mardi 31 mars 2020

Splendeurs et misères (yin et yang, part II)

Aujourd'hui, j'ai rempli une attestation de déplacement dérogatoire... pour recharger ma batterie de camion, tombée à plat. J'ai fait le tour du quartier à plusieurs reprises, sans sortir une seule fois de mon véhicule, mais enfin, on ne sait jamais, hein.

J'ai roulé mon petit quart d'heure et j'ai laissé tourner autant la voiture, stationnée devant chez moi. Batterie rechargée. Victoire du jour. On sort le champagne?

...

Voilà à quoi en sont réduites nos petites vies. Se faire un mot pour sortir quelques minutes. Dingue. Se réjouir de micro-événements. Envisager de boire sa coupette comme ça, toute seule.

Car je ne sais pas vous, mais c'est vrai que l'on finit par se contenter du peu que l'on a actuellement. Une journée qui se passe bien avec un ado = bonheur. Un pain réussi = bonheur. Une conversation téléphonique enjouée = bonheur.

Ce petit côté bisounours qui s'empare de vous permet de contrecarrer quelques douloureuses expériences du confinement. Du genre, la rébellion du même ado, que vous êtes prêt à renier = douleur. Les heures passées à vous arracher les cheveux pour décrypter les aides gouvernementales = douleur. Les insomnies = douleur.

Et il y a aussi les pièges.

Le premier, c'est de penser que vous pouvez vous en sortir tout seul. Pour tout. Pour sortir les poubelles, prendre votre douche ou faire la cuisine, c'est vrai. Vous avez quand même pas mal d'autonomie - surtout passé 40 ans, comme moi - et puis, vous n'avez pas attendu le confinement pour vous y mettre, donc on ne vous la fait pas.

En revanche, question entretien, c'est parfois compliqué. Au hasard, la coupe de cheveux. J'ai résisté, afin d'éviter la coupe playmobil. Mais à force de me prendre des gadins dans la maison, je me suis dit que ça ne servait à rien de s'inventer des challenges à trois balles. Alors, j'ai pris les ciseaux et hop, la frange.

Hey, c'est presque droit.

Bon, même en temps normal, on a fait pire. Mais je suis pas fâchée que le confinement ait été prolongé, de ce point de vue.

Deuxième piège, penser que vous allez passer "juste" quelques minutes devant l'écran (télé ou portable) pour vous informer. Résultat, vous vous réveillez à deux heures du mat' sur le canapé, la tête comme une citrouille, en retenant que vous ne sortirez plus de chez vous avant 2070. Pas anxiogène du tout, absolument pas.

Troisième piège, tout miser sur le sport pour rester en forme. Et s'autoriser un petit chocolat (voire deux) parce que, quand même, vous avez bien sué sur votre stepper. Euh, d'habitude, vous dépensez environ quatre fois plus d'énergie par jour, donc le calcul est un rien faussé. Même si c'est pratique de penser que vous vous bougez le popotin.

Quatrième piège, prendre l'alcool comme un confident. Un verre peut vite devenir un réconfort facile et... dangereux. Moi qui suis souvent excessive, je m'en sors bien. Dix jours que la bouteille de blanc est ouverte et au frais, sans parvenir à la finir. Pas si évident de savourer l'apéro, même avec les copines en visio. Parce que pas la peine de se faire d'illusion, on est bien seul pour trinquer en vrai (c'est pas plus mal, en même temps) (pas la peine de les inventer).

Cinquième piège, vouloir faire son ménage de printemps trop vite. Hey, les gars les filles, on a le temps, hein! Pas la peine de tout révolutionner dans la maison, on y va pièce par pièce. Je vous parle en connaissance de cause: l'ado s'est mis en tête de ranger toute sa chambre. Super idée, un peu improbable, je l'avoue (mais on prend tout ce qu'on peut, je vous dis). Résultat, à secouer la poussière comme il l'a fait, il s'est mis à éternuer comme un dératé. J'ai cru qu'il était atteint par le sale virus... avant de réaliser que sa frénésie de nettoyage l'avait conduit à une pure allergie. Ce qui nous conduit à un sixième piège: croire que l'on va tous mourir.

Alors oui, au risque d'en décevoir certains (et vous m'en voyez désolée), on va tous mourir. Mais, un jour. Pas forcément là, maintenant, touchés par le Covid. Donc, quand ton gosse éternue et ressemble à un lapin nain avec ses yeux tout rouges et embués, c'est normal. Quand ta gorge te gratte très fort le matin, sachant que tu as piqué une crise de nerfs la veille contre l'ado qui a barré tout passage à l'étage pour ranger SA chambre, c'est normal. Tu as juste hurlé comme une hystérique et ça, les cordes vocales, elles sont pas fans.

Et quand tu te sens fatigué, c'est pas (forcément) le covid. C'est juste que le confinement, y'a pas à dire, c'est crevant. Sauf que pour te recharger, contrairement à la batterie de voiture, tu ne peux pas rouler. Tout juste te rouler en boule et, sauf preuve du contraire, c'est pas constructif très longtemps.

Même si mes chats tentent de me persuader du contraire.

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