vendredi 20 mars 2020

L'histoire du hérisson et du grain de beauté arraché

Drôle de journée aujourd'hui. Vous allez me dire, en temps de confinement, quelle journée serait autrement? Pourtant, autant j'avais un peu mis "à profit" si l'on peut dire, les premiers jours de ce nouveau quotidien, autant j'ai patiné pas mal, privée d'envie.

La deuxième insomnie de la semaine n'est sans doute pas étrangère à mon état léthargique. Mais ce matin, pas moyen. Pas moyen de détourner mon attention des informations, des trésors d'imagination relayés sur Facebook, de mes mails, espérant je ne sais quelle bonne nouvelle.

Alors, après le déjeuner, j'ai franchi le seuil de ma porte d'entrée... pour sortir la poubelle. Oui, je sais, je déploie une audace folle. Et là, ma voisine, avec qui nous avions échangé quelques inquiétudes une heure avant - elle dans la rue, moi dans le jardin - m'alerte:

"Un hérisson est coincé dans votre grillage!"

C'est dingue comme un micro-événement comme celui-ci peut faire basculer votre journée. La pauvre bête était bloquée, les petites pattes en l'air, sans aucun moyen de se dégager. Mon voisin est donc arrivé à la rescousse, a découpé le grillage et le hérisson a été libéré, non sans mal, tout gonflé de peur. La voisine l'a saisi avec ses gros gants de jardinage et est allée le déposer dans les feuillages, plus loin.

J'ai trouvé que cette boule ressemblait au virus. La même forme, cylindrique, pointue, un peu étrange. J'aurais aimé que l'on puisse ainsi s'en débarrasser aussi facilement. C'est moins facile, en vrai.

J'ai pensé que j'avais eu mon compte d'émotions pour la journée (on est peu de choses). C'était compter sans mon ado, lequel a eu une riche idée aujourd'hui: gratter jusqu'à l'infection un grain de beauté qui le gêne, pour... l'arracher. Hum.

Evidemment, je ne l'ai pas vu tout de suite car le malin avait caché la plaie avec un foulard (oui, depuis le début du confinement, mon fils se couvre le torse d'un foulard et les jambes d'un plaid, façon toge) (oui, mon fils a toujours eu un sens inné du style) (oui, je m'inquiète) (bref).

Depuis, ça s'est empiré. Miam.

Lorsque j'ai découvert l'ampleur du désastre, comment vous dire... J'ai laissé échappé un léger cri. Avec le sens de la mesure qui me caractérise, j'ai tout de suite évoqué un cancer, les souffrances et la mort imminente. Je vous passe mon chagrin éternel et ma culpabilité, celle de ne pas avoir pris RDV à temps chez un dermato. Mon ado m'a regardé, un peu atterré, du genre "ben quoi" et en relativisant simplement: "Au pire, je mourrai".

Ben oui, c'est simple, non?

Sérieusement, qu'a-t-il pu se passer dans sa tête pour se mutiler ainsi? Les hormones? De la pure provoc? Une envie irrépressible de pimenter notre vie, de mettre quelques notes de Walking Dead dans notre joyeux quotidien?

Je ne le saurai jamais. Je sais seulement qu'au niveau timing, on est bien. C'est vraiment une bonne idée de s'arracher un grain de beauté alors que tous les médecins sont mobilisés pour une pandémie. Nickel.

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