jeudi 31 décembre 2009

Champagne!

La Saint-Sylvestre, et son cortège de clichés, ses cotillons et ses débordements... Nous y voilà donc, et en attendant les douze coups de minuit, je fouille dans ma mémoire... Où je réalise que l'on boit beaucoup, dans mes réveillons, tiens. Pour oublier? Mieux faire avaler la pilule du temps qui passe? Ou juste pour occuper la soirée?

Suis-je bête? Parce que c'est la fête, les gars, les filles, et que l'on est prié de se lâcher! Après, on n'est pas obligé de se mettre minable. Je dis ça, chacun fait ce qu'il lui plaît-plaît-plaît (du moment qu'il lâche le volant, on est bien d'accord). Bon, j'arrête avec mon introduction de trois kilomètres - et à trois balles - je m'égare et je vois des lecteurs déjà perdus en route. Je disais, donc, la Saint-Sylvestre...

Je me souviens d'un réveillon - alors que j'avais 17 ans, je crois - passé dans un bar où l'on servait des cocktails à gogo et où j'ai fini par m'endormir sur la banquette, à la limite du coma éthylique.

Je me souviens d'un réveillon passé à Amsterdam, où la fête a pris des allures tragiques lorsque, dans une petite rue, un type s'est fait tirer dessus, devant nous. Un mouvement de panique plus tard, on a eu un peu de mal à se remettre dans l'ambiance. D'ailleurs, on a fini la nuit dans la voiture, faute d'hôtel et pas le coeur à chercher plus loin.

Je me souviens d'un réveillon, seule dans les rues bondées de New York (je vous en ai déjà parlé), à la fois émerveillée par les rues soudain désertes de Big Apple - bloquées par la garde montée - impressionnée par l'afflux, de tous les côtés, d'êtres - blancs, noirs, jaunes - soudain à l'unisson pour célébrer les douze coups de minuit sur Times Square. Et désespérément triste de ne pouvoir partager ce moment unique qu'avec moi-même (ce que je ne conseille à personne).

Je me souviens des réveillons dans des sous-sols aux lumières blafardes, où la boule à facettes ne pouvait masquer à elle toute seule la tristesse des lieux.

Je me souviens des premiers réveillons, aux menus plus sophistiqués, une musique adoucie et des invités moins nombreux. Comme si le fait de remplacer les Chipster par des noix de St-Jacques et de réduire le nombre de convives marquaient le passage à l'âge adulte.

Je me souviens de ces fêtes obligées, où l'on n'a pas d'autres choix que de faire semblant. De s'amuser, de rire, de danser comme Travolta. Alors qu'en fait, on ressemble à Shrek sur la piste et que l'on a tellement bu que la seule certitude qui nous reste, c'est que la terre est décidément ronde, lorsque l'on se couche.
Parce qu'en fait, le seul truc où on n'a pas fait semblant, c'est de vider le verre.

Je me souviens de l'excitation des préparatifs, à chaque fois que j'ai organisé la petite sauterie. De mon retard, la dernière fois, que j'ai largement contribué à accentuer, en allant déjeuner avec une amie, de passage à l'improviste, au lieu de dresser la table. D'autant plus embêtant que les petites bulles ont ce défaut de rendre la vie plus rose qu'elle ne l'est.
C'est quand les invités sonnent que l'on redescend. Vite.

Je me souviens, malgré cet aspect "fête obligatoire", avoir toujours attendu la soirée, comme si changer d'année allait bouleverser le cours des choses.

Je me souviens d'un réveillon où, lisant le texto d'une copine, je me suis fendu d'un méprisant: "Bonne année, bonne année... mais c'est d'un banal, ça!"

Les copains, limite outrés, s'étaient quand même bien marrés de ma mine condescendante.

Et aujourd'hui, je ne trouve rien de mieux que de vous souhaiter qu'une excellente année, belle, joyeuse, vivante, enthousiasmante, créative et non-conformiste!

mercredi 30 décembre 2009

Bêtisier d'une drôle d'année

Un bilan, vous promettais-je... Oui, la période est propice à ce genre d'exercice et à vrai dire, le mien peut s'apparenter à une sorte de bêtisier, tant j'ai cumulé les péripéties et bides en tout genre.

Pourtant, au delà de la désillusion initiale, je ne regrette absolument rien de mon parcours, cette année. Il m'aura permis de découvrir tout un tas de personnages, de la fronceuse de sourcils au cuistot physiquement intelligent, de l'apprentie poil de caniche au forçat toqué, en passant par l'homme au croque-perdu, le designer du miam miam ou le chef sachant. Une galerie incroyable qui ne serait pas complète sans tous ces cravatés et leurs consoeurs des banques, sans tous ces rabats-joie et ces sapeurs de rêve.

Cette année m'aura aussi permis de faire la connaissance de personnes rares, généreuses, enthousiastes, comme la cafelière ou ma copine Blandine, néo-créatrice, elle qui a lancé un dépôt-vente. Oui, en pleine crise...

J'ai vu cette année des mains tendues, des sourires confiants, des discours rassurants.

Beaucoup de détresse, aussi, d'inquiétude, de peur du lendemain. A juste raison, hélas.

Les doutes, l'euphorie, l'espoir, le désespoir, l'angoisse, la peur, la joie, la tristesse, j'ai traversé cette année partagée entre des sentiments multiples. J'ai été touchée par des événements extérieurs qui m'ont rappelée à quel point la vie était courte et qu'elle ne méritait pas que l'on patine sur des atermoiements.

J'ai lancé ce blog, aussi, et entre mes aventures avec Jojo, mon amoureux du Bronx, mes vacances en République Dominicaine et mon anorexie passée, j'ai dévoilé sans doute beaucoup de ma vie, sans vraiment savoir à qui je m'adressais.

J'ai montré souvent beaucoup de mélancolie mais, au fond, je suis une optimiste. Cette année aura été globalement assez pourrie, tout autour de nous, et j'ai l'impression d'avoir pris dix ans dans les dents, tant j'ai perdu de mon insouciance. Mais je ne voudrais pas revenir en arrière, tant je me sens riche de ces rencontres, de ces aléas, de ces petits bonheurs qui, malgré tout, ont parfois pointé leur nez.

Je suis bien heureuse de clôturer 2009, même si 2010 ne s'annonce pas forcément plus prospère. Il suffit de jeter un oeil aux indicateurs économiques - ou de mettre le nez dehors, tout simplement.

Je n'ai pas pu ouvrir mon p'tit restaurant et je m'oriente vers d'autres projets, aujourd'hui. Et je réalise soudain que je ne vous ai jamais donné le nom de ce projet avorté.

Ça s'appelait "La P'tite Dînette".

Pas assez ambitieux, semble-t-il.

mardi 29 décembre 2009

J'aime pas les cafards

Couchée à 2 heures, réveillée à 5h58, précisément, autant vous dire que la journée m'a semblé longue. Très, très longue.

C'est l'angoisse qui m'a privé de sommeil. Je serais incapable de décrire quoi, exactement, mais il m'a semblé plus judicieux de me plonger dans "les Déferlantes" plutôt que de me tourner et me retourner sans cesse.

Et de faire, encore ce rêve affreux, celui de la veille, dont je suis sortie en sueur.

Dans un stade immense, de foot américain semble-t-il, où je suivais un match avec un ami, David (enfin, je l'appelais comme ça, jamais vu dans la vraie vie), lequel se cachait, car on cherchait à le tuer. "On" étant cet homme en rouge (c'est discret, le rouge, c'est vrai, quand on est tueur à gages) qu'il me montrait discrètement, la peur au ventre.

On la ramenait pas trop, à vrai dire. Mais enfin, le match devait avoir de l'importance, car David restait, casquette vissé sur le visage, fermé mais concentré.

Comme j'avais oublié mon cerveau, je suggérais à mon ami de faire le tour du stade car j'avais visiblement besoin d'aller chercher quelque chose dans le lotissement voisin.

Évidemment, ce qui devait arriver arriva, alors que nous avions rejoint les petites rues, le tueur en rouge est arrivé comme une furie sur David, dans un nuage de poussière (oui, les rues n'étaient pas goudronnées, j'y peux rien si la voirie fait pas son boulot), et l'a froidement assassiné, continuant de lui lacérer le visage.

Moi, je hurlais et je lui tapais dessus avec mon sac à main (toujours avoir un sac à main, pour voir un match de foot). J'avais visiblement énervé la bête, clairement pas d'humeur à me faire des mamours. Alors, j'ai couru, couru et me suis réfugiée dans une cabane.

C'est là que le propriétaire de la dite cabane est arrivé, carabine à la main. J'ai essayé de me cacher derrière du grillage à poules, en vain. Il m'a vue. Je lui expliqué qu'on avait tué mon ami, que j'étais dans la mouise et qu'il devait m'aider. En bon samaritain, il m'a montré la porte de derrière: j'ai alors découvert un paysage de montagnes, surplombé d'un ciel hostile et orageux. J'ai tourné la tête : je suis tombée nez à nez sur un Colisée immense.

Oui, oui, comme le Colisée romain.

A la différence près qu'il était habité par des cafards géants. Mais vraiment géants, à dépasser la hauteur du monument - qu'ils grimpaient allègrement, d'ailleurs (aucun savoir-vivre, ces bêtes-là, j' vous jure).

C'est là que je me suis retournée vers mon "sauveur", sûre de mon fait:

"Ah oui, on est à Chalon-sur-Saône, je comprends mieux."

...

Et dire que j'évoquais la sérénité, pas plus tard qu'hier...

lundi 28 décembre 2009

Du vide et de la vie

Alors là, je crois que ça ne m'était jamais arrivé: j'ai rien à dire. Rien à raconter. Je me sens vide, vide, vide.

Pourquoi j'ai commencé un blog, déjà?

Ah oui, pour me permettre d'avancer. Pour partager mes joies et péripéties avec mes amis, ceux de la vraie vie, les nouveaux que j'ai connus au fil de l'année. Pour mettre en scène ma vie, aussi, j'imagine.

Sauf que je n'avais rien à inventer. Les aléas, ils arrivaient tout seuls, comme des grands, sur leurs petites papattes. Les bonheurs, pareil, et finalement, j'ai plus souvent eu à trier les petits événements de la vie quotidienne qu'à aller fouiller dans ma mémoire - ou mon imagination -pour alimenter cet espace.

Aujourd'hui, ce blog, né dans le prolongement de ma création d'entreprise, ne devrait plus avoir de raison d'exister, puisque le projet est mort. Pourtant, je n'ai pas envie de l'abandonner. J'y ai pris goût, à afficher sans aucune pudeur ma vie... En plus, je me disais tout bêtement que je me protégeais, en racontant ici ce que j'avais bien envie de raconter.

C'est en partie vrai.

N'empêche que des écrits transpirent des sentiments plus confus, (parfois) trop mélancoliques et, qu'on le veuille ou non, on devient transparent. Je n'ai pu cacher l'étendue des dégâts qu'a provoqué chez moi l'échec de mon projet, et en même temps, l'ai-je souhaité? Ce blog est un journal de bord, inutile de jouer à la superwoman que je ne suis pas. J'ai été mal, voilà.

Il y a pire, dans la vie.

La tristesse, la colère, le sentiment d'injustice se tassent, doucement, et même si je ressens chez moi quelques pointes de révolte, de temps à autres, la vie a repris ses droits. Je me sens un peu paumée, certes, mais le tourbillon des Fêtes et cette insouciance qu'elles engendrent (chez moi, tout du moins) me permettent de m'oublier un peu, d'arrêter le processus d'auto-mutilation du cerveau. Au lieu de cela, j'hume l'air (frais) du temps qui passe, en regardant loulou taper dans son punching-ball avec une joie non contenue, ou s'éclater sur son nouveau vélo, en remerciant le gros barbu rouge de sa générosité.

Ça me fait sourire. Bêtement.

Oui, la gravité d'hier laisse place à un sentiment d'entre-deux. Je ne sais pas de quoi demain sera fait, c'est vrai. Mais j'ai envie de légèreté, d'humour, de simplicité. De la sérénité que je ressentais il y a un an, quand j'avais décidé de me lancer dans un projet, sans penser une seule seconde m'y abîmer.

Alors, je ne promets pas de sortir le nez rouge, mais enfin, un peu de joie et de bonne humeur, c'est ce que j'espère pouvoir apporter ici, dans les jours à venir. Comment, je n'en sais rien, mais pourquoi, si...

... Parce que, y'a pas à dire : c'est fatigant, les idées noires.

samedi 26 décembre 2009

Joyeuses Fêtes

Qu'est-ce que l'on écrit, un lendemain de Noël? Lorsque les ventres sont pleins, les appétits repus, les assiettes vides, que la maison si pleine de vie a été désertée?

Que l'on bute dans des cadeaux de gosse-de-6-ans-pourri-gâté*, éparpillés au sol, que l'on s'empiffre de fruits déguisés et que l'on se colle un gros plaid bien chaud sur soi, pour peaufiner la scène anti-glamour?

Je ne sais pas, je n'ai pas le mode d'emploi (et puis, je l'avoue, je me sens aussi vide qu'une coquille d'huître après un Réveillon, vous voyez le topo...). Je pourrais vous parler de la liste de Noël virtuelle que j'avais écrite, là-haut, dans ma tête, mais je crois que tout ça est trop utopique: je ne demandais pas de choses matérielles, j'ai des envies autres, qui ne seront pas exaucées - ou du moins, pas de sitôt.

J'imagine qu'en cette période de l'année sonne l'heure des bilans, alors je vais sans doute m'atteler à ça, même si j'ai déjà l'impression d'en avoir fait le tour. Un petit bêtisier, avec des personnages hauts en couleur, voilà qui peut animer cet espace, non?

Je vous dis ça mais je vais faire un truc que je n'aime pas trop habituellement: reporter à demain ce que je pourrais accomplir aujourd'hui.

C'est à cause de ce poil, de plus en plus dur, qui a poussé au creux de ma main, et que je ne me résous pas à couper. Quoi, ça sert aussi à ça, les Fêtes, non?

* J'ai voulu illustrer ce post d'une merveilleuse photo. Mon APN est tout flou. Il se met au niveau de mon cerveau, ou quoi?

jeudi 24 décembre 2009

I wish you a merry christmas...

Je me souviens encore de ce Kiki que j'avais reçu, à qui je demandais s'il avait fait bon voyage, en me goinfrant du nougat que le père Noël avait eu l'amabilité de m'offrir. Comme chaque année, ma soeur et moi lui avions déposé un chocolat au pied du sapin, et c'était toujours magique de découvrir, le matin, que la friandise avait disparu, preuve évidente que le Père Noël existait.

Ben quoi?

J'avais 6 ans - l'âge de mon fils - et je croyais encore au gros barbu rouge. C'était le dernier Noël de l'innocence, puisque l'on m'a expliqué la vaste supercherie peu de temps après.

Pour beaucoup, cette période de l'année s'avère mélancolique. Personnellement, j'ai toujours aimé les fêtes de fin d'année, même si la déco des villes est souvent trop kitsch, les messages commerciaux trop prégnants, le sapin trop imposant dans le salon, les chansons de Noël niaises à mourir et le tour de taille un rien évolutif (!)

Noël, c'est quand même l'occasion de s'empiffrer de noix de St-Jacques et de chocolat en toute liberté, de trouver un bon prétexte pour dépenser des sous, d'emballer des cadeaux dans de jolis papiers, de souhaiter à tout le monde des "Joyeux Noël" à tire-larigot, et puis, surtout, de visionner pour la dix millième fois Katia, Thérèse, Zézette, Pierre et monsieur Preskovic - magie des rediffusions oblige.

Le Père Noël est une ordure, oui, mais moi, je l'aime bien. En plus, loulou parle régulièrement avec, alors, il ne peut pas être foncièrement mauvais...

Ben quoi?

Allez, je vous souhaite un Joyeux Noël.

mercredi 23 décembre 2009

Ange ou démon, final part

Pourquoi je raconte cela? Les dernières semaines n'ont pas été les plus joyeuses de ma vie et mon loulou, telle une éponge, a forcément fait des siennes. Il a sans doute trinqué, mais il en a surtout largement joué.

C'est là qu'il ne faut pas craquer.

Concevoir que, par tous les temps, il faudra tenir bon la barre, ne pas céder, envisager la tempête comme une simple avarie, en songeant aux lendemains qui chantent.

Comprendre que les enfants ne sont pas là pour nous consoler ou nous faire oublier nos désillusions.

Accepter l'ingratitude de nos têtes blondes, qui n'ont cure des petits désagréments - et qui n'ont pas à les subir, après tout.

Admettre, aussi, que nous ne sommes que des êtres humains. Que nous nous trompons, que nous sommes faibles. Et que nos enfants vont s'en apercevoir, tôt ou tard...

... Enfin, même si je suis objectivement la meilleure maman du monde, si j'en crois mon loulou. "Tu n'es pas gentille, tu es à l'infini gentille", me susurre-t-il, comme une suprême tentative de me corrompre. Comme il est fort en maths et que l'infini l'intrigue fortement, je prends cela comme un compliment. Mais je ne suis pas dupe...

Je veux rester fidèle à mes convictions. Pas question de jouer les Cosette, j'assume pleinement ce rôle de "mère célibataire" (les impôts parlent de "parent isolé", c'est pas classe, ça ?) Simplement, je songe parfois que j'aime bien me compliquer la vie, que cela ne doit pas être évident pour mon loulou de se construire avec une maman comme moi.

Ange & démon, mon loulou est un peu des deux, comme nous tous. J'espère qu'un jour, il comprendra pourquoi j'ai parfois dit non, parfois dit oui, là où j'aurais dû dire le contraire. L'autre jour, en dévorant "Un roman français" de Frédéric Beigdeber (une lecture que je vous conseille fortement), je suis tombée en arrêt sur un passage qui m'a particulièrement touchée :

"J'ai compris ce qu'est une mère célibataire: c'est quelqu'un qui vous a donné la vie pour pouvoir sacrifier la sienne. Elle a quitté notre père, puis notre beau-père, et à partir de ce moment n'a plus cherché qu'à expier les fautes que nous ne lui reprochions pas. Elle a décidé d'être une femme indépendante (...) L'amour de notre mère était si possessif qu'il en devenait douloureux. C'est un amour qui foutait parfois le cafard en donnant l'impression de compenser un vide."

L'auteur conclut son chapitre - intitulé "Le jour où j'ai brisé le coeur de ma mère" (sic)- ainsi : "Elle n'avait plus que nous et nous en avons bien profité : nous avions une femme libérée au foyer (...) Notre jeunesse s'est terminée avec notre mère pour esclave."

Je comprends pleinement ce sentiment. Cette foutue culpabilité, que l'on chasse et qui revient... Cette solitude au quotidien, que l'on compense par des élans d'amour démesurés. Ce sidérant retour à l'enfance, se rappelant la môme que l'on était, au même âge... En ayant l'impression, néanmoins, que mes parents se montraient beaucoup plus adultes, beaucoup plus responsables que moi, aujourd'hui.

Je ne veux ni sacrifier ma vie, ni devenir l'esclave de mon loulou. Parfois, pourtant, la tentation est grande de le sur-protéger. Il doit comprendre ce qu'est la vie, mais celle-ci s'avère parfois tellement cruelle que je n'ai pas envie de ternir sa joie.

Parfois, aussi, le sentiment de se laisser dévorer par sa progéniture est accablante. Il faut alors remettre de l'équilibre dans cette vie un rien chaotique. Lui expliquer que le bonheur ne passe pas par le matérialisme, qu'avoir l'intégrale des Pokemon ou une DS ne l'empêchera pas d'être éternellement insatisfait -c'est le propre de l'homme. Lui faire une leçon de vie, alors que je ne l'ai pas moi-même, la clé du bonheur.

Non, je ne veux pas m'oublier. Juste être là pour mon fils, tout ange ou démon qu'il soit. Il a suffisamment d'imagination et de fantaisie pour que je n'aie pas à l'influencer.

Non, je ne veux pas l'étouffer, juste continuer de voir cette lueur dans son regard, cet émerveillement devant les choses de la vie. En espérant que cette dernière ne l'abîme pas trop.

mardi 22 décembre 2009

Ange ou démon, part two

Lorsque j'avais une vingtaine d'années, je gardais de temps en temps une petite fille de huit ans, adorable poupée espiègle, permettant ainsi à sa maman de respirer, d'avoir elle aussi sa part de liberté, son petit break salvateur.

La vie n'était pas tous les jours facile pour mon amie - la maman, donc - mère célibataire à plein temps. Sa relation avec sa fille était très fusionnelle, belle, aussi, incroyablement forte. Mais parfois oppressante. La maman avait parfois besoin de prendre l'air, mais elle culpabilisait de le faire. La fille le ressentait et angoissait de voir sa maman partir.

Quinze ans plus tard, la mère et la fille sont toujours complices, s'appellent plusieurs fois par jour et ne se sont pas déchirées. L'adolescence a épargné leur relation, la vie les a soudées à jamais.

Lorsque j'ai décidé de vivre autrement, cassant le noyau familial pour partir, avec mon fils, j'ai songé à cette relation fusionnelle, à cette sorte d'exclusivité que l'on consent. On ne part pas sans culpabilité. C'est un choix compliqué, que l'on impose à son enfant.

Les premiers temps, je plaisantais sur mon statut de mère célibataire. J'étais un "cas soc' ", comme je le répétais volontiers. Mon fils avait deux ans et demi et j'avais l'impression de bien m'en sortir, au quotidien. J'avais la chance de pouvoir compter sur un papa présent et impliqué. Et puis, loulou était petit. On va dire qu'il suivait le mouvement.

Je ne voyais chez lui que de l'innocence et je cherchais surtout à le protéger, consciente que je lui offrais une vie différente - et ce n'est pas parce que les familles monoparentales se multiplient qu'elles deviennent banales. L'équilibre est perturbé, et ça, je l'ai toujours gardé en tête.

Sauf que l'enfant le sait, lui aussi. Une sorte de sixième sens... Et qu'il a tendance à jouer sur cette culpabilité, sur cette sensibilité accrue pour appuyer là où ça fait mal, abusant de la situation, souvent inconsciemment, d'ailleurs.

Voilà pourquoi mon loulou est à la fois ange et démon.

Quand je l'observe, alors qu'il joue, dans sa bulle, oubliant d'en faire trop, je sens en moi un amour démesuré. Une forme de culpabilité, aussi, en songeant à ma colère à son encontre, lorsqu'il pousse le bouchon un peu trop loin. Je me dis alors qu'il n'a pas mérité que je m'agace à ce point, que je hausse le ton ou que je parte ainsi dans les tours. Petit bonhomme, il y a tellement de candeur et d'insouciance en lui...

Il me contredit généralement assez vite. Mu par la volonté de grandir et de s'imposer, ressentant cette vulnérabilité maternelle, le même agneau se transforme en petit diable dans la foulée.

C'est terrible, cette ambivalence. C'est le lot de tous les parents, me direz-vous. Certes. Le fait de n'avoir qu'un "référent" à la fois lui donne néanmoins plus de pouvoir. Impossible de montrer de la fatigue, une quelconque lassitude ou un embryon de lâcher prise. Il faut rester au front, contrer l'abus de pouvoir imminent, remettre l'enfant à sa place. Le guider, l'éduquer, tout simplement. Mais seul.

C'est là que le bât blesse parfois.

A suivre...

lundi 21 décembre 2009

Ange ou démon, part one

Il s'empare de sa lampe dynamo et s'en sert de micro. Se racle la gorge et prend son air le plus sérieux. Il me fixe et se lance:

"Comment s'occuper de ses enfants? Leçon n°1: les écouter. Leçon n°2: leur offrir ce qu'ils veulent, pour qu'ils n'aient pas à réclamer. Et voilà, comme ça, tout va bien. C'est tout!"

Loulou sourit de toutes ses dents, content de son effet.

Je reste un rien circonspecte. Je répète ses propos, lui demande de confirmer si j'ai bien entendu. J'ai bien entendu.

...

"Dis-moi, loulou, tu es un ange ou un démon?"

"Je suis un ange et toi, maman, tu es le démon."

A suivre...

dimanche 20 décembre 2009

Plaisirs de la vie

J'ai été tagguée par l'oiseau qui voudrait savoir quels sont mes plaisirs dans la vie. Pas sûre que ce soit bien passionnant, mais bon, jouons le jeu...

Un plaisir des yeux ? La mer. Les grands paysages. L'avion qui décolle et toutes ces promesses qu'il engendre.

Un plaisir que l'on partage ? Cuisiner, évidemment. Un bon repas entre potes, une soirée improvisée, une rencontre inopinée.

Un plaisir d'enfance ? Lorsque je partais au basket, pour le match du samedi. Le bonheur de retrouver les copines, la passion pour la balle orange, l'euphorie de la victoire et de la communion.

Un plaisir odorant ? Le chocolat. Le gâteau dans le four. L'odeur de mon fils.

Un plaisir égoïste ? Écrire. Me coucher tard pour mater l'intégrale de Dexter, de Six Feet Under ou des Desperate Housewives. Le chocolat, again. Le thé, que j'aime partager mais que j'adore boire seule. C'est d'ailleurs la même chose avec le ciné, autre plaisir sacré.

Un plaisir de l'oreille ? Les petits mots de mon loulou. Et dans un autre genre, le folk, Cocoon, Wax Tailor, Norah Jones, Moriarty, Yael Naïm, Otis Redding, Al Green, Mary J Blige... Sitting on the dock of the bay... How can you mend a broken heart...Tellement de chansons, d'artistes et d'univers différents.

Un plaisir inconnu ? Découvrir l'Asie, l'Afrique noire, l'Australie, le Canada...

Un plaisir du goût ? La première gorgée, la première bouchée...

Un plaisir anachronique ? Suivre des matches de basket en tribune de presse, (parfois) au premier rang.

Un plaisir qui ne coûte rien ? Partager, offrir de son temps. Sourire, dire bonjour et voir le visage de l'autre s'illuminer.

Un plaisir honteux ? Quelle honte à jouir de la vie?

Un plaisir hors de prix ? Un tour du monde avec une halte prolongée selon mon bon vouloir.

Un plaisir défendu ? Le chocolat, je devrais le mettre sous scellé. Mission impossible.

Un plaisir surestimé ? Difficile, c'est tellement subjectif...Tout ce que l'on nous dicte d'aimer, d'un point de vue général, comme les bons moutons que l'on nous prie d'être. Dans le genre je-ne-comprends-vraiment-pas-l'enthousiasme-des-autres, patauger dans une immense piscine sous un dôme, au milieu d'un millier de personnes qui tentent de se faire une place. Il paraît que c'est sympa, les séjours à Centerparks, mon seul week-end là-bas fut l'un des pires souvenirs de ma vie...

Un plaisir à venir ? Faire la fiesta avec des potes. Et, bien sûr, écouter les autres et vivre de ma plume.

samedi 19 décembre 2009

Malaise

Bon, en préambule, j'en ai un peu marre de moi-même, à m'auto-apitoyer sur mon sort et à rester négative, au lieu de relativiser et d'avancer. L'inactivité ne me va pas et dans le même temps, j'ai l'impression de m'y complaire. Mais, pas d'inquiétude, ça va passer. Voilà, c'est dit.

Hier, j'ai appris, sur le monde.fr, que Pôle Emploi allait recruter 1000 CDD en renfort, du fait de la recrudescence de demandeurs d'emploi . Et surtout qu'en moyenne, un conseiller s'occupait de 90 à 95 personnes.

Je comprends mieux pourquoi ils me foutent la paix.

N'empêche, ça m'a angoissée. Mais pas autant que ma virée de la journée.

Pour tout dire, j'invite ma famille à Noël. Me maudissant de ne pas avoir planifié plus tôt mes menus, j'imaginais déjà la cohue dans les magasins. Et je suis donc partie, appréhendant la crise de nerfs imminente, le magasin aussi vide qu'un supermarché polonais et des kilomètres de file d'attente.

En fait, rien. Les rayons étaient remplis de tout ce que je souhaitais - du coup, je me suis un peu lâchée sur le vrac de la Biocoop, miam - j'ai vu des caddies pas plus garnis qu'habituellement et j'ai attendu normalement à la caisse. Même topo au supermarché.

Euh, ils sont où, les gens?

Ah, ils bossent, c'est vrai. Habituellement, ça ne les empêche pas de se démultiplier comme par magie à quelques jours de la Noyel.

L'après-midi, l'oeil attiré par une robe en vitrine, je rentre dans la boutique. C'est une enseigne connue, mais là, c'est la première fois que je vois ça: personne. Il n'y a que les deux vendeuses dans cet espace devenu soudainement trop grand.

Je crois entendre le soupir de soulagement de l'une d'entre elles qui, au vu de son empressement et de ses bras - ankylosés par l'ennui - qu'elle décroise rapidement, n'a accueilli aucun acheteur potentiel depuis un moment. Elle me parle de la promo en cours, deux articles achetés, le troisième à un euro.

A quelques jours de Noël? A quelques jours de Noël.

La pauvre, je repars les mains vides, sans la robe. Je vais me rattraper en dévalisant une épicerie fine, faire un stock de nigelle, que j'ai découvert grâce à la cafelière, d'épices pour le pain... d'épices et tout un tas de fèves de cacao et autres jolies promesses culinaires. Je pousse jusqu'à une librairie d'occasion, m'enquiers du dépôt d'éventuels livres de ma bibliothèque. "Oui, oui, on prend de tout", m'assure la vendeuse, avant de préciser, un peu gênée, "mais si vous pouviez revenir en février, ça nous arrangerait. On n'achète plus, en ce moment."

Les clients non plus, laissant des boutiques avec des stocks à ne plus savoir qu'en faire. Noël ou pas, le temps de la récession est venu. Ce n'est pas une vie de l'esprit, cette crise. Simplement, jamais je n'avais senti à ce point son impact, au quotidien, et perçu un tel désarroi.

Oh, bien sûr, on peut se passer de cadeaux, stopper cet élan consumériste qui nous pousse à claquer des sommes folles, de façon rituelle, pour des présents qui finiront parfois dans un placard ou... sur un site d'enchères en ligne.

Oui, il y a bien pire, comme la situation de cet homme, recroquevillé sur le bitume froid, avec sa pancarte "j'ai faim", un homme comme vous et moi, pas rongé par l'alcool, simplement dans le besoin. Qui me fait mal et pitié. L'autre jour, en sortant de l'école, mon loulou lui a donné la barre de céréales de son goûter (aucun mérite, la friandise n'est pas au goût de mon enfant gâté, bien content de ne pas l'avaler. Pff...).

L'homme ne feintait pas, il l'a mangée en baissant les yeux. Je l'ai croisé de nouveau hier soir. L'air était glacé, piquait les yeux, quelques flocons tombaient et lui, il était là, attendant.

Le malaise.

Oui, il y a bien pire, comme cette femme dont tous les pores suintent l'alcool, achetant ses canettes de bière premier prix, en bas de chez moi, et un sac plastique pour les cacher.

J'ai toujours considéré Noël comme une sorte de break par rapport au reste de l'année. Malgré de drôles de souvenirs - familiaux, amicaux - c'est un moment que j'affectionne. Depuis la naissance de loulou voilà six ans, la magie de Noël a retrouvé un sens.

Mais là, je le concède, j'ai du mal à voir l'éclaircie. Cela ne doit pas nous empêcher d'avancer, mais on ne peut ignorer que nous sommes dans le dur. Je ne sais pas si le Père Noël est une ordure, mais sa hotte fond comme la banquise au Pôle Nord.

Dans les deux cas, il y a urgence.

vendredi 18 décembre 2009

Oui mais non

Depuis le 8 décembre et le "non" de la commission, j'ai dû me faire une raison et lâcher du lest.

C'est un non, "parce que vous n'avez pas d'expérience", mais "on va vous aider à en acquérir".

C'est un non, "parce que c'est la crise", mais "revenez-nous voir".

C'est un non, "parce que pas d'expérience, la crise, le prix, tout ça, "mais surveillez le local et sautez dessus s'il est mis aux mains d'un administrateur."

C'est un non, mais avec des portes entrouvertes.

Pas très confortable, je vous avoue.

Une partie de moi a déjà vidé les lieux, une autre, (trop?) obstinée, continue de croire que, puisqu'il s'en est fallu de peu, ça peut valoir le coup d'accorder encore trois mois de plus à ce qui reste une chimère - mais qui, concrètement, a mobilisé mon énergie pendant un an.

En attendant, je redécouvre les joies du laisser-aller, du temps libre et je savoure l'idée de...

... Refaire du sport
... M'installer le soir pour regarder un film ou un match de basket
... Me coucher plus tôt
... Lire et réduire au fur et à mesure la pile de romans au pied de mon lit
... Aller faire du shopping
... Se faire un ciné, le soir ou l'après-midi
... Aller chercher mon fils à l'école et lui épargner l'étude

Oui, des choses normales mais que j'avais un peu oubliées, obnubilée par mon projet.

Sauf que...

... Mon balai a fait son retour. Et puis le yogging dans la neige, très peu pour moi.
... J'ai résilié mon abonnement à Canal Sat
... l'idée de me coucher avec les poules me déprime
... mon esprit ne cesse de vagabonder, entre rêves cassés et futurs
... j'ai pas de sous
... la crise et ses conséquences perturbent mes neurones en pleine scène d'Avatar - film qui, lui, ne nécessite pas l'utilisation de cellules grises, heureusement
... Mon fils est chez son papa et, de toute façon, c'est les vacances ce soir.

Jamais contente, hein?

EDIT: après avoir lu le commentaire d'Anne, une petite précision : non, non, je ne suis pas en phase terminale de dépression, je vous assure, ça va!

jeudi 17 décembre 2009

Après la bataille

J'avais vu huit banques. Je n'avais eu que sept refus (j'suis une marrante, je sais).

Hier, j'avais un message sur le répondeur. Un monsieur - le costume rayé gris - qui, au moins, n'annonçait rien, lâchement, pas comme certaine.

J'allais enfin pouvoir faire huit sur huit.

Il n'a pas eu à prendre de gants, je connaissais déjà la réponse. Lui le premier était étonné, ce n'était pas l'emplacement - dont il n'était pas fan - qui avait motivé le refus du comité, mais la conjoncture et l'état de sinistre dans lequel est plongé le secteur de la restauration.

Rien que du classique, en somme.

Comme j'étais calme et résignée, on a pu converser quelques minutes. Et à la fin, il m'a suggéré de revenir le voir, à l'issue de ce groupe de travail que je dois rejoindre en janvier, avec un nouveau local etc etc.

'Pis, il m'a même souhaité de joyeuses fêtes.

Oui, oui, qu'on en finisse avec cette f... année 2009.

mercredi 16 décembre 2009

Ce monde parallèle

Son air toujours absorbé ne peut masquer sa lassitude. Taciturne, il soupire sans même s'en cacher. Je ne le connais pas mais j'avoue, il ne m'inspire aucune sympathie. J'imagine que la routine du quotidien a fini par tuer ses rêves, son enthousiasme, sa gaieté.

Hier, je l'ai croisé, à son bureau. Il avait l'air plus maussade que jamais. Je suis amie avec sa collègue de travail et c'est auprès d'elle qu'il s'est plaint. Le soir, à l'issue de sa longue journée, il allait devoir s'astreindre à du phoning.

"Pff, on n'a même pas le droit d'avoir une vie privée", qu'il a grogné.

Mon amie a haussé les épaules, résignée, elle qui ne voit pas plus le jour.

"C'est bien", a-t-il repris, "on gagne de l'argent mais on n'a pas le temps de le dépenser."

Aussi absurde que cela puisse paraître, je me suis surprise à l'envier. En proie aux doutes et un rien déstabilisée de me lever chaque matin sans le but qui m'animait jusque-là, j'aimerais retrouver une place dans ce tourbillon de la vie active. C'est sans doute pour cela que je l'ai trouvé limite indécent de se lamenter sur son propre sort.

J'ai conscience que chaque situation est unique, qu'il est parfois difficile de prendre du recul et que la nature humaine est ainsi faite que nous sommes perpétuellement insatisfaits. Je peux entendre ses complaintes. Sans doute lui aussi rêverait-il de tout plaquer, sans doute sa fatigue est-elle légitime, sans doute avait-il imaginé une autre vie.

Pourtant, je côtoie aujourd'hui tellement de personnes confrontées au chômage ou à des situations précaires que j'ai juste envie de lui ouvrir les yeux. Même si je sais que le monde du travail est impitoyable et qu'il ne rend pas forcément heureux.

Même si je sais que c'est facile de juger.

Même si je ne peux ignorer que j'étais, voilà plus d'un an, dans la même situation.

D'ailleurs, aujourd'hui encore, si c'était à refaire, je ne changerais rien au scénario.

Simplement, je ne réalisais pas à quel point on rejoint vite le monde parallèle, celui où l'on n'a plus d'existence professionnelle.

Et à quel point, surtout, il est difficile de le quitter.

mardi 15 décembre 2009

Et maintenant?

Drôle de journée, hier. Partagée entre l'idée de brasser de l'air et d'avancer, fatiguée, lasse, tout simplement, j'étais à deux à l'heure. Il faut dire que je me suis sentie coupée dans mon élan : les deux coups de fil avortés pour tenter de joindre Pôle Emploi ne m'ont pas particulièrement motivée, et le ton de la fronceuse de sourcils, au téléphone, ne m'a pas plus boostée.

J'ai de fait reçu la synthèse de la commission, la semaine passée, où l'on me suggère de revoir mon prévisionnel, et de me former. Genre, vous passez un mixte de CAP-BAC PRO cuisine en quinze jours express, et puis vous revenez nous voir.

Concrètement, je n'ai absolument aucune envie (ni la possibilité, d'ailleurs) de suivre une formation scolaire d'un an minimum. Tout simplement parce que je n'ai jamais eu l'intention d'ouvrir un quatre étoiles, souhaitant juste proposer une cuisine maison, simple, saine et gourmande. Que je rêvais d'un lieu où l'on mange, mais pas que.

Et que je souhaitais conduire mon projet comme je l'entendais, pas en y ajoutant une louchée de conformisme et une autre de frilosité.

Je lui en ai parlé, à la fronceuse de sourcils, et puis j'ai évoqué le CDD que l'on me proposait. "Vous savez, cela ne vous garantira pas plus de crédibilité auprès des banquiers." Toujours aussi encourageante, ça fait plaisir.

L'autre solution, c'est de m'associer à "quelqu'un du métier." Un cuistot, en gros. J'en connais un, physiquement intelligent, et un autre, gros lourd, mais, je ne sais pas pourquoi, je sens que ça finirait dans les deux cas en pugilat.

Et puis, l'idée, quand même, c'était que JE cuisine pour les gens. Pas que je passe uniquement les plats (même si c'est sympa, aussi).

Le plus ironique, c'est que cette même fronceuse de sourcils qui m'encourage à retourner aux fourneaux auprès du forçat toqué, m'a conseillée, à la fin de notre conversation, de continuer de surveiller le local que je venais de lâcher. "Au cas où, on ne sait jamais."

Cette fois, à moindre coût, mon projet serait donc validé? Mais madame, tu sais que je ne serai pas plus expérimentée dans deux mois? Que la technique du ciseler-dix-mille-herbes-en-trente-secondes-sans-me-couper me sera toujours étrangère ?

Que je serai la même personne?

Hier soir, j'en riais jaune, avec l'un des formateurs de l'AFPA, présent au comité, qui souhaitait que l'on fasse ensemble un petit bilan. Il m'a laissé entendre que certains jurés, en me proposant ce groupe de travail, avaient en tête des locaux pour moi. Qu'ils me voyaient ailleurs et que, en vertu de cela, ils voulaient m'accompagner. J'ai eu l'impression de perdre le contrôle, là, d'un coup.

Oui, drôle de journée hier, partagée entre l'envie, paradoxale, de procrastiner et d'avancer, vite. Avec cette impression tenace de repartir de zéro, furetant sur le net en quête d'infos quant à ma nouvelle, nouvelle reconversion.

Je vais être claire: je me donne trois mois.

Encore.

Ensuite, je tourne la page.

lundi 14 décembre 2009

Cher employeur...

Voilà maintenant un an que vous avez bien voulu m'accueillir au sein de votre immense société, toujours avide de recrues diverses et variées.

Nous avons convenu que je rejoindrais le département "parcours entreprise", afin de m'offrir l'autonomie que je souhaitais - vous permettant, par là-même, de vous soulager d'un poids.

Vous m'avez offert les formations que je sollicitais, m'avez laissé vaquer comme bon me semblait.

Parfois, vous m'avez surprise, me demandant de repasser à votre bureau des ressources humaines pour renouveler mes voeux de mariage avec vous, alors même que je vous étais restée fidèle.

Vous m'avez fait sourire, avec vos drôles de courriers. Le dernier, surtout, que j'ai reçu FIN novembre, en rentrant de mon séjour rennais. Où vous me précisez que, si je ne me présente pas au café Clochette le 15 novembre, je serais radiée.

Sachant que c'est MOI qui ai sollicité ce stage.

Globalement, j'ai fini par penser que l'opinion publique était injuste envers vous. Quoi, vous n'étiez pas si illogique que ça, finalement. Il y avait de la cohérence dans votre démarche.

Certes, vous êtes injoignable. Ou vous proposez aimablement de nous rappeler, nous petits employés, sans jamais le faire - parce que, quand même, y'a d'autres priorités. Je vous entends d'avance: "pis, si vous n'êtes pas contents, vous pouvez aussi allonger la queue de votre agence."

Certes, vous vous moquez gentiment de nous au 3949, lorsque vous nous annoncez l'indisponibilité de vos agents, à l'issue d'une attente d'une dizaine de minutes - à 11 centimes d'euro toutes les soixante secondes.

Mais, enfin, je peux comprendre, tant vous êtes sollicité. La fusion de vos deux services, le placement et l'indemnisation, en un pôle unique, ne s'est pas faite sans mal, j'en ai bien conscience. Et je ne suis pas la plus à plaindre, eu égard à tous mes collègues qui touchent le SMIC ou, pire, le RSA.

Le problème est ailleurs: votre système est une perversion absolue et, malgré le surpeuplement de votre entreprise, vous encouragez vos employés à stagner, à n'afficher aucune ambition. A rester bien au chaud.

J'ai toujours cru que tout ça n'était que cliché. J'imaginais que certains de vos employés en contrat longue durée chez vous se complaisaient dans leur statut et je ne comprenais pas bien pourquoi, pour être sincère.

C'est vrai, ça, c'est terrible de rester au chômage, pas vrai?

Mais aujourd'hui, concrètement, j'ai perçu l'intérêt d'attendre que le temps passe, sans bouger d'un pouce.

Une preuve? On me propose un CDD court. Qui m'aiderait dans mon apprentissage de la cuisine, comme ces sachants le souhaitent. Tout cela est en ma faveur et me laisse à penser que je vais vous quitter provisoirement, sachant que vous me permettrez de gagner autant d'argent à travailler qu'à ne rien faire - moyennant un complément de salaire, histoire d'encourager la reprise d'un travail.

Tout faux. Si j'accepte ce CDD à temps plein, que je bosse vraiment, je vais perdre 30% de mes gains, au bas mot. Je ne parle même pas des frais de déplacement et l'organisation personnelle que cette nouvelle expérience va engendrer.

Vous me direz: "il faut savoir ce que vous voulez!" Oui, je veux travailler. Non, je ne veux pas être prise pour un pigeon. J'ai du mal à accepter l'idée d'être désavantagée parce que je quitte, provisoirement, votre placard. Je comprends juste qu'il vaut mieux ne pas prendre de risque si je veux toucher mes sous.

C'était donc vrai: il est parfois plus intéressant (financièrement parlant, bien sûr) de rester dans le troupeau à ne rien faire que de chercher à s'en détacher.

J'exagère? Une amie, qui a quitté son poste dans une société, en faveur d'un CDI dans une autre, s'est vue radier parce que, à l'issue de sa période d'essai, son nouvel employeur avait décidé de ne pas la conserver. Quand elle a voulu se réinscrire chez vous, on lui a signifié qu'elle avait laissé son ancien boulot et qu'en vertu de ça, elle n'avait plus droit de réintégrer votre entreprise.

En gros, tu joues, tu perds, tu pleures. C'est tout.

Voilà, cher employeur, ce que j'avais à vous dire aujourd'hui. Je ne veux pas généraliser, et j'ai même des amis qui travaillent pour vous, de l'autre côté de la barrière. Qui ont un vrai métier, confrontés chaque jour à des gens comme moi qui s'interrogent sur l'intérêt de retourner dans la vie active, quand elle promet des lendemains si chiches.

Je ne vous en veux pas, je n'ai aucune légitimité pour ce faire. Je tenais juste à vous le signaler, c'est tout.

Ce monde est absurde.

Bien à vous,

Une chômeuse naïve (novembre 2008- )

dimanche 13 décembre 2009

L'histoire de l'homme qui a mangé une mouette

De temps en temps, je jette un oeil sur les stats que "génère" ce blog. Oh, rien d'extraordinaire, je ne suis pas une blogueuse influente que l'on cite dans le classement WIKIO-ELLE ou que sais-je encore. Mais ce qui continue de m'amuser, ce sont les requêtes des internautes pour atterrir ici.

Je peux en comprendre certaines, au regard des titres de quelques posts. Du genre "je suis un pouilleux.com", "qu'est-ce que je veux devenir", voire "cuisiner sous anti-dépresseur", eu égard à mes textes larmoyants et pathétiques ces derniers temps (cela dit, je sais pas vous, mais moi, je ne tenterai pas le mélange Prozac-gros couteau de cuisine. Enfin, je dis ça, chacun est libre...).

Quelques internautes ont dû s'interroger sur l'intérêt de ce blog, après avoir tapé "les meilleures raisons pour choisir le métier de douanier","communiquer avec le Père Noël, "les rêves cerveau rangé" ou encore "la cuisine de Bree".

Mais j'imagine surtout la déception de cette personne qui voulait simplement "designer ses sourcils", de cette autre souhaitant remédier à un souci majeur - " ma peau n'est pas ferme" - ou, pire encore, cet être implorant: "j'aimerais tellement qu'on me lèche."

Hum.

J'avoue, je sèche un peu, là. Mais moi aussi, j'aimerais bien connaître "l'histoire de l'homme qui a mangé une mouette". Non, parce que j'en ai rencontré quelques-uns, dernièrement, qui m'ont bouffé mon rêve, mais parole de mouette, ils n'auront pas ma tête. Non mais!

samedi 12 décembre 2009

P'tites histoires de GPS...

Les deux fidèles que sont Anne et l'oiseau m'ont "taggée" par le biais de leur blog respectif (présents dans ma 'tite blogroll) avec un thème qui m'a d'emblée évoqué le voyage et mes péripéties classiques: le GPS.

J'aurais pu profiter de l'occasion pour vous dessiner une carte de France de toutes les villes que j'ai connues, longtemps ou brièvement. Allez, Paris, où je suis née, Nantes, ma cité adoptive, Bordeaux, siège de ma vie étudiante mémorable, Angoulême, Marseille, Maubeuge (!), Saint-Quentin découvertes le temps d'intermèdes de journaliste apprentie. Lille, ma première expérience professionnelle et Le Mans, donc, que j'ai appris à aimer depuis quinze ans.

Mais en fait, quand j'entends GPS, ça me renvoie à la joie immense que j'ai ressentie lorsqu'un employé de location de voitures m'a suggéré de prendre cette option, un merveilleux jour de juin 2007. J'étais au Texas et, s'il n'avait eu pas cet air ahuri, je l'aurais volontiers embrassé, tant je réalisais à quelle point ma vie allait changer, d'un coup.

Enfin, ma vie on the road.

Parce que je dois bien le concéder, je me suis perdue un nombre considérable de fois sur les routes américaines. Il y a les arrivées après quinze milliards d'heures d'avion (oui, je sais, c'est trop. Séquelles de mon séjour marseillais, j'imagine), les jambes engourdies, le cerveau resté avec les bagages dans la soute et la panique au moment de rejoindre les huit voies au sortir de l'aéroport. Les Motel 6 à perpet', coincés entre un Burger King et un McDonald's, loin, trop loin du centre névralgique de la ville où vous êtes supposé résider. Les avenues et les rues, les unes parallèles, les autres perpendiculaires. Le boulevard Wilshire, à Los Angeles, long de 25 km, que vous rejoignez naïvement en pensant que l'hôtel, situé au 6400W, doit être proche, avant de constater que vous êtes au n°102 et qu'il est tard, là, très tard...

Un soir à Los Angeles, justement, fatiguée, je suis partie voir un match des Lakers au Staples Center, situé en plein Downtown. Et là, l'horreur. Je me souviens avoir cru perdre la tête, en empruntant les quatre autoroutes traversant la Cité des Anges (oui oui, nord, sud, est, ouest...), ratant chaque fois la bonne sortie. A bout de nerfs, je me suis garée, j'ai coupé le moteur et j'ai fixé la carte. Je voyais bien que j'étais en plein coeur du quartier chinois, à quelques encablures de la salle. Mais impossible de me retrouver dans ces dédales quadrillés. Le trou noir. Comment, je ne sais pas, mais j'ai réussi à assister au match - enfin, je suis arrivée au milieu du deuxième quart-temps.

C'est à ce moment que j'ai rêvé d'un beau GPS...

Et c'est donc pour cela qu'en ce jour merveilleux de juin 2007, je me suis jetée sur ce bel objet noir. Si je devais un jour repartir en vadrouille, j'en ferais désormais une priorité. Bon, il faut savoir deux-trois choses sur le GPS américain - mais j'imagine que l'européen est similaire, non? :

- Le GPS est poli. Quand vous vous trompez de route, malgré son insistance, il ne dit pas : "faites demi-tour." Ou "mais c'est pas possible, tu t'es encore plantée, t'es bien une fille, tiens." Non, le GPS dit, sitôt l'adresse dépassée: "Calcul en cours." Un peu hypocrite, je vous l'accorde, mais ça calme bien les nerfs.

- Le GPS est consumériste. Il a dans son petit carnet le moindre GAP, CVS et tous les malls de la région. Une petite envie de shopping? Hop, vous mettez le GPS en marche et vous vous laissez guider. C'est comme ça qu'en voulant aller faire deux, trois courses au Wall Mart, en rentrant, je me suis retrouvée dans un terrain vague, au tréfonds de San Antonio. Il était tellement sûr de son fait que je n'ai pas voulu le contrarier, mais enfin, le supermarché avait des airs de cul de sac.

- Le GPS est sélectif. Il n'a jamais voulu me mener jusqu'à chez Eva Longoria-Parker. Même en lui demandant gentiment.

- Le GPS est capricieux. Parfois, il n'en fait même qu'à sa tête. Je lui demande le Motel 6 le plus proche, il me guide vers le Marriott. Cherchez l'erreur.

- Le GPS est sensible aux conditions climatiques. En prenant la route entre San Antonio et Houston, là où des panneaux vous signalent, de façon récurrente et très rassurante, le danger imminent de tornade ("Caution, it's time for Hurricane... Caution, Hurricane danger", ils ont toujours le sens de la formule, ces yankees), j'ai constaté que le GPS s'était simplement fait la malle, après une malheureuse bourrasque. Et quand je l'ai relancé, parce que quand même, j'avais un avion à prendre et un aéroport à retrouver (on devient vite fainéant, avec ces gadgets-là), il a fait le mort.

Finalement, c'était mieux ainsi. Je l'ai moins regretté en rentrant en France, où, pauvre de moi, je suis revenue à la bonne vieille carte Michelin, qui ne parle pas, certes, mais qui ne me guide pas, de façon sournoise et arrogante, sous un pont d'autoroute sombre ou dans un champ.

Pour le reste, n'étant pas une grande fan des chaînes, je laisse à qui le voudra le soin de s'auto-tagger et de raconter ce que lui inspire le GPS... Et je remercie mes taggueurs, grâce à qui ce blog aura été actualisé ce week-end...

vendredi 11 décembre 2009

Aïe

Je voulais vous parler de l'ambiance étrange qui régnait hier soir dans un centre de vaccination, où loulou et moi avons eu le bonheur de nous rendre. Mais je suis un peu chamboulée, là.

Ce soir, y'avait pestacle de Noël, à l'école de loulou. Tout bien organisé, mon rejeton qui joue le rôle du monstre (bizarre), les chants, les parents émerveillés, tout ça... Une ambiance bon enfant, rien que du banal, en somme.

Et puis, parfois, les choses basculent. A la fin du spectacle, les enfants descendent de l'estrade, pour rejoindre leurs parents, déjà prêts à les féliciter naïvement. Certains chahutent un peu entre les chaises. Je croise le regard de l'un d'entre eux.

Stupeur. Je lis de l'effroi. Il balaie la salle, les yeux implorants, et les baisse vers son bras.

Retourné.

Je n'arrête pas de me repasser la scène et j'ai une pensée pour ce petit bonhomme qui doit encore être à l'hôpital, à cette heure. Et pour sa famille - que je connais - pour qui le spectacle de Noël restera tristement gravé dans les esprits.

jeudi 10 décembre 2009

Le tact bancaire

13h et des poussières. Téléphone.

"Bonjour, madame Biiip de la BNP."

Tiens, ma banque. Mais pas ma conseillère habituelle.

"Je vous appelle car j'ai besoin de votre avis d'imposition. Et puis, vous pourriez peut-être venir à l'agence, pour que l'on parle de votre situation, comme nous ne nous connaissons pas."

Je me disais aussi.

"Euh, oui, je vous apporterai ça."

"Oui, vraiment, ce serait bien de prendre rendez-vous. C'est pas mal de faire un point avec sa banque, parfois."

C'est pas comme si j'avais passé plus de temps dans des banques qu'auprès de mon fiston, dernièrement, c'est vrai.

"Alors, je regarde où vous en êtes. Ah, vous êtes toujours chômeuse?"

"Oui, figurez-vous que j'ai présenté à votre collègue un projet - qu'elle a vaillamment défendu auprès de votre comité régional, d'ailleurs - en vain. Donc, au lieu de créer mon entreprise, je suis toujours chômeuse."

"Ah, oui. Et puis ça fait un moment, dis donc. C'est comme mon mari, lui aussi, il a été licencié, oh la la, c'est dur, hein."

Elle va me raconter sa vie, là? Non, parce que j'aimerais bien voir la fin de l'Édition Spéciale, quitte à glander.

"Bon, ça va, LUI, il travaille par ci, par là." Pendant que toi, tu fais ta grosse loche sur le canapé, ai-je l'impression de deviner dans un sous-entendu.

Je deviens parano, je crois.

mercredi 9 décembre 2009

Caliméro is not dead

Voilà une semaine, alors que tout n'était pas encore mort, je ne sentais plus en moi qu'une énergie négative, peinant à réfréner mes pleurs et mes états d'âme.

J'en voulais à la terre entière, je maudissais les banquiers et leurs stupides cases, j'avais envie d'aller me coucher jusqu'à ce qu'un prince charmant vienne me réveiller (avec ma veine, j'imagine déjà le type, genre Shrek). Bref, je fuyais la réalité.

Je cherchais une reconversion. Je veux dire, une nouvelle. Un truc que je saurais faire, avec le diplôme bien comme il faut pour faire genre.

Aujourd'hui, alors que tout est officiellement mort - du moins, pour cette affaire, à ces conditions précises - je me sens apaisée. Et je sais pourquoi. Ce sentiment de solitude tellement prégnant qui m'a envahi au moment où tout s'écroulait s'est estompé avec un soutien de toute part, me montrant que je n'étais pas seule, et pas seule concernée.

Bon, je ne vais pas faire de démagogie, mais enfin, certains messages, ici, sur Facebook, sur ma boîte mail ou en direct, me vont droit au coeur. Le soutien, beaucoup plus inattendu, de la commission, hier mardi, de personnes étrangères au dossier, m'épate et me rassure un peu sur la nature humaine. Je ne vous parle même pas de celui de la fronceuse de sourcils, tant ça dépasse l'entendement, mais enfin, ça prouve que tout arrive.

Donc, en bon Caliméro que je suis, je range ma coquille et je repars au front. Aujourd'hui, je suis passée dans un restau que l'on qualifiera de communautaire, pour savoir si, à tout hasard, une stagiaire, ça pourrait les brancher. Pas de bol, le chef n'était pas là mais je reviendrai. Ensuite, j'avais rendez-vous à la chambre de commerce, pour y rencontrer un médiateur, très attentif, avec qui nous avons pu échanger sur la situation économique actuelle, les attitudes limites des banques et patin couffin.

Il m'a suggéré des idées intéressantes et à vrai dire, j'étais assez sciée de la confiance qu'il m'a accordée. Certes, c'est par le biais d'un ami que j'ai pu obtenir cette entrevue, mais cet homme-là s'est avéré simplement ouvert, sans volonté aucune de m'intimider ou de me dissuader.

Et puis, le soir, j'ai reçu une proposition alléchante, dont je vous reparlerai peut-être.

Comment j'envisage le futur? Je n'en sais rien, à vrai dire. D'un côté, j'ai le "choix" (hum) de mettre mon projet de côté-en-attendant-de-laisser-passer-la-vilaine-crise-ma-bonne-dame, en allant gagner ma vie à raconter celle des autres (encore faut-il y parvenir, mais ceci est un autre débat).

De l'autre, on me suggère d'acquérir de l'expérience en live, mais je vois difficilement comment des EMT successives pourront "rassurer" davantage mesdames et messieurs les banquiers. Comme je l'ai entendu récemment, "ce ne sont pas quelques semaines qui vont vous apprendre le métier, madame."

Mademoiselle, d'abord. Si j'étais mariée, le contexte serait différent.

Et cela aussi, on me l'a sorti.

Bosser en cuisine, chez les autres, c'est une nouvelle façon de mettre tous les atouts de mon côté, dans l'optique que, cette fois, les barrières tombent. Si je devais essuyer un nouvel échec, il sera toujours temps pour moi, alors, de remettre ma coquille de Caliméro et d'aller pleurer sur l'état de ce pays tellement frileux, malgré la richesse de ses ressources.

mardi 8 décembre 2009

What a feeling

La journée a démarré bizarrement. Déjà, réveillée bien trop tôt par un réveil geignard, je me suis cognée à la porte de ma chambre.

Léger moment de solitude.

En fait, j'aurais voulu rester dans le brouillard, histoire de ne penser à rien. Et surtout pas à l'échéance qui m'attendait. Eh oui, c'était le grand jour. Celui de la commission. A quoi bon se rendre malade, mieux valait faire comme si de rien n'était. Comme si tout l'avenir de ma boîte ne dépendait pas de cette présentation.

Je suis allée me défouler au basket, ai discuté avec un ami sur un dernier recours, qui ferait contrepoids face à l'obstacle bancaire. J'étais un peu barbouillée mais enfin, ça allait.

Je me suis préparée tranquillement, ai vidé mon cartable des cartes de visite des banquiers-tueurs, relu mon dossier. J'avais décidé que je resterai positive, vaille que vaille.

En traversant la gare, pour rejoindre le lieu du rendez-vous, j'ai croisé des costards-cravate, des jeunes étudiants, une maman, un garçon physiquement intelligent... Un tourbillon pour me faire oublier que j'allais direct à l'échafaud. J'écoutais Charlie Winston, encore lui, chanter "in your hands". Et il avait bien raison, ce bon Charlie. Mon sort était entre mes mains.

Enfin, presque.

Après un peu d'attente, la rencontre avec mon expert-comptable d'un jour - commis d'office par le cabinet, le pauvre- et une discussion avec la fronceuse de sourcils, il était temps de rentrer dans l'arène.

Sur Facebook, j'avais anticipé ce moment, me prenant pour Jennifer Beals devant son comité austère, dans Flashdance. Enfin, juste le moment où elle se pointe devant le jury, qui tire une tronche de dix mètres de long, avant de se rétamer.

Dans la vraie vie, je me suis retrouvée face à une quinzaine de visages, masculins en très, très grande majorité (une seule femme), pas du tout-jeune, hein. Installés sur une table en U, mon dossier devant eux, prêts au sacrifice. Ils se sont présentés les uns après les autres, j'ai compris qu'il y avait quand même beaucoup de banquiers - les plus hostiles, je l'imaginais déjà. Mais aussi des chefs d'entreprise, un avocat, un juriste, un expert-comptable... Tout le tralala. Et deux visages familiers, un ami et l'un des formateurs de l'AFPA, avec qui j'ai travaillé trois mois.

"Nous vous écoutons."

J'ai exposé mon projet, tremblant de toute mon âme, sentant le rouge me monter aux joues. Tant de regards tournés vers soi, ça impressionne. J'ai surtout parlé de mon affaire, peu de moi et au bout d'une vingtaine de minutes, l'interrogatoire pouvait commencer.

Impassible, l'un me demande: "Vous êtes une maman. Célibataire, qui plus est. Comment comptez-vous gérer l'organisation qu'un tel modèle familial suppose?"

Un autre: "Quand même, ça fait pas beaucoup de salaire, ça."

A sa droite: "Mais vous ne voudriez pas plutôt créer une association, pour tisser ce lien social qui semble tant vous tenir à coeur?"

L'autre, narquois: "OK, vous avez fait trois jours en cuisine, mais qu'est-ce qui vous fait dire que vous allez tenir le rythme sur du long terme?"

Sans doute frustré que je lui réponde, il enchaîne:

"Savez-vous vous remettre en cause?"

Là, je n'ai pu résister ; "Et vous, pensez-vous qu'une journaliste qui se reconvertit dans la restauration est capable de se remettre en cause?"

Il l'avait pas volée, celle-là. Le formateur de l'AFPA m'a fait un clin d'oeil, amusé de la répartie.

J'avais tellement anticipé toutes les questions que les réponses fusaient naturellement. Je n'ai pas bafouillé, et j'ai défendu mon bébé jusqu'au bout. Un moment, on nous a priés de sortir, l'expert-comptable et moi, dans une petite pièce. Le jury allait délibérer.

Ça n'en finissait plus. Finalement, 45 minutes plus tard, nous avons été rappelés. Je ne me faisais pas d'illusion.

"A la majorité, c'est non", m'a asséné le directeur de la séance. "Mais."

Mais?

"Mais, compte tenu du débat que votre dossier a suscité, nous vous proposons de créer un groupe de travail pour vous permettre d'affiner quelques points, afin de présenter de nouveau votre projet à ce même comité, dans quelques temps."

En gros, j'ai réussi l'examen de passage et donc... on me refuse les prêts d'honneur. Cherchez pas, y'a rien à comprendre. Enfin, si, mais ce sont toujours les mêmes arguments, toujours ce même formalisme qui impose à un être de demeurer ce qu'il a été toute sa vie (professionnelle) durant.

Entre autres, on me demande donc d'aller parfaire ma formation en cuisine. Pour le reste, le dossier a visiblement séduit, étant jugé innovant. Pourquoi le cacher? Cela m'a rendue fière, même si cela ne change rien à l'affaire. Petite consolation...

Il y a eu un petit cocktail, pendant lequel j'avais le loisir d'échanger avec les jurés. Les banquiers m'ont évitée - et je sais par une petite souris que ce sont eux qui se sont opposés au projet, quelle surprise, n'est-ce pas - et ça m'allait très bien. La fronceuse de sourcils est remontée dans mon estime et m'a conseillée de poursuivre l'aventure, contre toute attente.

Mais celui qui m'a le plus touchée, c'est ce monsieur qui est simplement venu me dire: "Le contexte est tel que l'on ne veut pas vous envoyer au casse-pipe. Mais n'abandonnez pas, vous avez l'âme d'un entrepreneur, vous y arriverez. Vous avez la personnalité pour. "

Ça ne mangeait pas de pain, bien sûr, mais cela m'a encouragée. Aujourd'hui, je ne peux qu'espérer, me donner encore une ultime chance de rebondir avec un projet remanié. Je n'ai pas encore réussi le grand écart, mais enfin, la chute n'est pas si rude que je le craignais.

Une histoire de carapace, j'imagine.

lundi 7 décembre 2009

J'ai pas sommeil

Ouh la la, je suis décidément de triste compagnie, en ce moment, et je ne souhaiterais pas à mon pire ennemi de passer du temps avec moi! J'ai l'impression de radoter, de ressasser les mêmes histoires, d'être négative en permanence... Un vrai sape-moral ambulant.

Après avoir brassé beaucoup d'air - euh, déployé toute mon énergie - me voilà là, toute bête, au point de départ. Il y a un an, j'en étais au même point, sauf que j'avais un projet. Là, je ne sais plus, sincèrement. J'aurais envie de ranger tout ça au rayon des souvenirs pour faire du vide dans ma tête et retrouver cette sérénité et ce sentiment de bien-être qui m'animaient alors.

Pourtant, l'issue est tellement blessante et frustrante que je ne peux me résoudre à renoncer complètement.

En fin de semaine passée, lasse, vraiment lasse, j'avais pourtant repris un peu de poil de la bête, envisageant une nouvelle reconversion. Rien à faire, mes songes sont envahis d'histoires de clients, mixeur, gâteaux, passoire, casseroles et fournisseurs. Lorsque je veux m'abrutir devant une série télé, les images de tout ce cirque repassent en boucle dans mon cerveau. Je n'arrive même plus à me concentrer sur "Le Prédicateur" pourtant passionnant, contrainte de relire les mêmes lignes encore et encore, jusqu'à renoncer, éteindre et envisager de dormir.

Je me tourne. Me retourne. Je regarde le plafond. Évidemment, il ne se passe rien. Comme je n'ai même pas de chat pour taper la discut', j'allume la musique, doucement, mais toutes ces mélodies folk que j'adore habituellement me collent plus encore le bourdon.

Je finis par m'assoupir. Et puis, moi qui étais assommée par le sommeil il n'y a encore pas si longtemps, je me retrouve à gamberger, regarder trop souvent l'heure. 1h23. 2h31. 3h04...

Non, j'ai pas sommeil.

Et pourtant, je n'ai envie que de mon lit, comme un signe de dépression.

De triste compagnie, je vous dis. Pourtant, il va me falloir masquer cette mélancolie demain. Je passe devant le comité qui doit m'accorder des prêts d'honneur. Dans le pool du jury, des avocats, des notaires, des chefs d'entreprise, des chargés de mission spécialisés dans la création, la fronceuse de sourcils et, bien sûr, mes amis les banquiers.

Je vais devoir exposer mon projet devant ce parterre de sommités locales. Ensuite, ils vont tous me triturer l'esprit avec leurs questions toutes plus tordues les unes que les autres. Je vais sortir, le temps de la délibération, avant de connaître le verdict.

Deux choix se posent à moi: je joue l'intox et je prétends que les banques attendent l'avis de ce comité pour se prononcer. Ou bien, je raconte le parcours de combattant qui s'offre aujourd'hui aux créateurs d'entreprise, confrontés aux conséquences de la crise - frilosité, perplexité, vous connaissez le refrain.

Je vais improviser, selon mon feeling. S'il reste la moindre chance d'obtenir leur aval, je cache tout le côté sombre qui m'oppresse tellement ces derniers jours. Car, avec un "oui", les banques seraient susceptibles de revenir vers moi. Et je serais prompte à tout oublier.

Si je sens en revanche que le jury partage les doutes de la fronceuse de sourcils, j'expliquerais, calmement, ma réalité. S'ils pouvaient prendre conscience des obstacles chaque jour plus imposants qui ruinent les espoirs de certains utopistes, au moins n'aurais-je pas été complètement inutile...

dimanche 6 décembre 2009

La poudre aux yeux

Pff... Par quoi commencer? J'aurais pu titrer ce post - ou celui qui l'annonçait - "et de quatre". Vous raconter, jeudi et vendredi soir, les deux derniers rendez-vous avec de nouvelles banques.

J'ai eu besoin de digérer la chose, voyez-vous.

Et de quatre, donc, avec ma banque personnelle. Samedi matin, ma conseillère m'a expliqué le cheminement du refus. Mardi, son comité avait rejeté le dossier. "CAF insuffisante " (capacité d'auto-financement, en gros, je ne dégageais pas assez de bénéfices à leurs yeux pour rembourser les emprunts). Elle est revenue à la charge. "Vous comprenez, je l'ai porté aussi, ce projet", a-t-elle ajouté, désolée.

Rien à faire. Elle a trouvé les mots, je l'ai sentie réellement attristée. Elle m'a souhaité de trouver un établissement qui accepterait de m'accompagner. M'a demandé aussi ce que je comptais faire, après, si jamais... Si jamais je devais faire le deuil de ce rêve.

A vrai dire, je me sens partagée. J'ai plusieurs passions dans la vie. La cuisine en est une. L'écriture une autre. Lorsque je m'adonne à l'une ou l'autre de ces activités, j'ai le même sentiment de vertige, de perdre le fil du temps pour rentrer dans un univers où les gestes, les pensées m'apparaissent fluides.

Je ne vais pas m'en cacher, ces derniers jours ont été terriblement difficiles à vivres. Incapable de relativiser, révoltée par ce système dans lequel nous ne sommes que des jouets, triste, aussi - évidemment, j'ai traîné mon âme désoeuvrée en cherchant des solutions. J'ai beau aimer l'improvisation, j'ai besoin de me projeter un minimum.

Cela fait un an que je me suis lancée dans cette drôle d'aventure. Parfois, je me dis que j'aurais pu de la même façon simplement humer l'air du temps qui passe, me lever à pas d'heure et savourer un temps de repos inconsidéré- puisqu'après tout, au bout de ces mois qui ont passé, le résultat est le même: je suis toujours au chômage.

Plutôt que de triturer mon cerveau, j'aurais pu l'occuper à lire, voir, jouir du temps qui passe. Plutôt que de fatiguer mon corps en réduisant mon temps de sommeil, j'aurais pu l'activer sereinement avec des séances de sport à répétition.

Oui, mais voilà. Je ne regrette rien. Tout ça n'est pas vain. Tout a un sens.

En milieu de semaine, j'ai eu la tentation de tout rayer d'un bloc, de ranger mes cahiers, mes livres de recette et tout le barda qui occupe mon salon depuis trop longtemps. Tourner la page, songer à d'autres horizons, davantage à ma portée.

Écrire. Revenir vers mes premières amours.

J'ai pris les attaques reçues de façon personnelle, au départ, et puis j'ai compris que tout cela me dépassait. J'ai entendu des incohérences. Un banquier en cravate bleue qui m'assurait que "la conjoncture, madame, vous comprenez. Et puis l'emplacement, il est pas bon votre emplacement." Avant de me suggérer d'attendre que le local en question coule, qu'il soit proposé à pas cher par un administrateur judiciaire et là, il me financerait.

"Mais je ne comprends pas, vous n'aimez pas l'emplacement, vous me parlez de la crise, mais à un prix moindre, vous me financeriez?"

"Oui", qu'il m'a répondu avec aplomb. "Moins de risques, pour le coup."

Hum.

Un autre en cravate rose: "L'emplacement, j'aime bien, c'est le fait que vous ne soyez pas issue de la profession qui me gêne." Le costard gris: "Le fait que vous ne soyez pas issue de la profession ne me gêne pas; en revanche, l'emplacement..."

Et enfin, il y a eu ce dernier rendez-vous, vendredi. Je suis rentrée vers 16h30. Ressortie à 19h. Oui, on a peu causé. Le monsieur était lui aussi en chemise et cravate roses (mais c'est un code du milieu, ou quoi?). Il m'a laissé raconter mon projet (le découvrant simultanément puisqu'il n'avait pas eu la conscience professionnelle d'en prendre part avant, malgré mon envoi par mail. Hum) et j'ai vite senti la réponse négative. Contrairement à la veille, pourtant, je n'ai pas relâché la pression. J'ai eu envie de défendre mon bébé, une dernière fois.

Il a été franc. Il voulait bien constituer un dossier, mais il émettrait un avis négatif. "Vous n'êtes pas de la partie". La classique.

Au lieu d'envisager la valeur ajoutée que peut constituer l'oeil d'un reconverti, eux n'y voient qu'un risque supplémentaire, dans un contexte de crise blablabla.

J'en rigolais, de la crise, au début de mon aventure. Je trouvais qu'on lui mettait tout sur le dos. Au fil des mois, j'ai compris que tout ça n'était pas qu'un fantasme. C'est dur pour beaucoup, la classe moyenne s'appauvrit et les modes de vie changent.

Faut-il pour autant continuer de se recroqueviller sur ses acquis, faire l'autruche et attendre que ça passe? L'état a renfloué les banques à coup d'argent des contribuables, à taux 0. Pour relancer l'économie, paraît-il.

Comment peut-on encore croire à cette farce? Oui, comment ?

Casser l'élan de jeunes entrepreneurs, sur des "petits" projets (en termes financiers et humains), les réduire à leur état de demandeurs d'emploi fatalistes et résignés, est-ce ça, relancer l'économie? Suggérer à des créateurs d'aller chercher un poste salarié payé au SMIC et de ranger leurs rêves au placard, est-ce ça, anticiper la reprise ?

Je crois surtout que tous ces discours sur la création d'entreprise, c'est de la poudre aux yeux. "Créez votre emploi! Lancez-vous!" entend-on. "N'ayez plus peur! Il y a tout un tas de partenaires pour s'occuper de votre cas! Allez en discuter avec votre conseiller, vous verrez!"

De la poudre aux yeux, oui. Pendant ce temps-là, vous ne gonflez pas les rangs des demandeurs d'emploi. Vous ne sollicitez personne à Pôle Emploi, sinon lorsque vous prenez la liberté de les déranger pour un stage ou autre. Occupez les gens, ils ne s'ennuieront pas.

Le résultat, c'est qu'au bout d'un an, avec un business plan que huit banquiers ont estimé "solide et bien ficelé" (ah ah), des formations en gestion et création, des gens qui m'ont soutenue, une détermination accrue, un local trouvé pas trop cher - eu égard au marché - des premières expériences concluantes, des associés financiers et un apport personnel intéressant en conséquence, eh bien... j'en suis à la case départ.

Non, bien sûr, tout ça n'est pas vain. C'est juste ce léger goût amer, dont je ne parviens à me défaire, qui me déplaît.

samedi 5 décembre 2009

Croire en ses rêves, final part

Je suis rentrée, un peu bousculée, et j'ai repris le cours de ma vie. Les CV étaient déposés, il ne me restait plus qu'à attendre, un peu.

Mais mon rêve avait pris du plomb dans l'aile. L'attitude de mon amoureux me faisait douter quant à la suite des aventures et je savais maintenant que pour survivre à Manhattan, il faudrait prendre deux emplois. Genre pigiste et serveuse.

Je continuais pourtant d'y croire. Mais cela ne me faisait plus rêver. Simplement, j'avais envie de vivre l'expérience, d'aller au bout de mes envies.

Les mois ont passé. Les tensions avec mon amoureux s'accentuaient. Alors qu'il était au départ the cherry on the cake dans cette aventure, il en était devenu - à mes yeux, du moins - un frein majeur.

Le magazine de basket a fini par me répondre. Je ne correspondais pas au profil (je ne maîtrise pas le slang, il est vrai). Le journal de l'ONU cherchait en revanche un journaliste et j'ai donc reçu une offre... Non rémunérée. Aïe.

Le jour de mes 25 ans, de façon symbolique, j'ai décidé qu'il était temps de clore ce chapitre. Comme par hasard, en descendant chercher mon courrier à la boîte aux lettres, j'ai eu la surprise de découvrir une enveloppe tamponnée de ce "Condé Nast" tant espéré. La maison qui gère tous les magazines féminines (Cosmo, Glamour et cie). Ils me proposaient un entretien.

Dans ma tête, pourtant, j'étais allée au bout. Je n'avais plus la flamme. J'ai rangé le courrier, souriant de l'ironie de la situation.

Voilà comment les rêves les plus prenants sont parfois relégués au rayon des souvenirs. Sans regrets.

Pourquoi vous ai-je raconté tout ça? Sans doute parce qu'aujourd'hui, cette histoire fait écho avec ce que je suis en train de vivre. Cette fois, l'aventure, parce que je suis allée plus loin, m'a semblé (un peu) plus à ma portée.

Mais elle n'en était pas moins complexe.

Aujourd'hui, elle aussi a pris du plomb dans l'aile.

vendredi 4 décembre 2009

Petit aparté, quatrième

Vous connaissez la chanson, maintenant, alors juste un petit retour au doux quotidien... Message sur le répondeur, ce soir. Ma banque personnelle. J'attends l'appel depuis mardi.

"Bonjour Mademoiselle, j'ai une information concernant le financement de votre projet. J'aimerais échanger sur la question avec vous directement, alors rappelez-moi."

Ce que je ferai demain matin, samedi. Mais autant le dire: de ce côté aussi, it's over.

Croire en ses rêves, part five

Un rien intimidée, je frappe à la porte blindée-customisée aux impacts de balle. L'accueil est plus mitigé qu'espéré mais enfin, je suis là, je reste, hein.

Dehors, il faisait froid, très froid. La tendance aurait été de rester bien au chaud et de passer des vacances tranquille. Mais je n'étais pas là pour ça.

Tous les matins, je prenais donc le métro, toujours accompagnée d'un membre de la famille de mon amoureux - il y avait plein de cousins, cousines, ils vivaient en communauté - qui me laissaient à hauteur de Harlem, la conscience tranquille, vaquer à mes propres occupations pendant qu'eux reprenaient les leurs.

J'ai découvert qu'ils se sentaient en fait responsables et estimaient qu'il valait mieux m'accompagner, tant que la rame de métro traversait le Bronx. En fait, c'était étonnant d'être à ce point dépendante d'eux, tout là haut, et autonome à Manhattan.

Sous la neige, je suis partie déposer des CV, à droite, à gauche, avec une lettre de motivation. Je visais principalement un magazine de basket et des revues féminines. Je rentrais dans ces immenses lobbys dorés, au plafond très haut et à la déco parfois kitch. Un réceptionniste prenait le courrier en souriant, annonçant qu'il transmettrait. Je n'étais pas sûre de sa sincérité, mais enfin, c'était la seule solution pour proposer sa candidature. En France, on trouverait la démarche culottée, j'imagine. Elle est usuelle outre-Atlantique.

Je me sentais un peu bizarre, à vrai dire, d'en passer par là, mais cela ne me coûtait pas grand-chose. Le soir, je rentrais sagement "à la maison", toute seule, cette fois. Au fil des jours, j'en étais à me dire que le Bronx n'était pas le quartier gangrené que l'on racontait. La seule légère agression que j'avais subie, c'était celle d'un homme dans le métro, un Américain blanc, alcoolique. Rien de bien méchant.

En fait, je cherchais juste à rester discrète, à ne pas faire de vagues, car ma présence dans ce quartier était un rien atypique. Un soir qu'un groupe de jeunes se lançait des boules de neige, j'ai manqué m'en prendre une en plein visage. Juste avant qu'elle arrive à ma hauteur, j'ai pensé : "je ne dis rien, surtout, si je suis touchée." Parano?

Pas sûre. Un jour, nous sommes parties, avec la cousine de mon amoureux, faire quelques courses dans le petit supermarché de la rue. Rien à signaler, a priori. Et puis, en arrivant, on s'aperçoit qu'il manquait un ingrédient. La cousine n'a pas eu le temps de me retenir que j'étais repartie.

"Non, non, attends!"

Trop tard. En rentrant dans le magasin, les mêmes gens indifférents à ma présence, cinq minutes plus tôt, m'ont dévisagée de pied en cap. L'hostilité était palpable. Je n'étais plus accompagnée, donc plus légitime. Je n'avais rien à faire ici.

Je n'ai rien dit en rentrant. Tout le monde en avait conscience. D'ailleurs, le lendemain, la même cousine a accepté avec joie que l'un de ses copains nous ramène de Manhattan au Bronx.

"Tu sais, le métro, ça craint un peu dans le coin", m'a-t-elle expliqué.

Sauf que le métro, parce qu'il est souterrain, ne nous rien laisse entrevoir de la réalité de la rue. C'est en traversant le Bronx que j'ai compris que tout ça n'était pas (forcément) un mythe. Le South Bronx, sorte de ville-fantôme, pullulait de junkies. Les dealers de crack regardaient notre fourgonnette et j'ai compris qu'un voyeurisme exacerbé pourrait avoir de fâcheuses conséquences.

Je me suis tue. C'est moi qui avais voulu y aller. Et puis, au delà de la découverte d'un monde insolite et rugueux, il y avait cette recherche d'emploi, tout aussi nouvelle pour moi, dont j'allais connaître les retombées quelques mois plus tard...

A suivre...

jeudi 3 décembre 2009

Croire en ses rêves, part four

"Où ça? Dans le Bronx?"

Mes parents, qui ne goûtaient déjà pas vraiment à mes envies d'ailleurs, sont restés un peu abasourdis devant la nouvelle. Pour Noël, ils avaient accepté de m'offrir ce vol aller-retour pour New York. De là à m'envoyer dans le Bronx...

Personnellement, je n'avais pas trop envie d'envisager un quelconque problème. OK, c'est pas forcément le coin le mieux famé du monde. Mais enfin, les films, tout ça, c'est une chose. Dans le Bronx, c'est aussi certainement civilisé, ça a dû s'arranger depuis le nettoyage de la municipalité.

Comment ça, je disais ça pour me rassurer?

Je suis arrivée le 31 décembre 1998 à New York. Dans l'avion, on avait fêté le nouvel an et les petites bulles me permettaient d'atténuer la tristesse que je ressentais: mon amoureux ne m'attendait pas à l'aéroport, coincé à Miami pour une réunion familiale.

Autant vous dire que le prix d'une chambre à Manhattan le soir du Réveillon, c'est une folie tout sauf douce. Alors, deux nuits en cette période et voilà que j'étais (de nouveau) à sec.

Le troisième jour, mon amoureux rentrait chez lui. J'essaie d'effacer de ma mémoire cette solitude inouïe que j'ai ressentie, dans ces rues peuplées de fêtards. De ne garder en tête que le spectacle de New York vidée de ses voitures, par la grâce de la police montée et d'une folle randonnée collective jusqu'à Times Square.

Je range mes bagages et quitte ce lieu de luxure (une auberge de jeunesse avec toilettes collectives, un vrai bonheur) et hèle le premier taxi, genre la new-yorkaise-à-qui-on-ne-la-fait-pas.

Il s'arrête. Je lui donne l'adresse. Il me regarde avec des yeux ronds et fait non avec la main. Je ferme la porte. Il part à toute vitesse.

Quoi, y'a un problème?

Deuxième taxi. Je lui donne l'adresse. Il me regarde avec des yeux teintés de surprise.

"Are you sure, miss? You know exactly where it is?"

Oui, OK, on ne va pas exactement sur Park Avenue, mais enfin, pas la peine d'en faire des tonnes non plus. Il accepte de me prendre en charge, jetant seulement ses yeux inquiets vers moi, dans son rétroviseur. Nous roulons assez longuement. Mon amoureux habite à hauteur de la 165e rue. Sur Le Routard, j'ai lu un jour qu'il fallait éviter, en tant qu'étranger blanc, de se balader au delà de la 115e.

Bah.

Le taxi s'arrête. Je règle, je crois lire un sourire d'empathie sur son visage. J'ouvre la porte de l'immeuble et là, dans la cage d'escalier devant moi, un junkie, le bras suspendu, qui vient visiblement de prendre sa dose.

Au secours.

"Miss, miss!!" Le taxi. Il s'est trompé de rue, nous ne sommes pas à Sherman Avenue mais à Sheridan, une rue parallèle. Je repars donc avec lui, laissant là le junkie.

Lorsque j'entre dans le bâtiment de mon amoureux, pas de scène macabre. Seulement des impacts de balle sur les portes blindées.

Bah.

A suivre...

mercredi 2 décembre 2009

Petit aparté, troisième

Vous commencez à en avoir l'habitude, une petite incursion entre deux bribes new-yorkaises pour revenir au présent et sa dure réalité. Deuxième banque ce matin, deuxième homme.

Chemise et cravate roses, profil de vainqueur, l'homme inspire la confiance. Je le sens perplexe au début, et puis, il se déride. Résume assez vite son sentiment, dit qu'il va monter le dossier dès aujourd'hui et me rappelera-pour-des-infos-complémentaires-au-revoir-madame-et-bonne-journée.

Je ressors, sous la pluie, mais avec une légère éclaircie intérieure.

Le coup de fil arrive rapidement. Au vu des premiers éléments, il veut bien monter le dossier, mais, mais, mais... il a besoin d'une caution personnelle.

J'ai toujours entendu, depuis le début de cette aventure, que des organismes étaient là pour assurer ce genre de garanties, que nous n'avions pas à engager de risques personnels, qui plus est pour une SARL. Le FONDES, c'était mort, je pensais qu'OSEO allait pouvoir m'aider, mais visiblement, ce qu'il veut, le banquier, c'est une caution de mes parents.

A qui il a donc envoyé un courrier. Voilà comment, à 35 ans, potentielle chef d'entreprise, je me retrouve à quémander auprès de mes parents une caution.

C'est un cauchemar, et je vais me réveiller.

Croire en ses rêves, part three

Love at first sight. Quitte à être cliché, autant y aller à fond.

Je me suis retournée. Le boulet en question était sur son vélo et il affichait un sacré sourire. Beau comme un dieu. Limite si je ne me suis pas retournée pour voir derrière mon épaule à qui il s'adressait vraiment.

Bon, au début, j'ai résisté, je l'ai envoyé gentiment paître - j'avais déjà le dossier Victor à régler.

Mais comment résiste-t-on au coup de foudre, hein?

Il était donc là sur son vélo et il m'a emmenée déjeuner. Oui, comme ça. Le fait que je me nourrisse exclusivement de salades de fruits depuis deux ou trois jours ne m'a pas incité à minauder plus longtemps, bien sûr, mais enfin, au delà de cela, j'étais sous le charme.

Je suis une faible fille.

Souvent, lorsqu'un homme me plaît, je bégaie, je ne sais pas quoi dire, je perds mes moyens, je me trouve nulle et je fais tout à l'envers. J'ai une faculté assez effarante à me rendre transparente, je dois l'avouer.

Mais là, rien de tout ça. Tout était naturel. Le fait que l'on partage un repas, que je l'attende, le vélo à la main, parce qu'il avait un pli à déposer dans l'une des deux Tours, que l'on se parle comme si nous nous connaissions depuis toujours.

Chabadabada, chabadabada, ba ba ba, chabadabada...

Je sais, c'est mielleux, tout sucré, mais voilà, c'était magique.

Bon, cela a failli virer au mauvais film de série B, dès le lendemain, lorsque Victor nous attendait au pied de mon auberge de jeunesse, cherchant à se battre avec mon nouvel amoureux.

Eh, les gars, c'est fini, là, on a rangé les épées depuis un bail.

Je dis ça et au delà de l'affolement initial, j'étais bien évidemment flattée de tout ce cirque. Mais vous allez-me dire, quel rapport avec la choucroute? Avec ce blog? Avec ce rêve de journaliste frenchie aux States?

J'y viens, j'y viens.

J'étais partie avec des rêves de grandeur cet été-là, j'en repartais avec des étoiles plein les yeux et l'envie irrépressible de revenir au plus vite à New York. J'avais un rêve et maintenant un amoureux là-bas. Tout était calé: à Noël, j'allais repartir à l'assaut de la Big Apple. J'avais même maintenant où dormir:

Dans le Bronx.

A suivre...

mardi 1 décembre 2009

Petit aparté, deuxième

Je sais, on va finir par s'y perdre, entre tous ces chapitres qui se croisent, mais je me dois d'interrompre de nouveau le cours de ces aventures new-yorkaises, le temps de vous raconter ma rencontre avec une nouvelle race:

Les messieurs-de-la-banque.

Ça n'a pas marché avec les dames? Eh bien, changeons de stratégie, comptons un peu sur le hasard et voilà que j'ai rendez-vous cette semaine avec QUATRE messieurs-de-la-banque.

Je sais, je suis une aventurière.

L'odyssée a donc démarré ce matin. L'homme en costard gris clair rayé a beaucoup de prestance et la poignée de main très ferme. Le sourire un rien carnassier, aussi.

Première surprise: le fait que je ne "sois pas de la partie" ne le dérange pas du tout. "Bien sûr que non!" qu'il me dit.

Bah, je sais pas, les dames-de-la-banque, elles disaient que sans charlotte +12, ça ne passerait jamais...

Non, lui, ce qui le chagrine plus, c'est... l'emplacement. Aïe. Déjà que le vendeur m'a fait un petit dans le dos en remettant son local en vente, alors là, du coup, ça fait un peu alerte rouge dans mon cerveau perturbé.

Ça fait même: Biiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiip, Biiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiip.

Vous voyez le genre.

On cause, tout ça, il s'avère plutôt réceptif mais en fait, je comprends assez vite un truc: il est ami avec mon pote qui fait peurrrrrrr. Pas bon pour moi, ça.

J'imagine déjà sa tête lorsqu'il va éplucher mon étude de marché et lire les commentaires sur l'accueil ô combien chaleureux de son copain. Hum.

Je quitte son bureau sans être aussi mordante que par le passé, il me semble. Un peu résignée, je ne sais pas. Il me donnera sa réponse le 12 décembre. Au moins, c'est net, clair et précis.

A chaque jour sa peine, j'ai donc pris un rendez-vous quotidien avec trois nouvelles banques, cette semaine. Chaque fois se présenter, chaque fois répéter le même topo, chaque fois répondre sans signe d'agacement aux questions-qui-fâchent. La routine. Je pensais avoir aujourd'hui la réponse de ma banque personnelle, mais rien ce soir. Je ne veux rien interpréter.

Et parce que décidément, cette nouvelle journée pleine de sérénité manquait de piment (j'ai aussi fait une boulette, en oubliant d'envoyer un recommandé au vendeur. Un détail), j'ai discuté avec la gérante du restau que j'ai longtemps convoité. Laquelle, au vu de ces éléments, m'a juste lâché:

"Tu vois, t'aurais mieux fait d'insister avec notre affaire et ne pas écouter ton expert-comptable."

De quoi me faire douter un instant, d'autant que j'avais remisé, depuis bien longtemps, l'idée au placard. Avant de me ressaisir et me souvenir des raisons qui m'avaient incité à décliner la location-gérance.

Et puis, à quoi bon vivre avec des regrets ?

Croire en ses rêves, part two

Cela fait partie des anecdotes dont ma maman se souvient parfaitement. Elle était au travail (avantage du jet lag...) lorsqu'elle reçut un coup de fil de sa cadette.

"Maman, j'ai plus de sous, je me suis fait voler ma carte."

Miss Catastrophe était de retour. Ce n'était ni la première, ni la dernière péripétie à mon actif et, considérant que ma chambre avait déjà été réglée et que l'été est parfaitement propice à une alimentation très frugale, ces dix jours qui restaient n'allaient pas me pousser à faire la manche sur les trottoirs impitoyables de Manhattan. J'avais même calculé qu'en mangeant une salade de fruits le midi et le soir, j'aurais de quoi retourner à l'aéroport sans encombres.

Ouf.

Je suis allée piteusement chercher l'argent que ma mère avait eu la gentillesse de déposer à La Poste, en France, pour revenir dans un bureau Western Union, moyennant une commission absolument dantesque. Pas le choix, je n'avais pas un sou, ne serait-ce pour prendre un quelconque métro.

J'ai également fait la connaissance d'un policier au nom français (Henri, je crois), d'origine haïtienne, en fait, qui a pris ma plainte au commissariat du coin. On a disserté ensemble, la scène avait quelque chose de cocasse.

Moi qui voulais prendre un maximum de repères sur les us et coutumes américains, j'étais servie.

Légèrement déprimée, j'avais perdu de mon allant. Rencontré un Victor pour le moins collant, Américain naturalisé qui, profitant de ma vulnérabilité passagère, me parlait déjà mariage (!). Quant à mes idées d'aller m'installer à New York, elles continuaient, contre toute attente, à m'animer. Ni un banal vol, ni les températures harassantes, ni un gars empressé et oppressant n'allaient avoir de prise sur ma motivation.

Parce que, étrangement, j'avais l'impression d'être simplement moi-même, là-bas. Sans artifice. Il y a un phénomène très étrange à New York: point névralgique de multiples tendances, temple des fashionistas, la mégalopole offre dans le même temps une liberté d'être, d'exister, sans jugement.

Et je ne vous dis pas parce que je me baladais en tongs.

Enfin, un peu quand même.

Bref, je déambulais donc en tongs, longue jupe baba et zéro allure glamour, à proximité des Twin Towers (nous étions en 1998...) lorsque j'entends une voix.

"Hey, Miss, come on, wait!"

Encore un boulet, j'imagine.

A suivre...