jeudi 2 octobre 2014

Le nez (gelé) dans le cacao

Le froid a un avantage, c'est qu'il fait brûler des calories.
 
A peu près 34 pour un quart d'heure passé à -18°... contre 167 000 ingurgitées le temps de passer devant ma copine Bei, qui couche des choux et qui met de côté ceux qui sont moins jolis.
 
Si on ne les mange pas, ils partent à la poubelle (je ne suis pas une poubelle, c'est juste que ces choses-là sont addictives) (franchement, ce serait dommage) (oui, je répète, je ne suis pas une poubelle).
 
34 calories contre 167 000...
 
Super efficace, comme technique pour perdre du poids, hum?
 
Ah oui, on est d'accord, ce n'est pas la question. Je suis là pour bosser, le reste, c'est de la littérature (enfin, on n'est pas obligé non plus de tolérer les bourrelets, juste-parce-que-ça-compte-pas-puisqu'on-bosse, on est d'accord).
 
C'est comme le croissant du matin, à la pause. A 9 heures, hop, tout le monde s'arrête, on boit le café et on se chope un petit doré au passage. On n'est pas obligé, bien sûr. Rien dans la convention de travail ne stipule:
 
"Stéphanie M. devra manger un croissant chaque matin à la pause, en vertu de l'émulation collective et de sa bonne intégration à la société".
 
Non.
 
Mais quand on s'est levé à 5 heures du matin, qu'on est depuis 3 heures debout et concentré sur les tâches les plus diverses, la tentation est grande, avouez-le.
 
Pourtant, si vous saviez à quoi je résiste... Les amandes torréfiées qui gigotent encore sur le marbre, les chutes de chocolat, les pistoles - toutes petites, ce serait si facile d'en prendre une ou deux au passage - les orangettes au chocolat, et toutes ces petites douceurs qui traînent ça et là, parce qu'une personne a malencontreusement mis un doigt sur le glaçage, rendant l'entremet invendable, ou a rippé (on se prend un nombre de coups hallucinant, par les collègues qui passent et repassent derrière nous alors qu'on essaie juste d'être le plus précis possible).
 
Bref, vous l'aurez compris, je ne suis pas, mais alors pas du tout dégoûtée du sucre ou du chocolat après une dizaine de jours à bosser au labo. Pourtant, j'ai quasiment passé ma journée de mercredi le nez dans le cacao. Et quand je dis "le nez dans le cacao", c'est littéralement ça: hier, après avoir brassé des centaines d'orangettes dans cette subtile poudre brune, j'ai vu le regard des uns et des autres s'éclairer en passant devant moi.
 
Aurais-je été touchée par la grâce? Auraient-ils entrevu ma beauté intérieure sous la façade de l'apprentie pâtissière?
 
Non.
 
A la place, on m'a clairement suggéré de prendre une bonne douche en sortant. Et pour cause, ma tenue noire était marron et j'avais le visage comme celui d'un comique blanc qui aurait voulu se grimer en noir (très réussi et naturel, donc).
 
En rentrant, une fois débarbouillée, j'ai voulu me moucher. J'avais du cacao dans le nez. Mais plein, hein, comme si je m'étais vraiment repoudré le nez.
 
Je crois que je suis repérée.
 
Je pourrais craindre que ça jase derrière mon dos, car au labo, ils aiment bien balancer. Le jour où une planche en bois toute pourrie est venue se casser alors que nous avions posé dessus environ dix tonnes de pâtes de fruit, la nouvelle a fait le tour en 3 minutes et on nous a bien chambrées, les autres filles stagiaires et moi. Hier, quand un apprenti a écrit "noizét" sur sa recette, il a été humilié en dix secondes par son chef (il avait quand même le début du mot bien écrit, non?) (le pauvre).
 
Mais après tout, le ridicule ne tue pas. Il n'est pas rare de croiser un petit homme en polaire, avec le bonnet assorti, dont on devine à peine le visage, foncer vers le congel', ou un autre avec une manchette orange, pour corner, vanner, coucher...
 
Alors, puisque le congel' est aussi devenu ma seconde maison, moi aussi, j'ai rajouté du polaire et de gros gants à ma tenue, même si j'ai bien conscience que le froid est mon ami - rapport à ces saletés de petits choux qui traînent.
 
Le pire, c'est que je ne suis pas fan de choux, à la base. Mais que voulez-vous, on peut vite réviser son jugement, dans un tel temple de la douceur...

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