Mercredi matin, j'ai renoncé à l'expédition. J'étais pas prête.
Presqu'un mois que l'on est confiné, quelques cagettes de légumes livrées... mais là, mon frigo commençait à ressembler au désert de Gobi. Quand on a un bouledogue à la maison (= un ado de 16 ans), les stocks finissent par s'épuiser. OK, tu as besoin de faire tes courses, c'est quoi le problème? Disons qu'une virée dans un supermarché est difficilement compatible avec ma parano montante.
Après une nouvelle nuit agitée, allez, j'ai vaincu ma peur. Direction... Métro. Comme un supermarché, mais avec beaucoup moins de monde et des allées immenses. Alleluia. Ce matin, j'ai même cru que les gens exagéraient, sur les réseaux sociaux, que, en fait, les Français respectaient vraiment le confinement. Des rayons pleins de pâtes, de PQ, pas un chat... RAS.
Pour vous situer, je n'ai mis ni gants, ni masque. Je me suis juste lavé les mains avec du gel hydroalcoolique et je suis repartie, avec mes piles et ma ramette de papier (et un gros plein, quand même, c'est pas comme si j'avais eu zéro euro ce mois-ci) (Bref).
Et là, l'audace s'est emparée de mon cerveau malade. J'ai voulu faire un complément de légumes et j'ai filé au magasin bio, près de chez moi. Erreur.
Entre ceux qui te regardent parce que tu n'as pas ton masque (autant vous dire que j'ai mis aussitôt celui que l'on venait de me donner), celui qui se croit plus fort et qui touche toutes les bananes sans gant et qui se colle quasi à toi (= à 50 centimètres, warning) et la dame qui se met à quinze mètres de toi tellement elle transpire de peur, tu n'as qu'une envie: être téléportée chez toi. Vite.
On est bien, chez soi, au chaud :) |
Comme tu as attendu une bonne vingtaine de minutes pour rentrer dans le magasin, tu restes. Tu rentres, tentes de te faufiler sans toucher quoi que ce soit, sinon les articles que tu frôles de tes doigts gantés, et tu attends patiemment de passer à la caisse. Forcément, tes oreilles traînent un peu et là, tu tombes en arrêt. La personne derrière toi, au téléphone avec sa "princesse", sa "puce" et sa "chérie", l'invite pour demain soir: "On fera un petit barbecue, d'accord?"
Euh, j'ai mal entendu?
"Tu feras attention", poursuit la dame sexagénaire, "parce que les contrôles routiers, c'est plutôt le soir. Mais viens dès que tu veux, d'accord, ma princesse?"
OK. Et là, tu te sens dans la peau d'un collabo qui a envie de balancer. Tu résistes, parce que tu n'es pas la police. Et tu sens cette espèce d'ambivalence en toi, entre la joie d'une humanité retrouvée d'un côté, depuis le début de la crise, et l'égoïsme latent de l'autre, exacerbé.
Devant moi, à la caisse, un monsieur a demandé s'il était possible de faire des sous-totaux, parce qu'il faisait des courses pour plusieurs personnes. La caissière a acquiescé, assurant que c'était devenu monnaie courante depuis un mois, et j'ai été rassurée, un peu, quant à l'esprit solidaire qui peut régner.
Rassurée, oui, mais pas tant qu'en rentrant chez moi, quand j'ai refermé la porte derrière moi. Comme si notre maison, devenue prison dorée, était le refuge face à la connerie de certains. Plus virulente encore que tout le reste. Et hélas résistante à tout vaccin.
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