mercredi 2 avril 2014

La différence entre chômeuse et chômeuse

Il n'avait pas envie de se lever, ce matin, Loulou.
 
Comme tous les matins, chaque fois qu'il y a école, en fait.
 
Donc, souvent.
 
Sinon, quand on peut dormir, genre, le samedi ou le dimanche, il se lève à 5h26, 6h54, 7h23, ce style de créneaux, vous voyez bien.
 
Il pourrait peut-être bosser à la sncf, un jour, il est bien conditionné.
 
Ah oui, mais non. Je vous disais que tous les autres jours, mercredi compris, il employait la technique de la colle imaginaire : il fait semblant d'avoir les fesses collées aux draps, alors je suis obligée de le décoller du lit, mais comme j'ai un balai persistant dans le dos, ça marche moyen, il rebondit tel un élastique dans la couette et ça finit par le cocktail énervant "dépêche-toi-habille-toi-viens-manger-lave-toi-les-dents-dépêche-toi-on-va-être-en-retard-ton-cartable-ton-cartableeeeeee-un-jour-tu-oublieras-ta-tête-mon-dieu-à-cause-de-toi-je-sors-les-mêmes-rengaines-énervantes-de-ma-maman-quand-j'avais-ton-âge-mais-dépêche-toi-on-va-être-en-retard-dépêche-toi-tu-es-en-retard-bonne-journée-mon-Loulou"
 
Et là, je peux me brosser pour le bisou, "parce que je t'en ai déjà fait cinq ce matin".
 
Ah, ok. Pourtant, j'étais lavée et habillée, c'est ce que je lui ai dit pour ma défense, comme un fait exceptionnel qui justifierait qu'il montre quelques signes d'affection, voire des effusions de joie, envers sa maman chérie.
 
Celle qui le décolle du lit tous les matins. Ah oui. Ça, c'est grave. En plus, il estime que c'est un peu de ma faute, ce rythme infernal, parce que s'il a maintenant école le mercredi, aussi, c'est de la faute de François, et donc de la mienne, parce que j'ai donné ma voix au président, il y a fort longtemps (avant la désillusion, je veux dire).
 
Alors, se lever tous les matins de la semaine, c'est grave, fatigant et un rien injuste, à ses yeux, je le sens bien.
 
"Bah oui, toi, tu travailles pas, tu peux aller te recoucher après, alors que pour moi, c'est trop duuuuuuuur"
 
Là, la fierté - que j'ai retrouvée et qui était cachée derrière madame-la-dépression, tout bêtement - me secoue. Je m'entends dire:
 
"Ah mais non, Loulou, tu te trompes. Certes, je ne vais pas tous les matins au bureau, mais je travaille, sur mon projet."
 
Il dévale les escaliers, se tourne vers moi et, avec son air un rien tête à claques (les hormones, les hormones), m'assène:
 
"Ouais, mais t'es quand même chômeuse!!"
 
Ma fierté hurle, au fond de mon être, et insiste:
 
"Certes, mais ce temps me permet d'avancer sur mon projet, pour avoir un vrai métier ensuite."

(Parfois, je prend un air solennel, on dirait que je veux me convaincre que je suis sérieuse en fait. Il y aussi l'idée que je suis sa maman, pas sa copine, non mais oh, ça va, hein.)
 
Il remonte, visiblement avec une idée en tête, tant il semble déterminé.
 
"Mais alors, je comprends pas, avant (sous entendu, quand tu étais en pilou et ravagée par la dépression), tu étais bien chômeuse?
 
- Oui.
 
- Ben alors, c'est quoi la différence avec maintenant?"
 
Sur ce, il est parti vider le tube de gel sur ses cheveux, parce que les hormones le travaillent et que c'est trop bien d'être coiffé comme un pouilleux au cuir chevelu gras.
 
Moi, je me suis vue dans le miroir. J'étais habillée, et même bien rhabillée pour l'hiver, tiens.
 

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