lundi 25 octobre 2010

Le flic est une femme comme les autres

Loulou n'ayant plus de lit, j'avais décidé de transformer ce petit couac en air de fête, du genre, "génial, mon trésor, c'est camping aujourd'hui!' Alors, quitte à dormir avec moi, autant faire les choses en grand : J'avais donc pris soin d'emmitouffler Loulou dans un sac de couchage, pour le côté festif (ouais, top, génial, on a trop une vie palpitante;) - et puis, de façon plus égoïste, pour préserver mes côtes, dont j'ai besoin en ce moment. Entre autres.

Raté. Réveillée par les doux bruissements gutturaux de mon loulou, j'ai surtout bien senti ses coups de coude, certes invontaires, mais bien réels. A vrai dire, c'est là que j'ai compris que la journée allait être longue.

Il y a d'abord eu le syndicaliste, ma foi fort sympathique, de la métropole, qui m'a délivré les panneaux de stationnement, histoire que personne ne squatte les places pour le camion, jeudi. Avant de me promettre un déménagement houleux, ce même jour, en raison d'une nouvelle grève. Bah, c'est pas comme si j'habitais en plein centre... Ah si, c'est vrai.

Ensuite, je l'attendais comme le moment fort de la journée, et je n'ai pas été déçue, ma foi. Un petit tour au commissariat, afin de porter plainte contre ces voleurs de mes deux qui avaient cassé plus de trucs que je n'en avais vus, dimanche soir (le pyjama-tong aurait-il un effet direct sur la vision des choses?) dans ma titine et qui, surtout, s'en sont payé une bonne tranche visiblement, visitant un nombre conséquent de voitures dans le parking.

11 heures. Le hall du commissariat est blindé. A l'accueil, devant moi, un monsieur souhaiterait voir un agent en particulier. La demoiselle, yeux ronds inexpressifs, queue de cheval serrée et mine épanouie de la nana partie en Sibérie pour ses vacances, essaie de lui expliquer qu'il ne travaille pas aujourd'hui et, devant l'insistance de celui que je prends déjà pour un indic, elle finit par appeler un autre service, tout en mâchouillant très élégamment son chewing-gum.

"Ouais, c'est l'accueil. Y'a un monsieur Bip-Bip, ah pardon monsieur, comment vous dites, bon monsieur bip bop machin je sais pas quoi, hein, attendez, ah, un certain Pilou qui voudrait voir..."

J'avais vu juste. Un type qui se fait surnommer Pilou ne peut être qu'un indic. Plus je regarde la demoiselle et plus elle me fait penser à une "das". Mais si, vous savez, ce terme allemand qui permet de qualifier un genre indéfini en élément neutre... Je ne sais pas si c'est l'uniforme, l'attitude avachie, les contours masculins de son visage, mais je m'inquiète soudainement de sa vie personnelle. Avant de réaliser que je ferai bien de balayer devant ma porte, moi la célibataire endurcie.

Comment ça, ça n'a rien à voir avec la raison de ma venue dans cet espace vivant et aéré? Mais vous les contrôlez, vos pensées, vous, quand vous faites le pied de grue en attendant votre tour?

Tiens, justement, c'est mon tour, rien à signaler, je m'installe avec Loulou sur une chaise, constatant avec effroi qu'un loulou de 7 ans, ça pèse un âne mort (moins l'odeur). Un monsieur parle très fort, pas loin, avec un accent sarthois à couper au couteau, Loulou s'empresse de la ramener: "déjà, un, les portables sont interdits ici et puis, deux, on ne crie pas."

Ce n'est pas mon fils, ce n'est pas mon fils, ce n'est pas... En même temps, il n'a pas tort et je finis par craquer avec un timide, chuuuut, mais le monsieur, il n'entend rien, il est en train de crier très fort contre la personne à l'autre bout du fil. Tout le monde s'écrase.

11h30. C'est incroyable comme les murs sont délabrés, quand même, c'est limite cra-cra ici.

11h40. Depuis que nous sommes arrivés, une personne est passée au bureau des plaintes. Il en reste donc une, deux, trois, quatre... Pffou, j'arrête de compter et je m'octroie un petit surf sur internet via mon portable - que j'ai pris soin de mettre en mode silence, pas envie de m'en prendre une par mon justicier de loulou.

11h50. Mon voisin, il a l'air hyper cool, tu vois. Et moi, j'aime les gens cool. Sauf que si j'aime bien les dreadlocks, je sais aussi à quoi tient leur réussite. J'aimerais vraiment qu'une personne ou deux puissent être reçues, histoire de négligemment changer de place. Je suis à deux doigts de la syncope, là.

12h05. Mon voisin ne tient plus, il demande à l'accueil s'il peut revenir plus tard, parce que là, tu vois, il a un rencard.

12h06. Fin de l'apnée. Ah, je revis.

12h10. J'ai toujours pensé que le prestige de l'uniforme n'était pas un vain mot. Ben, allez comprendre pourquoi, ça ne fait pas le même effet avec un uniforme policier. Le côté sac à patates de la tenue bleue marine, peut-être. Elle est initimidante quand le flic est baraqué, beaucoup moins, déjà, lorsqu'elle est portée par une femme quasi-obèse. Je ne vous parle même pas du freluquet de 42 kilos tout mouillés qui nage dedans, qui prend un air hypra sérieux lorsqu'il passe devant nous avec ses deux maglites dans les mains, tout droit sorti d'un épisode des Experts, avant de revenir piteux demander d'une petite voix les clés de la bagnole... fermée.

12h35. La boulangerie du quartier a trouvé le filon en s'installant juste à côté du commissariat. Tous les flics reviennent, un sandwich à la main, même si un insurgé pointe son nez et évoque un "bon petit Quick."

12h36. Loulou, dont l'oreille est plus fine que le papier de cigarettes-qui-font-rigoler de mon voisin-la-boule-puante - crie: "j'ai faim!"

12h40. On fait "bateau sur l'eau", version remix pour faire passer le temps. Et accessoirement la faim.

12h50. Depuis un petit moment, j'écoute les plaintes des uns et des autres. Il y a pas mal de fraudes à la carte bleue, un vol de bouteilles de vin dans une cave, des paiements de PV, des vols de sacs avec tous les papiers dedans... Et puis, une demoiselle arrive, explique qu'elle n'est pas majeure mais que sa mère vient de la virer de chez elle, qu'elle veut porter plainte et trouver une solution. " Silence de la demoiselle à l'accueil - la collègue de la das, arrivée pour prendre le relais d'un collègue. Puis: "Okay, okay... euh... Et votre père?" "Je le connais pas." "Okay, okay... Ben, revenez avec un membre majeur de votre famille." "Ma famille?"

La pauvre, elle va devoir s'inventer une tata très vite si elle veut avoir une oreille attentive.

12h20. Pourtant, la demoiselle s'avère très à l'écoute lorsque sa collègue, celle aux yeux de bovin - la das, quoi -, s'anime pour lui raconter son week-end. La das, femme-flic froide, s'avère en fait une véritable midinette, détaillant sa soirée avec son coup de coeur du moment. Apparemment, elle en est à la phase de la cour, ils sont allés au ciné, et puis un moment, eh ben il lui a pris la main, ça a fait boum boum dans son petit coeur tout mou.

Ils ont dû aller danser, mais là, j'ai pas trop suivi parce que le monsieur avec l'accent sarthois avait recommencé à parler dans le micro, faudrait vraiment lui expliquer qu'on n'est pas obligé de crier dans un portable. Mais en tout cas, elle raconte qu'il n'est pas très grand, quelques centimètres de plus qu'elle, "je l'ai vu quand on a dansé le slow."

J'imagine le trip I'm still loving you, et d'un coup, je me revois en cinquième, dans la cave de copains un mercredi après-midi, et je me demande ce qu'est devenu Jimmy, mon premier flirt - ma première cagade. Bref.

Ensuite, ils sont allés chez lui, "eh ben tu sais quoi, c'est drôlement bien décoré chez lui, du marron, de l'orange, tu vois, il a du goût, pas comme un mec classique, quoi. Et puis attends, c'était nickel, y'avait pas une assiette qui traînait, rien!' Elle est absolument épatée et je la sens en train de fondre. Et, attendez, attendez, ce n'est pas fini! Elle raconte qu'un moment, elle s'est sentie fatiguée et il lui a dit: "vas-y, tu peux t'allonger sur le canapé, maintenant qu'on sort ensemble".

"Non, il a dit ça?"

"Ouais, ouais, je te jure!"

Une fan de Patriiiiiick ne serait pas plus émoustillée.

On est passé à 13h30. Oui, on a squatté le commissariat pendant deux heures et demi. Mais parfois, ça vaut le coup de prendre son mal en patience, y'a pas à dire.

4 commentaires:

  1. Certes, certes, mais... as-tu porté plainte ? Loulou a-t-il fini par manger quelque chose ? Qu'est devenu Jimmy ? L'OPJ aux MagLite façon les experts a-t-il trouvé les clefs de la voiture verrouillée ? Et enfin, as-tu été obligée de déposer tes vêtements au pressing because ton voisin à dreadlocks ? A ce propos, je n'ai jamais essayé les dreads, ça tient à quoi, leur réussite ? La crasse ?
    Bises, la Mouette.
    Thierry

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  2. et la nana, après son somme sur le canapé, a t-elle été récompensée d'une superbe galoche ?
    Trop de suspens la Mouette, n'empêche que cela ne donne pas envie de s'y retrouver dans ton commissariat, ni chez le copain de ton héroïne d'un jour!
    A bientôt et bon courage pour ton enménagement.
    Isa

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  3. Je suis pétée de rire, là, mais alors, pétée de rire !!!!! :))))
    Mais, accessoirement, effarée, quand une mineure réclame de l'aide, se retrouve à la rue, seule, et qu'on l'envoie balader comme ça !!! INADMISSIBLE ! c'est QUOI, cette variété de keufs d'opérettes ? et les lois sur la protection des mineurs, nom de Zeus ???!!!

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  4. Thierry: Bien sûr que j'ai porté plainte, eh, j'allais pas renoncer si près du but! Loulou a eu droit à son quick, évidemment, Jimmy doit être en train de me chercher, j'imagine, l'OPJ a fini par s'aveugler avec ses maglites, je vais devoir déposer mes fringues dans la machine à laver parce que faire les cartons, ça donne chaud, et oui, les dreads tiennent grâce à la crasse!! Merci de suivre, d'autres questions ?;))

    @ Babelle: Nan, apparemment, elle est un peu prude, pas de galoche avant un bon moment, je serais elle, j'irais franco, le mec risque de voir très vite la "das" en elle!

    @ Anne: oui, moi aussi, ça m'a fait froid dans le dos, cette réponse. La règle, c'est: tu viens accompagné, sinon eh ben... rien, on peut rien pour toi. J'aime beaucoup.

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