vendredi 25 novembre 2011

Fil rouge

Dis donc, un peu plus et j'allais laisser filer novembre sans donner aucun signe de vie... Mais que voulez-vous, je découvre un rythme à la fois très cadré, structuré, apaisant et... fatigant. L'impression de courir en permanence, avec néanmoins ces moments off le week-end, sans plus à penser aux mille tâches qui polluent le cerveau, sous prétexte qu'en bossant chez soi, eh bien, on peut bosser quand on veut.

Le week-end, c'est relâche. Et basta.

La semaine, je n'ai plus le temps de rien. Réveil toujours trop tôt, Loulou que j'ai la sensation de déposer et récupérer en permanence, liste longue comme une journée chez Pôle Emploi de trucs à faire pour hier, je suis débordée... Signe que je suis bel et bien dans le mouvement, celui de tous les salariés qui finissent par se plaindre de ne plus voir le jour, mais qui sont trop heureux de voir le soleil décliner, bien au chaud dans leur bureau, et de voir un revenu tomber à la fin du mois, toujours le même. Pour l'instant, ça continue de m'impressionner.

Oui, je sais, je suis impressionnable.

J'ai des collègues sympas. Vraiment. Bon, je suis repérée, à cause d'un rire que j'aurais sonore. Comprends pas. Pas facile de rester stoïque. Les premiers jours, on se tient droit comme un i, on ose à peine interrompre la concentration de sa chef. Et puis, on finit par se sentir mieux, puis bien, tout simplement.

C'est là que la nature reprend ses droits et qu'on oublie cette austérité initiale.

Bon, je ne suis pas certaine d'être encore au top, professionnellement. Je retrouve des automatismes, comme de vieux relents ancestraux, un goût pour la recherche d'infos, pour les coups de fil à l'arrache histoire de vérifier sa source, tous ces petits riens qui faisaient un peu le sel de ma vie d'avant. Cela ne me déplaît pas, à vrai dire, c'est même plutôt agréable d'utiliser ses neurones à d'autres fins que la traduction de syndicalistes. Et au fil des jours, je réalise à quel point ma création d'entreprise, certes avortée, puis ma découverte du monde institutionnel m'aident au quotidien. Comme un fil rouge, comme si ce parcours semé d'embûches pouvait finalement, et contre toute attente, s'avérer logique. Un comble, au vu de ma vie anarchique.

Me voilà donc dans le rang, libérée de cette pression grandissante qui m'empêchait de me projeter voilà encore peu. Quand on me demande ce que je fais dans la vie, j'avoue, j'hésite encore, je ne sais plus trop bien. Testeuse de vocations? Aventurière de la précarité? Clown ambulant? Pourquoi chercher une catégorie, après tout? J'ignore la place réelle du hasard dans ce parcours, mais cette lente remontée vers le pays "normal" me donne suffisamment d'optimisme pour que je n'aie pas à me mettre dans une case, juste pour me rassurer.

samedi 5 novembre 2011

Tornade montpelliéraine

Ouf. De retour au bercail, bien au chaud. Oui, je ne vous l'avais pas dit, mais je partais quelques jours pour le travail. Comme une réminiscence de ma vie passée, c'était à la fois troublant et excitant.

Je ne savais pas encore à quel point cela allait s'avérer fatigant et... rassurant. Je vous explique.

Avec un petit retour en arrière.

Mardi, donc, je dois écourter une fin de week-end prolongé sous le signe de l'été indien (et de l'amoooouuuur. Miss Guimauve, sors de ce corps) pour m'envoler, direction Montpellier. Oui, exactement là où un déluge a déjà eu lieu et où un autre est annoncé. Dans l'avion, on discute avec ma collègue (et, ô chance, elle est extra) et puis, soudain, je sais pas, un léger blanc. Nous sommes en train d'atterrir, le monsieur l'a annoncé dans le micro, le train d'atterrissage est en route et ça fait vrouuuuuum... et puis ça fait oups, bloup, bom, bam boum dans nos estomacs et dans nos têtes et nous remontons là haut dans les nuages.

En bas, un violent orage a éclaté et donc, ben, c'est un peu mort pour y aller, là, maintenant. Je vous passe le tour de manège gratuit au dessus de la ville pendant une plombe, on est tous ressortis avec l'impression d'être passés dans la machine à laver, essorage 1200 tours. Oups.

Après, je ne sais plus trop. Gros noeud à l'estomac, nuit agitée à me tordre les boyaux sous le coup du stress. Puis tourbillon, impression de me mettre en mode automatique, nous avions dix mille trucs à faire à la minute et si je vous dis que je ne connaissais absolument rien du secteur il y a trois semaines de cela, vous comprendrez un peu la complexité pour mes neurones d'enregistrer toutes les informations en deux temps, trois mouvements.

Là, je me suis découvert quelques talents de bluffeuse, j'ai fait genre, ah, mais oui, bien sûr, lorsqu'un exposant m'a parlé des dernières avancées technologiques de sa machine ou de l'intérêt de répondre à la norme XX000KLF au plus vite.

Tu penses, je suis née là-dedans. Hum.

OK, j'ai un peu fait mon escroc de base, j'imagine mais ça m'a permis de retrouver les automatismes de mon métier d'avant. Et je me suis dit que peut-être, en fait, j'étais encore journaliste. Ou je le redevenais. Ce qui, en soi, n'est pas un exploit, on est d'accord. C'est juste que j'avais de sérieux doutes sur la question, depuis le temps que j'étais sortie de ce domaine. Mais en fait, quand on cherche la petite bête un jour, on cherche la petite bête toujours, je suppose. Formule à la noix, j'en conviens, mais qui résume simplement le sentiment que j'ai eu face à deux interlocuteurs, d'une surprenante agressivité, qui semblaient se méfier de cette sale race, celle des scribouillards.

"Euh, monsieur, je bosse pas chez Charlie Hebdo non plus, hein", ai-je fini par rétorquer à l'une de ces personnes.

"Heureusement pour vous, vous auriez chaud ce matin" m'a-t-il répondu. Ah, il est remonté d'un cran dans mon estime, celui-là. Avant de m'expliquer que la rédaction avait brûlé. Euh, mais ça, je le sais, monsieur, je sais bien que j'ai l'air tellement à fond dans le secteur qu'on pourrait imaginer que je ne vis que pour ça, mais non, en vrai, j'ai aussi d'autres passions. Et parfois, je fais autre chose que bosser.

Ah, ah.

Enfin là, ce n'était pas flagrant, certes. En gros, je n'ai pas vu le jour. J'imagine même mes retrouvailles avec Loulou, que je n'aurais pas vu depuis dix jours, mardi prochain:

"Bonjour mon chéri, comment tu t'appelles? Moi, c'est maman."

La classe.

Petit moment de solitude, aussi, quand, vers 16h, répondant à l'appel désespéré de mon estomac, j'ai fini par dégainer la banane prise au petit déj, pour la manger vite fait dans la réserve, assise sur des cartons. Gros éclats de rire nerveux entre collègues, ensuite, au souvenir de nos impressions de la journée. Moments de complicité, au delà de la fatigue, qui font du bien. Inquiétudes à l'annonce de l'alerte rouge météo, nous laissant imaginer que l'avion du retour ne décollerait pas et que nous resterions bloqués dans ce Sud balayé par les vents, ravagé par les orages et la pluie.Inquiétudes renforcées à la vue de ces panneaux publicitaires descellés sur le trottoir ou ce vélo échoué en plein milieu de l'autoroute.

Soulagement, surtout, de rentrer à la maison. Et de réaliser que finalement, ma vie n'a pas tellement changé. C'est toujours du grand n'importe quoi, et finalement, ça me va bien ainsi.

lundi 31 octobre 2011

Cet autre cocon

11h du matin. Une tasse de thé fumante à la main, les yeux rivés sur l'écran de l'ordinateur, la douce lumière du soleil qui balaie la pièce... Le voisin fait des travaux, comme d'habitude, le bébé qui pleure tout le temps pleure encore, comme d'habitude, le ronron d'une machine à laver se fait entendre au loin, comme d'habitude...

Assise sur mon canapé, je suis un instant envahie par une drôle de sensation, une bouffée de nostalgie, presque.

Voilà deux semaines que je n'avais plus connu ce moment de quiétude, malgré ces petits bruits auxquels je suis désormais familiarisée. Voilà deux semaines que je n'avais plus ressenti la douceur du cocon.

Aujourd'hui, je suis chez moi mais je ne travaille pas, je dois encore arriver à m'enlever cette idée de la tête. Quand tu es chez toi, ma fille, tu es en repos. Oui. Parce que demain, je retourne au turbin. Oui, un jour férié. Mais c'est exceptionnel, je ne suis pas exploitée par une sombre société.

J'ai l'impression d'être rentrée dans une sorte de tourbillon et cette petite accalmie, ce week-end placé sous le signe de la fête, qui plus est (Loulou fêtait ses 8 ans) m'a permis de me poser un peu, de poser mes pensées et d'envisager l'avenir comme il se doit. Sereinement.

Ma première semaine au travail a ressemblé à une sorte de trou béant, avec cette impression de ne pas voir le jour et d'être complètement perdue. Retrouver les automatismes, tant dans les méthodes de travail que dans l'organisation quotidienne - plus cadrée qu'auparavant, hum - mais surtout, en finir avec mon ancienne vie et rendre une mission qui m'a pris mes soirées et le week-end... forcément, tout ça m'a laissé sur les rotules. Et puis la deuxième semaine est venue, avec l'impression, soudain, qu'on me retirait le bandeau que j'avais sur les yeux et que je pouvais enfin entrevoir, puis voir, imaginer, même ce que j'allais désormais vivre.

J'ai de la chance, le boulot me plaît, les collègues aussi et doucement, je me fonds dans ce nouveau rythme en songeant avec soulagement à ce que j'ai laissé derrière. Et paradoxalement, ces derniers mois me portent, car ils m'ont sacrément endurcie.

Alors oui, aujourd'hui, je lève les yeux et regarde avec une lueur d'envie le ciel bleu devant moi, parce que j'aimerais bien sortir et en profiter un peu. Et je sais que si je finis par céder à cette envie, les conséquences seront minimes. Au pire, ma maison ne sera pas nickel et ce sera le foutoir dans mon armoire. Au pire.

Fini le temps où je pouvais choyer mon home sweet home à défaut de mieux. Le mieux est l'ennemi du bien, je me contenterai de me faire du bien, sans culpabiliser, sans penser que ces heures passées à m'amuser, à vivre et à souffler me coûteront. Je m'attache maintenant à l'assurance du lendemain et tant pis si ma pseudo-liberté en prend un coup. L'autre liberté, celle que je m'étais créée, avait aussi un sacré coût.

lundi 17 octobre 2011

Même pas peur

L'autre nuit, j'ai fait un drôle de rêve où tout s'emmêlait, les gens, les choses, les situations et puis, soudainement, je me retrouvais dans l'océan, à nager auprès de mon fils, de ma nièce, de mes parents et de mon homme. Je disais à ma nièce de faire attention, il y avait un gros rocher, nous devions reprendre le large. Le danger écarté, je me sentais de nouveau remplie de cette plénitude incroyable, au milieu de l'eau claire...

Forcément, hier, lorsque j'ai vu la beauté et le calme de la mer, sur une plage pornicaise, mon sang n'a fait qu'un tour. J'ai hésité, parce qu'il nous manquait pas mal d'affaires pour nous baigner (l'essentiel, en gros, une serviette étant toujours utile à la sortie du bain, d'autant plus lorsque la température de l'eau flirte avec les 15°).

Oui, j'ai hésité et puis j'ai songé à ce rêve, au bien-être dont je m'étais sentie enveloppée et j'ai pensé aussi, que je goûtais là mes derniers jours de "liberté." Alors, comme pour le dernier jour des vacances, où l'on voit tout au ralenti, déjà gagné par la nostalgie alors que les valises ne sont même pas terminées, j'ai plongé dans l'eau, j'ai fermé les yeux et senti le froid de l'eau sur ma peau. Mais surtout cet instant fugace, celui de la félicité.

Incroyable sensation.

Être passée par toutes ces étapes, ces derniers mois, ces dernières années pourrais-je même écrire, m'a apportée plus que je ne l'aurais jamais imaginé. Oh, j'en ai pris des claques. Oh, mon estime de moi, déjà pas bien fameuse, n'a pas été épargnée. Oh, j'ai vécu de vrais moments de solitude.

Raison de plus pour savourer ce qui s'offre à moi aujourd'hui.

Demain, c'est la rentrée, le début d'une nouvelle vie, avec ce travail que j'ai tant désiré, qui me motive vraiment et qui va m'ouvrir de nouveaux horizons.

Et m'en fermer d'autres. Eh oui, on ne peut pas tout avoir. A 37 ans, je vais découvrir pour la première fois les joies des horaires. Mais surtout, je vais devoir renoncer à...

- Mes journées pyjama
- Aller courir, sur un coup de tête, juste pour me libérer l'esprit et profiter des rayons du soleil
- Prendre des rendez-vous et passer bien avant tout le monde, même chez l'ophtalmo, au simple fait que je suis disponible n'importe quand
- Vider des litres de thé, assise sur mon canapé, l'ordi sur les genoux et le plaid sur les jambes
- Faire mon ménage à 10h58 si ça me chante
- Préparer le dîner à 15h27 pour prendre de l'avance
- Enfourcher mon vélo, faire mes trois courses et revenir tranquillement, en faisant un petit détour, le temps de bouquiner sur un bout d'herbe
- M'allonger sur ma chilienne, une tasse de café à la main sur ma terrasse ensoleillée
- Amener tous les matins mon loulou à l'école, à pied, et arriver à l'arrache systématiquement
- Aller chercher mon loulou à la sortie de l'école
- Boire un verre en terrasse avec les copines le vendredi après-midi, juste parce que c'est bientôt le week-end
- Accompagner Loulou à toutes les sorties scolaires
- Partir le mercredi à La Baule avec Loulou juste comme ça
- Faire ma sacro-sainte sieste

Eh oui, vu comme ça, j'aurais de quoi m'inquiéter, imaginez-vous. Sauf que, si je suis honnête et lucide, ces moments-là, qui ont existé, ne pouvaient masquer, au fil des jours qui passaient, l'angoisse qui me tenaillait, consciente que je me dirigeais tout droit vers le monde des fantômes, peuplé de ces gens qui ont finalement tout loisir de profiter de la vie - au moins, ils ont le temps - mais aucun moyen ni plus aucune envie pour assouvir toutes leurs envies.

Alors, certes, je vais devoir jongler et m'imposer une discipline de fer pour être rapidement au point dans cette nouvelle vie, mais au moins les moments off seront-ils vraiment des moments off. Comme tout le monde, quand le vendredi soir arrivera, j'en aurai plein les pattes et envie de couper, de souffler, de vivre.

Vivre. Un concept que l'on n'a pas tout le temps d'appliquer avec un travail régulier.

Au moins je n'aurai plus à envoyer bouler les milliards de représentants qui sonnent à ta porte/appellent quinze mille par jour/te vendent une maison, un abonnement, des skis ou des pommes. Au moins, je ne pesterai plus contre ces scrogneugneu de voisins qui font des travaux alors que tu essaies de traduire du syndicaliste.

Tiens, au moins, je n'aurai plus à retranscrire du syndicaliste.

Je crois que je n'ai jamais été aussi contente de ressembler à tout le monde.

jeudi 13 octobre 2011

La surface de l'eau

Une vilaine peau, reflet de mon stress, l'impression d'être un paquet de nerfs sur pattes, des fringues qui ne vont pas, mais pas du tout ensemble et le sac-poubelle qui déverse son odorant contenu dans le couloir...

C'était pas gagné, ce matin.

Pourtant, je sentais en moi brûler la flamme. Celle de l'espoir, du renouveau, de l'envie, toussa. Que des choses positives. En ramassant avec mes mains, récemment brûlées par du destop (j'ai une viiiiie, je vous jure...), les feuilles de thé répandues sur tout le carrelage, j'ai eu comme un doute. Et puis, allez, j'allais jouer ma carte. Après, ça ne dépendrait plus de moi.

Voilà un an, à quelques jours près, que j'ai décidé de me remettre en mouvement sérieusement, en déménageant à Nantes. J'y ai retrouvé, comme je l'espérais, l'apaisement qui me manquait tant, des racines plus profondes que je ne l'imaginais et, globalement, ma joie de vivre. Oh, des doutes, il y en a eu, beaucoup. De cette envie d'indépendance qui me tenaillait, je suis repassée à celle d'un cadre plus structuré, plus rassurant évidemment.

Ceux qui m'ont suivie ici pourront penser que je renie ainsi toutes mes prises de risque pour revenir dans un conformisme certain. Peu importe, la décision était mûrie, je ne voulais plus bricoler. Je voulais redonner du sens à ma vie pro, la teinter d'ambition. La saltimbanque a vécu, je crois...

Donc, avec mon sopalin dans les mains, je songeais ce matin qu'il suffirait d'un entretien pour que tout bascule. Pour ne plus attendre d'aléatoires missions, pour ne plus calculer que 0+0 font bien 0, pour ne plus hésiter lorsque l'on me demandait ma profession. Pour ne plus me sentir en marge. Pour donner un sens à ma vie professionnelle. Pour avoir une vie sociale et ne plus maudire le bébé qui, dans un appartement voisin, ne cesse de pleurer, pendant que j'essaie de travailler.

Entre autres.

Je songeais à ce poste qui, non seulement arrivait à point, mais surtout, n'avait rien d'alimentaire. Car, petite cerise sur le gâteau, non seulement, il ne s'agissait pas de faire le larbin, mais en outre, le job promettait challenge et adrénaline, découverte de terrains nouveaux et travail en équipe...

Là, je me suis redressée. Le sol était propre et j'ai eu envie de me pincer pour y croire (pas à mon sens inné du ménage. A l'opportunité de ce job. Vous suivez, ou bien?).

Ensuite, tout s'est passé très vite. J'avais le trac, oui, mais je me suis sentie à l'aise d'emblée. Et puis le boss a abrégé l'entretien. J'entendais déjà le fameux "on vous rappellera", quand il m'a signifié qu'ici, on se tutoyait. Et que si je pouvais être sur le pont lundi, eh bien, ce serait parfait.

Là, j'ai bien pensé à me pincer de nouveau mais j'ai opté pour le stoïcisme. Enfin, presque. J'ai senti le rouge me monter aux joues. Je l'aurais bien pris dans mes bras, mais j'ai songé que ce n'était guère de circonstance. Je crois que je mûris, y'a pas à dire.

Voilà. Il y a trois ans, en octobre 2008, je fermais un pan de ma vie. Et me voilà, après une longue traversée peuplée de rencontres particulières, d'horizons nouveaux, d'apprentissages parfois cruels, parfois extraordinaires, à en ouvrir un autre.

Oh, il y aura d'autres obstacles, d'autres états d'âme, des jours de moins-bien, forcément. Mais là, j'ai juste envie de savourer le moment. De penser à tout ce qui va changer. J'ai l'impression d'atteindre la surface de l'eau après une longue, très longue plongée et de reprendre, enfin, une sacrée bouffée d'oxygène.

Je suis heureuse, tout simplement.

lundi 10 octobre 2011

De l'autre côté de la barrière

Je n'écris plus ici, je m'en veux un peu mais il est des moments, entre deux, où mieux vaut s'abstenir.

Oh, je vous rassure, tout va bien, j'aurais plein de choses à vous raconter sur ce monde parallèle, qui grossit, qui grossit, habité par une drôle de race, qui grossit, qui grossit, cette dimension qui menace de toucher la patrie entière... (ça y est, vous avez peur?)... Oui, je parle de la précarité et de ses petits, les pauvres, dans le sens littéral du terme. Les pauvres, les démunis, vous savez, qui trompent un peu leurs ennemis, maintenant, en plus. Parce que les pauvres n'ont plus forcément le cheveu filasse, ne sont plus forcément vêtus de haillons, seulement de fringues que l'on appellera vintage (aux yeux de la fashion addicted que je fus, dans un temps autre) parce que dégotés voilà une, deux, voire, ouh la la, trois saisons, du temps où faire les boutiques restait une activité autorisée et possible, sans craindre derrière de quelconques représailles.

Une seule chose demeure: le regard de l'autre. Son effroi, comme si la pauvreté était contagieuse.

Je ne vous la fais pas Cosette, je vous rassure. Je pourrais aussi vous parler du traitement que l'on réserve à ces gens "sortis de l'emploi" depuis belle lurette, à ces mines défaites, à ces regards las et ces épaules tombantes, ces silhouettes que l'on croise au détour d'un rendez-vous censé nous stimuler, nous remettre d'aplomb... Peut-être y a-t-il un rapport avec ce fameux regard effrayé, tiens. Allez savoir.

Je pourrais évoquer ces BD qui fleurissent sur le thème de l'emploi en France aujourd'hui, comme ce Working Jeanne dont je me suis délecté, hier soir, lovée sur une banquette, bien au chaud en ce dimanche soir.

Je pourrais...

Mais je suis entre-deux. Je me garde bien de toute explication pour le moment, peut-être par superstition, que sais-je, sans doute par volonté de ne pas connaître trop de désillusion, surtout. Simplement, j'aimerais vous parler de tout ça autrement, lorsque je serai vraiment de l'autre côté de la barrière.

Avec le recul, c'est toujours tellement plus facile.

jeudi 22 septembre 2011

Le coup du pipeau

Sans doute touchée par une légère crise de démence, la semaine passée, j'ai sollicité Pôle Emploi pour un accompagnement. Pas que je me sentais perdue dans la nature, mais enfin, un peu quand même.

Ce matin, je me suis vraiment interrogé sur ma santé mentale en regardant mon agenda. Pourquoi donc vouloir jouer du pipeau, dans ces réunions où l'on vous assène que si, vous pouvez retrouver le chemin de l'emploi, il suffit de le vouloir, toussa, faites-moi un beau CV et surtout, pensez bien à signer en bleu la feuille d'émargement, sinon Pôle Emploi va vous botter les fesses?

Ma part de masochisme étant ce qu'elle est, j'ai décidé d'en prendre mon parti. Et puis après tout, je n'étais pas mécontente de croiser de nouvelles têtes, fussent-elles désespérées ou désespérantes. En plus, je venais de finir une mission, mon linge était rincé et ma vaisselle repassée (oui, oh, ça va, hein), alors, pensez donc, j'y suis allée pleine de motivation.

Visiblement, j'en avais au moins autant que les trois autres personnes convoquées à la dite-réunion. La première, 45 ans environ, forte en gueule, était visiblement là parce que Pôle Emploi le lui avait imposé. Elle a évoqué les sanctions éventuelles si jamais, à tout hasard, elle avait la drôle d'idée de faire le mur un de ces quatre. Motivée, je vous dis.

Le deuxième, au physique de déménageur, énorme tatouage sur le bras, la petite chaîne qui va bien au cou et sa petite soeur autour de son lourd poignet, a vite fait comprendre qu'il n'était pas là pour beurrer les tartines, lui. Oubliant qu'il s'agissait d'une réunion collective, il a raconté sa vie en trois minutes top-chrono: père célibataire de deux enfants, cariste depuis toujours, cariste il resterait. Pas question d'envisager un autre métier, si proche soit-il, qu'il a juré, sous le regard interloqué de la pauvre formatrice.

Laquelle a frôlé la syncope lorsque ma voisine lui a annoncé, dans son charmant - mais néanmoins difficilement compréhensible - accent sud-américain qu'elle ne pourrait venir à ses rendez-vous que le lundi et le jeudi. A cause de son enfant, vous comprenez.

"Mais, alors, comment faites-vous pour vos démarches? s'est étonnée la formatrice.

"Eh bien, je les fais le lundi et le jeudi. Les autres jours, j'ai la gosse avec moi."

Ah. Pas facile, effectivement.

Entre la grande gueule de la première, visiblement prête à mordre, le garçon-boucher (pardon, cariste) qui ne veut pas bouger d'un iota et la maman à presque plein-temps, je me suis demandé ce que je faisais là. Et puis, je me suis souvenue. Oui, j'ai eu en mémoire ces mois passés, à courir après le travail, sans jamais parvenir à trouver le job rassurant et stabilisant auquel j'aspire maintenant.

Je me suis dit que, moi aussi, j'avais besoin d'être réinsérée. Mais je me suis demandé, quand même, si, comme eux, je traînais de telles casseroles pour que ma situation soit à ce point en dissonance avec la réalité, avec le monde du travail. Si j'étais, moi aussi, un boulet.

Ça m'apprendra à vouloir jouer du pipeau, tiens.

jeudi 15 septembre 2011

Jusqu'ici, tout va bien (l'histoire du mur qui arrive)

Mes journées se suivent et ne se ressemblent absolument pas, en ce moment. Oh, je sais, ce n'est pas un scoop mais le désordre prend une ampleur que je tente d'atténuer sous des couches de discipline et d'organisation. Et après, on s'étonne que je sois au bord du malaise.

Et après, donc, j'ai des moments de solitude. Et c'est comme ça qu'une (charmante) mamie de 83 ans me tape sur l'épaule en me souhaitant de bien me remettre, après un malaise vagal à la pharmacie. Où ça, le monde à l'envers?;)

Bref, mes journées-chaos sont pleines de surprises. Prenez avant-hier, par exemple. Mardi, donc, était écrit sur mon agenda : fin mission CGHS (j'aime bien les abréviations, les noms de code, tout ça, ça donne un petit côté Mata Hari à mon quotidien. Oui, oui, je sais, il y a des trucs que je devrais éviter d'écrire, si je veux garder la moindre once de crédibilité, mais je ne résiste pas). Ce qui, concrètement, signifiait que j'allais passer ma journée sur mon canapé à... retranscrire du politicard. Sans pause, sans yogging, toussa.

Sauf que j'avais fini la veille au soir, en fait. Et quand j'ai fini une mission, généralement, avant de repartir sur mes lettres de motivation, je trie mes papiers et... je vais chez Pôle Emploi, qui venait de m'envoyer une missive au contenu un rien nébuleux pour mon esprit visiblement attaqué.

La dame a, peu ou prou, éclairé ma lanterne, m'a expliqué que je ne pourrai JAMAIS revenir sur ma décision de choisir les droits pour lesquels j'avais optés et que j'étais donc sous le coup d'une suspension éternelle de toute alloc si jamais j'avais le malheur d'avoir un conjoint. Ouh la la, mon sang n'a fait qu'un tour. Et puis, je me suis souvenue que j'habitais toute seule avec mon fils, donc ça allait. Ouf.

Tant qu'à faire le pied de grue devant l'accueil, j'ai demandé à être reçue par un conseiller, dans l'optique hautement optimiste, j'en conviens, d'obtenir une formation afin de mieux maîtriser le oueb (pas que je sois inadaptée aux offres d'emploi actuelles, dans le journalisme, mais y'a de ça). Allez, hop, c'était parti pour une bonne heure d'attente, assez enrichissante.

Parce que, que fait une mouette lorsqu'elle a une heure de battement, une fois le Ouest-France lu et replié? Une fois les annonces placardées au mur balayées de son regard un rien désespéré ("Devenez saisonnier, faites les pommes!" Ou bien "Partez dans le trou du cul du monde pour devenir hôtesse au rayon charcuterie d'un hypermarché, CDD de trois semaines ; 78% du SMIC et possibilité de logement." J'aime beaucoup)

Eh bien, la mouette ouvre ses oreilles et boit du petit lait (enfin, un peu jaune quand même).

C'est comme un échantillon de la France (bon, celle d'en bas, j'imagine) qui se présente à l'accueil, devant ces deux employées, une très pro et un rien cassante (celle que j'ai eue), que nous appelerons n°1, l'autre un peu hésitante mais avenante, n°2 (je suis d'une logique, moi, je me bluffe toute seule).

Il y a ce jeune homme, le front bas (je n'ai pas dit bas du front, attention. Ne pas juger sur l'apparence. Même si l'évidence m'y incite. C'est mal, je suis mauvaise), qui vient s'inscrire, T-shirt moulé sur son torse large, short baggy du plus bel effet. En fait, on dirait un homme à l'extérieur, mais un gamin inside, comme le traduisent son allure gauche et son élocution. "A manchild", comme ils disent, les Ricains. Son père, visage buriné et bonnet de laine sur le crâne chauve (je suppose, tout du moins) vient à sa rescousse, ou essaie, tout du moins. N°2 l'envoie voir un conseiller. Enfin, les envoie, puisque le manchild ne quitte pas son pôpa d'une semelle.

Il y a cette dame âgée qui rentre dans l'agence, regarde tout autour d'elle comme si elle découvrait un territoire inconnu, s'avance de façon hésitante, finit par croiser le regard de n°2. "Voilà, c'est pour mon fils, il n'a pas touché son salaire de juillet", explique-t-elle. "Vous avez son n° d'allocataire?", lui demande n°2. La dame sort un pauvre bout de papier, scrute, et répond par la négative. "Parce que, normalement, on ne communique les informations qu'aux personnes concernées" précise n°2 (signifiant donc que, n° d'allocataire ou pas, de toute façon, la petite dame, elle devrait repartir bredouille.) Mais la dame sort une carte de son jeu: "je vais vous dire, Madame, mon fils a trouvé du travail et il est en Thaïlande actuellement."

Me voilà transportée à Phuket, je suis sur un transat, face à la plage, mon homme me masse les omoplates et je réalise combien... Aaaah, si je dormais la nuit, aussi!

Donc, n°2, visiblement à mes côtés à Phuket si j'en crois son air rêveur à l'instant, demande la date de naissance du veinard en question. Et là, scène surréaliste, la dame se prend la tête avec sa main toute ridée, ferme les yeux (je le vois à travers les rides), réfléchit longuement sous l'air interloqué de n°2... avant de retrouver la dite-date.

"Vous avez beaucoup d'enfants?" s'étonne n°2. "Non, non" répond la dame, "c'est ma mémoire qui flanche."

Ma patience pourrait flancher aussi mais voilà un homme qui arrive au guichet n°1. Un homme noir, dois-je préciser. Si, si, c'est important. N°1 le laisse parler et lui répond avec un rien de dédain, comme ça. Mais le monsieur, qui ne se laisse pas faire, demande des précisions. N°1 lui fait comprendre de circuler, c'est pas tout ça, elle a du boulot, elle. Suit une jeune femme toute pimpante, jolie robe bleue et talons hauts, et, croyez-le ou non, n°1 sort son sourire commercial et se penche davantage sur son guichet, visiblement plus attentive. Elle prend clairement son temps, converse, fait son job, oui.

Leçon du jour: pour être bien reçu chez Pôle Emploi, de ton plus bel habit tu te pareras.

Et si tu es noir, ben c'est tant pis pour toi.

Pendant ce temps, n°2 poursuit son abattage et reçoit un monsieur qui vient se renseigner sur le statut d'auto-entrepreneur. "Faites, monsieur, faites", lui indique-t-elle en lui donnant une liasse de documents. J'avais déjà noté, lors de mes dernières visites, cet empressement à diriger les gens, ces pauvres âmes perdues, vers cette solution qui reste, à mes yeux, bâtarde. Au moins, ils sortent des chiffres, ils font leur truc dans leur coin, ils n'enquiquinent personne, EUX.

Pas comme ce vieux monsieur aux dents tellement avancées (enfin, celles qui lui restent) qu'on ne distingue plus vraiment ses lèvres. Il râle, parce que, vous comprenez, il a été convoqué à un entretien, à l'autre bout de la ville, tout s'est bien passé, et puis, paf, ils ont choisi un autre candidat. Et il râle, il râle... "Vous exagérez, Monsieur", lui répond une conseillère chargée de montrer comment appuyer sur les touches du clavier et expliquer le fonctionnement du site de Pole Emploi. L'édenté, lui, il n'arrive pas à comprendre. Perso, c'est son français que j'ai du mal à décrypter. Maître Capello s'en retournerait dans sa tombe. Ecoutez-le deux secondes et vous saisirez à quel point il est parfois dur de s'insérer dans le marché du travail...

Et puis, est venu mon tour, je suis rentrée dans le bureau d'une conseillère très gentille. Vraiment. Elle m'a écoutée, j'ai senti les larmes me monter aux yeux comme à chaque fois que je mets le doigt sur ma précarité, m'a conseillée de "croire en moi", ce qui a eu l'effet immédiat de me faire sortir les mouchoirs... et a refusé toute formation dans le journalisme ou la com, "secteurs complètement bouchés." Il faut élargir mes recherches, et sans doute mon plan de carrière, a-t-elle tranché "Nan, parce que vous êtes jeune. Pourquoi ne pas faire une formation diplômante?"

En ces temps de crise, où la main d'oeuvre est plus que jamais nombreuse, disponible et donc très exploitable, j'imagine que les employeurs n'ont qu'à se baisser pour choisir des candidats expérimentés et que des personnes formées sur le tard comme moi ne constituent vraiment pas leur priorité. Mais enfin, j'écoute, je m'inscris à un organisme extérieur qui va m'aider à "redéfinir mon projet professionnel" et je sens déjà les experts en pipeau venir me seriner de conseils forcément tous plus avisés les uns que les autres.

En attendant, c'est moi qui deviens une experte en lettres de motivation. Je suis très forte dans l'art d'expliquer combien faire le larbin pour 9 euros de l'heure me passionnerait. Limite, je n'attendais que ça pour me réaliser pleinement.

Le pire, c'est que ce n'est pas complètement faux. A l'heure actuelle, j'ai vraiment envie de faire quelque chose, et jouer au larbin ne constitue-t-il pas une nouvelle expérience?

jeudi 8 septembre 2011

La quête de l'ennui

J'ai fait le tri. Enfin écrit ces lettres que je retardais tellement, certaines depuis mon arrivée à Nantes, voilà maintenant près d'un an. Enfin ressenti cette forme d'apaisement... même si elle n'est que relative. Car seule ma conscience souffle, ma situation, elle, reste en stand-by.

Comme je le souhaitais, j'ai senti l'effet bénéfique de la rentrée, cette envie de renouvellement et d'une bouffée d'air frais, loin de la mélancolie estivale. Loulou est redevenu le Loulou, certes espiègle, mais si touchant que j'avais l'impression d'avoir un peu perdu dans le bouleversement de ces derniers mois... Et moi, j'ai retrouvé cet enthousiasme qui m'avait un peu lâchée, un peu lasse de la tournure des événements.

Alors, j'ai postulé, pour des boîtes qui m'attirent, en premier lieu, évidemment. Mais aussi en réponse à des annonces, où l'on vous demande d'être le mouton à cinq pattes, Bac + 12 et disponible 24 sur 24, le tout pour 1200 euros bruts mensuels. Dans la presse, la rédaction, mais aussi la restauration et même d'autres secteurs plus inattendus parce que, après tout, on ne sait jamais.

J'ai parfois envoyé ces lettres comme des bouteilles à la mer mais quelque chose me dit qu'il faut le faire. Parallèlement, j'ai reçu de nouvelles missions et je vais donc repartir dans mon marathon rédactionnel, avec plein de politicards, de syndicalistes et leurs tics de langage - je vous en parlerai, un jour - dedans. Je m'interroge sérieusement sur la pérennité de ce blog, parce que l'envie d'écrire demeure pressante, mais que j'ai de plus en plus de mal à coucher mes envies et mon ressenti ici, comme si tout ça me semblait indécent et, oui, futile. Cette sensation de trop m'écouter me gêne.

Je tourne en rond.

Vous voyez, tout bouge et rien ne change, les doutes persistent, les questionnements m'empêchent régulièrement de vivre au jour le jour comme je m'y suis pourtant toujours appliquée. Je suis dans la projection et ce n'est guère confortable. Je rêve du jour où je vous annoncerai que, ça y est, j'ai retrouvé le chemin vers une vie, non pas plus heureuse - car je le suis, paradoxalement - mais plus rassurante.

Comme si, finalement, j'avais hâte de m'ennuyer;)

lundi 5 septembre 2011

L'ordre rétabli

A cinquante mètres de la grille, il a tourné ses lèvres vers ma joue et m'a lancé:

"Allez, au revoir, maman!"

Au moins, la rentrée n'angoisse pas Loulou. Un peu dépité que je l'accompagne jusque dans la cour d'école, il s'est finalement laissé embrasser avant de filer discuter boulets et toupies avec ses petits copains. L'un a sorti un tas de billes de sa poche, un peu en douce, en a laissé tomber deux et les a vite ramassées comme on cache vite un trésor. Hilare, la petite bande a renchéri sur ces jouets de verre et j'ai regardé Loulou s'animer. Il avait retrouvé sa joie mais surtout cette candeur que j'ai craint voir disparaître voilà peu.

Il n'avait pas vraiment changé, de toute façon. La chemise déjà sale (une histoire de chocolat et d'éternuement simultané sur le tissu blanc, un vrai bonheur), la veste en équilibre sur l'épaule, le cheveu rebelle, il retrouve l'école sans se poser de questions. C'est ainsi, voilà tout.

J'ai reculé de quelques pas, parce qu'il ne servait à rien de rester là, près de lui et j'ai écouté les parents, cette maman toute bronzée qui racontait ses vacances à une autre au teint blafard, cette autre qui critiquait déjà l'instit, ce papa qui s'inquiétait de ne pas trouver son fils sur la liste et tous ces adultes qui eux aussi allaient reprendre le chemin du bureau, après cet intermède matinal.

J'ai senti soudain un noeud serrer mon estomac, au souvenir très lointain de mes propres rentrées, où j'oscillais entre la retenue (quand ma mère m'accompagnait) et l'hystérie (avec mon père, bien plus faible devant les caprices de sa fille. Hum). J'ai songé à toutes ces rentrées, ensuite, une fois sortie du rythme scolaire, lorsque l'on rattaque une année en retrouvant les collègues à qui on raconte quelques anecdotes de vacances. Ou pas, d'ailleurs, parfois, mieux vaut s'abstenir.

Ensuite, je ne me souviens plus trop, mes oreilles, chahutées par les cris et rires ambiants, m'ont sommée de rebrousser chemin et de reprendre place à mon poste, chez moi, derrière l'ordi. Toute seule et autonome.

Oui, l'ordre est rétabli.

La liste est rédigée, les tâches prêtes à être barrées, je sens en moi l'énergie revenue et l'envie de bouleverser doucement ce quotidien plein de surprises mais déstabilisant. Loulou à l'école, je retrouve certains repères, une routine à laquelle je n'étais déjà plus habituée.

J'ai retrouvé aussi cette stigmatisation permanente qui m'avait déjà frappée par le passé. En discutant quelques minutes avec la nouvelle institutrice de Loulou, j'ai compris qu'elle avait déjà ses "fiches" sur chaque enfant. Qu'elle avait communiqué avec sa collègue, qui a eu sa classe l'année dernière, et échangé quelques informations sur les élèves. Celui-ci a du mal en maths, celle-là en français, lui est turbulent, cet autre est bavard... Après tout, elle balise le terrain, elle s'intéresse et c'est tout à son honneur.

Mais elle a eu beau me répéter qu'elle aimait bien repartir de zéro en faisant un peu table rase du passé, j'ai eu comme un doute. Certains jugements laissent des séquelles et il est difficile de les anéantir totalement. Alors, aux enfants de sortir des idées préconçues, à eux aussi d'évoluer, parce que, après tout, il n'y a pas de fumée sans feu et un gamin que l'on dit turbulent l'a probablement été et l'est peut-être encore. Mais je m'aperçois que les étiquettes, elles collent très vite et impriment à long terme le parcours d'un enfant.

Lequel ignore encore que son existence sera parsemée de ces petits riens qui le définiront ensuite comme un être sociable ou pas. Sans qu'il puisse véritablement contrôler cette image qui finira par lui échapper.

mercredi 31 août 2011

Cette fragilité-là

Silence radio. Soudain, je me suis sentie coupée des mots, comme s'ils ne pouvaient plus suffire à m'apaiser, comme s'ils m'échappaient, surtout, comme si j'avais perdu la clé pour jouer, tourner et jongler avec.

J'ai passé un drôle d'été. Entre tourments et grands bonheurs, entre sensations vertigineuses de vide et sommets d'épicurisme. Un été de frustration, parfois, mais une semaine de vacances, enfin, régénérante et durant laquelle j'ai eu le sentiment d'être moi, tout simplement, libre et sans fioritures, bien accompagnée et heureuse. Une semaine à sentir les embruns bretons, à observer l'incroyable manège des mouettes et autres cormorans, à sillonner les chemins en vélo, à respirer, à manger avec plaisir et appétit, à aimer et vivre sans contraintes.

Un drôle d'été, oui, durant lequel mon corps m'a rappelé mes excès, en me coupant les ailes et me privant de ma bouffée sportive. Or, j'ai besoin de me faire mal, un peu, de tester mes limites, pour me sentir plus forte. D'aller courir, nager ou pédaler, peu importe, pour évacuer mes habituels doutes et états d'âme. Sans ça, je me sens oppressée. Cette fois, j'ai dû composer, l'écouter davantage, ce corps, arrêter de foncer tête baissée pour accepter de me poser, me reposer, de me regarder vraiment dans la glace et faire le point.

Aïe.

Terrible constat d'impuissance, évidemment. Parce qu'à l'instar des mots, j'ai senti que tout m'échappait. Que je focalisais sur des détails de ma vie personnelle parce que, dans le désert pro qui a caractérisé ce mois d'août, j'avais besoin de me raccrocher aux rayons de soleil qui éclairent mon existence actuellement. J'ai compris toute l'importance, aujourd'hui, de me "réinsérer" dans la vie active, pour ne plus tourner en rond et être à la merci de missions toujours aléatoires. Et pour relativiser davantage, surtout.

Naïvement, je pensais qu'une fois la raison revenue, je pourrais envisager d'avoir une vie comme tout le monde, avec un cadre, des horaires, des collègues - peut-être lourds et pénibles, certes, mais des collègues, une vie autour de moi. J'ai postulé, à droite, à gauche, dans une période certes peu propice au plein-emploi, tant dans ce contexte de crise qui n'en finit pas de nous anéantir, que dans une période estivale où les DRH se dorent peut-être la pilule en Corse ou décompressent à l'autre bout de la planète (clichés, quand tu nous tiens...). Le bilan est peu flatteur, entre refus polis, recrutements finalement déjà bouclés, relances vaines et sensation de perdre pied chaque jour un peu plus avec ce monde du travail si déconcertant.

Rien de neuf, me direz-vous, je me lamentais déjà de tout ça voilà peu. Mais je déteste ce que ce constat d'impuissance réveille en moi, cette fragilité que j'ai tant contrée, repoussée, envoyée valser. Ce sentiment de n'être qu'une petite chose, au lieu de me tenir tête droite, prête à me lancer dans la bataille et lutter, vaille que vaille, pour retrouver cette sérénité professionnelle à laquelle j'aspire aujourd'hui.

J'ai lancé mon plan d'action, listé mes envies, creusé plus ou moins de nouvelles pistes et j'en suis consciente:  je suis la seule à avoir la clé pour changer la donne. Pourtant, je sens toujours ces freins en moi, sans parvenir vraiment à les déraciner. Je réalise que ces recherches d'emploi me ramènent à mon métier d'avant et que je le veuille ou non, j'ai l'impression d'une forme de régression, d'un compromis que j'aurais passé avec moi-même et qui me dérange.

Loin des ambitions d'antan, de ces rêves anéantis, de cette énergie que je sentais jaillir en moi, j'en suis là, dans ce marasme, à chercher ma place. Avec, néanmoins, ce petit quelque chose qui demeure dans un coin de mon esprit. Parce que si les mots étaient cachés au fond du placard, ces dernières semaines, cette envie de cuisiner m'a tenaillée plus que jamais dans le même temps, et il n'y a que la main dans la pâte que j'ai senti cette sérénité et cette envie de faire quelque chose de nouveau, de grand, de positif.

Je sais, il faut savoir ronger son frein, remiser certaines idées et filer droit en attendant la fin de l'orage. Je vais donc laisser derrière moi ce découragement latent et cette fragilité encombrante pour bouleverser cette vie un rien marginale qui me pèse aujourd'hui plus, bien plus, qu'hier. Et songer à tous ces fragments de bonheur qui ponctuent mon existence, ça et là, pour effacer cette image de petite chose et casser cette coquille de Caliméro qui n'a décidément aucun sens et que je véhicule depuis trop longtemps, bien malgré moi.

Bien malgré moi? Caliméro, tu sors, j'ai dit;)

mercredi 10 août 2011

De l'utilité de ne (presque) rien faire

Lundi, en descendant le chemin pavé qui mène au domaine (si si) de Poney, j'ai ressenti ce sentiment qui revient chaque fois que je me sens investie d'une "mission" : à défaut d'être divine, la dite mission a pour elle de me donner l'impression d'exister aux yeux de quelqu'un - professionnellement parlant je veux dire.

Donc, ce lundi, j'ai senti ce regain d'énergie qui s'est accentué à la vue de Poney. Sa mine était légèrement halée et, surtout, elle était souriante, moins écorchée vive que lors de nos derniers entretiens, où des événements personnels l'avaient plongée dans une lassitude vivace. Et je ne vous parle même pas de la bouffée supplémentaire que j'ai ressentie, le lendemain, après son coup de téléphone. Elle avait lu le manuscrit que je lui avais rendu et l'avais aimé. Alléluia.

Oui, on s'accroche à ces toutes petites certitudes lorsque plus rien ne vient. J'écume les annonces en vain, évidemment, et je sais que l'avenir reste très obscur. Et comme je n'ai pas le prétexte de jouer mon rôle de mère, par exemple, pour "oublier" de penser à cet avenir pro qui m'interroge, je trace de nouvelles voies, certaines très virtuelles, envisage des pistes parfois un rien improbables et... accepte une mission de retranscription de derrière les fagots, un truc horrible où on entend un type siffler, fermer un placard, jouer avec des clés, dire bonjour à son pote qui passe par là tandis qu'au fond, des gens parlent. Ces gens dont, justement, je suis censée retranscrire les propos. Aïe.

On est d'accord, il faut que ça cesse.

Vous voyez, rien de neuf, donc, sinon que je rêve de vacances, même si la météo absolument pourrie qui n'épargne personne me permet de relativiser. Aller à la plage en ciré, c'est bon, j'ai donné, c'est moyennement drôle. Ah, histoire de pimenter un peu mon quotidien, j'ai eu la bonne idée de tomber malade, me transformant en sorte de zombie qui voudrait néanmoins résister à la léthargie...

Peine perdue.

Mince, pour une fois que je n'ai quasiment aucune contrainte à respecter et que je peux dîner d'un thé et de céréales si ça me chante ou veiller sans penser au réveil trop matinal du lendemain, c'est la tuile.

Ce qui m'a fait le plus bizarre, c'est la réflexion du médecin qui me demandait si je travaillais. Pour savoir s'il me donnait un arrêt-maladie, bien sûr.

Euh non, ce ne sera pas nécessaire... Sur ce, je suis retournée comater en me disant que je passais vraiment un drôle d'été, tiraillée entre toutes ces envies de liberté qui s'offrent à moi et la prise de conscience que ma vie a définitivement changé. Que mes conditions de vie ont changé. Que j'ai changé. Tout court.

Et vous savez quoi? Ça ne m'a même pas déprimée. Bien au contraire.

mercredi 3 août 2011

Ce léger désoeuvrement

Combien de fois ai-je songé que je ne pouvais sortir ici, me rendre là, goûter à ceci ou envisager cela car... j'avais mon fils ce soir. Oui, l'année scolaire passe et elle est pleine de ces mini-sacrifices maternels qui, au final, ne laissent pas vraiment de traces. On s'en accommode, voilà tout.

Parfois, aussi, on se sent bousculé par cette routine école 18h-dîner 19h - coucher 20h et quand l'heure des grandes vacances sonne, on a juste envie de donner un grand coup de pied là-dedans et de vivre, vraiment, sans contraintes. Sauf que 1/ Loulou est fatigué de son année; 2/ Loulou, du coup, est fatigant; 3/ Les enfants ont besoin de sommeil, emploi du temps free ou pas; 4/ Les parents ont aussi besoin de souffler; 5/ Et puis les vacances sans partir, ça devient long.

Je crois avoir un peu surestimé mes forces le mois passé, imaginant emmener Loulou par monts et par vaux découvrir les rivages et terres, sinon de l'hexagone, au moins de notre région... En fait, il a dû se contenter de quelques tours de tyrolienne dans un parc, d'une baignade tout habillé (en jean-parka, sinon c'est pas drôle) dans une piscine artificielle (en béton!) d'un parc nantais par -12 degrés et une pluie battante, quelques vagues promenades amicales, deux-trois pestacles de chevaliers et de théâtre, une petite virée express à la mer (toujours par -12, mais cette fois en maillot de bain, quelle mère prévoyante je suis, quand même) et des après-midis chez les grand-parents parce qu'il paraît qu'il avait une mère débordée par le travail. Si si.

De toute façon, quoiqu'on fasse, il trouvait tout nul.

Vive l'adolescence.

On me dit que mon Loulou n'a que 7 ans et demi.

Soit.

...

Autant vous dire que je suis très moyennement satisfaite de ces pseudo-vacances passées tous les deux. Pourtant, le mois d'août venant, j'ai bien dû m'en contenter parce qu'il est parti chez son papa, me laissant seule avec tous ces trucs que, donc, j'allais pouvoir faire, sans avoir à me soucier de l'heure. Yipppppaa, liberté chérie...

Eh ben, le truc, c'est que j'ai du mal.

Je ne sais plus quoi faire de tout ce temps. Partir en vacances? Ah ah, c'te blague. Travailler? Les missions sont finies pour le mois. Chercher du travail? Je m'y suis collée en envoyant quelques lettres, comme des bouteilles à la mer tant je sais que la période n'est pas propice au recrutement. Mais j'y crois, c'est déjà ça...

J'exagère un peu, car finalement, ce temps m'a permis d'avancer sérieusement sur le manuscrit de Poney. Je suis à l'affût de la moindre annonce qui pourrait se rapprocher de mon profil (l'espoir fait vivre), je peux aller faire du sport quand je veux et sortir comme bon me semble.

Mais devenir "kid-free" quand on a l'habitude d'avoir dans ses pattes un loulou un rien hyperactif, ben, que voulez-vous, ça perturbe.

Je réalise aussi que le gouffre entre ma vie et celle, lambda, des gens salariés (ou indépendants, certes, mais avec des clients réguliers), s'élargit chaque jour un peu plus. Pas question de pleurer sur mon sort, ne pas partir au soleil ou à l'aventure n'est pas non plus catastrophique. C'est l'angoisse du lendemain qui m'étreint un peu, me dire que tous ces gens en goguette actuellement vont réintégrer leur poste demain, dans une semaine ou à la rentrée, pendant que j'en serai toujours à me demander où est ma place.

A moi de l'inventer, je crois. Voilà une perspective pour les jours à venir. En ces temps de disette, c'est déjà pas si mal, non?

lundi 25 juillet 2011

Mémo du bonheur

Alors que je vivais sur mon petit nuage, depuis quelques mois, simplement heureuse et apaisée, j'ai songé brièvement écrire, comme un mémo, une sorte de liste. Oui, une liste de ces choses qui me rendaient si euphorique, qui m'avaient permis de balayer les nuages et qui me donnaient le sentiment de toucher du doigt le Bonheur.

La semaine passée, alors que je nageais en plein désespoir, les larmes longtemps maîtrisées, mais tellement coincées qu'elles me donnaient la nausée, oui, avant que ces larmes ne sortent au pire moment  - devant le conseiller de Pôle Emploi - alors que j'étais redevenue cette boule d'angoisse tétanisée par la peur de tout, j'ai songé brièvement à quel point j'avais été idiote de ne pas rédiger ce mémo. Juste pour me souvenir de cette liste de choses qui, globalement, n'avaient pas vraiment changé et qui auraient dû me donner le sentiment de toucher du doigt le Bonheur.

Aujourd'hui, je n'ai pas trouvé la solution à toutes les questions matérielles qui se posent à moi, mais je serais capable, je crois, d'écrire ce mémo. Le sourire est revenu, le moral avec, les envies, l'énergie, la volonté d'avancer et de croquer dans cette vie insensée que nous menons et qui nous mène, surtout.

Je serais capable de l'écrire, ce mémo...

Et en même temps, je n'en vois pas (plus?) trop l'intérêt.

Car j'ai bien compris que la vérité d'un jour n'était pas celle du lendemain et qu'un seul grain de sable pouvait enrayer un système pourtant bien huilé. Qu'on pouvait envisager avec le sourire ou le chagrin la même situation. Cette éternelle histoire du verre à moitié plein...

Comme pour ma cuisine, je n'ai pas de recette pour le bonheur. Je change souvent les ingrédients de la recette initiale, je m'autorise pas mal de libertés, j'enlève un peu de ci - soit-disant le truc indispensable pour le succès de la recette - et je rajoute cela - le truc risqué, normalement. Pour avoir cette sensation, j'imagine, d'inventer, de rajouter ma petite touche.

Dans les commentaires du précédent post (auquel je ne peux pas répondre, dès que je ne suis plus une quiche en informatique, je vous sonne), Anne pointait le doigt sur cet aspect. Ce goût du risque. Cette envie de me coller à chaque fois au pied du mur, qui me met souvent minable, j'en conviens, mais qui m'aide aussi à rebondir. Comme pour la cuisine, je crois que j'ai envie d'inventer ma vie. Alors, forcément, il y a des ratés. Je navigue entre les lignes, j'en rattrape une, parfois, j'essaie de la suivre, hop hop hop, elle me lasse, j'en franchis une autre mais parfois... bah il y a un gouffre entre ces tracés structurants.

C'est ce qui s'est passé pour moi. Je me suis retrouvée perdue au fond de ce gouffre et je réalise que je ne le supporte plus. J'ai besoin de me raccrocher à quelque chose d'un peu rassurant (comme tout le monde, je ne me prends pas pour un modèle unique) (quoique, ce serait peut-être mieux pour l'équilibre collectif, qu'il n'y en ait pas trop, des comme moi...) et quand je sens que je n'ai plus prise sur rien, ben....

Badaboum.

La mouette est KO.

Je considère aujourd'hui le départ de mon travail passé comme le début d'une nouvelle vie. Pas une renaissance, parce que j'y avais bien vécu, globalement, mais l'ouverture sur un monde nouveau, avec un regard plus attentif sur ce qui m'entoure, comme si j'étais sortie d'années de léthargie, solidement ancrée dans ma bulle. Depuis ce jour d'octobre 2008 où j'ai largué les amarres, j'ai connu l'euphorie, les doutes, les projets, les rabats-joie, les gens qui consolent et qui encouragent. Je me suis sentie chaque jour vibrer davantage pour cette liberté qui, d'un point de vue assez prosaïque (les sous, toussa), m'affaiblissait.

Elle m'ouvrait des portes que je n'avais même pas envisagées auparavant. Et refermait paradoxalement le cadre dans lequel je m'étais construite, me faisant sentir plus encore à l'étroit, dans cette période d'entre d'eux, balancée entre mes vélléités d'indépendance et l'envie de "vivre comme tout le monde", et de taire ainsi des angoisses somme toute légitimes, à coup de revenu fixe et de tickets-restaurant.

Je me suis découvert une sensibilité nouvelle, aussi, ressentant des choses que mon esprit ne me laissait visiblement pas le loisir de cerner, auparavant. Parfois, cette chose qui monte en moi m'effraie, d'ailleurs, tant j'ai l'impression d'être devenue une éponge.

En écrivant tout cela, j'ai l'impression de me répéter, et pourtant, à chaque "crise" existentielle, tout me ramène vers ce chemin de départ. Comme pour m'encourager. Comme pour me dire: "regarde le chemin que tu as parcouru." Chemin vers la découverte, oui. Chemin vers la précarité, aussi, évidemment. Je ne peux le contester et, une fois encore, c'est comme si j'avais eu besoin de creuser très profondément pour savoir jusqu'où j'allais pouvoir résister.

Mais la grande différence, c'est que, aujourd'hui, je n'attends pas d'être ensevelie par le sable qui retombe, je trébuche, je tombe et je m'écorche, parfois, et puis je me raccroche à cette micro-énergie qu'il me reste pour réagir. Je pense à mon fils, je pense à mes amours, je pense à ces petites surprises qui s'amoncellent, ces petits signes, ces infimes gestes qui me font revenir à la vie.

Et je sais qu'aucun mémo ne pourra mieux les rappeler que mes souvenirs, quelques mots, un regard et mon envie de collectionner, encore et encore, les images d'une vie différente, certes, mais colorée et en mouvement.

mardi 19 juillet 2011

Passage à vide

Je pense que vous commencez à me connaître et vous le savez donc: la logique et moi, ça fait quinze.

Au moins.

Alors que je suis censée baigner dans la félicité, remontée par les derniers événements d'une vie toujours pleine de surprises, alors que nous sommes en été, période plutôt propice au bonheur, de mon point de vue, alors que j'ai collé de la guimauve partout sur ce blog, eh bien...

J'ai eu un gros coup de moins bien. Une angoisse incroyable qui m'a sauté au visage, tenaillé l'estomac et paralysé tout membre actif jusque là. J'exagère à peine.

Des angoisses, devrais-je même rectifier. Loin de la zen attitude qui me berçait ces derniers temps, la morosité, le doute et le désespoir ont envahi la moindre de mes terminaisons nerveuses.

Je sentais la déprime me gagner mais le pompon a été atteint avec la confirmation, lundi, que, effectivement, je n'aurai plus de mission avant la rentrée. Plus de boulot de psychopathe, plus de soirées prolongées devant l'ordi jusqu'à trois heures du mat', plus de syndicaliste mateur et lourdaud? Alléluia. Mais plus de moyen de remplir le vide, plus de prétexte - finalement - pour ne pas chercher un "vrai" travail (avec des morceaux de rémunération digne de ce nom, je veux dire)... et plus de sous, forcément.

Là, je suis logique, tiens.

Je me suis sentie embarquée dans un tourbillon et j'ai bien compris ça allait être coton pour en sortir, comme ça, d'un claquement de doigt.

Vous me direz, c'est normal et très humain, ces petits passages à vide. Oui, bien sûr. Cela ne les rend pas forcément plus tolérables. Je m'inquiète pour l'avenir? Je peux, certes. Pas de taf en perspective pour août, je vous le disais, un compte en banque qui va frôler les tréfonds, et des envies, malgré tout, d'aller m'évader un peu, pour faire comme tout le monde, alors que je n'ai pas choisi la vie de tout le monde et que je dois donc assumer cette option liberté que j'ai cochée, un jour d'insouciance. Sans passer par la case "vacances".

Non, non, je ne veux faire pleurer personne. Y'a pire, on est d'accord.

Je réalise à quel point je voudrais tout, conserver cette indépendance et cette gestion du temps d'un confort absolu (et je ne pense pas uniquement à mes journées pyjama;)), mais pouvoir m'offrir, moi aussi, un temps de repos, une évasion, sans le payer ensuite. Vous voyez le genre.

Oui, je suis (trop) capricieuse.

Et je prends aussi conscience que j'ai souvent besoin d'être au pied du mur pour réagir. La situation n'est pas inédite, pour moi. Mon statut est précaire, il faudra bien que je me rende à l'évidence, un jour. Et que j'agisse, enfin, pour changer les choses puisque je ne supporte visiblement pas cet inconfort. Forte de ce constat d'une profondeur navrante et parce que je n'aime pas rester dans ces sombres pensées, j'ai décidé de retourner trifouiller les pistes que j'avais envisagées pour l'avenir, un autre jour de désespoir.

Plein de choses m'attirent, je n'ai pas envoyé la moitié de mes candidatures depuis mon arrivée à Nantes et j'ai enfin retouché à mon CV. Au fond, rien n'a changé depuis hier mais je sens comme un léger mieux, un apaisement et la sensation qu'un lendemain un rien plus prospère peut se dessiner.

Avant de chasser une nouvelle vilaine angoisse qui m'étreint, parce que je ne sais pas par où commencer. L'éternel mouvement de balancier, décidément. Je regarde le champ des possibles: il me semble à la fois large et tout réduit.

La logique et moi, je vous dis...

dimanche 17 juillet 2011

Grandir

Loulou m'épate, depuis quelques temps. Sans le vouloir, j'avais coché l'option "ver de terre" et "peu discipliné" à sa naissance et puisque les retours sont un peu impossibles en magasin* (au niveau approvisionnement et gestion du stock, le rayon bébé est un peu nase dans ce type de commerce), j'avais décidé de m'accommoder de ce caractère un rien bougeant (et épuisant).

Surtout, je m'étais fait violence pour tenter de remettre tout ça sur de bons rails. Une histoire de cadrer l'enfant, lui fixer des limites et le remettre à sa place.

Un truc qu'on appelle "l'éducation". Tiens, je peux même mettre un E majuscule, tellement c'est sacré.

L'Education.

En théorie, c'est finalement facile. Une boulette = une réprimande. Qui peut aller de la simple petite réflexion ('"oh non, mon chériiii, c'est pas bien de mordre les doigts de ton petit copain) à la pire des punitions (15 jours sans DS, cette génération me désespère. Et le pire, c'est que nous en sommes responsables) (de la situation et de nos gosses, oui).

En pratique, lorsque la vie se charge de nous plomber un peu nos bonnes intentions à coups de soucis divers, fatigue variée et gestion en solo, ben, ça se complique. On finit par tout mélanger, on hurle sur son chériiiii parce qu'il a mis UNE miette par terre mais on ne va rien lui dire lorsqu'il éborgne son petit camarade (qui n'est pas un angelot non plus, soit dit en passant) (et qui n'était déjà pas très beau, mais ça, il n'y peut rien, le pôôôvre) (l'éborgner, dans ces conditions, c'est vraiment moche, quand j'y pense).

On chronomètre le temps passé sur les écrans (DS, télé, ordi) et trois mois plus tard, on réalise qu'on a laissé la chair de notre chair toute la journée se péter les neurones et s'exploser les pouces sur des touches pendant qu'on était occupé à bosser.

Bref, tout vole en éclats, on comprend mieux pourquoi le mode d'emploi n'était pas fourni à la livraison du modèle et on se trouve confronté à divers choix:

1/ Se tirer une balle (option peu judicieuse, qui va nettoyer derrière? Et pas que la tache de sang que ça va laisser, je veux dire);
2/ Tenter une lobotomisation sur l'enfant terrible (mais affronter les reproches du père pour les cicatrices laissées sur le crâne de chériiiiiii) (et risquer de récupérer un légume, léger détail) ;
3/ Aller en hôpital psy se refaire une santé (ah ah);
4/ Mettre une laisse à chériiiiii;
5/ Assumer.

Prendre son mal en patience, en gros.

Je vous le dis tout de suite, la patience n'est pas, mais alors pas du tout ma vertu première. Mais puisque, de toute façon, aucune autre solution ne s'imposait, j'ai patienté, donc.

J'ai pensé qu'un jour, Loulou allait grandir, s'assagir. En l'aidant dans ce sens, évidemment. Pas question de lui lâcher la grappe. Je me suis donc fait une nouvelle fois violence pour ressembler à une maman à peu près ferme, bien consciente de l'intérêt de la chose. Il y a plein d'expressions pour ça: "lui serrer la vis", "remettre les points sur les i"... Euh... L'éduquer et assumer son rôle de parent, tout bêtement.

Et parfois, les miracles arrivent.

Loulou a grandi. Il peut rester calme plus de douze secondes. Il peut même obéir, rendez-vous compte. Le comble de ma joie a été atteint cette semaine, lorsque le beau-père d'une amie, la soixantaine autoritaire, m'a dit: "dis donc, il est drôlement calme, votre fils."

Je n'avais pris aucune drogue, le beau-père non plus. Quant à Loulou, hormis une glace, il n'avait avalé aucune substance qui aurait pu avoir quelque incidence sur son comportement.

J'ai regardé Loulou, qui jouait tranquillement dans le salon. J'avoue, j'ai un peu écarquillé les yeux, mais c'était bien le même modèle - ce diablotin qui m'avait tellement rendue marteau, parfois - qui assemblait les lego avec application et sans broncher.

J'ai failli entamer un pas de danse de la joie avant de réaliser que, 1/ j'étais en tong et j'avais de la route à faire, derrière ; 2/ ça ne servait à rien d'éveiller les soupçons des gens sur une éventuelle folie que je pourrais cacher au tréfonds de moi-même; 3/ finalement, rien n'était acquis et qu'il fallait juste que j'envisage cela comme un encouragement.

Je deviens raisonnable, moi, j'en reviens pas. Je me demande si j'ai pas grandi, tiens.

...

Bon, le revers de la médaille, c'est que Loulou commence à faire les mêmes rêves de psychopathe que moi. A 3 heures du matin, voilà deux nuits, il m'a réveillé, en hurlant qu'il avait fait un cauchemar: son père lui avait coupé la tête. Et cette nuit, quelqu'un d'autre lui a coupé le coeur en deux. Mais ça va, dans un cas comme dans l'autre, il a survécu.

Ouf.

* Ceci est du 15e degré, j'en vois déjà qui cherchait le numéro de la SPA, oh.

vendredi 15 juillet 2011

De l'idée de célébrer une fête nationale

Le bonheur, quand on est free-lance (c'est mieux que "galérienne en chef", non?), c'est définitivement de pouvoir gérer son temps comme on l'entend. Alors oui, on peut aller courir/nager/danser (ça non, toute seule, c'est bof)/ faire ses courses ou passer chez nos amies les administrations quand ça nous chante, évitant le rush de tous ces pauvres salariés, condamnés à poireauter à la Poste ou derrière la dame-qui-a-choisi-de-faire-son-plein (au bas mot 200 euros dans le chariot) à la caisse du Le-le, forcément la caisse la plus looooongue du monde car on a toujours le chic pour choisir la pire.

Vous savez quoi? On peut même s'offrir des escapades à droite et à gauche, une virée à la mer, quelques pâtés de sable avec Loulou ou une balade sous la brise avec une copine, comme ça, juste pour "prendre l'air" (expression que j'ai longtemps détestée, je vous expliquerai pourquoi, un jour, sans doute). Emmener Loulou, toujours lui (une histoire de vacances scolaires, si si), au ciné ou sur les bords de Loire pour un tour de vélo...

Je comprends bien, vous m'enviez, vous avez limite envie de m'étriper tant cette vie a priori sans contraintes vous semble juste idéale.

C'est là que s'installe le doute, de façon insidieuse. Ai-je vraiment choisi le confort? Euh, clairement, non. La liberté, donc, oui, on est d'accord. Pour le reste, c'est un peu chaud les marrons quand l'heure de remplir son assiette a sonné.

Depuis un petit moment, les missions s'enchaînent sans que j'aie le temps de dire ouf. Du coup, consciente de ce besoin irrépressible d'aller "prendre l'air", je n'ai pas renoncé à ces bouffées d'oxygène, sinon quotidiennes, au moins hebdomadaires. Mais comme mon boulot de psychopathe nécessite quand même quelques heures de concentration extrême, je me dédouble.

Oh, je sais, ce n'est pas un scoop, mais plus le temps passe, plus j'ai l'impression de déborder sur mon quota "d'heures de vie" tandis que le labeur augmente chaque jour un peu plus. Et plus j'ai l'impression, ensuite, de m'auto-punir, en consacrant mes soirées, des demi-nuits parfois, à la retranscription de grands malades qui exigent de meilleures conditions de travail et une vie plus agréable.

Les cons.

Alors, pour la fête nationale, partagée entre l'envie de profiter du soleil sur la terrasse familiale et l'obsession de terminer ce taf qui n'en finit plus, cernée de ces heures nocturnes à repousser le sommeil (qui se venge ensuite, le rancunier, en ne revenant pas quand on l'appelle...), rongée par la culpabilité, aussi, d'avoir laissé Loulou chez ses grand-parents (ça, ça va), mais surtout deux jours de suite à mon côtés pendant que je m'échinais sur l'ordi (oh, lui ne s'est pas plaint d'avoir la DS en accès libre. Je l'ai très mal vécu de mon côté, allez savoir pourquoi), je me suis dit qu'on allait allier l'utile à l'agréable, et que j'allais prendre l'air en bossant.

Manger chez pôpa-môman avant de retourner au labeur. Jouer à l'extérieur, plutôt qu'à domicile, en gros.

Installée sur la table de jardin, les pieds réchauffés par les lattes de bois tiédies, j'ai passé l'après-midi à avancer ma synthèse d'un comité technique paritaire totalement exaltant, avec Loulou pas loin, mais occupé, au moins, à commenter le Tour de France avec son papi. Parfois, j'ai jeté un oeil, apercevant son sourire non feint et son plaisir d'être là, de poser des questions et d'entendre le laïus de son grand-père en retour.

A un moment donné, Loulou est sorti des jolies envolées sur les cyclistes pour s'aventurer sur un autre terrain, plus... social. Plus historique, aussi.

Intrigué par les feux d'artifice dont il avait eu l'écho la veille au soir, il nous a demandé pourquoi le ciel avait ainsi pété, alors qu'il n'y avait même pas d'orage. Nous voilà partis pour un couplet sur le 14 juillet, la prise de la Bastille, la fin d'un système monarchique et la Révolution française. Et on enchaîne, allez savoir pourquoi, sur une autre révolution, Mai 68. Mon père lui explique que les gens ont pris des pavés, toussa, et qu'ils ont revendiqué de nouveaux droits, l'évolution de la société et que le mouvement "a permis au monde de bouger".

"De combien de mètres?" a demandé Loulou, imperturbable.

Là, j'ai bien failli me faire dessus, songeant que mon choix de bosser sous le toit familial était judicieux. Ç'aurait été dommage de louper ça, non?

Le pire, c'est qu'on n'a même pas su lui répondre;)

dimanche 10 juillet 2011

Brise légère

Je crois que l'un des moments que je préfère, c'est lorsque je m'allonge sous un arbre, en prenant tout mon temps et que je lève doucement les paupières. J'essaie de choisir un endroit calme, ombragé et confortable mais je dois parfois me résoudre à un espace un peu rocailleux - la sécheresse a frappé. Qu'importe.

Je tâte le terrain, donc. Je m'étire un peu, avant de goûter à ce moment toujours savoureux.

Je sens mon corps tonique, parce que je viens de finir de courir, et extrêmement réceptif. Mon oreille l'est, aussi, et je m'étonne que les paroles collent justement à l'instant.

Je respire. Je lève les yeux au ciel et, à moins d'une facétie d'un oiseau qui aurait bouffé un clown, là, c'est juste le paradis.

Le vent bruisse légèrement dans les feuilles. Des rais de lumière s'infiltrent ça et là et dorent mon visage rougi. Je fais l'étoile et je suis juste bien. Je fais le vide. Et puis les pensées reviennent au galop, finissent par se bousculer mais je les accueille avec un nouveau regard, un nouveau sentiment.

Je repense à ces dernières heures, à ces derniers jours, à ces dernières semaines.

A ces derniers mois, même. Les trois restaurants pour lesquels j'ai eu le bonheur de travailler sont soit fermé, soit en instance de l'être, soit vendu. Je me dis que la fronceuse de sourcils n'avait pas complètement tort. Que l'amour paternel me protégeait, finalement, contre ces folles propensions que je nourrissais de vivre de mon affaire.

Oui, je repense à ces images en ayant ce sentiment diffus qu'elles appartiennent à une autre vie, à un autre moi. Je le ressens de façon d'autant plus aiguë chaque fois que je vais au Mans, comme si cette petite chose que j'étais, paradoxalement pleine d'envies et d'ambition, avait quitté mon enveloppe corporelle et mon esprit, pour se mouvoir dans un corps nouveau et une tête finalement presque plus insouciante. Comme si les galères et errances passées m'avaient enlevé un poids, alors qu'elles auraient dû me plomber davantage.

Je suis sous mon arbre et je me sens légère.

Bien sûr, je reste affectée par des micro-événements, par les états d'âme de mes proches, les questionnements qui les laissent dans une forme de désarroi que je ne peux maîtriser. Mais dès qu'il s'agit de moi, j'ai tendance à relativiser, à laisser cette forme de nonchalance et de détachement reprendre le dessus sur mes ambitions. Y'a pas mort d'homme... Sorte de leitmotiv que je traîne depuis longtemps, très longtemps mais qui prend toute sa mesure aujourd'hui.

Un exemple? J'ai passé un entretien, voilà quelques semaines, pour un poste qui me bottait vraiment. L'idée d'une situation un peu fixe m'a effleurée avec un certain enchantement, à vrai dire. Et lorsque j'ai finalement reçu le verdict - non, évidemment. Vous pensez, malgré mon long silence ici, je vous l'aurais raconté. D'ailleurs, la terre entière en aurait probablement été informée - je n'ai rien senti. Même pas une once de déception. Et je vous jure qu'il me plaisait, ce job.

Au lieu de ruminer ce nouveau revers, j'ai filé à la mer. Heureuse. J'ai passé un week-end assez magique (oui, ok, je n'étais pas seule, ça peut aider), sans penser une minute à cet épisode.

Un refus n'allait quand même pas perturber ma bonne humeur, pas vrai... Pour tous les galériens, j'imagine que la situation semble inconcevable, et je pense que, un an plus tôt, j'aurais été à la limite de la pendaison. Mais, je ne sais pas, j'imagine que je me contente de ce que j'ai. Je multiplie les missions, je continue d'écrire pour Poney, je croise des syndicalistes mateurs et des politicards avenants...

Je vis.

Je suis sous mon arbre et je songe à ce constat tellement prosaïque: je vis. Ces derniers mois, j'avais appris à ne plus me projeter. Je suis dans l'instant.

Je regarde le soleil décliner doucement. Les feuilles onduler très légèrement. Je me lève délicatement, je sens mes muscles endoloris et la douceur de la brise. J'ai perdu la notion du temps.

Il est tard, sans doute. Qu'importe.

Il fera jour demain.

vendredi 24 juin 2011

Savourer sa chance

Voilà un an, j'étais en quête éperdue d'un appartement à Nantes. J'aurais pris, non pas n'importe quoi, mais enfin, j'avais une telle envie de retourner vivre dans la ville de mon enfance que je me serais accommodée d'un truc pas trop nul, j'imagine. A l'époque, on m'avait signifié trois ans d'attente, au bas mot, et après une lutte sans merci avec des propriétaires privés exigeant des revenus quinze fois supérieurs à leur loyer, j'avais fini par trouver une humaniste, qui m'avait donc loué son appartement.

Mon home sweet home actuel.

Évidemment, maintenant que je suis bien installée, après quelques épisodes épiques, je n'ai nullement envie de bouger. Loulou non plus, d'ailleurs, qui a dû s'adapter à une nouvelle vie, une nouvelle école, de nouveaux copains, enfin, vous voyez bien.

C'est toujours dans ces cas-là que l'on vous rappelle, en général (c'est la même chose avec les garçons, d'ailleurs, j'ai remarqué: tu es dans le désert pendant x années, aucun ne s'intéresse à toi. Suffit que ton coeur s'embrase pour l'un de ces spécimen et voilà que tout le troupeau débarque. Bref). Tout ça pour vous dire que, malgré une tonne de travail à rendre pour hier, je suis passée visiter un appartement, aujourd'hui, dans la commune que j'avais citée en haut de ma liste, qui plus est. Plus par correction qu'autre chose, à vrai dire, parce que je connaissais déjà ma réponse (je ne bouge plus. Et je garde le spécimen en boulant le troupeau. Mais ceci est une autre histoire, hum).

Dès que je suis rentrée dans l'appartement en question, j'ai su. J'ai su que je perdais mon temps. Oh, il n'était pas sale, les pièces étaient plutôt grandes, il y avait même un balcon, c'est vous dire. Mais ça sentait le malheur. La tristesse. Le désarroi et la solitude. La locataire m'a accueillie avec son fils de deux ans et demi dans les bras. Elle était gentille. Lasse, visiblement. On a fait le tour de l'appartement, j'ai vu qu'elle avait mis le lit de son fils dans sa propre chambre, enlevant les portes du placard pour faire de la place. Je l'ai trouvé un peu grand pour dormir dans la même pièce que sa maman, mais enfin, j'imagine qu'il y avait une raison.

Oui, il y en avait une: il manquait une chambre. Mais voilà un an, quand on lui a proposé un appartement, elle a accepté, oh pas n'importe quoi, mais elle avait un tel besoin de se loger vite avec ses deux enfants qu'elle s'est accommodée du premier truc proposé. Car elle venait de perdre son mari - la petite trentaine au vu des portraits trônant dans le salon - et elle devait se retourner vite.

Toute la différence entre le besoin et l'envie.

Je suis rentrée chez moi. Comme dans un cliché à trois sous, les nuages avaient laissé place à un grand ciel bleu. Un écureuil est passé juste devant moi, sur le parking. Une voisine m'a saluée et mon balcon était baigné de lumière. Soudain, je me suis sentie un rien capricieuse. Oh, bien sûr, je n'allais pas stagner dans ma vie d'avant en relativisant sur le fait que je ne manquais de (presque) rien, pendant que d'autres ont tout perdu (ou presque). Mais parfois, je réalise à quel point la colère m'empêchait de voir quelle chance j'ai, de vivre sans ce malheur presque palpable; sans ce mal-être qui sortait de tous les pores de cette jeune femme, portant littéralement à bout de bras ses enfants ; sans cette question au bout des lèvres: pourquoi?

samedi 18 juin 2011

De l'impact du rooibos sur une déprime passagère

C'est drôle, quand même. Dans la semaine, j'avais entamé un post, que je n'ai finalement pas publié, qui ne disait pas grand-chose d'autres, finalement, que des banalités. Oh, de jolies banalités, une vie qui roule, l'impression de nager dans une mer de chamallow ou de me rouler dans un champ de bisounours, c'est selon. Cette sensation que tout s'est mis en place, que l'équilibre est trouvé, que la chance a tourné.

Que je n'ai jamais été aussi heureuse de ma vie.

J'y racontais comment ma dernière visite à Pôle Emploi, qui aurait dû m'accabler, ne m'avait finalement pas plus affectée que cela ; comment j'avais acquis de nouveaux droits mais tellement riquiqui que c'en était risible, finalement; comment tout cela me laissait impassible, consciente que je suis aujourd'hui d'avoir sabordé pas mal d'ambitions professionnelles pour y gagner en équilibre général.

Petite parenthèse, oui, on peut s'épanouir dans le travail, j'en reste persuadée, mais il n'est plus, à mes yeux, la condition d'une sérénité totale. D'ailleurs, il me suffit d'écouter divers témoignages de proches ou de moins proches pour comprendre à quel point le monde du travail broie chaque jour davantage ses petites fourmis. C'est accablant. Fin de la parenthèse.

Je parlais de choses plus futiles, aussi, de ces moments volés où le temps semble se figer comme pour mieux nous laisser en profiter. De bonnes nouvelles, de missions diverses et variées, de mon bras figé par une overdose de sport (!) ou de la forme incroyable de Loulou qui joue aux gourmets et note mes plats. Autant vous dire que je n'étais pas peu fière lorsqu'il a considéré que mon tagine à l'agneau et aux fruits secs méritait un "A" comme "Acquis", tandis que son accompagnement, de l'épeautre aux petites légumes, devait se contenter d'un "en cours d'acquisition" parce que... trop chaud (on a les critères que l'on peut).

D'ailleurs, nouvelle petite parenthèse, ce système de notations me laisse un peu perplexe. Pas de note sur 10 ou sur 20 à l'école, Loulou a des A (Acquis), des ECA (En cours d'acquisition) ou des NA (Non acquis - attendez qu'il me ramène cette dernière note, non mais) (comment ça, je fais mal la mère d'élève engagée et intransigeante? Pff ). Genre, les notes, c'est vraiment trop traumatisant. Mouais. Bon.

Bref, je vous racontais mon retour en hémicycle, pour de vrai, en pingouin, en savourant, malgré tout, cette impression d'exister socialement, le temps d'une réunion. Je vous expliquais comment, quelques minutes avant les débats, une vendeuse de parapharmacie m'avait prise pour une reine de la pampa, rubis sur ongle ou que sais-je encore, en tentant de me refourguer pour 25000 dollars de produits-qu'ils-sont-trop-bien-pour-votre-peau, et qui a semblé étonnée que je me contente du minimum vital. Avant de réaliser, quelques minutes plus tard face au reflet d'une vitrine, que j'étais effectivement en tailleur, bien coiffée (une rareté chez moi), maquillée et donc potentiellement... une cible.

Et pas une petite chose payée trois francs six sous pour retranscrire du syndicaliste.

Note à moi-même: être toujours pouilleuse au moment de rentrer dans ces temples de beauté. Enfin, pas trop, au risque de se voir proposer , gratuitement (ah ah) un ravalement de façade fissa moyennant 25000 nouveaux dollars, une fois à la caisse.

Finalement, prise par le temps et par cette impression que tout cela était bien plat, j'ai laissé le post en friche. Hier soir, j'ai eu de quoi l'alimenter, puisque j'ai retrouvé, lors d'une nouvelle réunion municipale, mon dragueur à trois balles qui m'a... complimenté sur mes boucles d'oreille, mon vernis à ongle, mon physique tout court (!!) avant de décréter, en s'asseyant à mes côtés, que, décidément, "on faisait un sacré couple tous les deux."

"Une sacrée paire, oui", ai-je nuancé, un peu narquoise, m'obstinant à le vouvoyer, avant de le renvoyer gentiment dans ses 25 mètres. Pas rancunier, il m'a dit, à la fin de la réunion, que j'avais tout compris et que ça se voyait, que j'étais heureuse. Bizarre.

J'ai senti que, au fond, tout ça était ténu. Que je ressentais ce bonheur au quotidien, ces derniers temps, mais que je n'ignorais rien de son caractère fugace, que ces pépites pouvaient s'envoler du jour au lendemain, que la sérénité pouvait décider de se faire la malle sur un micro-événement.

Je ne croyais pas si bien dire.

Ce matin, je me suis sentie chavirer de l'autre côté.  Est-ce le flash routier en rentrant? La pluie incessante et le ciel gris qui ont torpillé mon humeur? Cette solitude incroyable que j'ai ressentie en ouvrant ma porte, sachant que je n'allais voir aucun visage familier ce week-end, terrée dans mon nid pour rendre les missions alors que chacun est parti de son côté, loin d'ici ?

Oh, si je déballais tout ici, je pourrais trouver une tentative d'explication - au fond, je sais bien ce qui m'a accablée. Sans rentrer dans les détails (question de pudeur. Je sais, nous sommes sur un blog, cette notion pourrait sembler incongrue. Mais non), je me suis sentie impuissante, hier soir, confrontée à un mal-être d'une personne que j'aurais tellement aimé soulager. Mais si la vie m'a semblé pavée de roses, depuis quelques temps, je dois bien comprendre que ce concept est absolument personnel et que me prendre pour une gourou ou Mère Théresa ne suffira pas à rendre les autres, ceux que j'aime, forcément plus heureux.

Je peux les accompagner, oui, à ma modeste échelle, portée par cette énergie que je ressens actuellement. Et après tout, on peut tous prêter une oreille attentive, tendre la main, offrir un regard tendre et plein d'empathie, tenir un discours positif. Mais nul autre que soi-même ne peut prétendre réparer sa propre âme, qu'elle soit torturée ou juste blessée.

Nouvelle parenthèse: je ne suis sous l'emprise d'aucune substance illicite, je me suis juste réconcilée avec le rooibos grâce au délicieux Rouge Bourbon de chez Mariage Frères (quitte à être déprimée, autant le faire dans le snobisme). Fin de l'énième parenthèse.

Je suis persuadée que chacun a en soi la clé. Perso, je la perds souvent, j'en ai bien conscience mais alors, quand je l'ai en main, je savoure.

Et j'ai d'autant plus mal quand je l'égare, comme ce matin. Perdue, vidée et déprimée, j'aurais voulu remonter le temps, revenir à cette minute où le bien-être se lisait sur mes traits - pourtant tirés (j'aurais dû lui acheter, ses produits-miracle, à la dame, finalement). Au lieu d'être là, dans l'attente de je ne sais quoi, l'esprit rempli de nuages noirs et menaçants, l'estomac lourd d'une grosse boule d'angoisse, le corps sans plus d'énergie.

Alors, j'ai sombré dans le sommeil. J'avais la gueule de bois au réveil, la bouche pâteuse et l'âme un peu entre-deux. Mais j'ai aperçu un rai de lumière (l'effet du rooibos?). Et j'ai compris que j'avais encore besoin de ces piqûres de rappel pour réaliser que, décidément, rien n'était jamais acquis.

mardi 7 juin 2011

Reflets

Le recul. J'en mesure toute l'importance, aujourd'hui. Pour deux raisons.

Hier soir, je suis allée dîner au Café Clochette, pour une sorte d'au revoir émouvant à ce lieu si unique. L'occasion de revoir, soudainement, quelques images de ce passé pas si lointain, de ces espoirs fanés, de ces illusions perdues. Oh, j'ai balayé la nostalgie d'un revers de main et à vrai dire, j'ai surtout pensé à la cafelière, à tout ce pan de vie qu'elle avait joyeusement et courageusement animé, en imaginant ce qu'elle pouvait ressentir, en sentant presque ce petit bout de coeur qui tombe, parce que l'aventure est finie et que la cruauté de la vraie vie a repris le dessus.

J'ai songé que j'aurais pu, moi aussi, être à sa place et que la vie m'avait conduite vers d'autres voies, avec beaucoup de bonheur finalement. J'avais déjà eu cette sensation du "un mal pour un bien". Je m'y étais résolue : il y avait une bonne raison pour que mon projet ne se concrétise pas, et des mois plus tard, je réalise combien j'aime ma vie, là, maintenant, malgré ces déboires professionnels.

L'autre raison est toute bête. Dans le cadre d'une éventuelle collaboration (je vous en reparlerai peut-être -j'espère, tout du moins), je dois regrouper quelques écrits, de ci de là, histoire de convaincre mon potentiel employeur du bien fondé de mon embauche. Je suis donc allée piocher dans les archives de ce blog et je découvre certains posts avec un oeil nouveau, ayant même parfois du mal à resituer le contexte de ces tranches de vie, comme si une autre les avait racontées et même vécues...

Étrange sensation, à vrai dire.

Je réalise à quel point la colère m'a animée, tout ce temps, combien j'avais besoin d'apaisement. Aujourd'hui, je ne parviens pas toujours à évacuer ces relents de doute qui me rongent trop souvent, je ressens encore ce besoin permanent d'être rassurée.

Pourtant, il me semble avoir trouvé une sorte d'équilibre, un optimisme un rien indécent dans le contexte actuel, une envie ragaillardie de croquer la vie. Et la colère s'en est allée, doucement. Comme si j'avais pris conscience que pour voler de mes propres ailes, je devais me défaire de ces jugements extérieurs, de ces petites mesquineries quotidiennes, de cette bassesse d'esprit, parfois, de cet individualisme forcené - que je continue néanmoins de vivre, de façon sporadique, comme une agression.

Oui, j'ai lu avec un certain amusement ces lignes pleines d'espoir déçu et de rancoeur que j'ai pu écrire. Je ne renie ni ne regrette rien, je me suis toujours épanchée avec sincérité et elles étaient le reflet de mon état d'esprit d'alors. Mais c'est drôle de reculer de quelques pas, pour mieux cerner la perspective, et de réaliser à quel point, dans cette quête effrénée de l'absolu, on peut à ce point négliger de se regarder dans le miroir.

En prenant juste, de temps à autre, la mesure de nos propres choix.

mercredi 1 juin 2011

Tout ce que j'aurais voulu dire...

J'aurais tellement de choses à vous raconter que je ne sais plus par quoi commencer. Ma petite vie va à cent à l'heure, actuellement, et ce n'est pas pour me déplaire, vous l'aurez deviné. Du coup, j'en viens à me demander si je ne ressens ce besoin d'écrire qu'en ces temps de doute et de solitude pas si lointains. Bien sûr, la propension à s'épancher ici est d'autant plus grande qu'elle comblait sans doute, jusqu'ici, une sorte de vide abyssal que je ressentais trop souvent. Pourtant, l'envie d'écrire ne m'a pas lâchée. J'ai simplement été prise dans un tourbillon, et je n'ai pas pris le temps de vous raconter ces deux, trois choses que j'aime habituellement partager avec vous.

Tout se perd, les amis.

Bref.

J'aurais pu vous raconter, par exemple, cette sensation incroyable que j'ai ressentie, vendredi dernier, face à Poney. J'ai eu littéralement l'impression de voir sortir des pages de son manuscrit la petite fille qu'elle décrivait si bien. L'enfant délaissée qu'elle a été, à la fois privilégiée (matériellement) et tellement esseulée. Si vive et si seule. Poney se trouve provisoirement dans un EHPAD (mais si, vous savez, ces accueils de jour, des maisons de retraite, quoi. 'Scusez, je suis intoxiquée par les abréviations à force d'écouter du politicard) et c'est donc dans cet endroit paisible et - évidemment - mortel (sans mauvais jeu de mots) que je l'ai retrouvée pour nos traditionnels entretiens. Dépitée de se trouver au milieu de ces vieux qu'elle déteste (!), Poney, 86 ans, ne cache pas son mépris pour ces braves âmes dont le but est d'avoir la plus grosse maladie à mettre en exergue à la face de tout l'EHPAD.
Alors, Poney a haussé les épaules, soupiré, et s'en est allée. Elle n'a rien à voir avec eux, et continue de se pomponner. Plus par habitude qu'autre chose, je crois. Elle est totalement découragée. Elle aimerait tant que son manuscrit soit publié... Patience, patience, ai-je tenté de la rassurer. Mais tout était décidément trop lourd, ce jour-là. Elle n'en pouvait plus. Ses yeux brillaient plus que de raison et elle a serré les dents, très fort. J'en ai eu la chair de poule. Et là, j'ai compris ce parallèle entre celle qu'elle est aujourd'hui et cette petite fille, qu'on baladait de maison en maison, parce que sa présence gênait sa propre famille. Je me suis dit que même à 86 ans, on n'était pas blasé. Que l'on pouvait ressentir avec la même violence les uppercuts que la vie nous inflige et, comme une gamine de 8 ans, nourrir cette part d'espièglerie, que Poney garde au fond d'elle.

J'aurais pu vous raconter combien je me suis sentie à côté de mes pompes, lundi, lorsque les institutrices nous ont conviés - nous, parents respectables - à une petite réunion pour débriefer sur les évaluations nationales. En les écoutant parler, j'ai constaté, non sans un certain effroi, que j'étais complètement passée à côté de cet épisode scolaire de mon Loulou. Oh, j'avais bien signé un mot stipulant que les élèves allaient s'atteler à de petits tests. J'ai surtout pensé que le Ministère de l'Education y voyait là l'occasion de remplir des cases et de nous sortir de jolies stats. Point. Je n'ai même pas envisagé une seconde de faire bachoter mon fils, au contraire de mères tellement plus impliquées que moi... Et à voir certaines d'entre elles noter assidûment tous les commentaires des instits ce soir-là, à entendre d'autres revenir sur l'état d'avancement - ou plutôt de retard- de la classe sur le programme scolaire, je me suis juste enfoncée un peu plus dans ma chaise. En même temps, on était tous un peu ridicules, derrière notre pupitre, genre les géants dans un monde de lilliputiens.

J'aurais pu vous raconter la magie de Royal de Luxe, troupe installée sur Nantes depuis des années, revenue dans sa ville en fanfare avec un spectacle absolument grandiose, que j'ai suivi les yeux écarquillés. Au delà du réalisme de ces géants, au delà de l'énergie incroyable déployée par ces artistes en tenue de velours sous le cagnard nantais, au delà de la grandiloquence de l'événement, j'ai savouré ces miettes de l'enfance que ces hommes et ces femmes jetaient, en battant le pavé, en sautant, en criant, heureuse de constater que l'imagination a encore sa place en ce bas monde et que certaines âmes n'ont pas tout perdu de leur candeur.

J'aurais pu vous raconter mon hilarité intérieure en voyant une photo d'un type sur lequel j'avais flashé, lors d'un mariage voilà trois ans - et même un peu fantasmé, je dois bien l'admettre. Devant le cliché, devant ce visage fade qui m'avait semblé si rayonnant alors, je me suis demandé ce que j'avais bien pu imaginer.

J'aurais pu vous raconter mon introspection dans la seconde qui a suivi, lorsque j'ai tourné la page. Je figurais aussi dans l'album. Je me suis aussi demandé ce que j'avais bien pu imaginer, avec cette tête de déterrée, qui vivait encore dans le doux monde du salariat, pressée comme un citron.

J'aurais pu vous raconter combien j'aime mon quotidien, aujourd'hui, même si rien n'a fondamentalement changé, que les lendemains demeurent incertains. Combien j'ai l'impression de ne plus me noyer dans un verre d'eau.

J'aurais pu vous raconter la plage, le soleil, les rires et la complicité qui s'installe avec de nouvelles têtes, les instants un peu à part, un soir en terrasse, un autre entre amis. La vie, dans sa plus grande banalité, en somme. Dans ce qu'elle a de plus beau, aussi.

J'aurais pu vous raconter ce sentiment diffus de toucher du doigt le bonheur. Oui, vous raconter combien ma volonté de reprendre le contrôle sur ma vie m'a paradoxalement permise de lâcher prise.

Mais ce sera pour une autre fois. Lorsque le calme aura repris ses droits. Et après quelques jours de vacances, parce que, oui, dans ma grande candeur, je crois encore que je peux partir en vadrouille et faire comme bon me chante.

mercredi 25 mai 2011

Entre deux

J'ai toujours vu ce blog comme un exutoire. Je n'aime pas le laisser en friche et pourtant, je sens bien que ce n'est plus tout à fait comme avant. Oh, je continue de me chercher, d'explorer de nouvelles voies, de dire poliment bonjour au voisin physiquement intelligent et de retranscrire des autorisations de programme et des crédits de paiement à gogo, je vous rassure. Mais c'est comme si toute cette nouvelle vie pleine de relief et de sentiments ne pouvait prendre corps ici, comme si cet espace n'était réservé qu'à ce long chemin pavé d'épines que j'ai traversé.

Je ne vous abandonne pas, je sais que je vais revenir ici. J'espérais même vous raconter comment j'ai décroché un entretien pour un vrai travail, avec des morceaux de stabilité dedans. Las, le rendez-vous a été reporté. Me voilà de nouveau dans cette phase entre-deux, sans savoir vraiment de quoi demain sera fait mais avec la certitude que, décidément, ça va aller.

Je vous embrasse!

mardi 17 mai 2011

Le Vent des égarés

Ouh la la, une semaine sans post, mais enfin, que pasa? Je n'ai pas été enlevée par des extraterrestres, je n'ai pas disparu dans une grotte pleine de politicards qui débattraient sans discontinuer jusqu'à ce que mort s'ensuive, je n'ai pas brûlé au soleil de l'Atlantique (quoique, je peaufine mon bronzage agricole)...

Non, non, rien de tout ça.

Je vis, je ris, j'oublie... Je trie, j'envie, je jubile. Je crie, je m'ennuie... et puis je souris.

Je souris parce que malgré ces cris (Loulou a besoin d'un resserrage de vis assez poussé actuellement) et cet ennui que je ressens parfois - celui de penser que rien n'est acquis, professionnellement parlant - je reste là, dans une étonnante béatitude, savourant quelques doux moments comme si enfin, la chance avait tourné (ça doit être un coup de Saturne, ça, ou je ne sais quelle planète qui a eu pitié de ma petite personne et qui me déverse un rab de jolies choses pour compenser les déveines passées).

Béate, mais pas complètement idiote non plus. Un peu de lucidité n'étant jamais complètement inutile, je me suis mise en tête de tenter un nouveau truc, pour voir : l'intérim.

Hier, je me sape un peu en pingouin (mais pingouin d'été, quand même), parce que je me dis que ça fera plus sérieux, tout ça. En entrant dans l'agence, je tombe sur le clone de Philippe Lucas, même coupe, même air à qui on ne l'a fait pas, et le monsieur se fait gentiment rebouler par les dames qui ont visiblement d'autres chats à fouetter. Tu parles, avec son look, forcément... Alors que moi, avec ma chemise blanche et mon tailleur, qui me donne l'impression que la température a grimpé de dix degrés en quelques minutes, forcément, je vais être bien reçue...

"On ne prend que sur rendez-vous, Mademoiselle. Et de toute façon, vous n'êtes pas dans la bonne agence."

OK. Retour à l'envoyeur, je me suis finie chez... IKEA, parce qu'après tout, j'avais aussi ma terrasse dans un état de jachère avancé et qu'il était temps de s'occuper enfin de détails aussi futiles.

J'étais pas très fière, j'avoue (n'empêche que ma terrasse commence à avoir de la gueule. Et que j'ai pris un vrai plaisir à m'assoupir sur ma chaise longue, au retour de l'école, sous le regard ahuri de Loulou qui n'a plus osé broncher, traumatisé de voir sa mère la bave aux lèvres au réveil. Nan, décidément, je suis d'une grande classe).

Donc, dans un sursaut salvateur, j'ai repertorié les diverses agences et ce matin, dès potron-minet (bon, 9h, mais les agences n'ouvrent pas avant, visiblement), je prenais mon téléphone pour prendre des rendez-vous, déverser mon CV et inonder les boîtes nantaises de mes velléités professionnelles.

Je me suis pris un vent. Enfin, quand il y en a plusieurs, on dit un Vent. Majuscule.

Pas de rendez-vous, uniquement des inscriptions sur le site Internet des différentes agences. Sauf que, bien consciente qu'en déposant mon CV sur leur base, j'avais autant de chances d'être appelée que DSK d'être oublié par la meute, je les appelais justement pour obtenir un entretien, me donner une chance. Pas folle la guêpe, je me doutais bien que mon profil atypique n'aurait pas l'heur de séduire les employeurs. Qui veulent, de façon très logique, un maximum de garantie, donc des personnes déjà expérimentées dans leur domaine, opérationnelles d'emblée. Pas une scribouillarde. "Des gens similaires aux personnes déjà passées à leur poste", m'a résumé l'une de mes interlocutrices. En concluant par: "je ne vous ferme pas la porte, mais..."

Ouais. Mais.

Ainsi donc, les agences ne reçoivent plus les potentiels candidats. "On le faisait avant, mais on ne peut plus, vu le contexte", m'a expliqué un autre. "Nous avons pléthore de candidats, pour de moins en moins de postes", ajoutant qu'il ne pouvait se permettre d'offrir "une visite de courtoisie", quitte à donner de "faux espoirs." Au moins, les choses sont claires.

Et moi qui culpabilisais de ne pas avoir tenté ma chance en intérim... Je ne me sens pas abattue, j'ai juste l'impression qu'une piste - que j'explorais vaguement depuis un certain temps - vient de s'envoler et que je suis un peu longue à la détente. Peu importe, je retourne à Poney, parce qu'il me reste encore du travail de ce côté. Je sais qu'une autre mission va bientôt me griller de nouveau les neurones. Mais, sans ça, comment aurais-je pris la chose?

J'ai la vague impression qu'à l'heure où l'on parle de mutation de la vie professionnelle, de reconversions multiples et de remises en question personnelles, le monde du travail continue de broyer du salarié et à écarter tout ce qui sort un peu des rails.

A concevoir la différence comme une difficulté, et non comme une richesse.

Pff. C'est tellement logique, finalement. Et tant pis pour les âmes égarées.