mardi 7 avril 2020

Liberté retrouvée, liberté aliénée

Hier soir, avec une copine entrepreneuse (entendez, dans la même galère, mais toujours optimiste!), on s'est fait un petit délire sur le monde d'après. Au départ, on parlait sport (celui que je veux et dois faire pour dégripper cette vilaine graisse qui est en train de s'accumuler, là) et elle, grande sportive accro à ses séances, me montrait (par messenger, hein, on s'est fait pas une sortie tupperware à la maison) une figure acrobatique improbable.

Fingers in the noise, hein :)


Comment vous dire. Même quand j'avais 5 ans et que je faisais moins de 30 kilos, je n'aurais pas pu, alors imaginez à 45 balais, 4 tendinites aux bras et les effets du confinement. Elle, si gracile, m'assurait s'en sentir également incapable. Ou alors, bien saoule. Je lui ai donc lancé un défi: y arriver pour notre apéro géant de fin de confinement.

Avec 4 grammes dans le sang, on n'est pas à l'abri d'un exploit.

Et c'est là que sont venus les délires. De vraies petites paranos, toutes les deux. Un apéro géant? Oui, mais à l'extérieur. Avec un masque pour boire - drôlement pratique - et des gants - ça va glisser et on aura du talc partout à chaque fois qu'on les enlèvera. On se tartinera les mains de gel hydroalcoolique entre deux coupettes, avant de se gratter le nez et de se dire que c'est une mauvaise idée. C'est pas bon, cet alcool-là.

Ma copine rigolait. Et puis elle a reconnu qu'elle allait avoir un bug, après. "Je changerai de trottoir." "Je regarderai les gens chelous" "J'aurai des gants"...

Autant de prédictions à la fois improbables et justifiées, dans ce monde où on déploie désormais des drones dans le ciel parisien pour rappeler aux idiots qu'ils n'ont rien à faire dans la rue. Dans ce monde où nous sommes tracés avec notre portable, où certains doivent passer le test du thermomètre frontal pour circuler. Dans ce monde insolite sorti tout droit de l'imagination dérangée des scénaristes de Black Mirror mais... qui est le nôtre.

Au delà de cet apéro, on continuera de s'écrire des petites attestations dérogatoires de sortie, même pour aller pisser. Et on va se faire greffer un patch alarme: chaque fois que quelqu'un s'approchera trop de nous, bip bip. Je vous explique pas, le taux de natalité va chuter en flèche à ce rythme. Des gens écriront des thèses sur : "L'amour après le confinement" ou "Liberté retrouvée, liberté aliénée". Les magazines féminins titreront :"Comment copuler sans se toucher"; " Séduire en restant à deux mètres" "Les 50 caresses par le regard". On aura des tutos sur Internet: "Comment débrancher temporairement le patch" "Réinitialiser le patch en 3 minutes sans danger" et "garder le lien sans couper le fil."

Il y a des bons côtés. Terminé, les mains au cul dans le métro! La Schiappa va pouvoir s'occuper de tous les dossiers en cours, sans avoir à pénaliser les pratiques relous des mecs dans la rue, ça se fera automatiquement! Fini, les embrassades multiples quand t'es le dernier à arriver dans une soirée. Fini, l’écœurement refoulé à l'approche d'un pue-du-bec, plus besoin d'être en apnée, on pourra même respirer librement (bon, avec un masque, hein), sans avoir peur de le blesser.

Le truc de fou, c'est qu'avec nos nouvelles habitudes dignes des plus grands hygiénistes, on pourra même prendre les cacahuètes posées sur le comptoir, subitement immaculées et vierges de toute urine.

Ah oui, j'suis bête. J'oubliais que les cacahuètes, euh, comment dire? Ça va pas m'aider pour lever mon popotin et copier la dame.


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