mercredi 1 décembre 2010

Quand le masque tombe

Pas d'enjeu, je suis décontractée. Dans l'ascenseur, je sens une petite montée d'adrénaline, mon coeur bat plus fort. Oups. Le trac.

Après quelques minutes d'attente, je rentre dans une pièce. Six personnes, pas moins. C'est un entraînement mais je veux me mettre dans la peau de la candidate qui veut ce job à 100%. L'élu présent - c'est pour une municipalité, je vous le rappelle - décline mon identité en lisant mon CV, avant d'ajouter : "et vous habitez Le Mans..."

Damned. Je suis cernée. Je ne peux pas mentir. Obligée de lever le masque, d'entrée, et d'expliquer que j'ai envoyé ma candidature entre deux cartons, que j'ai depuis déménagé à Nantes et que voilà, quoi... Pas facile maintenant de faire comme si de rien n'était. L'élu poursuit:

"Et vous êtes mariée?"

Je ne vois pas trop le rapport, mais... Je réponds par la négative.

"Non, parce que je vois "un enfant".

Et voilà comment j'ai dû me justifier sur la pertinence de mon départ à Nantes, eu égard à ma volonté de concilier vie professionnelle et vie familiale, blablabla.

Pour le reste, aucune question-piège du genre vos qualités/défauts, un jury plutôt attentif et d'autant plus que l'élu a quitté la pièce très vite (était-il là uniquement pour démarrer les hostilités?). J'étais rouge comme une pivoine, la faute à un chauffage trop fort (et sans doute au stress, j'imagine), je ne cessais de parler avec les mains mais à part ça, je n'ai pas l'impression de m'être démontée.

Le responsable m'a demandé, au vu de ma situation géographique, "alors, comment ON fait?", ce qui m'a laissé penser que j'avais sans doute des chances de décrocher ce job, et que j'en aurais encore aujourd'hui si j'annonçais mon retour au Mans. Mais tout cela n'est qu'hypothétique et je ne doute pas que ma candidature a été logiquement rejetée.

C'est drôle, la vie. Obtenir un "vrai" boulot m'aurait enlevé un sacré poids des épaules. J'aurais eu l'impression, paradoxalement, de souffler et de reprendre une vie sociale et personnelle normale sans avoir à caser Loulou sans cesse chez mes parents comme je le fais actuellement, pour bosser sur mes missions ou sur Poney. J'aurais pu recommencer à glandouiller le dimanche comme je le faisais parfois, de temps à autre, lorsque j'étais dans une vie active salariée. Revoir des amis, les recevoir à dîner, pour l'apéro, que sais-je. Au lieu de m'enfermer comme je le fais, en tête à tête avec mon ordi. Au lieu d'annuler un week-end ou des soirées sympas, comme j'ai été contrainte de le faire.

Drôle de sentiment qui m'anime en ce moment, partagée entre l'enthousiasme de ce nouveau départ et le caractère pathétique de ma vie actuelle où je prends toutes les missions que l'on me propose, quitte à ressembler à un zombie et ressentir quelques palpitations, parfois. Juste pour manger, bien sûr (quoique, j'aime vraiment ce boulot de retranscription, finalement, plein d'enseignements), mais aussi pour rester dans l'action.

Et alors que l'angoisse m'étreint parfois, au coeur de la nuit, alors qu'un poste "fixe" m'est présenté sur un plateau d'argent, je sabote ma propre candidature. Je choisis la voie de l'incertitude, de la précarité.

Je ne suis pas démunie, je n'ai jamais autant passé de soirées à bosser de ma vie, jamais autant écrit. Je remplis le vide sans savoir de quoi demain sera fait. Mais je sais une chose: j'ai bel et bien tourné une page et ma vie se construira ici, maintenant, parce que ce n'est pas logique mais excitant. Parce que je défriche ce terrain nouveau et que j'ai retrouvé mon optimisme.

Parce que, de toute façon, la certitude et la voie tracée m'emmerdent profondément.

4 commentaires:

  1. Y a-t-il un copyright pour la dernière phrase que j'aime, adopte et garderai pour devise ? Bienvenue dans ta nouvelle vie Stéphanie. :)

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  2. Vas-y, fais-toi plaisir, je crois bien ne rien avoir inventé;)

    Qu'est-ce qu'on est bien, dans cette vie à remous, quand même, d'où jaillit sans cesse la lumière, malgré les nuages toujours plus gros que forment le désarroi et le désoeuvrement..;

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  3. Tant qu'il y a de la lumière...
    Anne-Sophie a raison, ta dernière phrase est magnifique.
    Bises, la Mouette.
    Thierry

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  4. ça aura au moins eu le mérite de te montrer clairement où est ton chemin.

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