"Eh ben, si je prenais une photo de ça, ils seraient drôlement déçus, vos lecteurs!"
Il s'esclaffe.
"Il", c'est le chef de cuisine au centre de formation.
"Ça", c'est la tarte aux fraises et crème chiboust que j'ai préparée ce midi pour le "perso". Livrée avec pâte friable et crème dégoulinante. Yummy...
Depuis ce vendredi et jusqu'à la fin de la semaine prochaine, j'ai été désignée "chef" de notre cuisine de stagiaires, parce que je fais un peu partie des murs, au centre, par rapport aux jeunots qui viennent d'entrer en formation. J'en étais très heureuse. Les tâches sont multiples, on délègue, aussi, et on fait le miam miam pour nos petits camarades cuisiniers et serveurs.
Et c'est la déception.
Pour le chef et pour moi.
J'ai l'impression d'avoir perdu tout le fluide. Plus rien ne marche, je foire tout. Jeudi, je l'ai joué trop cool, alors que j'étais aux desserts. Et hier, alors que je me suis pourtant concentrée, rien n'est allé comme il faut. Impossible d'apprivoiser ma pâte ni de dresser les fraises sans qu'elles s'effondrent, tandis que mon rôti était tout juste cuit.
Soyons honnête : j'ai quitté le lieu en ravalant mes larmes et en m'interrogeant très sérieusement sur mes compétences et mes chances d'y parvenir.
Me suis-je vraiment mis le doigt dans l'œil? On peut être passionné sans être doué et, à un moment donné, ça se voit vraiment.
Je me flagelle? Non, non, j'écoute juste les commentaires du chef et, si j'ai le malheur de reprendre confiance, je songe à sa moue...
Une seule solution, je crois: potasser. Bosser. Ne pas lâcher l'affaire. Car j'ai toujours envie de tracer ma voie en cuisine et pâtisserie... Même si je ne peux m'empêcher d'imaginer, parfois, une volte-face qui me remettrait sur les rails de l'écriture, ou ce qu'il en reste dans le journalisme actuel.
C'est un bon coup de pied aux fesses que j'ai reçu. Je doute simplement quant à ma capacité à remonter la pente, malgré l'alerte. Suis-je capable de sortir des plats beaux, bons et réalisés avec les techniques supposées maîtrisées? De respecter le timing? De ne pas m'emmêler les pinceaux et de respecter les consignes?
Le pire, c'est que je ne cesse d'encourager les nouveaux, je leur dis combien on ne leur demande pas l'impossible, qu'ils sont juste là pour faire, apprendre et prendre plaisir.
Moi, j'ai fait, appris et j'ai pris du plaisir. Mais là, j'ai raté un épisode, je crois, et je crains déjà d'être le bonnet d'âne de cette promo, sorte d'électron libre qui comprendrait, enfin, qu'on peut rêver un destin, mais que ça ne suffit pas pour le vivre.
Je vais me cacher dans une grotte et je reviens. Haut les cœurs :)
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