jeudi 28 octobre 2010

Non, ce blog n'est toujours pas actualisé...

Vous voyez, j'anticipe. J'anticipe ce post, programmé pour le jour de mon départ, alors que tout est plié et que je retourne inlassablement à cette retranscription qui n'en finit pas.

J'anticipe les jours à venir, privée d'internet - à moins qu'un gentil voisin n'ait pas sécurisé sa ligne, je l'aime d'avance dans ce cas - et il fallait un titre qui sera toujours d'actualité pendant mon absence...

J'anticipe le bonheur que je vais ressentir à investir un nouvel appartement.

J'anticipe la curiosité de mon Loulou devant cette nouvelle aventure.

Je vous dis à très vite, je ne sais pas pourquoi, je sens que je vais avoir des tas de choses à vous raconter...

mercredi 27 octobre 2010

Bye bye, city!

Lorsque j'ai posé mes valises ici voilà seize ans, lestée d'une petite vingtaine de kilos supplémentaires (!) mais sans plus de bagages qu'une voiture ne peut en contenir, j'ai senti comme un grand vide en moi (d'où les kilos qui ont mis du temps à se faire la malle, vous voyez bien).

Je n'avais pas choisi cette ville, que je ne connaissais que par son circuit automobile et sa fameuse spécialité que je n'apprécie guère - les rillettes - mais je réalisais un rêve, celui de rentrer dans le magazine pour lequel j'avais tant espéré travailler.

Alors, après, le lieu, hein... Je me posais surtout, pour la première fois de ma "vie de grande", quelque part. Je savais que j'entamais là un long bail et que j'allais devoir apprendre à connaître davantage ma ville d'adoption, au delà des clichés.

Au début, lorsque j'allais à Nantes, je disais que "je rentrais", alors que mon chez-moi était bien, désormais, au Mans. J'avais souvent l'impression d'être en transit, ici, entre deux déplacements. Je me souviens d'un blues monumental au retour de mon premier voyage à New York, lorsque j'ai remonté l'avenue de la gare, au Mans, sous un ciel noir et des bâtiments gris et mornes.

Une vraie chape de plomb. Et j'étais là depuis un mois. J'ai cru que je ne m'y ferai jamais.

Pourtant, est arrivé un moment où la signification du mot "stabilité" a pris un sens. Et quitte à être stable, autant y avoir ses aises.

Alors, j'ai commencé à élargir mon cercle, purement professionnel au départ. Des gens du boulot qui deviennent des amis, ceux croisés au basket auxquels on s'attache, une inscription au théâtre pour ouvrir quelques horizons - et jouer sur une scène municipale la coupeuse de tête, à faire "couic" sur un banc public, autant vous dire que je n'aimerais pas revoir les images - et y rencontrer une amie que j'ai gardée aujourd'hui... Le temps fait son oeuvre et nous permet de tisser des liens, où que l'on soit.

J'ai longtemps considéré cette ville comme une cité un peu impersonnelle, où les gens ne se sentaient jamais aussi bien qu'en clan, où ils avaient du mal à s'ouvrir. Où les horizons étaient raccourcis. J'ai voulu la quitter, aussi, pour vivre à New York, à Paris, avant de réaliser que j'étais tout simplement en train de construire ma vie ici, au Mans. Je m'aérais de ces allers-retours, qu'ils soient au Brésil ou à Gravelines, en Italie ou à Chalon-sur-Saône, les déplacements professionnels m'offraient ces escapades, aussi peu glamour soient-elles, parfois, mais synonymes d'un peu de respiration.

Et puis, j'ai appris à l'aimer, cette ville, à en apprécier les contours, les artères, les ruelles. La modernité nouvelle, les quelques restaus, le ciné sympa, les concerts de plus en plus diversifiés... le basket, avec une équipe qui avait franchi un cap, qui jouait dans la cour des grands, qui était (qui est) une grande, qui compte.

J'ai fini par aimer un Manceau aussi. Mon fils est né ici.

J'ai grandi ici.

J'ai même pensé y monter un commerce, utopique que je suis...

Vendredi dernier, lorsque j'ai salué la directrice de l'école une ultime fois, j'ai senti mon coeur chavirer, les larmes me monter. J'ai compris qu'avec loulou, nous refermions un pan de notre vie. Fini, le petit circuit maison-école qui nous plaisait tant, fini les petites balades improvisées dans le centre à la sonnerie de la classe, fini le passage à la petite boutique d'à côté où Loulou allait malicieusement se ravitailler en thé "pour enfants"... Une nouvelle vie nous attend, nous allons construire une nouvelle routine ailleurs, je l'ai voulu et je ne le regrette pas, bien au contraire.

Mais je quitte Le Mans avec un sentiment que je n'aurais jamais envisagé auparavant à l'égard de cette ville. Je me suis attachée, tout simplement.

mardi 26 octobre 2010

Le pompon de la panne

Je ne sais pas si vous vous en êtes rendus compte, hier soir, mais vous avez lu un "premier jet". Le post que je balance systématiquement, avant de me relire, en direct sur le blog, pour chasser les coquilles.

En l'occurrence, y'avait une sacrée faute (voire deux, ahem) de concordance des temps. Je clique donc sur "modifier les messages", je clique, disais-je, je clique, eh, l'ordi, je clique là, tu crois vraiment que je vais passer ma soirée à ça? C'est toi qui va me faire les cartons/dégivrer le frigo/récurer la gazinière qui part demain/laver le truc cracra que j'ai découvert sous l'évier?

Hein, l'ordi, c'est toi?

Non, on est d'accord. Alors, tu la fermes et tu me laisses cliquer.

Je crois que mon ordi est susceptible, qu'il a besoin qu'on y mette les formes, un peu de douceur. Parce là, paf, il s'est bloqué.

C'est pas comme si j'avais une retranscription de 4h30 à finir pour hier. C'est pas comme si j'avais des informations à consulter absolument dessus.

Là, je me suis dit que, quand même, c'était un peu la cerise sur le gâteau. Après cette drôle de journée au commissariat, puis une looooongue attente à l'assurance, le dépôt un rien délicat (pour moi, surtout, je crois!) d'un loulou chez sa mamie, je pensais pouvoir souffler un peu et je m'étais même octroyé une petite faveur. Je suis passée acheter le dernier CD de Cocoon et je me voyais déjà, à la cool, finir d'empaqueter ma vie au son de cette musique que j'affectionne tellement.

Au lieu de râler comme une damnée contre ce bout de technologie mal léché.

Bon, l'avantage, c'est que mes cartons ont avancé et il ne leur manque plus que des petites papattes pour partir tout seuls dans le camion. J'étais partie, comme dans l'impossibilité de m'arrêter, jetant, emballant, portant... Un moment, j'ai dû me rendre à l'évidence.

J'étais une zombie. Et ça faisait à peu près sept fois que Cocoon tournait sur la chaîne.

Alors, je me suis affalée et j'ai dormi cinq heures, avant de me lever comme un petit soldat, espérant que la nuit aurait permis à mon ordi de revenir sur sa position, de mettre un peu d'eau dans son vin... Tu parles, rien.

L'avantage, c'est que ce dépannage express auquel j'ai dû me soustraire m'aura permise de revoir de vieux amis - informaticiens de leur état, mais sans les boutons ni le look qui vont avec - et je me suis demandé si l'ordi ne me sommait pas, ainsi, d'aller bêtement dire au revoir aux gens, au lieu de partir comme une sauvage.

Sauf que, malgré les cartons, malgré les résiliations, malgré la page qui se tourne, je ne quitte pas tout à fait Le Mans. J'y reviendrai très régulièrement, bientôt et je ne manquerai pas de vous détailler tout ça... Pourvu, évidemment, que mon ordi ne fasse pas de nouveau sa forte tête.

lundi 25 octobre 2010

Le flic est une femme comme les autres

Loulou n'ayant plus de lit, j'avais décidé de transformer ce petit couac en air de fête, du genre, "génial, mon trésor, c'est camping aujourd'hui!' Alors, quitte à dormir avec moi, autant faire les choses en grand : J'avais donc pris soin d'emmitouffler Loulou dans un sac de couchage, pour le côté festif (ouais, top, génial, on a trop une vie palpitante;) - et puis, de façon plus égoïste, pour préserver mes côtes, dont j'ai besoin en ce moment. Entre autres.

Raté. Réveillée par les doux bruissements gutturaux de mon loulou, j'ai surtout bien senti ses coups de coude, certes invontaires, mais bien réels. A vrai dire, c'est là que j'ai compris que la journée allait être longue.

Il y a d'abord eu le syndicaliste, ma foi fort sympathique, de la métropole, qui m'a délivré les panneaux de stationnement, histoire que personne ne squatte les places pour le camion, jeudi. Avant de me promettre un déménagement houleux, ce même jour, en raison d'une nouvelle grève. Bah, c'est pas comme si j'habitais en plein centre... Ah si, c'est vrai.

Ensuite, je l'attendais comme le moment fort de la journée, et je n'ai pas été déçue, ma foi. Un petit tour au commissariat, afin de porter plainte contre ces voleurs de mes deux qui avaient cassé plus de trucs que je n'en avais vus, dimanche soir (le pyjama-tong aurait-il un effet direct sur la vision des choses?) dans ma titine et qui, surtout, s'en sont payé une bonne tranche visiblement, visitant un nombre conséquent de voitures dans le parking.

11 heures. Le hall du commissariat est blindé. A l'accueil, devant moi, un monsieur souhaiterait voir un agent en particulier. La demoiselle, yeux ronds inexpressifs, queue de cheval serrée et mine épanouie de la nana partie en Sibérie pour ses vacances, essaie de lui expliquer qu'il ne travaille pas aujourd'hui et, devant l'insistance de celui que je prends déjà pour un indic, elle finit par appeler un autre service, tout en mâchouillant très élégamment son chewing-gum.

"Ouais, c'est l'accueil. Y'a un monsieur Bip-Bip, ah pardon monsieur, comment vous dites, bon monsieur bip bop machin je sais pas quoi, hein, attendez, ah, un certain Pilou qui voudrait voir..."

J'avais vu juste. Un type qui se fait surnommer Pilou ne peut être qu'un indic. Plus je regarde la demoiselle et plus elle me fait penser à une "das". Mais si, vous savez, ce terme allemand qui permet de qualifier un genre indéfini en élément neutre... Je ne sais pas si c'est l'uniforme, l'attitude avachie, les contours masculins de son visage, mais je m'inquiète soudainement de sa vie personnelle. Avant de réaliser que je ferai bien de balayer devant ma porte, moi la célibataire endurcie.

Comment ça, ça n'a rien à voir avec la raison de ma venue dans cet espace vivant et aéré? Mais vous les contrôlez, vos pensées, vous, quand vous faites le pied de grue en attendant votre tour?

Tiens, justement, c'est mon tour, rien à signaler, je m'installe avec Loulou sur une chaise, constatant avec effroi qu'un loulou de 7 ans, ça pèse un âne mort (moins l'odeur). Un monsieur parle très fort, pas loin, avec un accent sarthois à couper au couteau, Loulou s'empresse de la ramener: "déjà, un, les portables sont interdits ici et puis, deux, on ne crie pas."

Ce n'est pas mon fils, ce n'est pas mon fils, ce n'est pas... En même temps, il n'a pas tort et je finis par craquer avec un timide, chuuuut, mais le monsieur, il n'entend rien, il est en train de crier très fort contre la personne à l'autre bout du fil. Tout le monde s'écrase.

11h30. C'est incroyable comme les murs sont délabrés, quand même, c'est limite cra-cra ici.

11h40. Depuis que nous sommes arrivés, une personne est passée au bureau des plaintes. Il en reste donc une, deux, trois, quatre... Pffou, j'arrête de compter et je m'octroie un petit surf sur internet via mon portable - que j'ai pris soin de mettre en mode silence, pas envie de m'en prendre une par mon justicier de loulou.

11h50. Mon voisin, il a l'air hyper cool, tu vois. Et moi, j'aime les gens cool. Sauf que si j'aime bien les dreadlocks, je sais aussi à quoi tient leur réussite. J'aimerais vraiment qu'une personne ou deux puissent être reçues, histoire de négligemment changer de place. Je suis à deux doigts de la syncope, là.

12h05. Mon voisin ne tient plus, il demande à l'accueil s'il peut revenir plus tard, parce que là, tu vois, il a un rencard.

12h06. Fin de l'apnée. Ah, je revis.

12h10. J'ai toujours pensé que le prestige de l'uniforme n'était pas un vain mot. Ben, allez comprendre pourquoi, ça ne fait pas le même effet avec un uniforme policier. Le côté sac à patates de la tenue bleue marine, peut-être. Elle est initimidante quand le flic est baraqué, beaucoup moins, déjà, lorsqu'elle est portée par une femme quasi-obèse. Je ne vous parle même pas du freluquet de 42 kilos tout mouillés qui nage dedans, qui prend un air hypra sérieux lorsqu'il passe devant nous avec ses deux maglites dans les mains, tout droit sorti d'un épisode des Experts, avant de revenir piteux demander d'une petite voix les clés de la bagnole... fermée.

12h35. La boulangerie du quartier a trouvé le filon en s'installant juste à côté du commissariat. Tous les flics reviennent, un sandwich à la main, même si un insurgé pointe son nez et évoque un "bon petit Quick."

12h36. Loulou, dont l'oreille est plus fine que le papier de cigarettes-qui-font-rigoler de mon voisin-la-boule-puante - crie: "j'ai faim!"

12h40. On fait "bateau sur l'eau", version remix pour faire passer le temps. Et accessoirement la faim.

12h50. Depuis un petit moment, j'écoute les plaintes des uns et des autres. Il y a pas mal de fraudes à la carte bleue, un vol de bouteilles de vin dans une cave, des paiements de PV, des vols de sacs avec tous les papiers dedans... Et puis, une demoiselle arrive, explique qu'elle n'est pas majeure mais que sa mère vient de la virer de chez elle, qu'elle veut porter plainte et trouver une solution. " Silence de la demoiselle à l'accueil - la collègue de la das, arrivée pour prendre le relais d'un collègue. Puis: "Okay, okay... euh... Et votre père?" "Je le connais pas." "Okay, okay... Ben, revenez avec un membre majeur de votre famille." "Ma famille?"

La pauvre, elle va devoir s'inventer une tata très vite si elle veut avoir une oreille attentive.

12h20. Pourtant, la demoiselle s'avère très à l'écoute lorsque sa collègue, celle aux yeux de bovin - la das, quoi -, s'anime pour lui raconter son week-end. La das, femme-flic froide, s'avère en fait une véritable midinette, détaillant sa soirée avec son coup de coeur du moment. Apparemment, elle en est à la phase de la cour, ils sont allés au ciné, et puis un moment, eh ben il lui a pris la main, ça a fait boum boum dans son petit coeur tout mou.

Ils ont dû aller danser, mais là, j'ai pas trop suivi parce que le monsieur avec l'accent sarthois avait recommencé à parler dans le micro, faudrait vraiment lui expliquer qu'on n'est pas obligé de crier dans un portable. Mais en tout cas, elle raconte qu'il n'est pas très grand, quelques centimètres de plus qu'elle, "je l'ai vu quand on a dansé le slow."

J'imagine le trip I'm still loving you, et d'un coup, je me revois en cinquième, dans la cave de copains un mercredi après-midi, et je me demande ce qu'est devenu Jimmy, mon premier flirt - ma première cagade. Bref.

Ensuite, ils sont allés chez lui, "eh ben tu sais quoi, c'est drôlement bien décoré chez lui, du marron, de l'orange, tu vois, il a du goût, pas comme un mec classique, quoi. Et puis attends, c'était nickel, y'avait pas une assiette qui traînait, rien!' Elle est absolument épatée et je la sens en train de fondre. Et, attendez, attendez, ce n'est pas fini! Elle raconte qu'un moment, elle s'est sentie fatiguée et il lui a dit: "vas-y, tu peux t'allonger sur le canapé, maintenant qu'on sort ensemble".

"Non, il a dit ça?"

"Ouais, ouais, je te jure!"

Une fan de Patriiiiiick ne serait pas plus émoustillée.

On est passé à 13h30. Oui, on a squatté le commissariat pendant deux heures et demi. Mais parfois, ça vaut le coup de prendre son mal en patience, y'a pas à dire.

Zézette et les voleurs

J'ai le chic pour me mettre dans la mouise toute seule, disais-je... Enfin, certains ne manquent pas d'imagination pour m'aider à y rester. Dimanche soir, habillée de façon très classe - mon pyjama que, comble de la décence, j'ai recouvert de mon trench, je passe à mon garage déposer des encombrants à ma voiture (oui, vous connaissez ma propension à vouloir illuminer mon quotidien).

Cela dit, j'ai fait mieux qu'hier où j'avais descendu la poubelle, avec une bottine à gauche et une tong à droite (impossible de retrouver la paire de l'une ou de l'autre).

Bref.

Au loin, j'aperçois ma portière passager grande ouverte. Ouh la la, une journée de retranscription, ça provoque quelques hallucinations. Mais non, ce n'est pas un effet d'optique: quelqu'un a forcé ma voiture, mis en l'air la boîte à gants, fouillé partout et mis la main sur l'autoradio flambant neuf (sinon, c'est pas drôle) et ma collec' de CD préférés.

Ils ont aussi piqué les lunettes 3D pour voir Toy Story au ciné, mais ça, bon...

J'ai eu envie d'appeler la police. Avant de me souvenir dans quelle tenue j'étais. Pyjama-tongs,trench, il ne me manquait plus que le caddie pour faire ma Zézette. Et en plus, vous savez quoi ? Ils ont bazardé les gilets fluo de sécurité, jusque-là rangés dans la boîte à gant, sur le siège passager.

Zézette avec son gilet sur le siège?

Mouais. On verra demain. A chaque jour sa peine.

samedi 23 octobre 2010

L'intermède de madame plus

Hum. Je crois que j'ai un rien présumé de mes forces. Madame plus is back.

Je déménage dans cinq jours. Je vis dans un barda sans nom, que je n'ai concrètement pas le temps de ranger. Mes cartons ne sont pas terminés et d'ailleurs, je crains la pénurie, malgré mes quêtes effrénées du modèle parfait. J'ai dix mille trucs sur ma liste des urgences que je n'ai pas eu le loisir de barrer. Mais dont je devrai ABSOLUMENT m'occuper avant mon départ.

Je ne vous parle même pas du fait que loulou est en vacances. Et qu'en bonne mère que je suis censée être, je devrais lui offrir des journées folles et variées...

Tout ça parce que je n'ai pas su dire non. D'abord à la confection de 240 petits gâteaux (no comment), dernière livraison pour le restau. Puis, surtout, à une mission, une retranscription, à rendre pour le 3, après négociations, 4h30 de conseil municipal chaud, chaud, chaud, soit une bonne semaine de travail, en temps normal, tête en chou-fleur incluse.

Que je n'ai pas, évidemment (la semaine, je veux dire. La tête en chou-fleur, après un samedi de retranscription, est garantie. Je suis une pub vivante pour la migraine carabinée).

J'ai le chic pour me coller toute seule dans la mouise.

vendredi 22 octobre 2010

Une femme libre

Drôle de sensation lorsque vous entrez quelque part en y sentant d'emblée une familiarité, alors même que tout vous y est étranger, que cet univers n'est pas le vôtre et ne le sera probablement jamais.

Sa belle-fille m'accueille chaleureusement et me conduit vers la terrasse où Poney est droite, m'attendant. Il y a chez cette femme un truc complètement fou. Une incroyable modernité que je peux saisir rien qu'à la regarder, dans son regard bleu, presque transparent, curieux et alerte.

Poney a 85 ans. Un esprit chargé de souvenirs, bouillonnant, créatif. Touche à tout, elle a cousu, sculpté, peint, décoré. Elle a aimé, surtout, beaucoup et passionnément, répondant à sa seule impulsivité pour combler les attentes de son coeur. Gênée par une hanche récalcitrante, comme cloisonnée dans ce corps qui l'empêche de n'en faire qu'à sa tête, l'ancienne cavalière émérite s'aide de l'avant-bras de sa belle-fille ou d'une canne, mais n'a besoin de personne pour lui dire ce qu'elle doit faire.

Une âme indépendante, née dans les années 20, une femme qui s'est affranchie de nombre de codes pour vivre sa vie, la brûlant parfois par les deux bouts, avec toujours cette volonté d'ajouter quelques touches de romanesque à sa destinée.

Je la regarde, sur le perron, et j'ai l'impression de voir une petite fille. Elle est coquette, et a apposé du fard sur ses yeux, du rouge sur ses lèvres, du fond de teint sur sa peau. Sa poignée de main est plus que cordiale, presque affective. Son rire est mutin et communicatif. Elle parle lentement, cherchant ses mots, dans un délicieux accent new-yorkais.

Nous rentrons dans le salon. Au mur, des tableaux. Multiples, impressionnants, magnifiques. Chargés d'émotion et de mémoire. Ces oeuvres, Poney les a peintes et exposées.

Elle pourrait vivre dans la nostalgie, ses rêves passés. Mais non. Elle veut continuer de créer.

La souffrance est là, de ne pouvoir s'exprimer pleinement. Elle ne peut plus peindre depuis la disparition de son mari, dont le bureau est également parsemé de ces créations. Depuis quelques années maintenant, elle a choisi l'écriture comme exutoire.

Nous traversons la maison - ou tout du moins les appartements de Poney. Dans sa chambre, un petit cadre posé me laisse entrevoir la jeune Poney. Sans mentir, elle ressemble à Marylin Monroe. Même blondeur, même coiffure, même pose mi-timide mi-canaille. Sous la photo, une signature: Man Ray 1954.

J'ai du mal à cacher ma surprise. Isabelle, sa belle-fille, me confirme qu'il s'agit bien du grand photographe américain. Je ne devrais pas être étonnée, ayant eu vent du parcours de Poney, de ses rencontres avec de grands peintres, cinéastes, artistes d'alors. Mais j'ai du mal à détacher mon regard de ce cliché.

Nous quittons la chambre, rejoignons le jardin où se trouve l'endroit que Poney rejoint chaque jour depuis cinq ans. Un cabanon, presque une petite maison tellement l'endroit est soigneusement arrangé. Dedans, la lumière, le chauffage, des sculptures - toutes de Poney - des livres et, négligemment accroché sur un pan de mur, un nouveau portrait de Poney signé Man Ray, lequel a utilisé sa fameuse technique d'exposition à la lumière sur du papier photo, sans négatif.

Le résultat est saisissant. Poney et Isabelle me regardent, amusées. Le vrai secret du cabanon n'est pas là. Il s'agit du bureau, où Poney travaille de façon acharnée, remplissant des cahiers entiers de son écriture ronde et enjouée.

A suivre...

jeudi 21 octobre 2010

Mélo new-yorkais

Janvier 1998. Mes pieds sont gelés et mon coeur brisé. Paumée, je viens de passer une heure au téléphone avec une amie, en France, à l'époque où la minute de téléphone coûte 10 francs - et où un dollar vaut 6 francs.

Je suis à New York. Perdue.

Après cette séance de larmes, je quitte l'appartement du Bronx de mon "chéri", qui m'en fait voir de toutes les couleurs. Je prends le métro et m'arrête à hauteur de la 86e. J'enfonce mon bonnet, pour me protéger du froid et d'éventuels regards indiscrets, oubliant qu'à New York, personne ne s'inquiète vraiment de vos états d'âme, qui plus est lorsque nous sommes un 3 janvier et qu'il neige.

Je marche, difficilement, l'épaisseur du manteau blanc me complique sérieusement la tâche. Je veux aller au musée d'histoire naturelle, comme pour oublier les tourments qui m'animent. Au bout de quelques minutes, je craque. Je m'appuie contre un poteau de téléphone. Je tente de me ressaisir. J'ai besoin de douceur.

J'ai besoin de voix familières. J'appelle mes parents.

Contrairement à mon amie à qui j'ai pu me confier en toute liberté -et décidément sans retenue - ils ne doivent rien deviner.

Après tout, j'étais tellement heureuse de retrouver mon chéri pour les fêtes de fin d'année. Ils m'ont même payé le Paris-New York, en guide de cadeau de Noël , conscients que je ne vis que pour ça, alors. Certes, ils n'ont pas masqué leur inquiétude, lorsque j'ai raconté où j'allais loger.

Le Bronx, c'est rarement le must en terme d'hébergement, lorsqu'on va à Big Apple. Mais devant mon insistance, ils se sont inclinés.

Alors, je n'ai pas d'autre choix que de faire ma brave. De ravaler mes sanglots, de jouer l'enthousiasme et la gaieté, comme si de rien n'était. Comme si je ne souffrais pas. Comme si mon rêve d'amour éternel ne s'était pas écroulé (j'étais jeune et naïve à l'époque, je croyais encore au Prince charmant... comment ça, j'y crois encore?).

Ils sont surpris de me parler à cette heure, mais que fais-tu, tu es toute seule? Oui, oui, bibi d'amour travaille, je suis partie me balader. J'irai déposer des CV cet après-midi à Manhattan.

Je ne leur ai jamais reparlé de ce coup de fil impromptu. J'ignore s'ils ont été dupes.

Je raccroche. Je devrais me sentir rassurée. Je suis pourtant à deux doigts de m'effondrer. Je ne me suis jamais sentie aussi seule.

Je traverse Central Park pour rejoindre le Musée, dans un état quasi comateux. Ne pas penser. Rester confiante. J'arrive à hauteur de la 79e rue. Et là, je lève le nez. J'observe ces fastueux bâtiments. Combien d'histoires se sont nouées, dénouées, ici? Combien de joies, combien de tragédies? Je suis en plein mélo et pourtant, l'idée de toutes ces destinées qui se sont croisées, dans ces somptueuses demeures, insuffle chez moi une nouvelle énergie.

Je passe devant le Musée, sans m'arrêter. Je file vers Manhattan, pour y déposer un CV, sans savoir encore qu'il se rappellera à mon bon souvenir des mois plus tard, comme un clin d'oeil au milieu de ces choix cornéliens que la vie nous impose.

Je ne sais pas non plus, alors, que je vais pouvoir m'immiscer dans ces appartements et y découvrir des secrets familiaux.

Poney va se charger de m'y introduire.

A suivre...

mardi 19 octobre 2010

Poney et moi

Ma messagerie regorge de petits bijoux.

Je vous ai déjà parlé des propositions farfelues de Pôle Emploi, dont l'alerte magique "vous avez reçu une nouvelle offre d'emploi" ne manque pas de déclencher chez moi une petite montée d'adrénaline.

"Journaliste d'origine arabe, vous couvrirez l'actualité économique sur les îles Fidji";

" Rédacteur basé à Courbevoie, vous traiterez de l'actualité informatique. Dix heures de travail mensuel pour un taux horaire de deux euros" ;

"Journaliste expérimenté (quinze ans), vous êtes chargé de synthétiser l'actualité quotidienne pour nos clients, vous êtes disponible de deux heures du matin à dix heures."

"Rédacteur en chef, vous assurerez l'actualisation du site, le suivi des équipes rédactionnelles (100 personnes) et le nettoyage des toilettes incluses, grande disponibilité, rémunération selon expérience (2000 euros)"...

Oui, je redescends vite, en général.

Autre petit trip, les questions de clients. Comme j'ai mis pas mal de choses en ventes sur des sites d'annonces gratuites (ou pas), je me réjouis de ces "combien de centimètres d'aisselle à aisselle, et si vous pliez le pull en quatre, combien de place prend-il dans une armoire "-j'exagère à peine - et je ne me lasse pas des perles orthographiques de cette demoiselle s'acharnant sur un boyfriend jean (oui, j'avais anticipé ma transformation vestimentaire...), via l'envoi de quelques missives pas piquées des vers :

"il mintereserai si ce femme"

"il mineresse je vou le pend"

"vou pouvez pa me lenvoyer kar jai aucun moyen de transport"

Bon, je vous passe les suivants, ça me pique les yeux, à force. Ne donnant plus de nouvelles ensuite, elle me répond, lorsque je la relance, courtoisement :

"ba vendez le pa grav jen es trouve un otre."

Ah oui, quand même.

Trêve de plaisanterie, je suis surtout envahie de multi-promos des sites que j'avais coutume de fréquenter, lorsque j'avais encore ce besoin de consommer. Poubelle, sans même un regard (pas la peine de tenter le diable).

Mais hormis les missions de ma boîte de com, j'étais un peu sevrée de vrais mails, avec du sérieux dedans, depuis quelques temps.

Ah, si, en juillet, j'avais reçu un mail intéressant, pour une proposition de boulot attrayante. Je vous en avais vaguement touché un mot. Allez savoir pourquoi, je n'ai pas (encore) donné suite. Le sujet était pourtant intéressant, le contact plutôt bon avec mon interlocuteur. Une histoire d'overdose de tartes, de retranscriptions, de cartons et de formalités diverses, je crois.

Alors pourquoi, en cette journée de septembre, ai-je senti d'emblée que ce mail-là allait bouleverser le cours de ma vie?

J'exagère? Peut-être. Mais j'ai le sentiment d'atteindre, enfin, un but que je me suis fixé depuis longtemps.

Devenir nègre. Prêter ma plume. Mais pas à n'importe qui.

Oui, je vous ai évoqué, voilà peu, ma rencontre avec une femme formidable, sans pouvoir en dire plus.

Tout a commencé par cette demande écrite. La personne me cherchait, oui, moi! Elle évoquait sa belle-mère, une dame new-yorkaise, une touche-à-tout, personnalité que j'ai imaginée fascinante à la seule lecture de ces mots emplis de tendresse. Une vie pleine, un peu folle, hors du commun. Il y avait là l'envie de raconter, la frustration de ne pouvoir coucher ces épisodes. L'espoir que, peut-être, je puisse concrétiser ses rêves...

Autant vous dire que j'ai attrapé mon portable dans la foulée.

A suivre...

lundi 18 octobre 2010

Le pouvoir du costard

C'est décidé: terminé, les jeans boyfriend, les tuniques ceinturées, les tenues casual...

J'adopte le costard. A vie.

J'avais endossé le mien, aujourd'hui, pour jouer à la fille sérieuse (et surtout parce que c'est un peu obligatoire dans le règlement intérieur de ma boîte...). Un petit brush à la Dallas plus tard et les boucles d'oreille ad hoc, j'étais fin prête. Je n'étais plus la mouette, messieurs dames, mais une fille respectable et crédible. Limite, une femme qui en jette, même.

Je vous jure.

A la station-service, où j'ai trouvé, sans même attendre dans une interminable file le droit de renflouer ma titine moyennant quinze mille dollars le litre, j'ai saisi le pouvoir du costard (et payé quand même quinze mille dollars le litre de sans plomb, y'a pas de petits profits, messieurs les pompistes, pas vrai?).

"Je vous fais une fiche avec TVA ?" qu'elle m'a demandé, la p'tite dame de la caisse. Hein? Oui, lui ai-je répondu, sachant pertinemment qu'elle ne me serait d'aucune utilité. J'avoue, je me suis un peu effrayée toute seule. Parée d'un costard, coiffée comme une lionne, j'étais devenue en quelques secondes une sorte de Jean-Claude Romand, au féminin. Moins le côté marié. Et psychopathe.

Une gentille impostrice, vous voyez bien.

Du genre à sillonner les autoroutes en costard pour faire genre, j'ai un job important et des missions passionnantes.

Arrivée dans le hall de la mairie, rebelote. Un élu, que j'estime plutôt bien, m'arrête en souriant et me demande: "Mademoiselle (+ 10 sur mon échelle d'estime, d'entrée de jeu pour lui), vous êtes journaliste, n'est-ce pas?"

Je n'ai pas osé le contredire. De toute façon, mon "oui" franc et massif, qui n'a pas manqué de m'étonner moi-même (mais qui avait donc investi mon enveloppe corporelle?), n'a pu lui laisser aucun doute. Il s'est tourné vers son acolyte en lui tapant le bras: "tu vois, je te l'avais dit". Et il est parti sur de grandes considérations sur les institutions. C'était exaltant mais j'étais obligée d'abréger la conversation: mon costard et moi, on devait monter dans la salle du Conseil.

Là, le monsieur chargé de l'enregistrement m'a fait un joli compliment sur mes cheveux. Sans ses moustaches épaisses et son grand âge, je crois que je l'aurais embrassé.

Du coup, je me suis redressée et j'ai tapé, tapé, tapé des débats sur une demande préalable de travaux pour les... toilettes publiques d'un quartier et le coût d'un élève dans un école catho. Peu importe, avec mon costard, mon sérieux ne pouvait en aucun cas être remis en doute. J'aurais dit "prout" que les gens auraient salué ma rigueur.

Finalement, y'a bien que mon ex-belle mère (ma sauveuse actuelle, qui garde Loulou pendant que je fais ma claudette-romande sur les autoroutes) à ne pas être dupe. En me regardant ce matin, du haut de son escalier, elle a mis la main sur ses hanches et a lâché négligemment:

"Et toi, sinon, tu comptes trouver un vrai travail?"

Démasquée. Costard ou pas.

dimanche 17 octobre 2010

Bras cassé

Le temps a filé vite cette semaine, trop vite, j'ai même déserté cet espace... Entre les projets dont j'aimerais vous parler, ce que j'ai promis de ne pas faire, et la panoplie de parfaite maman que j'avais enfilée, je vous laisse imaginer l'intérêt de ma prose.

Parfois, le silence prévaut.

Pour le reste, tout va bien.

Je n'ai plus de cerveau (il a été bousillé par l'écoute intempestive de près de cinq heures de débats institutionnels).

Je n'ai plus de yeux (effrayés par la lecture certes passionnante mais interminable d'un truc, donc, dont je ne peux vous parler, ô frustration).

Je n'ai plus de jambes (liquidées avec les dix mille retours entre le restau - vive la grève! vive ces consommateurs de grévistes! - les multiples tâches de la semaine et la préparation d'anniversaire du loulou).

Je n'ai plus d'oreilles (exterminées par le niveau sonore du lieu "fabuleux et enchanté " - ah ah - qui a accueilli l'anniversaire du loulou).

Je n'ai plus d'estomac (ravagé par les restes de l'anniversaire, faut pas gâcher, quand même).

Je n'ai plus de poignet (flingué par une chute dans le hall de l'immeuble, consécutive à... une poubelle déchirée, remplie de colle à tapisserie mixée à... des prunes. Oui, grand moment de solitude).

Je n'ai plus de bras (fusillés par l'effort. La colle à tapisserie, ça ne fait pas que coller, ça glisse. Pas envie de me voir intenter un procès pour quinze tibias cassés de mes voisins. Cendri-souillon, sors de ce corps).

Je n'ai plus de sous (l'anniversaire du loulou. No comment).

Mais sinon, ça va. Pour l'instant, les cartons ont raison de toute ma bonne volonté et ils me narguent, plats et vides, en attendant d'être remplis des dix mille trucs qui traînent encore dans l'appart. Après tout, je ne pars jamais que dans dix jours, c'est pas comme si j'avais une mission rédactionnelle cette semaine ou des tartes à livrer...

Ah, si, j'ai une mission dès demain et des tartes à livrer (voire un p'tit extra pour accueillir les vaillants grévistes).

Bah, finger in the noise. Même pas peur.

mercredi 13 octobre 2010

Ma voisine, partie 2

Après de trop nombreuses heures de retranscription, je tombais de sommeil hier soir, luttant pour... finir la cuisson d'une tarte au citron meringuée, avant d'aller me reposer quelques heures. Il était deux heures du matin, de fait. Et pourtant, une fois couchée, j'ai eu du mal à m'assoupir. L'estomac noué, je songeais à ma voisine, juste sous moi. Que s'était-il passé, ce soir encore? Etait-ce juste mon imagination, ou bien le bourreau avait-il encore frappé?

Premier geste, ce matin, j'ai appelé le 3919. Pour savoir ce que je pouvais bien faire, comment je pouvais agir sans craindre qu'il mette ses menaces à exécution. La personne au bout du fil m'a expliqué que le mieux était de prévenir la police si j'entendais des cris. Et surtout, de convaincre la victime d'appeler leur service, pour les sauver, ses filles et elle, des griffes de leur geôlier.

Ma voisine m'avait prévenue que son mari était capable, même en étant parti bosser, de revenir à tout moment, histoire de la surveiller. Un coup d'oeil circulaire à mon salon, totalement envahi par les cartons... ça y est, j'avais le prétexte., au cas où je tombais sur lui. Un jeu. Une pêche à la ligne en tissu que je lui offrirai parce qu'elle attend un "heureux" (hum) événement et que, déménageant moi-même, blablabla. J'avais préparé mon speech, afin qu'il ne se doute de rien, au cas où.

Je me suis dirigée à pas de loup vers leur porte, à l'affût d'une éventuelle voix masculine. Rien. J'ai sonné, elle a attendu avant de répondre, finissant par demander qui était là. Elle m'a ouvert la porte, ou plutôt, a faufilé sa tête fatiguée entre le mur et la porte, comme si elle était enchaînée à l'appartement. Drôle de sensation, l'impression d'introduire un lieu barricadé.

Elle m'a confirmé que mon imagination n'y était pour rien, la veille au soir. Avant de chuchoter: "Je viens vous voir. Il risque de revenir d'un moment à l'autre. J'arrive!" Je lui ai donné le jouet, en me disant que je venais de griller un joker pour la prochaine fois. Mais son sourire m'a consolée aussitôt.

Elle n'est pas venue. Enfin, pas tout de suite. De fait, il a surgi quelques minutes après, pour voir si, à tout hasard, elle n'avait pas touché à une valise. Il se méfie, il n'est pas fou. Elle est donc arrivée, près d'une heure après, avec ses filles. Je leur ai proposé de s'installer, elles se sont posées, muettes et immobiles, du bout des fesses sur le canapé et ont siroté leur jus d'orange sans discontinuer, le p'tit train étant décidément très bruyant dans toutes ses activités.

Ma voisine a parlé, parlé, parlé. Je lui ai conseillé d'appeler le 3919, et je pense qu'elle va le faire. D'ores et déjà, elle a pris les choses en main et, si tout va bien, devrait rejoindre un foyer, peut-être dès la fin de semaine. Elle ne peut plus tolérer l'intolérable. Ne peut plus vivre dans la terreur.

Elle m'a raconté qu'elle aimerait qu'un voisin appelle la police pour signaler la violence de son mari, elle qui craignait tant, trois jours plus tôt, que je le fasse, par crainte des représailles. Mais quelque chose a changé en elle, je l'ai sentie plus déterminée, moins dans la résignation, prête à quitter, enfin, ce malade qui lui rend la vie impossible. Qui a ri, devant le reportage d'un homme qui avait tué ses trois enfants, parce que sa femme voulait le quitter. Et qui a commenté en disant que toutes les femmes devraient être traitées ainsi.

Qu'il tuerait ses filles, rien que pour la faire souffrir.

Je lui ai dit que j'appellerais la police si j'entends du bruit. J'ai lu la gratitude dans son regard éteint. Elle a touché son turban, l'a remis en place, s'est tue. Sans aucune pudeur, mais avec beaucoup d'émotion, elle m'a confiée avoir songé à une IVG pour ce bébé qui la rend malade et l'oblige à sortir un gobelet toutes les deux minutes pour cracher dedans. A 5 mois de grossesse, elle sait que c'est trop tard. Je n'ose imaginer le destin de cet enfant non désiré, venu malgré une contraception et qui arrive dans un contexte terrible... Pourtant, elle ne se résout pas à le placer. Après tout, n'a-t-elle pas gardé ses deux filles, nées dans pareilles circonstances?

J'ai regardé les deux enfants, si mignonnes, si tristes. Je ne sais pas ce qu'elles vont devenir, comment elles vont lutter contre cette culpabilité qui les a envahies depuis bien longtemps déjà, persuadées, peut-être inconsciemment, qu'elles méritent le traitement qu'elles reçoivent. Pourtant, à voir la colère reprendre le dessus sur ma voisine, j'ai eu l'espoir qu'elle allait s'en sortir. Qu'elles allaient s'en sortir.

J'ai songé que, en quelques minutes, je savais tout de la vie et des souffrances de cette femme. Et que, ironie du sort, je ne connaissais même pas son prénom.

Et j'ai songé à ce que m'avait rappelé la femme, à l'autre bout du fil: en France, une femme meurt sous les coups de son compagnon tous les deux jours et demi.

mardi 12 octobre 2010

Ma voisine

Dimanche soir, lassée de rester chez moi, je me suis octroyé une petite pause: c'est décidé, j'allais...

... sortir les poubelles.

Oui, oui, ma sortie dominicale consistait à sortir les poubelles (lourdes, évidemment).

Le premier qui parle de vie pathétique sort.

Donc, je suis sortie, sans même prendre le temps d'enfiler une serpillère, pensez donc, la poubelle est juste en bas de l'immeuble, pas besoin de prendre ma petite laine à la Thérèse.

Ma sortie a duré environ 32 secondes et, allez, 16 centièmes, je dirai. Pas de quoi bouleverser ma p'tite vie.

Eh bien si, figurez-vous. D'ailleurs, je rigole, mais je vous assure que ça n'a rien d'une histoire drôle.

Non, je n'ai pas rencontré l'amour, comme ça, au détour du hall glauque que j'ai la chance de traverser chaque jour (ou presque, donc). D'ailleurs, si vous êtes mignons, je vous raconterai peut-être un jour la proposition immobilière d'un voisin. Plus tard.

En fait, j'ai juste ouvert la porte d'entrée pour une voisine et ses deux petites filles, dont l'une, profondément assoupie dans sa poussette, ronflait si fort que nous avons dû élever de quelques décibels le son de nos (douces, ah ah) voix. Je l'aime bien, cette voisine, elle est toujours souriante et avenante. Nous prenons donc l'ascenseur ensemble et elle me demande des nouvelles de mon loulou, parti chez ses grands-parents pendant que j'allais faire le zouave en Bretagne.

Je lui raconte que nous partons à Nantes, le petit échange de banalités, vous voyez bien. Sauf que, soudain, un voile passe dans le regard de ma voisine si charmante. Elle baisse d'un ton (avec, toujours, le petit train ambulant à côté de nous, ce qui rend la conversation un rien chaotique) et me confie: "nous aussi, nous allons partir. J'en peux plus, ici."

Sa fille, qui a 9 ans, je crois, la regarde un peu étonnée. Je comprends que sa maman est en train de me confier leur secret, ce truc qu'elle n'a le droit de partager avec personne. La maman poursuit... quand l'ascenseur s'arrête à mon étage. Je l'invite à s'arrêter avec moi, histoire de ne pas interrompre sa surprenante confession. Elle me suit.

Son mari la frappe. Elle l'a déjà quitté, par le passé. Et puis, pétrifiée à l'idée d'élever sa fille seule, et profondément soucieuse de fonder une vraie famille, elle lui a tout pardonné. Les coups, les insultes, le harcèlement permanent. Elle s'est mis sa famille à dos avec la naissance de sa deuxième fille (le p'tit train ambulant). Et là, alors qu'elle est rongée par la peur, qu'elle ne peut plus contrôler son mari... elle a commis ce qu'elle considère comme irréparable.

Elle me montre son ventre rond. Enceinte de cinq mois. Rien que d'en parler, elle en a la nausée. D'ailleurs, elle prend son petit gobelet et crache dedans, en s'excusant. Malade à crever, elle est perdue, vit dans l'angoisse et imagine que seule une fuite pourra les sauver, ses enfants et elle, de cette vie horrible où plus rien ne compte.

Je l'écoute, j'en ai les larmes aux yeux. Je lui demande si elle est allée voir quelqu'un. Si elle a appelé la police. Des assos. Ce que je peux faire pour elle. Un frisson me parcourt l'échine. Elle habite juste sous mon appartement et je n'ai rien entendu. Jamais rien imaginé. Et maintenant que je sais, je reste impuissante avec l'impression d'être une complice involontaire de ce barbare, parce qu'elle m'a interdit d'aller prévenir la police. Elle a trop peur qu'il ressorte, vite, et qu'il mette ses menaces de mort à exécution.

Elle m'a remerciée de l'avoir écoutée. Elle avait tellement besoin de parler, de vider son sac, elle qui ne peut rien partager avec sa propre famille. Elle m'a dit qu'elle devait y aller, là, parce qu'elle sentait qu'elle avait déjà pris trop de temps et que les reproches n'allaient pas manquer.

Je lui ai demandé de venir me voir. De ne jamais hésiter, surtout. De rester prudente et de préparer son départ comme si de rien n'était. J'ai eu envie d'aller frapper chez elle, pour savoir comment elle allait. Si elle avait encore dormi dans le salon avec ses deux filles, avec une couverture comme seule protection face à ce monstre qu'elle a cru aimer. Qu'elle a dû aimer.

Qui a dû l'aimer, lui aussi. Mais qui est atteint d'un terrible mal. Il ne boit pas, il ne fume pas mais il ne peut contrôler cette terrible violence qui le ronge et qui s'abat au quotidien sur cette femme, sur cette petite fille, toutes deux terrorisées, enchaînées, malheureuses.

Ce soir, j'entends les pleurs d'un enfant. Je ne sais pas d'où ils viennent. J'ai entendu des meubles s'entrechoquer, aussi. J'ai le ventre noué, j'ignore ce que je dois faire. Je ne voudrais pas que cette femme disparaisse sous les coups de son mari, lui qui a déjà détruit sa propre famille. Comment faire? Comment puis-je agir?

J'entends des cris. Si j'y vais, je sais la sentence qui l'attend. Mais si je n'y vais pas?

lundi 11 octobre 2010

Less is more

Less is more, avouez que ça claque mieux que "le mieux est l'ennemi du bien".

J'adore cette expression (et puis "le mieux est l'ennemi du bien", ça claque mieux que la traduction littérale. "Le moins est plus", ça craint, non?) et elle me vient souvent à l'esprit lorsque je m'acharne à vouloir peaufiner un truc et que, du coup, tout ça vire, sinon à la cata, au moins à un résultat un peu pitoyable. Alors que si je m'étais contentée de faire uniquement ce que j'avais à faire... C'est l'histoire de ma vie, ça.

Un exemple?

Hier soir, j'aurais pu aller m'octroyer une bonne nuit de sommeil, en vue de la grosse journée qui m'attendait aujourd'hui. Une journée complète, à plus de cent cinquante bornes (d'où le départ matinal), dans un hémicycle avec des gens qui causent dans le micro. Et dont il faut capter toutes les paroles.

Une paille.

Sauf que je me suis excitée sur les bulles de ma tapisserie. J'ai essayé de rattraper le coup. J'ose même plus lever le nez dessus.

Sauf que, au moment de me coucher, à minuit, j'ai décidé de me replonger dans "la bible du rédacteur" pour bien appréhender la réunion du lendemain. Une centaine de pages, que je connais quasi par coeur, à force. Mais je sais pas, au cas où j'aurais oublié un détail fatal...

Sauf que j'ai enchaîné sur le modèle de la réunion précédente, 93 pages de bonheur pur. Oui, 93 pages. J'ai rendu les armes à 1h30 du mat. Pour un réveil (douloureux) à 6h. Aïe.

Less is more? J'aurais pu m'habiller très correctement sans en faire des tonnes. J'ai voulu faire ma fille: résultat, je me suis pris les pieds dans ma jupe. J'ai réussi, je ne sais comment, à éviter une chute qui promettait d'être mémorable, sous les yeux de l'assistante amusée. Et j'ai passé le restant de la journée à tenir ma jupe, comme les dames du 18e siècle., marchant de façon précieuse et prétentieuse (alors que je rêvais juste d'enfiler mon vieux jean d'amour). Du coup, le serveur au restau m'a appelée "madame" avec un rien de déférence. Effrayant.

Less is more? Oui, je m'en suis voulu d'avoir gratté sur mon temps de sommeil. Au retour du déjeuner, je me suis sentie littéralement abattue. Les paupières lourdes, mais lourdes... Je peux l'avouer, je m'octroie régulièrement une petite sieste express de vingt minutes, l'après-midi, l'ordi calé sur les genoux. J'en ressors régénérée et je reprends comme une fleur mon boulot.

Mais là, y'avait comme un hic. J'étais dans un hémicycle, donc, juste devant le président de la séance. OK, je lui tournais le dos, j'aurais pu céder à la tentation. C'était compter sans les cinquante ou soixante personnes en face, siégeant, attentives aux moindres propos du dit Président... Et donc aux premiers postes pour assister à mon déclin long et progressif.

Histoire d'éviter de me retrouver avec la bave aux lèvres de m'être assoupie, je n'ai cessé de gigoter, de boire de l'eau, de me redresser. J'avais deux de tension et de l'extérieur, paradoxalement, j'étais une vraie pile. Un comble.

Less is more. Pourtant, depuis le temps, je le sais que je ne suis pas parfaite! Mais, que voulez-vous, je crois que je teste ma résistance à gérer au mieux les catastrophes.

dimanche 10 octobre 2010

Sale coup pour la girouette

Entre deux réjouissances rédactionnelles, j'essaie vaguement de démonter les meubles et de remettre l'appart à l'endroit (enfin, à peu près). C'est donc vêtue de ma magnifique tenue dominicale (vieux t-shirt pourri, pantalon en molleton trop large, eh non, nous ne sommes pas sur un blog glamour ici, mais dans la vraie vie - enfin, je crois) que je me suis attelée aux mille tâches qui m'attendaient: cache-misère à base de stickers nases (Valérie Damidot, sors de ce corps) pour masquer les talents artistiques de Loulou, et opération camouflage de trous en retapissant carrément des parties histoire de créer un bon gros décalage entre la tapisserie d'avant et celle juste posée. OK, l'ancienne est crade, mais bien calée. Elle.

Celle que je viens de mettre fait des bulles. Comprends pas.

Et au fur et à mesure que je désinvestis cet appart qui fut un vrai refuge, j'essaie de ne plus penser à l'appel d'une amie, hier.

La mairie du Mans cherche un journaliste.

La tuile.

Je suis allée voir l'annonce. Je n'ai même pas trouvé un impératif qui aurait pu blackbouler totalement ma candidature. Soyons réaliste (et un peu prétentieuse): ce poste est pour moi.

Je fais quoi, moi, avec mes cartons partout, ma tapisserie toute bullée et mes affaires rangées?

Je fais quoi, moi, avec le nouvel appart, la nouvelle école, la nouvelle vie, la promesse de beaux lendemains?

Je fais quoi, moi, avec mon loulou qui attend de rejoindre Nantes, après avoir longuement discuté avec lui?

En plus, cela me permettrait d'éviter quelques soucis d'intendance et de transports, vu que, si tout va bien, je serais amenée à être ici une fois par semaine. Je pourrais continuer, un peu, mes extras au restau, (presque) juste pour le fun.

J'imagine que c'est toujours comme ça. Que quelque chose, quelqu'un vous rattrape toujours au vol alors que le décollage est imminent.

Mais comme nous sommes dans la vraie vie, je me suis juste laissé le temps de la réflexion. Résultat: j'ai passé ma journée à préparer, plus que jamais, mon départ.

Si ça, c'est pas un signe...

vendredi 8 octobre 2010

Les rêves de môme

Je suis quasiment au pied du mur et pourtant, le ciel s'éclaircit chaque jour.

Hier, alors que je suais sang et eau sur une nouvelle réunion institutionnelle - avé l'accent tout pourri de ces messieurs-dames, l'enregistrement inaudible par passages et le brouillage intempestif par téléphone portable, un vrai bonheur - un coup de fil : la même boîte, qui me propose une mission, à Rennes, lundi, sur une journée complète. Si je peux? Et comment! Du coup, j'en ai profité pour évoquer mon déménagement à Nantes, qui va engendrer quelques frais kilométriques supplémentaires.

C'est là que j'ai songé : "Je suis en train de scier la branche sur laquelle je suis, ça se trouve. Jamais ils n'accepteront ces nouvelles conditions. Ils vont me remplacer et je vais me retrouver le bec dans l'eau."

Eh bien non, je pourrais continuer et mon positionnement sur la cité nantaise leur convient bien. A vrai dire, cela suppose même davantage de missions à venir. Autant vous dire que j'ai vu le gros nuage du "zéro revenu" s'éloigner et que j'ai un peu dansé toute seule dans mon salon, soulagée de la tournure des événements.

Oh, je sais, ça reste un revenu d'appoint mais je ne fais pas la fine bouche.

Mais, en vérité, ce qui me met véritablement en joie, aujourd'hui, c'est une rencontre que j'ai faite, ce matin, avec une personne hors du commun, assez formidable, une âme riche et cultivée comme je l'imaginais.

Je ne peux hélas pas vous en dire plus pour l'instant, car il s'agissait d'une première fois et que rien n'est conclu. Mais cette rencontre ressemble à une sacrée belle promesse pour l'avenir.

Et si jamais elle aboutit, elle répondrait à l'une de mes vieilles croyances, sur l'idée utopiste que la réalisation personnelle passe par l'épanouissement au travail. Cette conviction a résonné très fort en moi, faisant écho à mon ancienne vie, lorsque j'allais bosser avec le sourire, enthousiaste, ne sachant jamais vraiment à quoi m'attendre, entre rencontres multiples et découverte permanente. Et surtout avec cette idée que je réalisais un rêve de gosse.

Eh bien, la môme en moi est de retour.

jeudi 7 octobre 2010

La boule de gomme et l'angoisse du croque-mort

Alors, c'est quoi la formule économique, me direz-vous? Bah, en gros, tu te tapes tout le sale boulot, démontage des meubles (et perte inhérente des vis, sinon c'est pas drôle) en sus, et des mecs avec de gros biscotos viennent sonner à ta porte, beaucoup trop tôt le jour J, pour dépoter le cumul de toute une vie - moins la tonne de souvenirs partis à la poubelle et les milliers de jouets et fringues vendus en braderie ou sur mon ami ebay - en moins de temps qu'il n'en faut pour l'écrire, balançant le petit carton où tu as inscrit un signal attention en gros, parce que, quand même, ça t'aurait bien fait plaisir de conserver ce joli et précieux plat à tajine...

Ensuite, en route, et vas-y que je te rebalance les cartons, d'façon, la petite dame, elle verra rien, tu trouves pas qu'elle a l'air à l'ouest? OK, je fabule, mais enfin, le banc d'essai des déménageurs s'est avéré assez instructif.

Le premier, par exemple, est arrivé les mains dans les poches, boule à zéro, treillis en fin de vie, mâchouillant négligemment son chewing gum. Un petit coup d'oeil sur tout, ouais ouais okay, bah écoutez, ce sera deux milliards de dollars, mais si vous voulez, je vous fais cadeau de la TVA, on s'arrange, hein. Le petit clin d'oeil finit de m'assommer. Je ne le sais pas encore, mais c'est le moins cher. Hum.

Le deuxième arrive, tiré à quatre épingles, très pro, très carré, prend des mesures, observe, rajoute quelques mètres cube par rapport au premier pronostic et me donne sa fourchette, deux jours plus tard, par téléphone. Ce sera quatre milliards de dollars. Ahem. Je crois que j'ai oublié de noter son portable.

La troisième rentre avec grâce et délicatesse dans mon appartement. Brushing et jupe bien comme il faut, maquillage nickel jusqu'au bout des ongles, l'élégante blonde a néanmoins du mal à contenir son effroi devant le fourbi. Elle note tout, mais absolument tout, y compris le petit meuble de 3 cm (oui, j'ai des meubles de 3 cm, j'ai la passion du petit meuble et des tiroirs). Je l'imagine déjà avec ses gants blancs, chez elle, à vérifier que les poussières ont été bien faites. Je la brusque plus encore en lui faisant mon petit numéro de Cosette, cas soc' moderne et bientôt en ASS (j'ai l'impression de jouer la comédie, mais en fait, je suis VRAIMENT un cas soc' et je vais vraiment toucher l'alloc de solidarité si rien ne change).

Un rien apitoyée, elle me propose de baisser le tarif. En gros, elle est à 3 milliards de dollars, et peut même baisser à 2 sur une journée bâtarde (genre le 18 du mois, c'est bien pour déménager le 18 du mois, quand t'as un bail au 1er). Une condition: que DEUX personnes viennent aider à porter les affaires, au départ et à l'arrivée. Euh, le principe de payer un déménageur, c'est pas, justement, pour s'éviter cette corvée ?

Le quatrième est un grand type, genre 2 mètres, tout sec, au costard un rien étriqué, qui doit rire lorsqu'il se pince. Un peu croque-mort sur les bords. Comme j'ai mangé un clown le jour de sa visite, j'essaie de le dérider. Pourtant, lorsque je lui fais part de l'éventail des prix proposés, à ce jour, je fais un bide : il tombe des nues et me demande de répéter le tarif du gars qui mâchouille et qui fait du black.

J'ai l'impression de lui avoir annoncé le décès de sa mère. En fait, c'est un peu ça. Une telle chute des prix, ça tue le marché, à ses yeux. Lui en est persuadé, un type qui baisse autant ne peut être qu'un escroc, "c'est pas possible autrement" m'assure-t-il. Un type qui écrit sur son devis, comme il va le faire quelques jours plus tard, que la valeur totale de mon mobilier équivaut à... 36 euros, j'ai aussi matière à penser qu'il se pose là, en terme de foutage de tronche. En attendant, je ravale mon clown. Il m'a un peu mis le doute.

Et pourtant, je suis à 70% partie pour le plan foireux.

Quand je rappelle mon mâchouilleur, après lui avoir réclamé à peu près quinze fois mon devis par mail, et qu'il me demande si, quand même, quelqu'un pourra aider au déchargement, je me dis que finalement, quitte à faire les cartons, je vais aller me faire un bon lumbago, mais je vais me charger moi-même de tout déménager.

Et c'est là que le "miracle" survient. Une dame m'appelle, suite à "ma demande de devis sur internet". J'en ai tellement rempli, de formulaires, que je suis presque étonnée d'avoir une réponse. Ni une, ni deux, je lui expose la situation. Elle va, peu ou prou, s'aligner sur la proposition la moins onéreuse, TVA en sus, cette fois, mais j'ai envie de crier alléluia quand elle m'assure que je n'aurai rien à faire ce jour-là : "vous nous regarderez travailler."

Je sais pas vous, mais moi, ça me parle, ce genre de discours. Une vérification sur societe.com pour m'assurer que la boîte n'est pas bidon et hop, l'affaire est pliée.

Quelques jours plus tard, le croque-mort me rappelle pour s'enquérir de ma décision. Je lui annonce mon choix. Il soupire et lâche: "Hum. J'espère pour vous qu'ils sont sérieux et que ça se passera bien, mais à ce prix-là, avec votre dossier (quoi mon dossier, qu'est-ce qu'il a, mon dossier?), permettez-moi de douter." Grosse classe du mauvais joueur, je vous l'accorde.

Mais léger doute, de nouveau. De quoi je me mêle? Il le sait pas, lui, le pro du déménagement, que vivre au milieu des cartons rend déjà un rien dingo? En fait, je crois que le croque-mort est un rabat-joie. Et les rabats-joie, décidément, je n'en ai pas besoin.

La vie me remet déjà suffisamment les pieds sur terre pour que je n'aie pas à subir un enfouissement plus profond, six pieds sous terre.

mercredi 6 octobre 2010

Un bonheur en carton pâte

Séduisant, fiable, solide. Une bonne tête. Une jolie couleur caramel. L'envie de le prendre dans mes bras.

Depuis quelques jours, quelques semaines même, je me suis lancée dans la quête du modèle parfait. Le... carton parfait.

...

Non, non, ne le niez pas, votre déception se lit sur votre mine dépitée. Comment? Tout ça pour ça? Il ne s'agissait donc pas d'un Apollon, physiquement intelligent, qui se serait perdu et que j'aurais, de façon ô combien serviable et purement désintéressée, recueilli dans mon humble demeure?

Eh non. Je suis en quête de cartons et la vue d'un spécimen me met quasiment en transe.

Je vous jure.

Tenez, prenez encore ce soir. Je rentrais et paf, j'aperçois un tas marron, au loin. Mais oui, le jeudi, c'est le ramassage municipal. Toute excitée, j'ai mis mes warning et fais le plein de cartons, comme une grosse clocharde à faire les poubelles. Même pas honte.

Loulou, enseveli par ces drôles de bêtes, a haussé les épaules. Je suppose que, parfois, il l'échangerait bien, sa maman. Contre une maman normale, je veux dire.

Oui, je sais. Je pourrais bêtement aller en acheter. Trop facile. La quête du carton me poursuit et lorsque je parviens à en dégoter, autant vous le dire, ma journée est sauvée.

On a la vie que l'on peut, hein. Les mauvaises langues diraient "que l'on mérite", mais bon, je ne peux pas leur en vouloir sur ce coup-là (madame Parano, sors de ce corps), ils ont raison, je suis totalement pathétique.

Mais que voulez-vous, lorsque j'enchaîne deux supermarchés et qu'à chaque fois, c'est bingo, je ne parviens même pas à contrôler ma joie intérieure. Je veux dire qu'elle s'extériorise. Si vous avez entendu parler d'une drôle de nana, sur Le Mans, avec des manières de clocharde et un sourire niais sur le visage, ne cherchez plus; bibi est passée par là.

J'aurais aussi pu, autre possibilité, demander à la société de déménagement qui va se cogner mon barda, de m'en fournir. Mais là, je ne suis pas suicidaire. Des beaux cartons, ça coûte un bras, voire deux. Si je voulais éviter de mendier, pour de vrai, une fois arrivée à Nantes, j'avais intérêt à opter pour la formule économique...

La suite, c'est pour demain. Là, je m'attaque à une autre denrée rare, dont chaque nouvelle apparition me met également, de façon pathétique, en transe : une mission de rédaction. Le bonheur.

A suivre...

mardi 5 octobre 2010

Cet obscur objet du désir

"Je vous parlerai demain d'un modèle séduisant et fiable", vous disais-je... Sauf que l'objet de mon désir se montre envahissant et qu'il a sapé toutes mes tentatives de venir ici vous parler de lui aujourd'hui (bon, OK, j'avais deux, trois autres trucs à régler, un déjeuner sympa, un joli, quoique perdu, match de basket à voir... Mais quand même).

Donc, demain, j'espère, j'évoquerai le tourment et le feu de la passion lorsque je sens son contact proche, que je l'aperçois, au loin, m'enjoignant de le prendre dans ses bras...

Demain.

lundi 4 octobre 2010

La boulette et l'éradication

Un rien lente à la détente, je me suis (enfin) décidée: je vais faire appel à une société de portage. Rapport à un projet dont j'espère pouvoir vous parler prochainement. Donc, je remplis les papiers que m'avait gentiment envoyé un lecteur (momentané?) de ce blog, en constatant un peu tristement que j'ai mis six mois à me lancer. Je vérifie, j'ai tout... Ah non, il me manque une attestation ASSEDIC.

Ok, je vais sur mon espace et là, stupeur: j'ai RDV à Pôle Emploi le... 4 octobre (oui, c'est bien aujourd'hui, ouf) à 14h05. Il est 15h35.

Tout va bien.

Je vais être éradiquée. Pulvérisée. Atomisée, la mouette. Pfffffui.

La boulette.

Je file à l'agence à l'arrache, craignant sa fermeture. Forte affluence ce jour, y'a pas de promos, mais une forte attente. Le monsieur derrière moi en profite pour converser avec sa douce au téléphone (enfin, j'imagine, je ne comprends pas un traite mot de ce qu'il raconte, ô frustration de la vilaine curieuse que je suis). Plus ça va, plus je le trouve malpoli et au bout de dix minutes, j'ai juste envie de lui enfoncer son portable dans l'oreille. Ou de lui montrer la sortie, là, juste derrière lui.

Comment ça, je suis intolérante? C'est que je suis stressée, moi, je vais être éradiquée, quand même, si ça continue.

Toujours une personne devant moi... J'observe. Une conseillère explique le fonctionnement à deux personnes, que je prends pour une mère et sa fille. Enfin, la mère est grand-mère dans ce cas puisque la fille est venue avec son bambin, bien calé dans la poussette. Je suis toujours surprise de voir ces jeunes mamans à Pôle Emploi avec leur môme, j'imagine que ça évite des frais de garde, mais enfin, comment dire, ça ne présage rien de très ambitieux, en terme de recherche active. Enfin, je juge, je juge, mais je vais être éradiquée parce que je n'ai pas daigné me présenter à un rendez-vous dont j'ignorais tout voilà une heure, alors... Je ferai bien de pas faire ma maligne. N'empêche que je la trouve un peu culottée, la mère-grand, de répondre au téléphone, alors même que la conseillère est en train de lui expliquer un truc. Oh, elle est polie, hein, elle va s'isoler pour répondre.

Mouais. Pôle Emploi ne peut être tenu responsable de ce genre d'attitudes, on est d'accord. Limite, elle mériterait l'éradication.

Mais moi, qui ai bavé sur les quelques déficiences du système, va-t-on me passer à l'échafaud?

Vient mon tour. J'explique, tout ça, la convoc vue au hasard sur le site mais pas dans ma boîte mail et la réponse imparable de la conseillère, à l'accueil: "ça, ça doit être un problème d'informatique". C'est souvent, les problèmes d'informatique dans la maison, j'ai remarqué. J'ajoute, pour ma défense, que je n'ai jamais été suivie et n'ai pas prêté attention à l'agenda dont mon espace est doté. "Ah, mais c'est nouveau, ce système de convocation, même nous, on s'y perd." Ah, forcément.

Mes craintes d'éradication s'estompent doucement. Puisque je suis là, j'en profite. J'ai reçu un formulaire un rien effrayant, la semaine passée (j'ai passé sous silence le choc, mais quand même, ça fait tout drôle): ma demande d'ASS. Pour allocation de solidarité, si vous préférez. La demoiselle aperçoit le document, va sur mon dossier et se veut rassurante: "oh, mais, attendez, avant de passer en ASS, il vous reste encore 82 jours d'indemnités journalières!"

Oh bah alors, tout va bien.

Dans 82 jours, je bascule dans la précarité. Ou pas.

Demain, je vous raconterai la quête exaltante du modèle parfait, séduisant, fiable, résistant. Et surtout sa prise.

vendredi 1 octobre 2010

Le diable et l'avorton

J'y ai sacrifié quelques heures de sommeil, (en même temps, vu les cauchemars, avec un chat qui tombe du 20e étage pour s'exploser dans la cour devant une meute de chiens affamés ou un sale gosse - qui n'est pas le mien, précision qui a son importance - qui me griffe jusqu'au sang, à quoi bon, hein?), je n'ai quasiment pas vu Loulou (ouh la vilaine) de la semaine, mais enfin, j'ai donné un sérieux coup de collier à ma retranscription et hop, c'est fini. Comme dirait PPD le guignol, je vais pouvoir retrouver une vie normale.

Ah oui, c'est vrai, ma vie n'est pas normale. Juste bizarre.

Pas normale dans le sens classique du terme, je veux dire. Avec une entrée, un plat de résistance et un dessert. Non, je prends tout en même temps, je mixe et je vois ce que ça donne. Bon, OK, en ce moment, c'est un peu du gloubi boulga. Par exemple, je m'enferme chez moi pour m'acoquiner avec le clavier et sors pour livrer des tartes, comme si c'était... normal.

Mais enfin, j'ai bon espoir que ma petite cuisine interne repose au calme et que je passe à l'échelon supérieur. Pour l'instant, je penche encore entre cuisine et rédaction.

Cuisine et rédaction?

Rédaction ou cuisine?

Un esprit malin ayant visiblement intégré mon cortex me souffle de concilier les deux. L'autre avorton, chaudement installé à l'opposé, hausse les épaules et me conseille de cibler juste. D'oublier les doux rêves et d'aller au charbon.

Mais c'est quoi cibler juste? S'il s'agit de quitter les eaux troubles de Pôle Emploi, mieux vaut remiser au placard ses envies d'autrement. J'ai bien compris le message, oui oui, le travail n'est pas forcément source d'épanouissement. la réalisation de soi-même peut passer par d'autres voies. Bien.

Donc je me retrousse les manches. Et je songe à ces opportunités qui pointent, alors même que je file ailleurs. J'ai dû décliner l'une d'elles, venue trop tard, option marmiton.

Oh, inutile de regretter, ce n'est pas ainsi que j'aurais pu faire bouillir la marmite, à quelques semaines de la menace ASS. En revanche, j'aimerais ne pas passer à côté d'une autre, très excitante, option scribouillard, et j'espère pouvoir vous en parler bientôt.

J'aime ce goût d'inconnu, de surprises. Et puis, la vie normale, c'est pas un peu ennuyeux?