau, mais un poisson qui ne saurait pas trop nager, hein, faut pas pousser.
 
J'ai pris le rythme et je me suis même surprise à esquisser un, voire deux pas de danse, virevoltant pour écarter le chemin et éviter le choc frontal avec l'un de mes camarades. Maintenant, dès que j'entends "chaud, chaud, chaud", je ne pense plus au vendeur de marrons au marché de Noël ou au masochiste qui balance ses chouchous sur une plage de Palavas-les-Flots, je sais qu'il faut pas trop faire la maligne, parce que la personne qui entonne cet air n'est pas Annie Cordy, mais bien un cuisinier avec un plat un peu bouillant à déposer.
 
Oui, c'était chaud, aujourd'hui.
 
Chaud comme le timing, serré quand tu as deux plats chauds à préparer, un rien plus longs que les entrées de la veille. Brochette de magret de canard et bar rôti au fenouil confit, autant vous dire qu'avec mes deux mains gauches, y'a eu du grabuge, de mon côté...
 

Ai-je déjà précisé que je n'avais pas pris l'option "photographe culinaire" dans mon kit?... Ah, OK, ça se voit. Allez, ce qui compte, c'est ce qui se trouve dans l'assiette, pas vrai...

La pauvre Christine, avec qui j'étais aujourd'hui en binôme, a souffert le martyre avec moi. Enfin, surtout avec mes questions et mes maladresses, en fait.
 
Oui, une journée chaude. Chaud comme le plat sortant du four que tu saisis sans penser que, justement, il sort du four. J'aurais encore pas dû laisser mon cerveau au vestiaire, ça me fait des cloques aux mains.
 
J'ai des mains de grand-mère, ce soir, toutes fripées.
 
Chaud comme la température en cuisine, quand tu te retrouves devant la friteuse avec, à ta gauche, les feux plein gaz et à ta droite, le four bouillant. Une tomate bien mûre n'aurait pas été plus rouge que moi, un effet peu esthétique amplifié par un passage au grill. Des brochettes et des bars, je veux dire. Laissez-moi quelques semaines et, à force de m'agiter sans relâche, je rentrerai peut-être sur la plaque.
 
Chaud comme l'état de ma carte bleue, ce soir, après avoir complété ma mallette de cuisinier. L'homme, amusé, m'a comparée à une gamine qui ouvre ses cadeaux de Noël.
 
Et puis, il a ajouté qu'avec ma mallette, j'avais l'air d'un décontamineur de Fukushima.
 
Je sais pas comment je dois le prendre...
 
Des couteaux, une valise? Ce serait pas un revival de Dexter, ça?
Une pince à épiler géante au milieu des couteaux? Mais, quel est donc cet étrange contenu?
Eh ouais, voilà mon nouveau joujou, une valise avec plein d'ustensiles qui coûtent un bras. Déjà que l'état de mes mains m'a contraint à investir dans des maniques, ce soir, je n'ose imaginer ce qu'il en sera dans quelques mois...
 
 
Sinon, demain, une fois remise de mes bars écaillés, vidés et rôtis, de mes douleurs nées du combi détergent-brûlures multiples aux doigts et de mon coup de chaud général, je vous raconterai les aventures d'une gallinacée, de François Damiens et, bien sûr, mes propres tribulations...

lundi 5 mai 2014

Baptême du feu et feu d'artifice

Voilà cinq ans, j'avais fait de la même façon mon cartable et j'étais arrivée comme une gamine devant un sapin de Noël bien garni à ma première école.
 
Bon, je ne sais pas si on peut parler de redoublement ou carrément d'un grand saut, genre de la maternelle à la fac. Mais en débarquant ce matin dans ma nouvelle école, toujours aussi excitée mais un rien anxieuse, j'ai bien compris une chose: pas le temps de réfléchir, tu as juste deux minutes pour déposer ton cerveau ta tenue de fille dans le vestiaire et hop, en route!
 
J'avoue, j'ai eu un peu peur, alors que nous étions attablés, à 8h30, attendant non sans une certaine impatience les retardataires. Je me suis assise face à Christine, seule femme vêtue comme une toquée, tandis que les jeunes autour me paraissaient justement bien jeunes et étrangement habillés pour des gens à deux secondes de se jeter sur les pianos.
 
En fait, c'était les serveurs en apprentissage. Ah, d'un coup, je me suis dit que ce serait pas mal, quand même, que je garde un bout de mon cerveau pour la route, rapport à la nécessité d'avoir un minimum de jugeote en ces temps agités.
 
Christine, elle, se sentait bien seule mais finalement, ses compagnons ont fini par nous rejoindre, et j'ai réalisé qu'ils étaient aussi les miens, copains de fourneaux.
 
On a fait le briefing de la journée: menu du midi, avec deux entrées, deux plats, deux desserts. Un service suivi d'un cours de pâtisserie, les choses auraient pu démarrer plus mal. D'autant plus que je suis partie en cuisine avec Quentin, pour former le binôme des entrées, histoire de démarrer sur des chapeaux de roue sans passer par la case "observation".

On peut parler de baptême du feu express. Perso, ça m'allait bien. Le pauvre Quentin, lui, a dû jouer au guide, une mouette scotchée à ses basques, lui demandant quinze fois par heure où était ceci, où était cela, si on pouvait pas mettre un peu de raisins secs dans la farce des petits légumes (non), (ok), (j'aurais essayé), (pour mon baptême, c'était peut-être un peu osé).
 
Au final, on a balancé les dits farcis et les lasagnes ricotta épinards, non sans quelques micro-suées, autant par les courses dans la (grande) cuisine que par l'appréhension de devoir servir l'entrée... en pousse-café, vu le retard fulgurant que nous avions pris.
 
Ensuite, comme les miracles continuent de fleurir en cuisine, tout a été envoyé à temps et on s'est même payé le luxe de goûter un micro-bout du dessert - un millefeuille avec crème diplomate et mousse au chocolat... Pour quelqu'un pas fan de ce genre de douceurs, j'ai bien fait genre, quand même, c'est pas non plus à donner aux cochons, toussa.
 
J'ai déjà plein d'histoires à vous raconter sur les personnages de cette nouvelle aventure mais allez, ironie du sort, je vais vous laisser un rien sur votre faim... A demain?
 
 

dimanche 4 mai 2014

Le premier jour du reste de ma vie

Non, je ne patauge pas. Je profite des derniers moments, au bord des marais de la Loire, avant de partir vraiment le nez au vent en cuisine. Et là, je vais être dans la gadoue!
 
 
Samedi après-midi, pour me souvenir combien j'étais une personne originale et peu conformiste, j'ai tué le temps (j'attendais une amie) en allant... à la Fnac. Ouais, je sais, ça vous fait un choc, vous ne pensiez sans doute pas que j'avais une vie aussi folle.
 
Il faut dire que j'avais besoin de souffler et de reprendre une activité normale après une dizaine de jours à empêcher de dormir tous mes voisins (Bobo le petit robot est adorable, il n'a qu'un seul défaut, celui d'être un rien bruyant, surtout passée 1 heure du mat), à faire des allers-retours à la gare et dans le centre-ville (belle-maman arrivait lundi pour la semaine), à la salle de basket (Loulou tâtait de la balle), à jouer à la maman modèle en déposant mon loustic aux quatre coins de Nantes (je crois que je suis la reine du contournement des ronds-points, dans une ville où, clairement, ça tourne un peu trop rond sur les routes)... Bref, j'ai profité au maximum de mes dernières heures "off".
 
Bon, il y a eu quelques ratés. Je vous passe la séance chez la podologue pour une sombre histoire d'ongle incarné, mes hurlements dignes d'une sorcière qu'on brûlerait sur le bûcher et le premier malaise vagal dans le cabinet. Je vous passe aussi la déception de renoncer à une course à pied, à cause de cet orteil rouge pivoine et aussi gonflé qu'un ventre au sortir d'un repas de réveillon ; le deuxième malaise vagal, sinon, c'est pas drôle.

Dans un autre genre, toujours au rayon "ratés", il y a eu, également, la chantilly, qui a fondu sous la chaleur de la tarte tout juste sortie du four et ce gros moment de solitude, dans la cuisine, à 2 heures du mat, en me demandant si je ne devrais pas utiliser le pétrin pour nettoyer ma caboche, quand même. Histoire que Bobo fasse du bruit pour une cause, sinon noble, au moins utile.
 
Là, je triche un peu, j'ai pris en photo la deuxième tarte, celle qui a eu le temps de refroidir avant que je ne tâte de la douille pour y ajouter une douce chantilly mascarpone-vanille. Même pas écœurant! Sinon, un jour, je mettrai la lumière dans la cuisine, histoire qu'on y voie quelque chose.
 
 
Il y a eu aussi quelques jolis moments, une escapade à Noirmoutier, une autre, en vélo, dans les marais de la Loire...  Le soulagement, quand même, au lever le dimanche matin sous une pluie froide et humide en songeant que j'aurais dû être en train de courir... Un gâteau au chocolat surnommé l'assassin, que mon papa a renommé "le coup de fusil" (pour les hanches), une tarte rhubarbe-fraises cette fois plus présentable, des essais transformés en cuisine, dont la pâte feuilletée que j'appréhendais plus que de raison et qui a été toute mignonne avec moi. ll y a eu aussi une parenthèse inespérée avec Loulou pour ses vacances et la complicité avec sa grand-mère de cœur, à défaut d'alliance (nous vivons dans le péché, avec l'homme, vous le savez bien). 
 
Eh eh eh, la pâte feuilletée est mon amie du premier coup... Oui, la chance du débutant, je sais. On en reparlera à la prochaine...
 
Et il y a eu, également, cette rencontre étonnante et réjouissante.
 
Car, vous disais-je, avant de me perdre dans les méandres de 3615 ma-vie-trépidante-enfin-si-on-veut, alors que j'errais au rayon "Cuisine" de la Fnac, j'aperçois une femme feuilletant "La cuisine de Bernard." Allez savoir pourquoi, d'autant que je n'ai pas d'actions chez Béber, je l'aborde.
 
"Excusez-moi de vous déranger mais, ce bouquin-là est absolument génial, c'est ma nouvelle bible!
 
- Ah oui?" me dit-elle, un rien interloquée. "Je regardais mais en me demandant, car souvent, les blogueurs, aux Etats-Unis, se contentent de remettre les recettes de leur blog sur un livre."
 
Cet accent... Pas de doute, elle est américaine. On discute un peu et elle m'apprend qu'elle a deux blogs: Life is a feast (la vie est un festin), qu'elle tient depuis 2008 et un deuxième, hyper léché, plated stories. Je ne sais pas encore qu'ils vont me plaire. Je savoure juste le plaisir de cette conversation inattendue, au milieu d'un rayon culinaire blindé de monde. Jamie est une passionnée de pâtisserie, qui rêverait de travailler dans ce domaine, mais qui ne peut se former de façon autodidacte qu'avec le temps, trop long à son goût: que ce soit son mari ou ses deux (grands) fils, ils font tous attention à leur ligne et ne goûtent que peu à ses douceurs !
 
Je lui explique que, de mon côté, je ne manque pas de cobayes et que ça tombe bien, parce je démarre ma formation en cuisine ce lundi et que j'ai besoin de multiplier les expériences.
 
Elle suggère qu'on se rencontre prochainement parce qu'on a décidément plein de points communs. En attendant, m'assure-t-elle, elle va suivre mes aventures sur le blog. Je sens qu'elle m'envie.
 
Parce que, oui, j'ai préparé mon cartable, ma tenue de cuisine. Ce lundi 5 mai est le premier jour du reste de ma vie (pro, j'imagine) et c'est un long chapitre qui s'ouvre. Alors, j'aurai sans doute une pensée pour Jamie demain, car, par ses mots simples et enthousiastes, elle m'a fait prendre conscience, je crois, de la chance que j'avais à enfiler cette nouvelle tenue.
 
D'accord, je le savais déjà. Mais cette fois, je mesure pleinement ce sentiment. De quoi balayer doutes et appréhensions, face à l'inconnu qui m'attend.