mardi 22 novembre 2022

Déconstruire


 Ce dimanche-là, c'était comme un été indien complètement improbable. Songez plutôt, en novembre, là où on a habituellement sorti écharpes et manteaux, le ciel était immaculé et la météo plus que clémente. Pas un brin de vent non plus. Imaginez donc ma surprise devant cet arbre courbé, qui s'est accommodé de sa condition, à force de bourrasques, et a pris cette forme insolite.

L'arbre plie, mais ne rompt pas.

Cette image m'a sauté aux yeux. J'y ai vu une belle métaphore de ma modeste existence.

Après deux mois, malgré mon arrêt maladie, à tenter de sauver les meubles, à répondre par mail ou téléphone comme si de rien n'était aux clients, à m'en cacher quand même - mon air de borgne peut effrayer, je le concède - il a bien fallu me rendre à l'évidence. Un dernier accroc m'a convaincue de jeter l'éponge. J'ai dû mettre en pause mon entreprise pour me concentrer sur ma santé, rapport que le corps, on n'en a qu'un et qu'Abricotine est dans la place.

Une telle décision n'est jamais simple. Ceux qui me suivent depuis le début savent quelle énergie j'ai dû déployer pour faire naître, grandir et voir se développer mon bébé. C'était même le fondement de ce blog, en 2009!

Pourtant, je l'ai prise comme une évidence, ce week-end.

Le lundi, j'ai appelé mes partenaires, puis les clients directement impactés par cette décision. Puis, j'ai informé les autres, modifié les messages sur ma boîte mail et vocale... 'Plus de commandes, plus de prestation, plus de cours..." Tout ce que j'avais mis en place a disparu en une seule journée. L'entreprise va devenir comme un fantôme... Au fil des heures, je sentais que j'étais en train de déconstruire ce projet qui m'a tant animée. En quelques coups de fil, en quelques lignes et messages, j'ai rangé mon bébé dans un placard, bien au chaud.

Ont défilé dans ma caboche toutes ces images, tous ces souvenirs, ces montagnes russes, mes joies lors des premières signatures, mes quelques désillusions parfois, toutes ces premières fois que j'ai vécues comme autant de challenges. La vie parfaitement classique d'un entrepreneur, somme toute, qui se lance en n'ayant heureusement peu conscience de ce qu'il va vivre - sans quoi, personne n'irait ainsi se jeter dans la gueule du loup.

Je n'ai aucun regret. Je ne pousserai pas l'audace jusqu'à remercier Abricotine, car la cocotte n'a clairement rien à faire dans mon cerveau, cette coquine et, qu'elle soit prévenue, ça va bientôt lui chauffer les fesses. Mais si besoin il était, je prends plus que jamais la mesure de la fugacité de notre existence et j'ai bien l'intention d'aller en savourer toute la moelle.

Face à l'adversité, j'ai plié mais soyons clairs: pas question de lâcher l'affaire. Je suis vivante. Et si Abricotine veut se la jouer warrior, je saurais me souvenir de cet arbre de Pen Bé, symbole de résilience et de sagesse.

1 commentaire:

  1. Toujours si juste et inspirant. Et que dire de l’écriture et du style…👍👍😉

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