lundi 20 mars 2023

Les chemins sont à tout le monde (et tout le monde suit son chemin)


 L'air est un peu frais mais les bourgeons, comme les effluves fleuris, ne trompent pas. Le printemps est là. A titre personnel, c'est la troisième saison que je vois s'égrener sous mes yeux, dans une vie nouvellement ralentie. J'ai été arrêtée au début de l'automne, j'ai passé l'hiver au chaud et voilà que le printemps survient plus vite que je ne l'avais imaginé.

Hier, dimanche, j'ai mis le nez dehors pour courir - une fantaisie en ces temps d'asthénie exceptionnelle. Au delà de mon besoin de souffler, après un bon premier parcours, j'ai ressenti une envie folle de m'arrêter pour plonger mon regard dans cette Loire un peu obscure, mais au pouvoir hypnotisant intact. Pour respirer et pour savourer, aussi, les premiers signes du renouveau.

Un rien euphorique, j'ai marché, comme seule au monde au milieu des arbres fleurissants, jusqu'au bout de cette petite île, près de chez moi. Et là, j'ai réalisé, non sans effroi, à quel point je suis auto-centrée actuellement: j'ai senti en moi cette légère pointe de déception en découvrant un couple déjà sur ce bout de terre, que j'imaginais mien.

Comme si le sentiment que la nature nous octroie généreusement d'être unique, quand on la côtoie avec émerveillement, s'estompait au fur et à mesure que d'autres silhouettes que la sienne se dessinent sur ces chemins.

J'ai eu soudain un goût amer et, pour tout dire, un léger sentiment d'imposture et de prétention.

Oui, les chemins sont à tout le monde. Qui es-tu, toi, pour imaginer fouler seule ces sentiers accessibles à tous? Qui es-tu, toi, surtout, à asséner tes certitudes sur la nécessité de la lenteur ou le bonheur de puiser la grâce où elle se niche, selon ta propre expérience ? Je me sens tellement libérée de vivre un quotidien calme et serein que je me découvre parfois un peu prosélyte, à vouloir convaincre que ma vérité est forcément la bonne, qu'il faut vivre le temps présent et conjuguer son existence avec un lâcher-prise permanent. Cesser de râler et profiter de notre chance.

Vivre le temps présent? En soi, personne ne le contestera. Mais ceux pour qui la vie rime avec vitesse et adrénaline, ceux qui ont la tête dans le guidon - de façon volontaire ou non - ceux dont la charge mentale pèse plus lourd qu'un 49-3 sur une démocratie, pourraient y trouver à redire.

Après tout, libre à chacun de suivre la voie qui le comble. D'ailleurs, ce qui me convient aujourd'hui m'aurait sans doute horripilée autrefois. Et j'imagine comme ça doit être agaçant d'entendre ces injonctions au bonheur quand tu croules sous les emmerdes et les contraintes - ce que ma vie m'épargne actuellement, merci les bénéfices indirects de la tumeur cérébrale, ah ah ah.

Simplement, je crois avoir compris très récemment pourquoi j'avais besoin à ce point de courir, d'être toujours pressée et dans l'action. Il m'a paradoxalement fallu du temps pour ce faire. Aujourd'hui, je ressens un véritable rejet de cette vie de stress. Je ne veux plus jamais vivre ainsi (Je radote un peu, non?)

Pourtant, ça m'a convenu, des années durant. Je ne me sentais pas malheureuse. J'avais juste la sensation de louper des choses, ça oui, parfois même relevant de l'essentiel. Mais je n'étais pas prête à le reconnaître, à admettre que cette façon de vivre n'était que la parade que j'avais trouvée à une faille plus profonde.

Comment ai-je commencé à déchirer le voile sur mon propre fonctionnement? En écrivant. J'ai enfin mis ma flemme de côté (enfin, elle revient souvent, cette vilaine), pris mon ordinateur, ouvert un nouveau fichier pour coucher mes pensées.

Là encore, j'ai réalisé ma prétention. J'imaginais pouvoir écrire d'un trait, ou presque, mais la censure personnelle subsiste encore et je dois lever quelques blocages. Je sens les résistances, la difficulté à me concentrer longtemps sur la tâche, le besoin de solitude couplé à l'envie d'aller puiser mon inspiration dans la nature...

Mais j'écris. Doucement. Rien ne presse et je ne suis sûre de rien. Mais, en revenant sur mon passé via ce texte au titre encore provisoire, je m'offre, je l'espère, la promesse d'un renouveau souriant.

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