Voilà. C'est officiel. Demain, je rangerai mes affaires, sans même avoir besoin d'un carton, et je pousserai pour la dernière fois la porte du restaurant. Sans plus de regret ni d'amertume.
La pilule est passée.
Après trois premières semaines passées sans stress ni pression particulière, le vent avait tourné, en cuisine. Le chef, impatient et un rien ronchon, tournait en rond et marmonnait dans sa moustache sans jamais vouloir répéter ce que je supposais des pensées intérieures qui auraient involontairement rippé vers le système sonore.
Je vous jure, c'est bizarre.
Avant d'être prise dans ce restaurant, il avait été beaucoup question de pâtisserie. La boss voulait de nouveaux desserts et mon goût prononcé pour la chose l'avait forcément séduite.
Pourtant, j'ai vite compris qu'au delà des jolies intentions, il y a la réalité, celle d'un restaurant ouvrier où, ce qui compte, c'est le buffet d'entrées.
Le reste, on fait comme on peut. Les crèmes brûlées sortiront toujours d'un carton, les mousses au coco aussi, poudres industrielles censées en mettre plein les yeux à des clients que l'on suppose non friands de sucré - ou dont le palais ne serait pas éduqué pour distinguer du fait maison d'un ersatz en paquet.
Je me suis donc résignée, m'offrant le luxe de confectionner quelques desserts ça et là, au moment du service, entre deux allers-retours à la plonge ou en salle. J'allais devoir être patiente. On me demandait de me concentrer sur le froid? Je me concentrais dessus.
De l'extérieur, ça marchait. Pourtant, je sentais un truc pas net, pas franc du collier. Et c'est une vraie claque que j'ai prise lorsque la boss m'a fait part de ses doutes. Oh, non, elle ne me reprochait rien, bien sûr! Elle me disait même "très courageuse".
Simplement, m'a-t-elle dit, je n'avais pas "l'expérience de la restauration ouvrière".
Dit la dame qui avait vu mon cv, demandé à me voir à plusieurs reprises avant l'embauche, à me tester en cuisine, à me tricoter encore au téléphone.
...
La vérité, vous comprenez, c'est que "je ne suis pas du métier."
Et pour le chef, c'est juste pas possible.
Passée la stupeur, j'ai réfléchi. Me suis demandé où était ma place. J'avais pris ce travail comme une étape vers autre chose. Je m'étais investie dedans, malgré les quelques désillusions concernant mon rôle réel et l'absence de pâtisserie, alors même que ma double casquette avait alors joué en ma faveur au moment de mon embauche.
Je pouvais encore m'accrocher. Et titiller la patience du chef.
Soyons honnête, je n'avais pas envie de me sentir une petite chose en cuisine comme je l'ai ressenti par moment.
J'aurais donc passé deux mois là-bas. Une fois dans ma vie, j'aurais été officiellement commis de cuisine.
Une fois encore, l'inquiétude et la déception sont passées. J'ai comme l'impression que l'aventure, elle, ne fait que commencer...
Une expérience de plus, une ligne de plus sur le CV, c'est tout benef.
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