lundi 5 septembre 2011

L'ordre rétabli

A cinquante mètres de la grille, il a tourné ses lèvres vers ma joue et m'a lancé:

"Allez, au revoir, maman!"

Au moins, la rentrée n'angoisse pas Loulou. Un peu dépité que je l'accompagne jusque dans la cour d'école, il s'est finalement laissé embrasser avant de filer discuter boulets et toupies avec ses petits copains. L'un a sorti un tas de billes de sa poche, un peu en douce, en a laissé tomber deux et les a vite ramassées comme on cache vite un trésor. Hilare, la petite bande a renchéri sur ces jouets de verre et j'ai regardé Loulou s'animer. Il avait retrouvé sa joie mais surtout cette candeur que j'ai craint voir disparaître voilà peu.

Il n'avait pas vraiment changé, de toute façon. La chemise déjà sale (une histoire de chocolat et d'éternuement simultané sur le tissu blanc, un vrai bonheur), la veste en équilibre sur l'épaule, le cheveu rebelle, il retrouve l'école sans se poser de questions. C'est ainsi, voilà tout.

J'ai reculé de quelques pas, parce qu'il ne servait à rien de rester là, près de lui et j'ai écouté les parents, cette maman toute bronzée qui racontait ses vacances à une autre au teint blafard, cette autre qui critiquait déjà l'instit, ce papa qui s'inquiétait de ne pas trouver son fils sur la liste et tous ces adultes qui eux aussi allaient reprendre le chemin du bureau, après cet intermède matinal.

J'ai senti soudain un noeud serrer mon estomac, au souvenir très lointain de mes propres rentrées, où j'oscillais entre la retenue (quand ma mère m'accompagnait) et l'hystérie (avec mon père, bien plus faible devant les caprices de sa fille. Hum). J'ai songé à toutes ces rentrées, ensuite, une fois sortie du rythme scolaire, lorsque l'on rattaque une année en retrouvant les collègues à qui on raconte quelques anecdotes de vacances. Ou pas, d'ailleurs, parfois, mieux vaut s'abstenir.

Ensuite, je ne me souviens plus trop, mes oreilles, chahutées par les cris et rires ambiants, m'ont sommée de rebrousser chemin et de reprendre place à mon poste, chez moi, derrière l'ordi. Toute seule et autonome.

Oui, l'ordre est rétabli.

La liste est rédigée, les tâches prêtes à être barrées, je sens en moi l'énergie revenue et l'envie de bouleverser doucement ce quotidien plein de surprises mais déstabilisant. Loulou à l'école, je retrouve certains repères, une routine à laquelle je n'étais déjà plus habituée.

J'ai retrouvé aussi cette stigmatisation permanente qui m'avait déjà frappée par le passé. En discutant quelques minutes avec la nouvelle institutrice de Loulou, j'ai compris qu'elle avait déjà ses "fiches" sur chaque enfant. Qu'elle avait communiqué avec sa collègue, qui a eu sa classe l'année dernière, et échangé quelques informations sur les élèves. Celui-ci a du mal en maths, celle-là en français, lui est turbulent, cet autre est bavard... Après tout, elle balise le terrain, elle s'intéresse et c'est tout à son honneur.

Mais elle a eu beau me répéter qu'elle aimait bien repartir de zéro en faisant un peu table rase du passé, j'ai eu comme un doute. Certains jugements laissent des séquelles et il est difficile de les anéantir totalement. Alors, aux enfants de sortir des idées préconçues, à eux aussi d'évoluer, parce que, après tout, il n'y a pas de fumée sans feu et un gamin que l'on dit turbulent l'a probablement été et l'est peut-être encore. Mais je m'aperçois que les étiquettes, elles collent très vite et impriment à long terme le parcours d'un enfant.

Lequel ignore encore que son existence sera parsemée de ces petits riens qui le définiront ensuite comme un être sociable ou pas. Sans qu'il puisse véritablement contrôler cette image qui finira par lui échapper.

2 commentaires:

  1. Oui, ces étiquettes qu'on leur colle sur le dos,c'est pénible.....

    Ah, les billes....quand j'ai rencontré Monsieur l'Homme, il y a 24 ans, on a farfouillé dans les greniers, et on a retrouvé les nôtres, alors, n'est-ce pas ? on a fait une partie ! et bin.....je lui ai TOUT GAGNE ! héhéééé....

    C'est bien que ça ne le stresse pas, la rentrée, mes souvenirs de rentrée sont horribles. :)

    Bon courage tout neuf pour cette rentrée !

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  2. Je suis content que tu ressentes en toi cette énergie et que tu te sentes prête à attaquer ta "liste" avec un tel appétit. C'est vraiment une bonne chose.

    Bises, la Mouette.
    Thierry

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