mardi 22 septembre 2015

Elle

Je ne vois pas la vie en négatif, je vous rassure. Y'a juste une petite maligne qui essaie parfois de m'enfermer dans cette case sclérosante... (Copyright: Loulou)
 
 
Telle une couleuvre, elle s'immisce silencieusement, insidieusement. Elle est partout, surgissant à n'importe quel moment. Elle survient, là, alors même que la journée a été belle. Elle me salue pile à l'instant où j'ai envie de savourer la joie qui m'envahit, de capter le rayon de soleil, de retourner le sourire que j'aperçois sur le visage soudain lisse de l'autre. Elle glisse, s'amuse à ces va-et-vient épuisants et me laisse atone.
 
Bien sûr, j'essaie de la chasser. J'y mets du cœur, même. Pas question qu'elle me gâche espoirs, mini-bonheurs et projets. Pourtant, telle une chape de plomb, elle ne m'épargne jamais tout à fait.
 
Bien sûr, j'essaie de ne lui laisser aucune chance. Un simple mouvement de commissure, un mot, un "oui", un moment d'abandon et elle semble perdre illico de sa superbe. Elle prend alors ses distances.
 
Oui, elle me laisse tranquille. Un peu de répit, et soudain, tout ce qu'elle bloquait jaillit là, par flots, me laissant presque débordée par tant de possibilités.
 
Libérée, je flotte. J'ai juste à lever les yeux, oh, de quelques millimètres, pour être éblouie par la lumière du ciel, par ce bleu qui se dégage.
 
Vite, vite, j'en profite, je fonce. Pleine d'énergie, je multiplie les rendez-vous, évalue les combinaisons gagnantes, m'agite dans tous les sens... Terriblement alléchée par cette accélération, ce pic incandescent de stress pourtant positif, elle revient et gagne de nouveau du terrain.
 
Bien sûr, je sors alors la carte que j'imagine infaillible, la méthode Coué. Je pense à la phrase magique, "il fera jour demain"... Elle bat légèrement en retraite mais elle s'installe confortablement au creux de mes paupières, le soir venu. Je la sens, triomphante, espérant sans doute me priver de ce sommeil qu'elle déteste.
 
Je repense à ces moments où elle m'a vraiment joué de sales tours. Lorsqu'elle m'isole de tout le reste, qu'elle me met la tête à l'envers, qu'elle me laisse imaginer les scenarii les plus sombres. Lorsqu'elle me paralyse les mains, à l'instant même où je peaufine une décoration de gâteau. Lorsqu'elle me prive de mes mots, ternit le rose des choses, lorsqu'elle commande mon cœur et s'appuie sur la raison pour mieux justifier son travail de sape.
 
Alors, oui, je lutte et je loue les nouvelles, les projets, les rencontres et les conversations qui offrent à mon enthousiasme la meilleure des armes pour s'exprimer. Je chasse le négatif, les nuages et l'inertie.
 
Pourtant, j'ai compris que je pouvais aussi l'accepter, et même la voir avec davantage de bienveillance, l'imaginer comme une alliée. Après tout, si elle ne m'épargne pas, elle m'offre une fenêtre grande ouverte sur la réalité de mon monde. Elle me contraint à inventer, initier, réagir. A vivre.
 
Je lui demande juste une faveur: qu'elle ne s'acharne pas et qu'elle me fasse suffisamment confiance pour lui montrer ce dont je suis capable.
 
Hein, tu promets, dis, madame l'Angoisse?

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