jeudi 19 mars 2020

Détox

Mon ado - expert en confinement haut la main - a eu la bonne idée de faire son devoir d'espagnol hier soir, sans brancher son portable. Résultat, à minuit, il a frappé un grand coup sur son bureau en pestant.

Bêtement, moi, je dormais. Réveillée par cette colère rare chez cet être souvent impassible - il avait perdu toutes ses données - j'ai cherché tant bien que mal le sommeil et j'ai fait ma folle. Résultat, je suis rentrée tard, à plus de 3h du mat'...

Rassurez-vous, dans les bras de Morphée. Pas dehors.

Depuis hier, j'ai envie d'étrangler tous ceux qui m'expliquent que, vous comprenez, les enfants, faut qu'ils se dégourdissent les jambes, alors ils peuvent bien sortir faire du vélo et de la trottinette. En plus, il fait beau, ce serait criminel de les laisser enfermés... Ben voyons.

Mais non, les gens. Qu'est-ce que vous ne comprenez pas dans : "Restez chez vous"? Vous attendez d'être tous touchés pour vous réveiller et cesser de proclamer des "droits"? On a le droit de sortir pour s'aérer, on a le droit d'aérer nos chères têtes blondes, on a le droit de...

On a le droit de réfléchir, surtout. N'est-ce pas le sens de toute cette tourmente?

Cette pause imposée dans nos vies de dingue ne pourrait-elle pas s'avérer salvatrice pour l'avenir de la planète?

On est d'accord, on se passerait bien d'une pandémie pour ouvrir les yeux des êtres humains. A mon père, qui s'interrogeait sur l'arrivée de ce virus en Chine et son évolution ici, j'ai répondu en riant que c'était sans doute un coup de Greta Thunberg, laquelle, dans un effet de radicalité implacable, aurait lancé ce virus pour imposer au monde la décroissance.

Je plaisantais mais il n'empêche, nous avons besoin de changer. A cet égard, je vous conseille vivement de voir ou de revoir ce petit film sur la troisième révolution.


Une façon poétique de nous dire que nous sommes dans le mur, en vrai. Nous sommes en surchauffe et je trouve là un parallèle avec mon cheminement personnel depuis quelques mois. En effet, après plus de trois ans consacrés au développement de mon entreprise, j'ai été stoppée (presque) net dans mon élan en mars, il y a pile un an. Une première douleur au poignet, et puis une autre au coude. Une attelle et puis une douleur au coude gauche, puis au poignet gauche. A Noël, mes épaules étaient également douloureuses. Quatre tendinites, la crainte de devoir tout arrêter...

On m'a parlé d'arrêt, d'opération... J'ai dû être arrêtée, oui, sans gros résultat, mais en tirant profit de cette première pause imposée pour réfléchir au sens de tous ces efforts, de cette course contre la montre perpétuelle, me laissant souvent exsangue et frustrée. Frustrée de ne plus voir personne, frustrée de ne plus pouvoir déconnecter, frustrée de ce sentiment de passer à côté de sa vie à force de vouloir embellir - à ma petite échelle - celle des autres.

Depuis le début de l'année, j'avais ralenti le rythme. J'ai beaucoup culpabilisé de ne faire qu'une dizaine d'heures par jour (si, si) et d'avoir mes dimanches. Je savais que mes décisions avaient des répercussions économiques immédiates. Moins de production = moins de chiffre d'affaires.

Mais j'avais le sentiment de retrouver le bon chemin, celui où je respectais enfin mon rythme biologique, ma vie de famille. Tant pis si ça m'empêchait de me payer un mois. C'était comme une détox, un truc un peu rude à vivre, où tu es en manque, clairement, mais qui va te permettre d'adoucir ta vie derrière.

En attendant, on peut commencer par la détox à proprement parler


Lorsque, samedi, le gouvernement a annoncé la fermeture des restaurants, j'ai voulu résister. J'ai voulu proposer de la vente à emporter, des plats livrés, à la fois dans une envie de me rendre utile mais aussi pour pérenniser ma boîte.

L'attitude des supposés pros chez un grossiste a fini de m’écœurer. Des gens censés être responsables, qui remplissent le chariot plus que de raison, qui ont vidé les rayons. Certains avec des masques. S'ils sont malades, que faisaient-ils là? S'ils étaient fragiles, que faisaient-ils là?

Pas l'Union Soviétique, non. Métro, lundi matin.


Ce que je vous raconte est tristement banal et je n'ai pas la prétention de vous apprendre quoi que ce soit. Je veux juste partager avec vous l'impuissance et l'espoir mêlés que je ressens. Je dois renoncer à convaincre des personnes égoïstes et individualistes de changer leur comportement. C'est à nous, que l'on considérera sans doute comme des utopistes, d'aller semer notre petite graine, de prendre soin de nous et des autres.

Et, avant même d'évoquer la survie plus large de la planète, ce qui nous est demandé n'est pas méchant. Rester chez soi. Ça va, on a eu des consignes pires dans la vie, non?

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